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Pneumothorax (276) P. Thomas et P. Astoul Novembre 2005 1. Généralites 1.1. Définition Un pneumothorax est défini par la présence d air dans l espace pleural, avec en conséquence un collapsus partiel ou complet du poumon. 1.2. Intérêt Lorsqu il survient de façon spontanée, il constitue une pathologie dont la fréquence peut être estimée entre 1 et 2/10 000. Chez le jeune, il est la plupart du temps bénin. En revanche, il peut venir compliquer certaines pathologies pulmonaires chroniques et les décompenser. Lorsqu il survient dans un contexte traumatique, et alors souvent associé à un hémothorax, il est aussi un événement très fréquent qui ne requière habituellement qu un simple drainage thoracique. Son importance ne doit cependant pas être minimisée car il peut être le témoin d une lésion viscérale grave. 1.3. Physiopathologie La plèvre est une séreuse comprenant, en continuité, un feuillet pariétal (plèvres costale, diaphragmatique et médiastinale) tapissant le contenant de la cage thoracique et un feuillet viscéral en tapissant le contenu. Entre ces deux feuillets se trouve l espace pleural : espace de glissement essentiel à la mécanique ventilatoire et rendu virtuel par la pression négative qui y règne assurant le maintien de l'expansion pulmonaire. En cas de pneumothorax, le poumon élastique se collabe et se désolidarise de la paroi thoracique et du diaphragme dont les mouvements ne lui sont plus transmis, entraînant une hypoventilation des alvéoles pulmonaires. En outre, le collapsus pulmonaire entraîne un effet shunt droit-gauche qui aggrave l hypoxémie. En effet, la perfusion par l artère pulmonaire d une partie non ventilée du poumon, amène du sang non oxygéné dans l oreillette gauche puis la grande circulation. Le pronostic vital peut être mis en jeu ( pneumothorax suffocant ) en cas de pneumothorax bilatéral, lorsqu il existe une insuffisance respiratoire préalable, ou lorsque le pneumothorax est compressif. En effet, en cas de fuite aérienne importante ne pouvant s évacuer vers l extérieur, et lorsque ces conditions se pérennisent, le médiastin se trouve refoulé vers le côté opposé ce qui gêne la fonction du poumon controlatéral et plicature les veines caves, provoquant un arrêt quasi complet du retour veineux. Ce phénomène peut aboutir au désamorçage de la pompe cardiaque et au décès. 1.4. Anatomopathologie A côté des plaies et ruptures broncho-pulmonaires rencontrées au décours de traumatismes pénétrants ou fermés du thorax, certaines lésions pulmonaires peuvent être à l'origine d'un pneumothorax spontané: les blebs, véritable hernies de la plèvre viscérale de moins d un centimètre de diamètre siégeant à la corticalité de l apex pulmonaire, résultent de la rupture d'alvéoles par hyperpression et de l'acheminement de l'air à travers l interstitium jusqu à venir souffler DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 1

comme une bulle de chewing-gum la plèvre viscérale qui en constitue donc la paroi entre les limitantes élastique interne et externe et s en trouve alors fragilisée, les bulles d'emphysème: là encore localisées le plus souvent à l'apex et définies par une taille supérieure au centimètre en diamètre, elles procèdent d une destruction localisée du parenchyme auquel fait place un état d hyperinflation permanent. L étude histologique démontre que le poumon fait partie intégrante de la paroi bulleuse. Cette destruction est le plus souvent la conséquence du tabagisme (emphysème centro-lobulaire), les lésions dues à une maladie pulmonaire chronique diffuse fibrosante et/ou emphysémateuse (emphysème pan-lobulaire). Enfin, dans le contexte très particulier des pneumothorax cataméniaux, deux types d anomalies peuvent être rencontrées : les fentes diaphragmatiques congénitales faisant communiquer les cavités péritonéale et pleurale, et une endométriose thoracique. Les lésions associées sont essentiellement pleurales. Des brides symphysaires pleurales, attestant de la chronicité de l affection, sont fréquentes. Elles siègent préférentiellement dans la région apico-axillaire, et peuvent être richement vascularisées. Elles expliquent la possibilité de pneumothorax partiels et/ou cloisonnés, ainsi que les hémo-pneumothorax spontanés par la rupture de ces brides. Un épanchement pleural réactionnel à liquide clair, parfois riche en éosinophiles, et de faible abondance est habituel. 1.5. Classification nosologique On définit les pneumothorax spontanés par opposition aux pneumothorax traumatiques. Les pneumothorax de survenue spontanée peuvent être idiopathiques ou secondaires à un processus pathologique pulmonaire chronique sous-jacent. Les pneumothorax cataméniaux représentent une entité distincte. Les pneumothorax traumatiques font suite à un traumatisme pénétrant, fermé, ou iatrogène. 2. Pneumothorax spontané 2.1. Pneumothorax spontané idiopathique Fréquent, il se rencontre principalement chez l adulte âgé de moins de 35 ans, dans 80% des cas de sexe masculin. Bien qu il ne s agisse pas d une maladie, il constitue un problème de santé publique. On retrouve en effet pratiquement toujours (3 fois sur 4) comme facteur associé un tabagisme. Le risque relatif chez les fumeurs de contracter un premier pneumothorax est égal à 22 chez l homme et 9 chez la femme. Le tabagisme croissant chez la femme devrait faire diminuer ce sex-ratio. De fait, le lien de causalité avec le tabagisme est évident et pose le problème de sa prévention primaire: le tabagisme chronique entraîne une augmentation de la résistance des voies aériennes par son action pro-inflammatoire sur l arbre bronchique (état bronchospastique, bronchorrhée, toux ), et favorise la constitution de blebs et de bulles d emphysème par son action destructrice sur le tissu pulmonaire. Les grandes variations de pression atmosphérique saisonnières expliquent la survenue en série des pneumothorax idiopathiques. Un pneumothorax spontané peut aussi se produire à l occasion d un vol aérien ou d une plongée subaquatique, en ayant alors des conséquences qui peuvent être dramatiques. La relation avec un effort, en particulier à glotte fermée, est assez exceptionnelle contrairement à ce qui est crû communément. Une circonstance particulière mérite toutefois d être considérée : le travail et la délivrance chez la femme qui accouche, en raison des risques vitaux qu il fait courir. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 2

Le morphotype du sujet, parfois longiligne et de grande taille, ainsi que la possibilité de formes familiales ou d association à un prolapsus mitral suggèrent la présence dans certains cas d une atteinte primitive du tissu conjonctif élastique. Cependant la présence d un syndrome Marfanoïde doit alerter sur la possibilité d une atteinte sévère du tissu élastique dont le pronostic est à l atteinte vasculaire. Compte tenu de la population qu il concerne, la survenue d un pneumothorax et surtout ses récidives a des conséquences socio-économiques non négligeables par les arrêts de travail qu elles occasionnent. Les conséquences psychologiques peuvent être importantes lorsque la crainte de la récidive contraint le sujet à éviter la pratique d activités professionnelles, sportives ou de loisirs supposées à risques. 2.2. Diagnostique positif 2.2.1. La forme typique 2.2.1.1. Les circonstances de survenue Le caractère strictement spontané est le plus fréquent (9 fois sur 10). Le patient est un homme âgé de 20 à 35 ans, tabagique, sans antécédents respiratoires connus. 2.2.1.2. Les signes fonctionnels comprennent la douleur pleurale à type de point de côté, classiquement en coup de poignard, le plus souvent plus atténuée. Elle est exagérée par la toux et inhibe l'inspiration profonde. Une fois constitué, le pneumothorax peut devenir totalement indolore. la dyspnée se limite à une polypnée peu gênante et à une intolérance à l effort. une toux sèche et quinteuse accompagne la douleur une tachycardie est quasi constante Les signes généraux sont absents 2.2.1.3. L examen recherche une distension thoracique et une diminution de l'ampliation thoracique du côté concerné mais qui sont en règle discrètes un tympanisme, une abolition ou plus fréquemment une diminution des vibrations vocales et du murmure vésiculaire. 2.2.1.4. La radiographie pulmonaire La radiographie pulmonaire (incidences de face et de profil en position debout, clichés en inspiration puis expiration profonde) visualise le pneumothorax sous la forme d'une hyperclarté: en cas de pneumothorax complet, le poumon est rétracté sur le hile homolatéral en une image dense alors qu'existe en périphérie une hyperclarté dépourvue de parenchyme. Une bride peut retenir partiellement le poumon à la paroi thoracique. en cas de pneumothorax partiel, celui-ci sera mieux visible sur les clichés en expiration où l'on recherchera un liséré clair périphérique dépourvu de parenchyme. Une dystrophie bulleuse apicale est parfois visible. L analyse du parenchyme controlatéral est en règle sans particularité DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 3

2.2.1.5. Le scanner thoracique Le scanner thoracique n est pas indispensable au diagnostic ; il permet cependant la détection de minimes épanchements lorsque la radiographie est d interprétation difficile, l analyse du parenchyme pulmonaire homo- et controlatéral à la recherche de signes évocateurs d une pathologie emphysémateuse ou interstitielle débutante, ainsi qu une évaluation précise du nombre, du siège et de la taille des lésions bulleuses homo et controlatérales ce qui aide les décisions thérapeutiques en évaluant le risque de récidive. 2.2.2. Formes évolutives 2.2.2.1. Pneumothorax résistant Le persistance d une fuite d air au delà de 48 heures est possible, bien que plus rare qu en cas de pneumothorax secondaire. Le pneumothorax peut donc être résistant au drainage thoracique soit en raison de l importance de la fuite alvéolo-pleurale, soit du fait d un défaut de réexpansion pulmonaire, lui même en rapport avec un drainage non fonctionnel (drain bouché, ou exclu dans la grande scissure par exemple). Un drainage qui se pérennise peut être à l origine d une surinfection de la cavité pleurale, en réalisant un pyopneumothorax. 2.2.2.2. Pneumothorax récidivant L'évolution à moyen et long terme des pneumothorax idiopathiques est marquée par une tendance à la récidive qui survient dans 50% des cas après un premier épisode de pneumothorax, et dans 90% des cas après un second épisode. La récidive est le plus souvent homolatérale, et parfois controlatérale réalisant un pneumothorax à bascule. Le diagnostic est en général fait par le patient qui en reconnaît immédiatement les signes. De multiples épisodes peuvent conduire à la création progressive d une symphyse plus ou moins bien répartie et donc à des pneumothorax partiels en plèvre cloisonnée de diagnostic radiologique difficile. 2.2.3. Formes compliquées 2.2.3.1. Recherche des signes de gravité C est une démarche obligatoire dans la prise en charge de tout pneumothorax spontané. Les signes de gravité orientent la prise en charge thérapeutique immédiate et portent l indication immédiate d une exsufflation ou de la mise en place d un drain thoracique pour obtenir la réexpansion pulmonaire. Ces signes sont d ordre clinique : antécédents d insuffisance respiratoire (incapacité ou insuffisance respiratoire obstructive ou restrictive, séquelles pleuropulmonaires controlatérales à l épisode,..) pneumothorax bilatéral pneumothorax compressif détresse respiratoire détresse hémodynamique syndrome d épanchement liquidien surajouté et/ou paraclinique : gazométriques : hypoxémie et surtout hypercapnie radiologiques : déplacement médiastinal brides sous tension présence d un niveau liquide aspect du poumon controlatéral (Séquelles?) électriques : troubles du rythme (ESV) DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 4

2.2.3.2. Pneumothorax suffocant Il réalise un tableau de détresse respiratoire avec cyanose, sueurs, tirage pouvant correspondre exceptionnellement à pneumothorax bilatéral, ou plus souvent à un pneumothorax compressif. Ce dernier peut être en rapport soit avec une brèche pulmonaire à fort débit, ce qui est rare dans le contexte d un pneumothorax spontané idiopathique, soit à avec un phénomène de soupape où la brèche laisse passer l'air à l'inspiration mais ne permet pas sa sortie à l'expiration. Cliniquement, outre la détresse respiratoire, il existe des signes de tamponnade gazeuse : défaillance circulatoire avec présence de signes d insuffisance ventriculaire droite dont notamment une turgescence des veines jugulaires. Son caractère possiblement létal impose un traitement urgent par exsufflation à l aiguille, suivi d un drainage thoracique. Le signe radiologique déterminant est le refoulement médiastinal controlatéral et l abaissement de la coupole diaphragmatique homolatérale. Il ne faut cependant pas attendre la radiographie pour traiter le malade. 2.2.3.3. Pneumothorax associé à un pneumomédiastin Il s agit d une association rare, qui survient essentiellement lorsque le pneumothorax se développe en plèvre partiellement cloisonnée, canalisant l épanchement en direction du hile pulmonaire puis vers le médiastin. Le plus souvent limité à la perception d un emphysème sous-cutané de la région cervicale, il peut prendre des formes beaucoup plus spectaculaires avec faciès lunaire, obstruction des orifices palpébraux, voix nasonnée. Hémopneumothorax spontané Il résulte en général de la rupture à l occasion du pneumothorax d une bride charnue et vascularisée. Si les vaisseaux incriminés sont en règle de petit calibre, ils n ont aucune tendance à l hémostase spontanée en raison du collapsus pulmonaire. Le volume de l hémothorax peut être très important car une fois initié le processus est auto-entretenu par la formation à l interface sang/air d un caillot pérennisant le saignement par un phénomène de fibrinolyse et de consommation locale des facteurs de la coagulation. Ce caillotage est luimême la source de complications tardives telles l empyème (pleurésie purulente), ou le fibrothorax déterminant un engainement rétractile du poumon, source d une restriction ventilatoire. Cliniquement, les signes du pneumothorax sont associés à des signes d'hémorragie interne (pâleur, lipothymies, tachycardie et chute tensionnelle). A l'examen, on retrouve le tympanisme surmontant une matité. La radiographie confirme la présence d'un épanchement liquidien associé au pneumothorax, déterminant un niveau hydroaérique. La ponction puis le drainage thoracique confirment la nature hémorragique du liquide. 2.3. Diagnostic différentiel On pourra discuter : avant l examen radiographique, les autres étiologies des douleurs thoraciques aiguës: un pneumomédiastin spontané idiopathique qui est rare mais survient sur le même terrain. Contrairement au pneumothorax, le pneumomédiastin spontané idiopathique survient souvent après un effort à glotte fermée. Une autre affection les favorise particulièrement : l asthme (qui peut aussi être compliqué d un pneumothorax). Il résulte d une rupture alvéolaire en plein parenchyme pulmonaire (et non en périphérie) puis de la diffusion de l air dans l interstitium péribronchique et périvasculaire jusqu à rejoindre le hile pulmonaire puis le médiastin et enfin la région cervicale voire la face et les paupières, sans rompre la plèvre. La douleur est le maître symptôme, avec un certain degré de dyspnée, de dysphagie ou d odynophagie. A DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 5

l examen, la palpation du cou et du thorax retrouve un emphysème sous-cutané (crépitation neigeuse), alors que l auscultation des apex retrouve un murmure continu (signe de Hammam). Le diagnostic est radiologique démontrant la présence d air dans la région médiastinale et les parties molles du cou. Un examen ORL, une endoscopie bronchique et œsophagienne seront nécessaires car il faut éliminer devant ce tableau une plaie ou perforation trachéale ou œsophagienne. une embolie pulmonaire, une douleur angineuse ou de péricardite aiguë. Si un ECG est pratiqué avant la radiographie du thorax, il ne faut pas tenir compte des anomalies positionnelles ou des troubles de la repolarisation, fréquents au cours du pneumothorax. Ainsi, un pneumothorax gauche peut entraîner une déviation vers la droite de l axe électrique du cœur, une diminution des amplitudes des complexes QRS, et une inversion des ondes T en précordial. La réversibilité des ces anomalies avec le traitement du pneumothorax confirme leur nature artéfactuelle. une colique néphrétique en cas d irradiation lombaire, une affection abdominale aiguë (cholécystite, appendicite ou pancréatite) en cas d irradiation abdominale, mais qui est rarement exempte de signes généraux.après la radiographie du thorax : chez le sujet âgé, devant un pneumothorax suffocant ou multirécidivant, un pneumothorax secondaire à une pathologie broncho-pulmonaire chez la femme jeune, un pneumothorax cataménial 2.3.1. Pneumothorax spontane secondaire La survenue d un pneumothorax peut révéler ou compliquer une pathologie bronchopulmonaire chronique, le plus souvent connue ou cliniquement apparente au moment du pneumothorax, dont elle constitue alors un tournant évolutif péjoratif car assortie d une mortalité non négligeable. Si de nombreuses affections peuvent être en cause, une bronchopneumopathie chronique obstructive est le plus souvent en cause. L âge moyen des malades est supérieur à 50 ans. L infection, facteur favorisant le pneumothorax puis le compliquant, est une préoccupation constante du thérapeute. La présentation clinique peut être trompeuse sur un tel terrain pathologique où le décollement pleural est parfois minime et où la sémiologie de la maladie sous-jacente vient masquer les signes propres du pneumothorax. Enfin, les conditions locales de cicatrisation de la brèche pulmonaire sont défavorables, favorisant la résistance au drainage thoracique et impliquant la mise en œuvre de traitements radicaux non dénués de risque sur ce terrain débilité. 2.4. Diagnostique positif 2.4.1. La forme typique : pneumothorax compliquant une BPCO La symptomatologie associe douleur et dyspnée, mais le retentissement fonctionnel peut être sévère avec un véritable état de détresse respiratoire avec hypoxémie, hypercapnie et acidose selon l importance du déficit fonctionnel préalable. C est parfois la recherche systématique d'un décollement même minime sur la radiographie en cas de situation pulmonaire aiguë inexpliquée qui permet de ne pas passer à côté du diagnostic. Les données de l examen clinique et des radiographies du thorax peuvent être d interprétation difficile en présence d une distension thoracique importante et/ou de volumineuses bulles en tension, rendant nécessaire la réalisation d une tomodensitométrie thoracique. Les difficultés thérapeutiques sont liées à l importance de la fuite bronchopleurale. Les récidives sont fréquentes. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 6

2.4.2. Autres formes étiologiques. Pneumopathies interstitielles diffuses Elles favorisent la survenue de pneumothorax par deux types de lésions élémentaires : emphysème paracicatriciel au contact de granulomes anciens (sarcoïdose, silicose), cavités kystiques par craquage du tissu pulmonaire (fibrose interstitielle diffuse, histiocytose X, lymphangiomyomatose). Ainsi, l'histiocytose X détermine des pneumothorax récidivants des 2 côtés souvent révélateurs de la maladie. D autres affections peuvent être impliquées, telles que la maladie de Marfan, le syndrome d Ehlers Danlos, ou la sclérose tubéreuse de Tourneville. Le traitement est difficile car la faible compliance du parenchyme résulte en des difficultés majeures de réexpansion pulmonaire. 2.4.2.1. Pneumothorax et mucoviscidose Environ un malade sur dix atteints de mucoviscidose présente un pneumothorax dans l évolution de sa maladie, liée aux dystrophies kystiques caractéristiques de cette affection. Sa survenue à l occasion d une surinfection ( à germes multirésistants), le degré de l insuffisance respiratoire, la faible compliance du parenchyme en font un accident évolutif parfois létal. Lorsqu une intervention s avère nécessaire, il est préférable de discuter de façon concertée le procédé de symphyse afin d éviter de compromettre les conditions techniques d une transplantation pulmonaire ultérieure, dont l indication est fréquente dans cette population de malades jeunes. 2.4.2.2. Pneumopathies infectieuses en dehors du SIDA Il s agit alors en général de pyopneumothorax, et de nombreux agents infectieux peuvent être en cause. Parmi les pneumopathies bactériennes, on doit citer les staphylococcies pleuropulmonaires (en particulier chez le nourrisson), les infections à Klebsiella pneumoniae ou à anaérobies. La tuberculose pulmonaire est une étiologie classique mais le tableau historique de vomique pleurale résultant de la détersion de la caverne dans celle-ci est devenu exceptionnel. Actuellement, c'est de façon indirecte que la tuberculose est à l'origine de pneumothorax par l'intermédiaire de bulles d'emphysème paracicatriciel avec décollement le plus souvent incomplet (brides pleurales fréquentes). Parmi les agents fungiques, citons l aspergillose pulmonaire invasive survenant sur terrain immunodéprimé, en particulier neutropénie post-chimiothérapie, et qui s accompagne d une cavitation en sortie d aplasie. Le problème est cependant plus au risque d hémoptysies massives qu à celui du pneumothorax. Enfin, parmi les affections parasitaires, citons l hydatidose pulmonaire. 2.4.2.3. Pneumothorax et SIDA L incidence du pneumothorax chez les sujets infectés par le virus du SIDA était au début des années 90 de 400 à 500 fois supérieure à celle observée chez les sujets non infectés. Au début de la pandémie, le pneumothorax était parfois inaugural de la maladie. Les progrès de la prise en charge thérapeutique (tri-thérapie, prophylaxie des infections opportuniste) a contribué à leur prévention. L étiologie la plus fréquente est en effet le Pneumocystis carinii, parasitose déterminant des lésions nécrotiques d évolution kystique à disposition apicale et sous pleurale. L association à des localisations pulmonaires d un sarcome de Kaposi, des infections à mycobactéries, pyogènes ou cytomégalovirus peuvent être en cause ainsi que les nébulisation antimicrobiennes prophylactiques. Les formes bilatérales ne sont pas DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 7

exceptionnelles, et la fuite aérienne est en général importante, souvent rebelle au simple drainage. 2.4.2.4. Pneumothorax et cancers Les cancers broncho-pulmonaires primitifs peuvent être la cause d un pneumothorax soit par obstruction bronchique, soit par excavation d une tumeur périphérique notamment en cours de radiothérapie et/ou chimiothérapie. Les métastases pulmonaires, en particulier des sarcomes ou des tumeurs testiculaires, sont classiquement pourvoyeuses de pneumothorax. Le traitement est avant tout conditionné par celui de la tumeur. 2.5. Diagnostic différentiel Devant une décompensation chez un insuffisant respiratoire, on doit rechercher outre un pneumothorax, un facteur déclenchant parmi lesquels: une embolie pulmonaire, une infection broncho-pulmonaire ou la prise d'une médication ayant une répercussion sur la ventilation (benzodiazépines, morphiniques). 2.5.1. Pneumothorax cataménial Il est défini par sa survenue puis sa récidive dans les 2 à 3 jours suivants le début des menstruations. Il survient chez la femme âgée de 20 à 30 ans, et presque toujours du côté droit. Si un épisode unique peut relever d une simple coïncidence, les récidives survenant avec la même chronologie par rapport aux menstruations laissent supposer une spécificité physiopathologique. De fait, le pneumothorax cataménial est fréquemment associé à 2 anomalies : la présence de fentes diaphragmatiques congénitales faisant communiquer les cavités péritonéale et pleurale, et l existence d une endométriose thoracique. Sa pathogénie n est cependant pas clairement élucidée, et plusieurs mécanismes parfois simultanés peuvent être impliqués : passage d air dans la cavité pleurale par l intermédiaire des fentes diaphragmatiques provenant de la filière génitale dont la perméabilité est augmentée physiologiquement à cette période du cycle, présence de foyers d endométriose sur la plèvre viscérale du poumon dont la desquamation contemporaine des menstruations détermine une fuite alvéolaire. La présence de cette muqueuse ectopique peut parfois être expliquée par la migration puis la greffe d îlots provenant d une endométriose pelvienne au travers de fentes diaphragmatiques, présence d une endométriose endobronchique obstruant certaines bronchioles distales et déterminant une distension puis une rupture alvéolaire en amont, bronchospasme bronchique liés à l action des prostaglandines F2 dont le taux est élevé au moment des menstruations. Le traitement de cette forme de pneumothorax est similaire à celui des autres types de pneumothorax. Les pneumothorax partiels et asymptomatiques peuvent être traités de façon conservatrice, alors que les pneumothorax importants et symptomatiques nécessitent un drainage thoracique. Le traitement des récidives, qui sont fréquentes, est plus problématique et comporte plusieurs options : pleurodèse thoracoscopique ou chirurgicale, éventuellement associée à une suture des fentes diaphragmatiques, traitement hormonal par œstrogènes ou danazol, ou ligature tubaire par coelioscopie en fonction des éventuelles contre indications à l hormonothérapie et du désir de grossesse. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 8

3. Traitement Le but du traitement est triple : évacuer l épanchement, en supprimer la cause, et en prévenir la récidive. 3.1. Les moyens 3.1.1. Le repos au lit Il se fonde sur les propriétés naturelles de réabsorption de la plèvre (environ 50cc/jour), en évitant toute cause d hyperpression des voies aériennes (efforts, toux, tabagisme). Il ne se conçoit qu en cas de pneumothorax partiel. Une période initiale d observation de 48h à l hôpital permet de s assurer cliniquement et radiologiquement de l absence d évolutivité du pneumothorax. La guérison est contrôlée une semaine plus tard. En cas d échec, un drainage est entrepris. 3.1.2. Exsufflation Elle est classiquement effectuée au trocart de Küss ou tout autre trocart dédié à cet effet dont le mandrin est à bout mousse, à l exclusion de tout autre matériel (aiguille pour ponction IV, lombaire etc ). Après anesthésie locale du site de ponction, le plan musculaire est traversé à l aide d un mandrin pointu, puis la plèvre pariétale en remplaçant ce premier mandrin par un mandrin mousse. Le vide progressif se fait à la seringue par l intermédiaire d un robinet à 3 voies ou de l'appareil de Küss à vases communicants. Elle est actuellement de plus en plus souvent effectuée au pleuro-cathéter: la voie d'entrée après incision au bistouri peut être axillaire au 5 ème espace intercostal ou antérieur au 2 espace. Dans les 2 cas, la ligne mamelonnaire constitue le repère horizontal ou vertical. L'aspiration est assurée par l intermédiaire d un système classique de drainage thoracique. Le pleuro-cathéter est retiré après quelques heures en l absence de bullage attestant la présence d une fuite aérienne continue, éventuellement après épreuve de clampage et un contrôle radiologique. Les inconvénients de cette méthode sont liés au faible calibre du cathéter : coudure positionnelle ou occlusion par des dépôts fibrineux. 3.1.3. Drainage thoracique aspiratif 3.1.3.1. Technique Il est effectué au trocart de Monod ou autre matériel non vulnérant à extrémité mousse sur la ligne axillaire antérieure dans le 5ème espace intercostal, après avoir constaté la réalité de l épanchement par une ponction à l aiguille (à la fin de l anesthésie locale des téguments au site du drainage). Un drainage antérieur au 2 ème espace intercostal est possible, mais il expose à la blessure du pédicule mammaire interne. L incision cutanée est suffisamment large pour admettre l index de l opérateur. Les plans musculaires sont dissociés à l aide d une pince à bout mousse jusqu à entrer en contact avec la côte sous-jacente à l espace intercostal. Celui-ci est franchit au bord supérieur de la côte en question afin d éviter de léser le pédicule intercostal. L index est introduit dans la cavité pleurale afin de constater l absence de symphyse pleurale. Le drain est nécessairement de calibre élevé (au moins CH24 chez l adulte) afin d éviter une obstruction précoce de sa lumière, en particulier lorsqu il existe un hémothorax associé. Il est introduit au travers du trocart de Monod, et dirigé vers le sommet du thorax. Le drainage est aspiratif, et très régulièrement surveillé. On évitera les drainscathéter dont le mandrin métallique est particulièrement dangereux pour le malade d un DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 9

utilisateur occasionnel. Outre l évacuation de l épanchement, le drain agissant comme un corps étranger active la réaction inflammatoire favorisant la création d une symphyse pleurale qui reste cependant très localisée sur le trajet du drain et ne peut être considéré comme une symphyse à proprement parlé. Le drain est retiré après s être assuré de la fermeture de la fuite depuis au moins 24 heures, et de l absence d un défaut de réexpansion radiologique. 3.1.3.2. Surveillance Elle est pluriquotidienne et concerne le patient, son drain, le système d aspiration et de recueil du drainage. La surveillance du malade est clinique : pouls, pression artérielle, fréquence respiratoire, et température sont notés à chaque vacation et représentés graphiquement par des courbes, de même que la douleur évaluée à l aide d une échelle visuelle analogique (EVA). L examen clinique systématique et devant toute événement brutal sera centré sur l amplitude et la symétrie des mouvements du thorax lors de la respiration, et l auscultation des plages pulmonaires. La palpation recherchera l existence d un emphysème sous-cutané. Une radiographie de thorax quotidienne, au lit tant que le malade doit être en aspiration, et lors de tout événement nouveau (douleur, dyspnée, etc ), permet de s assurer que le poumon est à la paroi, et que le drain est en place. Chez l insuffisant respiratoire, ce d autant qu une oxygénothérapie est délivrée, une surveillance de la saturation artérielle en O2 par oxymètre de pouls est utile, et permet d espacer les éventuels contrôles gazométriques. La surveillance du drain comprend le contrôle de l état de la peau autour de l orifice du drain et la fixation de ce dernier. L intégrité du système est ensuite contrôlée : stérilité, étanchéité et perméabilité des tubulures, raccords de connexion, et du système collecteur, niveau de dépression indiqué par le manomètre mural. La position déclive par rapport au thorax du patient du système collecteur est vérifié. La quantité et l aspect (séreux, sanglant, purulent) de liquide collecté sont notés quotidiennement. L existence d un bullage est noté et quantifié (+ à +++). L ablation du drain thoracique est envisagée lorsque le drain ne ramène pas plus de 100cc/J d un liquide non sanglant et non purulent, que le bullage s est interrompu depuis au moins 24 heures, et que la radiographie ne montre pas de décollement pleural. Certains réalisent une épreuve de clampage ou de mise en valve anti-retour de Heimlich pendant 24 heures avant de décider le retrait du drain. Le retrait du drain requière des conditions chirurgicales d asepsie. Il s effectue en aspiration, la respiration bloquée en inspiration forcée : une personne assure l ablation du drain, alors qu une autre serre la bourse assurant l étanchéité de l orifice du drain. Un contrôle clinique et radiologique est requis avant d autoriser la sortie du patient. 3.1.4. Drainage ambulatoire Il suppose un drainage thoracique comme décrit précédemment. Au terme d une période d aspiration, le drain est raccordé à une valve anti-retour de type Heimlich, ce qui assure l autonomie du patient, et permet éventuellement sa sortie de l hôpital, le mettant à l abri d un épisode compressif. Ceci ne peut se concevoir que dans le contexte d un malade parfaitement informé, non géographiquement isolé et étroitement surveillé. Ce système est principalement utilisé chez les sujets emphysémateux chez qui il existe une fuite aérienne continue, dans le but d éviter par une aspiration forte la chronicisation de la fistule alvéolo-pleurale, et une hospitalisation prolongée coûteuse. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 10

3.1.5. Thoracoscopie dite médicale Elle est réalisée sous anesthésie loco-régionale ou générale, chez un sujet en ventilation spontanée. Elle permet la visualisation de l anomalie responsable de la fuite aérienne et selon son importance faire indiquer un traitement chirurgical. Elle permet en outre la prévention des récidives du pneumothorax par l oblitération de l espace pleural ou pleurodèse. Celle-ci est assurée par l insufflation de talc calibré aérosolisé, les autres substances irritantes (ex : tétracyclines, nitrate d argent ) ayant été abandonnées avec le temps pour diverses raisons. Cette pleurodèse au talc est efficace mais peu sélective. Ainsi, des adhérences au niveau de la plèvre médiastine et des confins diaphragmatiques peuvent compliquer une éventuelle chirurgie pulmonaire si celle-ci s avère nécessaire ultérieurement. Un drainage thoracique aspiratif complète le procédé. Les récidives surviennent dans environ 10% des cas. 3.1.6. Procédés chirurgicaux : vidéothoracoscopie et thoracotomie Ils sont réalisés sous anesthésie générale, et nécessitent une intubation endotrachéale avec une sonde à double canal afin d exclure le poumon opéré du circuit de ventilation. La voie d abord est représentée par 3 trocarts en triangulation dans le cas de la vidéo-thoracoscopie, et une thoracotomie antérolatérale d épargne musculaire dans le 4 ème espace intercostal dite thoracotomie axillaire dans le cas d une chirurgie ouverte. Ils permettent, outre la visualisation de l anomalie responsable de la fuite aérienne, son traitement local par électrocoagulation, laser, suture, ligature ou agrafage. En cas d absence de lésion macroscopiquement évidente, il est conseillé de pratiquer une biopsie pulmonaire dans le but d éliminer histologiquement la présence d un processus pathologique sous-jacent. La prévention des récidives repose sur l abrasion ou l ablation de la plèvre (pleurectomie). Contrairement au talcage, le site d une pleurodèse mécanique peut être choisie par l opérateur, en règle au sommet du thorax en regard des zones pulmonaires pathologiques. La morbidité des procédés chirurgicaux est plus élevée que celle du talcage par thoracoscopie médicale. Elle comprend notamment à un risque hémorragique non négligeable lié au procédé de pleurodèse. Là encore, un drainage thoracique aspiratif complète l intervention. La thoracotomie permet d obtenir les meilleurs résultats puisque les récidives ne surviennent que dans environ 1 à 2% des cas. La vidéothoracoscopie a l avantage principal de réduire la rançon cicatricielle et les douleurs postopératoires, mais son efficacité est moindre (5% de récidives). 3.2. Les indications Elles sont parfois difficiles à poser, car de nombreuses conditions sont à prendre en compte individuellement. Ainsi un pneumothorax secondaire survenant chez un insuffisant respiratoire chronique peut selon l âge et diverses autres considérations cliniques faire retenir un procédé radical chez un malade, alors qu un procédé conservateur sera choisi chez un autre chez qui existe une perspective de transplantation pulmonaire. Chez le premier, il s agira de prévenir une récidive suffocante. Chez le second, il sera important de ne pas obérer les possibilités techniques d une transplantation en créant une symphyse dense source de complications hémorragiques. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 11

3.2.1. Le repos Il ne s adresse qu aux petits décollements asymptomatiques chez des sujets sans affection pulmonaire sous-jacente, et chez qui le risque de récidive est faible (absence de dystrophie bulleuse, absence de tabagisme, pas d activité professionnelle ou de loisirs à risque). 3.2.2. Exsufflation et drainage Le pleurocathéter ou l aiguille à plèvre est actuellement le moyen le plus simple de traiter un pneumothorax non compliqué. Le drainage aspiratif par un drain de plus gros calibre doit être utilisé en cas d'épanchement liquidien associé ou survenant sur un poumon pathologique faisant craindre une brèche de plus grande taille. Quel que soit le traitement envisagé, une réexpansion trop rapide par un drainage agressif peut occasionner une réouverture de la brèche fragile ou l'apparition d'un œdème aigu pulmonaire à vacuo. En cas de pneumothorax complet, le collapsus prolongé du poumon peut occasionner l'apparition d atélectasies en bande sus-diaphragmatique sur la radiographie de contrôle qui disparaîtra dans les heures qui suivent. Aérosols, kinésithérapie et oxygénothérapie seront prescrits selon le terrain. Le système de drainage ambulatoire a un grand intérêt en cas de pneumothorax secondaire lorsque l on veut éviter un procédé plus radical (haut risque anesthésique, perspectives de transplantation pulmonaire). 3.2.3. Thoracoscopie médicale La thoracoscopie a une place privilégiée dans le traitement des pneumothorax spontanés idiopathiques résistants au drainage ou récidivants. Bien qu il n existe aucun consensus à ce jour, la persistance d une fuite aérienne objectivée par le drainage aspiratif au delà de 72 heures peut faire recourir à une thoracoscopie afin d éviter une hospitalisation prolongée. Elle permet de faire le bilan des lésions pulmonaires et indiquer une chirurgie, en particulier lorsqu il existe une dystrophie bulleuse volumineuse et/ou une fistule broncho-pleurale organisée. Enfin, elle est le procédé de choix en cas de pneumothorax secondaire survenant chez des sujets à haut risque opératoire compte tenu de leur terrain, et en l absence de perspectives de transplantation pulmonaire. 3.2.4. La chirurgie 3.2.4.1. En cas de pneumothorax idiopathique Elle est principalement indiquée en cas de pneumothorax récidivant du même côté, ou après un premier épisode controlatéral (pneumothorax à bascule) Elle peut être indiquée dès le premier épisode en cas de pneumothorax: compliqué (bilatéral, compressif, associé à un hémothorax), résistant au drainage, et/ou à un précédent talcage thoracoscopique (fuites aérienne persistante au delà d une semaine, défaut de réexpansion, récidive immédiate à l ablation du drain), associé à une volumineuse dystrophie bulleuse, survenant chez un sujet à risque : sujet devant se rendre dans une région géographiquement isolée, plongeurs subaquatiques, pilotes, 3.2.4.2. En cas de pneumothorax secondaire L indication opératoire dépend principalement du risque opératoire et de la maladie causale, et est donc discutée au cas par cas. Elle découle le plus souvent d un échec de traitements antérieurs. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 12

3.3. Résultats Les traitements conservateurs (repos, exsufflation) ont une très faible morbidité mais un taux d échec d environ 50%. Le drainage thoracique est associé à un taux de récidive de l ordre de 20 à 30%. Les risques du drainage sont faibles dans les mains d un opérateur expérimenté, mais sources d une iatrogénie parfois dramatique dans le cas contraire. Le talcage connaît un taux d échec d environ 10% (et d environ 5% en l absence de volumineuses dystrophies bulleuses), mais ses risques sont très faibles. La chirurgie est le traitement le plus efficace (1 à 5% de récidive selon les procédés) au prix d une morbidité non négligeable qui peut être en rapport avec le procédé de symphyse effectué (risque hémorragique) et surtout le terrain du malade (pneumothorax secondaire). 4. Pneumothorax traumatique Le mécanisme du pneumothorax peut être direct du fait d une plaie pulmonaire ou d une lacération du parenchyme au contact d un fracas costal, ou indirect par hyperpression des voies aériennes à l occasion d un traumatisme thoracique à glotte fermée. Ce sont souvent des hémopneumothorax. La survenue controlatérale du pneumothorax par rapport au traumatisme constitue un piège diagnostique. 4.1. traumatisme fermé du thorax Le contexte est le plus souvent un accident de la voie publique, plus rarement un accident du travail ou domestique impliquant une chute d un lieu élevé. La notion de polytraumatisme est présente dans 70 à 80 % des cas. La survenue d un pneumothorax au cours d un traumatisme fermé du thorax est très fréquente. Il s agit en fait pratiquement toujours d un hémopneumothorax. Il faut néanmoins connaître la possibilité de plaies ou ruptures trachéobronchiques, qui bien que rares, déterminent des pneumothorax compressifs, et possiblement associées à des lésions vasculaires médiastinales. 4.1.1. Sur le plan clinique les signes fonctionnels, douleur et dyspnée, sont noyés par les conséquences des fractures costales quasi-constamment associées. L inspection du thorax recherche une respiration paradoxale signant l existence d un volet thoracique, une asymétrie de l amplitude thoracique des mouvements respiratoires suggérant l importance de l épanchement pleural, une turgescence des veines jugulaires signant le caractère compressif de cet épanchement. La percussion apporte des arguments quant à la nature gazeuse ou sanguine de l épanchement selon que l on obtienne un tympanisme ou une matité. La palpation du thorax recherche une instabilité pariétale en cas de gros délabrement, et une crépitation neigeuse des téguments signant un emphysème sous-cutané qui, lorsqu il est pariétal est compatible avec la seule présence d un pneumothorax important, alors qu un emphysème cervical suggère l existence d un pneumomédiastin. 4.1.2. La radiographie du thorax de face et de profil Est l examen essentiel à partir duquel bon nombre de complications potentiellement létales seront diagnostiquées. Il faut cependant garder à l'esprit que le bilan radiologique ne doit en aucun cas retarder un geste de drainage urgent. Elle nécessite des appareils ambulatoires de façon qu elle puisse être réalisée en salle de déchoquage dès que les détresses vitales ont été palliées. Elle est refaite au moindre doute, et répétée au cours de la surveillance. La mise en DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 13

place préalable d une sonde nasogastrique radio-opaque permet de visualiser l axe du médiastin et ses éventuels déplacements. Le cliché est examiné de façon systématique, à la recherche: d abord d un pneumothorax, parfois minime ne se traduisant que par une hyperclarté au niveau des sinus costo-diaphragmatiques, parfois majeur et compressif avec collapsus pulmonaire, aplatissement de la coupole diaphragmatique et déplacement controlatéral du médiastin; d un hémothorax associé se traduisant par un niveau hydro-aérique chez le sujet en position semi-assise; d un pneumomédiastin ou d un emphysème cervico-médiastinal qui, lorsqu il est associé à un pneumothorax compressif puis résistant au drainage thoracique, fera rechercher une rupture trachéo-bronchique, de la présence d air dans le péricarde (pneumopéricarde), conjointement à un pneumothorax, authentifie une rupture péricardique; de fractures osseuses costales, sternales, rachidiennes ; d une ascension des structures abdominales dans le thorax: notamment à gauche avec l issue intrathoracique possible d une anse intestinale ou de l estomac peut être prise à tort pour un pneumothorax de la base. La position de la sonde gastrique peut alors apporter un élément d information complémentaire; enfin d un élargissement du médiastin et/ou de la silhouette cardiaque: faisant suspecter un hémopéricarde et la possibilité de lésions associées des gros vaisseaux. L interprétation des signes radiologiques peut être difficile et nécessite très souvent la réalisation d une tomodensitométrie thoracique qui sera réalisée dès les premières mesures thérapeutiques d urgence effectuées assurant une certaine stabilité hémodynamique et respiratoire. Elle est bien entendu fondamentale dans le bilan des lésions associées. Une fibroscopie bronchique est indiquée dès lors que l on suspecte une rupture trachéobronchique. Elle permet en outre une toilette bronchique en cas d hémoptysie importante ou de caillots obstructifs à l origine d une atélectasie. Enfin elle permet de contrôler une intubation sélective occlusive lorsqu elle est nécessaire devant une large plaie proximale de l arbre aérien. 4.2. Plaies pénétrantes L agent vulnérant est une arme blanche ou une arme à feu en cas d agression ou de tentative d autolyse. Un mécanisme d empalement ou de projection d éléments métalliques est parfois en cause en cas d accident domestique ou professionnel. Leur gravité est liée à la présence ou non de lésions viscérales thoraco-abdominales ou cardiovasculaires potentiellement létales. 4.2.1. Sur le plan clinique l association à un hémothorax est là encore la règle. Lorsque la plaie pariétale est très large, elle constitue une plaie soufflante ou pneumothorax ouvert. Le balancement médiastinal qu elle occasionne gêne le retour veineux cave et majore la détresse cardio-respiratoire. soufflante. Enfin, en cas de larges plaies pulmonaires, il faut signaler la possibilité d embolies gazeuses systémiques diffusant dans la circulation coronaire ou cérébrale, conséquences de fistules bronchiolo-vasculaires. 4.2.2. La radiographie du thorax permet de confirmer aisément le diagnostic. La tomodensitométrie peut être indiquée dans le bilan de plaies par arme à feu, notamment lorsqu il a eu polycriblage ou fragmentation, mais DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 14

elle n a par contre que peu d intérêt dans le bilan des plaies par arme blanche. La fibroscopie bronchique n est indiquée qu en cas de suspicion de plaie trachéo-bronchique. 4.3. Pneumothorax iatrogénes Le développement de méthodes diagnostiques et/ou thérapeutiques invasives conduit inévitablement à une augmentation des accidents iatrogènes. Certaines circonstances imposent une vigilance particulière: les ponctions pleurales évacuatrices ou diagnostiques d un épanchement liquidien, les poses d'un cathéter veineux sous-clavier, et à un moindre degré jugulaire, les biopsies transbronchiques endoscopiques, et transpariétales sous-contrôle scannographique. Ils ne nécessitent la plupart du temps que d'un repos et d'une surveillance. Beaucoup préoccupants car potentiellement sources de complications létales sont les pneumothorax survenant : après intubation endotrachéale, par exemple à l occasion d une anesthésie générale ; ils résultent en général d une plaie de la membraneuse trachéale et sont associés à un pneumomédiastin, au décours d endoscopies trachéobronchiques ou oesophagiennes diagnostiques ou surtout interventionnelles (dilatation, laser, endoprothèse) ; ils sont là encore associés à un pneumomédiastin, au cours d une ventilation assistée (par baro- et volo-traumatisme) ; ils deviennent rapidement compressifs. Leur diagnostic radiologique est difficile, en particulier chez les patients ventilés pour un SDRA, en raison non seulement du décubitus mais aussi de la présence d opacités radiologiques liées à l atteinte parenchymateuse se superposant aux signes radiologiques de pneumothorax. 4.4. Traitement La base du traitement des pneumothorax traumatiques est encore une fois le drainage thoracique. Il n y a que très peu de place pour une attitude attentiste devant un petit épanchement qui peut devenir brutalement suffocant et menacer la vie du malade. Le drainage s effectue usuellement sur la ligne axillaire antérieure dans le 5ème espace intercostal. En cas de plaie pénétrante, il ne sera jamais effectué par l orifice traumatique. L indication d une thoracotomie dépend du saignement et des éventuelles lésions viscérales associées, mais une intervention peut s avérer nécessaire dans un but d aérostase. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 15