Le fonctionnement du système nerveux Chapitre 1 : Les circuits neuroniques qui interviennent dans le réflexe myotatique 1) Le réflexe myotatique Tout début de perte d'équilibre est aussitôt rétabli par une contraction réflexe de muscles s'opposant à ce mouvement. Au repos, Un muscle n'est jamais entièrement relâché: il est en léger état de contraction appelé tonus musculaire. À l'augmentation de l'état de contraction d'un muscle (augmentation du tonus musculaire) correspond le relâchement du muscle antagoniste (diminution de son tonus musculaire). 2) L'étude d'un réflexe permet de préciser le mode d'action d'une partie du système nerveux Les chocs portés sur un tendon étirent le muscle qui aussitôt se contracte, provoquant un mouvement d'extension. Cette réponse est rapide, automatique, involontaire et stéréotypée: c'est un réflexe. Réflexe myotatique = contraction réflexe d'un muscle en réponse à son propre étirement. Ainsi, lors d'une perte d'équilibre, l'intervention de ce réflexe permet un ajustement du tonus des muscles extenseurs et fléchisseurs de l'organisme, ce qui permet un rééquilibrage automatique de la position. 3) Origine des réflexes Les réflexes, bien que parfois modifiés par l'apprentissage, sont des comportements innés. Ils résultent de la mise en place de circuits neuroniques lors du développement embryonnaire, sous le contrôle de nombreux gènes. Ex: Chez l'humain, les circuits réflexes de la marche ne se mettent en place que progressivement, après la naissance. C'est seulement 12 à 18 mois après que l'enfant peut marcher. 6 mois de plus sont nécessaires pour courir, avec l'aide des bras pour s'équilibrer... Tonus musculaire, rapidité et amplitude des réponses sont variables selon l'individu. Ils constituent un aspect de notre phénotype, traduisant des différences individuelles du génotype. 4) Les structures intervenant dans le circuit réflexe La contraction réflexe du muscle est l'expression du fonctionnement coordonné de différentes structures : Des récepteurs sensoriels, les fuseaux neuromusculaires. Ils sont. Localisés dans les muscles et sont sensibles à l'étirement provoqué par un stimulus mécanique: pesanteur, choc sur le tendon... Issus des fuseaux neuromusculaires, les neurones sensitifs conduisent des messages nerveux afférents jusqu'au centre nerveux du réflexe: la moelle épinière les neurones moteurs conduisent les messages nerveux efférents, élaborés dans la moelle, jusqu'à l'organe effecteur(muscle) La réponse obtenue est la contraction du muscle initialement étiré, provoquant l'extension du pied. Le trajet "aller/retour" suivi par le message nerveux du récepteur sensoriel jusqu'à l'organe effecteur constitue un arc réflexe.
Plusieurs types de neurones coopèrent dans un réflexe. Un neurone sensitif est une cellule de grande longueur (= dm), en forme de T. Une longue dendrite relie le récepteur sensoriel au corps cellulaire, situé dans les ganglions rachidiens, via le nerf rachidien. L'axone se prolonge jusqu'a la moelle épinière en passant par la racine dorsale. Les neurones moteurs (motoneurones) sont aussi des cellules géantes. Leur corps cellulaire est situé dans la substance grise de la moelle épinière et leur axone relie la racine ventrale à l'organe effecteur par l'intermédiaire du nerf rachidien. Un nerf rachidien est donc constitué des axones de ces deux types de neurones. La transmission du message nerveux, du neurone sensitif au motoneurone, s'effectue au niveau d'une synapse située dans la moelle épinière. La conduction du message nerveux s'effectue en sens unique dans l'arc réflexe. Pendant le réflexe myotatique, la contraction du muscle extenseur s'accompagne d'un relâchement du muscle fléchisseur. Un même message afférent entraîne deux réponses opposées de ces muscles. Ceci implique qu'il existe des liaisons entre neurones sensitifs et motoneurones des deux muscles antagonistes. On parle d'innervation réciproque. Le message nerveux afférent entraîne donc : - une stimulation du motoneurone du muscle extenseur (muscle + contracté) -une inhibition du motoneurone du muscle fléchisseur, par l'intermédiaire d'un interneurone, provoquant une chute du tonus de ce muscle (muscle - contracté). Animation: un arc réflexe et ses conséquences (flash, chargement rapide) Chapitre 2 : La nature du message nerveux 1) Le potentiel de repos Toute cellule contient autant de charges positives que de charges négatives: elle est électriquement neutre. Cependant, on peut enregistrer une différence de potentiel entre l'intérieur et l'extérieur d'une cellule. Cette ddp, variable selon les cellules, est appelée potentiel de repos ou potentiel de membrane (-70 mv dans le cas d'une cellule nerveuse). La face interne de la membrane plasmique est électronégative par rapport à la face externe qui est électropositive. Cette ddp est causée par une répartition ionique différente entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule, entretenue en permanence par des protéines enchâssées dans la membrane. 2) Le potentiel d'action. Lorsque l'on stimule une cellule nerveuse, celle-ci répond par une inversion brève et rapide de sa polarisation membranaire. La face interne de la membrane devient localement électropositive par rapport à la face externe (dépolarisation) puis la membrane se repolarise rapidement (repolarisation). Le retour au potentiel de repos peut être précédé d'une hyperpolarisation de la membrane. Cette inversion transitoire de polarité de la membrane est appelée potentiel d'action et constitue le signal nerveux élémentaire de toute cellule excitable. Ce signal peut être enregistré sur un axone géant (Calmar) ou sur une fibre nerveuse.
3) Les potentiels d'action se propagent le long des axones et leur fréquence constitue une information Les potentiels d'action se propagent le long des fibres nerveuses sous forme de salves ou de trains constituant le message nerveux. Leur forme et leur amplitude sont conservées sur toute la longueur de la fibre nerveuse, car ils sont régénérés de place en place à la surface du neurone. La vitesse de conduction du message nerveux varie de 1 à 100 m/s selon le type de fibres. Ceci explique la rapidité d'exécution des réflexes et des mouvements volontaires. La fréquence des potentiels d'action constituant le message nerveux est variable. Elle reflète l'intensité de la stimulation d'un récepteur sensoriel ou d'un motoneurone. Les messages nerveux sont donc codés par la fréquence des potentiels d'action conduits par une fibre nerveuse. Des stimulations d'intensité croissante portées sur un nerf entier, entraînent une augmentation de l'amplitude du potentiel global (contrairement à l'amplitude de la réponse d'une fibre qui est constante). Cette réponse graduelle montre un recrutement progressif des fibres nerveuses ayant un seuil de sensibilité différent. Le nombre de fibres nerveuses mis en jeu constitue également une forme de codage du message nerveux. codage d'intensité = fréquence / fibre + nombre de fibres recrutées 4) Des neurotransmetteurs permettent le passage de l'influx nerveux d'un neurone à un autre Les neurones communiquent entre eux, ou avec des cellules effectrices (comme la cellule musculaire) par des synapses. L'espace intersynaptique interrompt la propagation des potentiels d'action, qui sont relayés par des molécules, les neurotransmetteurs, qui assurent la transmission du message de la cellule présynaptique à la cellule postsynaptique. Le message nerveux présynaptique déclenche la migration de vésicules synaptiques contenant les neurotransmetteurs (5000 molécules / vésicule). Celles-ci fusionnent avec la membrane présynaptique (exocytose) et libèrent les neurotransmetteurs dans la fente synaptique. La quantité de neurotransmetteurs libérés dépend de l'amplitude du message nerveux. Ainsi, le codage en fréquence de potentiel d'action est traduit en codage chimique (concentration en neurotransmetteur au niveau de la synapse). Les molécules de neurotransmetteurs se fixent alors sur des récepteurs de la membrane postsynaptique. Cette fixation induit une augmentation ou une diminution du potentiel de membrane du neurone postsynaptique, générant ainsi un nouveau message. L'action des neurotransmetteurs est de courte durée, car ils sont rapidement inactivés (diffusion, hydrolyse enzymatique, recaptage). Une synapse peut être excitatrice, si l'activité de la cellule postsynaptique augmente, ou inhibitrice si elle diminue. 5) Les centres nerveux sont des lieux d'intégration des signaux neuroniques La présence de synapses excitatrices et inhibitrices permet de préciser le fonctionnement du réflexe myotatique. Les motoneurones impliqués dans le maintien de la posture présentent une activité de base responsable du tonus musculaire. Les messages nerveux afférents, provoqués par l'étirement des fuseaux neuromusculaires, entraînent:
- une augmentation de la fréquence des potentiels d'action des motoneurones du muscle étiré - une diminution (voire annulation) de la fréquence des potentiels d'action des motoneurones du muscle antagoniste. Le traitement des messages dans le centre nerveux permet ainsi la réalisation du réflexe. Le traitement réel est plus complexe: les motoneurones et les interneurones du réflexe myotatique sont également en connexion avec d'autres neurones provenant d'autres récepteurs sensoriels ou de l'encéphale (commande volontaire). Ils sont donc en permanence soumis à des influences stimulatrices ou inhibitrices de la part de ces neurones, et le traitement qu'ils effectuent entraîne une amplification ou une inhibition du tonus musculaire et donc des modifications du réflexe myotatique. Chapitre 3 : La plasticité cérébrale 1) Le cortex reçoit des informations sensorielles Le cortex sensoriel reçoit les informations en provenance des différents organes des sens. Il construit une représentation du corps, variable selon les espèces; ce qui montre que la mise en place des projections nerveuses vers le cortex sensoriel est déterminée génétiquement. Le cortex se divise en aires corticales spécialisées dans le traitement d'un type d'informations. Sa structure est en étroite relation avec le type d'information reçue. La surface cérébrale dévolue à un organe sensoriel est fonction de sa densité en récepteurs: elle privilégie énormément certaines zones, différentes selon les espèces (vibrisses des rats, doigts des humains...). L'exploration du cortex sensoriel conduit à une représentation mentale sensitive de l'organisme 2) Les neurones du cortex s'organisent en réseau et en colonnes Dans l'épaisseur des couches corticales, les neurones sont interconnectés, formant un réseau permettant l'échange et le traitement des informations reçues. Le cortex sensoriel peut être subdivisé en un certain nombre de modules élémentaires formant des colonnes de neurones. Toutes les cellules rencontrées dans une colonne répondent à des stimulations de même type, appliquées au même endroit de la surface du corps, mais elles ne répond pas à des stimulations appliquées dans des régions voisines. Les fibres aboutissent toutes dans la couche IV qui constitue la porte d'entrée du cortex. 3) Le développement des réseaux de neurones est sous contrôle génétique partiel L'étude de souris présentant des troubles moteurs (souris weaver, reeler) a montré que ces troubles s'expliquent par des mutations de gènes gouvernant la mise en place, au cours du développement embryonnaire, de réseaux de neurones dans le cortex du cervelet: en effet, toutes les souris atteintes d'un même trouble moteur présentent la même disposition aberrante de certaines cellules du cervelet. Des études récentes ont montré que la mutation " weaver " était une mutation d'un gène codant pour une protéine de la membrane de la cellule nerveuse.
Chez l'homme, l'étude de maladies rares comme certaines formes d'insensibilité congénitale à la douleur, a montré là aussi que les troubles sont d'origine génétique. Il s'agit d'une mutation qui empêche la croissance des fibres sensorielles assurant normalement la transmission des messages douloureux. Ainsi, la mise en place au cours du développement embryonnaire des chaînes de neurones, aussi bien dans le système nerveux central que dans le câblage nerveux périphérique, est, au moins en partie, sous contrôle génétique. 4) Les réseaux de neurones sont évolutifs, ce qui rend le cortex plastique Le cortex cérébral est le siège d'adaptations sensorielles et donc de modifications permanentes. L'utilisation préférentielle d'un organe sensitif va développer les réseaux de neurones de l'aire corticale correspondante (souvent aux dépens des aires qui l'entourent). Ces modifications sont la base de l'apprentissage, qui joue un rôle essentiel dans l'évolution permanente du cortex de l'individu. La modification de la topographie des aires corticales est en relation avec la modification de la morphologie des neurones: en modifiant leurs réseaux dendritiques, les neurones favorisent l'apparition ou la disparition de liaisons synaptiques: - A la suite de certaines lésions, des zones corticales nécrosées ne pouvant plus assurer leurs fonctions sont relayées par d'autres aires reprenant tout ou partie des traitements manquants. - Le développement de capacités sensitives extrêmes (violonistes, "nez", langage des sourds, aveugles lisant en braille...) entraine le développement des aires corticales correspondantes aux organes utilisés. Le cerveau se construit donc chaque jour à partir des expériences de l'individu. Plus il travaille, plus il devient performant mais aussi spécialisé, un capital que tout humain peut développer au long de sa vie. Ses capacités toujours en marche en font un organe complexe aux possibilités encore largement inexplorées.