FORCES CANADIENNES RAPPORT D ENQUÊTE SUR LA SÉCURITÉ DES VOLS (RESV) RAPPORT FINAL



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FORCES CANADIENNES RAPPORT D ENQUÊTE SUR LA SÉCURITÉ DES VOLS (RESV) RAPPORT FINAL NUMÉRO DE DOSSIER : 1010-CH149910 (DSV 2-5) NUMÉRO DU SGESV : 139403 DATE DU RAPPORT : 19 novembre 2013 TYPE D AÉRONEF : DATE ET HEURE: ENDROIT : CATÉGORIE : Hélicoptère Cormorant CH149910 28 juillet 2009, 18 h 40, heure locale Gander (Terre-Neuve-et-Labrador) Accident de catégorie C Le présent rapport a été rédigé avec l autorisation du ministre de la Défense nationale (MDN) en vertu de l article 4.2 de la Loi sur l aéronautique, et conformément au document A-GA-135-001/AA-001, Sécurité des vols dans les Forces canadiennes. Sauf en ce qui a trait à la Partie 1, le contenu du présent rapport ne doit servir qu aux fins de prévention des accidents. Le rapport a été rendu public avec l autorisation du directeur de la Sécurité des vols, Quartier général de la Défense nationale, en vertu des pouvoirs qui lui sont délégués par le ministre de la Défense nationale à titre d autorité chargée des enquêtes de navigabilité (AEN) des Forces canadiennes. i

RÉSUMÉ L aéronef a atterri à Port au Choix (Terre-Neuve-et-Labrador) après un vol d entraînement de trois heures. On a alors remarqué une quantité importante d huile s écoulant du côté droit de l hélicoptère, à proximité du moteur numéro trois. L équipage navigant et le personnel de maintenance ont discuté, puis décidé de procéder au nettoyage de la zone touchée, de refaire le plein d huile et d effectuer un point fixe. Durant le vol de retour à destination de Gander, l équipage a remarqué que de l huile fuyait de nouveau du côté droit de l hélicoptère à proximité du moteur numéro trois. Il a alors décidé de couper en vol le moteur touché. Une fois l aéronef arrivé à Gander, l atterrissage s est déroulé en toute sécurité. Après le remplacement du moteur numéro trois, le point fixe et le vol d essai après maintenance se sont déroulés comme prévu, sans aucune anomalie. Toutefois, au moment de remorquer l hélicoptère vers le hangar, on a de nouveau remarqué de l huile qui s écoulait du côté droit de l aéronef. Une première inspection a révélé une quantité importante d huile dans la zone du carter de l arbre intermédiaire, située à l avant du compartiment du moteur numéro trois. Une inspection plus poussée a révélé qu une fissure d environ 340 mm (13,5 pouces) s étendait sur plus de la moitié de la circonférence de la bride extérieure du carter de l arbre intermédiaire du moteur numéro trois, un composant de la boîte de transmission principale. L enquête a permis de déterminer que le carter de l arbre intermédiaire avait subi une rupture de fatigue mégacyclique, attribuée principalement à une lacune à la conception. En effet, la conception ne tenait pas compte de l effort induit par des vibrations complexes de la cellule. Quant aux facteurs secondaires ayant contribué à l apparition et à la propagation de la fissure, ils étaient associés au procédé de moulage, qui a eu une incidence sur la résistance à la fatigue du carter. Des recommandations ont été faites pour que la conception du carter de l arbre intermédiaire soit passée en revue et pour que l on procède à l examen des spécifications de fabrication et du contrôle de la qualité de la boîte de transmission principale. Depuis, le fabricant a remanié la conception du carter de l arbre intermédiaire, et l Aviation royale canadienne examine actuellement la mise en œuvre de la modification en question. L enquête a également révélé que les activités de dépannage initialement effectuées à la suite de la fuite d huile étaient axées sur le moteur, excluant toute autre source de problème. Le vol s était donc poursuivi malgré la structure affaiblie de la boîte de transmission principale, ce qui avait exposé l équipage navigant à des risques importants. Des recommandations ont été faites pour améliorer les procédures de détection des anomalies et de contrôle de la quantité d huile, en vue de mieux détecter les fuites. ii

TABLE DES MATIÈRES 1 RENSEIGNEMENTS DE BASE...1 1.1 Déroulement du vol...1 1.2 Victimes...2 1.3 Dommages à l aéronef...2 1.4 Dommages indirects...3 1.5 Renseignements sur le personnel...3 1.6 Renseignement sur l aéronef...3 1.7 Renseignements météorologiques...6 1.8 Aide à la navigation...6 1.9 Télécommunications...6 1.10 Renseignements sur l aérodrome...6 1.11 Enregistreurs de vol...6 1.12 Renseignements sur l épave et sur l impact...6 1.13 Renseignements médicaux...6 1.14 Incendie, dispositifs pyrotechniques et munitions...6 1.15 Questions relatives à la survie...6 1.16 Essais et recherches...6 1.17 Renseignements sur l organisation et la gestion...7 1.18 Renseignements supplémentaires et autres observations...7 1.19 Techniques d enquête utiles ou efficaces...7 2 ANALYSE...8 2.1 Généralités...8 2.2 Données historiques de l ARC concernant les fissures du carter de l arbre intermédiaire de la BTP du Cormorant...8 2.3 Enquête technique relative aux carters intermédiaires...11 2.4 Analyse de l effort menée par le constructeur d origine...15 2.5 Effet de la défaillance de l anneau du cardan sur l effort induit par les vibrations des 5R...17 2.6 Historique d exploitation de l ARC...18 2.7 Améliorations apportées au carter de l arbre intermédiaire suivant l incident...19 2.8 Diagnostic erroné...20 3 CONCLUSIONS...25 3.1 Constatations...25 3.2 Cause...26 4 MESURES DE PRÉVENTION...27 4.1 Mesures de prévention prises...27 4.2 Mesures de prévention recommandées...27 4.3 Commentaires du DSV...28 ANNEXE A PHOTOS...1 ANNEXE B FICHE DE CONSULTATION RAPIDE EN VOL DU CORMORANT CH149 CHAPITRE 3, PROCÉDURES À SUIVRE EN CAS D URGENCE OU DE DÉFAILLANCE...1 ANNEXE C ABRÉVIATIONS...1 iii

1 RENSEIGNEMENTS DE BASE 1.1 Déroulement du vol 1.1.1 Le 27 juillet 2009, après avoir effectué un vol d entraînement au-dessus de l eau près de Port au Choix (Terre-Neuve-et-Labrador), l équipage navigant a posé l hélicoptère CH149910 et coupé ses moteurs, afin de refaire le plein de carburant et de dîner avant de revenir à Gander. Durant le ravitaillement, on a découvert de l huile sur le seuil de la porte de soute et du côté tribord de l aéronef, à proximité du moteur n o 3. Le mécanicien de bord et le commandant de bord ont procédé à une inspection visuelle du compartiment du moteur n o 3 et du compartiment de la boîte de transmission principale (BTP). Ils ont remarqué de l huile sur le tablier de la transmission principale, à l avant du compartiment du moteur n o 3, et le long du côté tribord de l hélicoptère. Le mécanicien de bord a communiqué avec son unité d attache pour discuter des procédures de dépannage et de maintenance. On a avisé le mécanicien de bord de nettoyer la zone touchée, de refaire le plein d huile, de procéder à un point fixe et de faire une inspection visuelle pour détecter toute fuite. Tout de suite après le point fixe, et encore une fois après le dîner, le mécanicien de bord a procédé à une inspection visuelle, mais il n a détecté aucune fuite. Aucune entrée n a été faite dans le dossier de maintenance de l hélicoptère pour indiquer qu on avait fait le plein d huile et un point fixe. Cependant, le mécanicien de bord et le commandant de bord ont jugé que l appareil était en bon état de fonctionnement, et ils se sont préparés au vol de retour à destination de Gander. Environ 10 minutes après le début du vol de retour qui devait durer une heure, on a de nouveau remarqué une fuite d huile, et le mécanicien de bord a recommandé d arrêter le moteur n o 3. Le commandant de bord a coupé ce dernier, et le vol s est poursuivi en direction de Gander. Aucune situation d urgence n a été déclarée. À son arrivée à Gander, le commandant de bord a exécuté un atterrissage avec roulage, avec deux moteurs, circulé au sol, puis procédé à l arrêt complet de l hélicoptère. 1.1.2 L'hélicoptère a été déclaré hors service et envoyé à l'atelier de maintenance afin de remplacer le moteur n o 3, que l on supposait la cause de la fuite d huile. Après le remplacement du moteur, on a exécuté un point fixe de l hélicoptère CH149910, le 28 juillet 2009, pour confirmer qu il était en bon état de service. CH149910 a été déclaré comme étant en bon état de service et prêt à l exécution d un essai en vol après maintenance, à la suite du remplacement du moteur. Le vol d essai après maintenance s est déroulé comme prévu et n indiquait aucune anomalie. L hélicoptère a été approuvé pour une remise en service, confirmée par un essai en vol. 1 / 28

1.1.3 Au moment de remorquer l appareil vers le hangar, après son essai en vol, des techniciens ont remarqué de l huile qui s écoulait près de l entrée d air moteur du côté tribord. Une quantité importante d huile a été découverte sur le tablier de la boîte de transmission, c est-à-dire au même endroit où le mécanicien de bord avait détecté de l huile la veille. Cette zone se trouve devant le compartiment du moteur n o 3, et elle loge le mécanisme d entraînement du moteur qui transmet la puissance du moteur à la BTP (photos 1 et 2). Le nettoyage de la zone touchée a mené les techniciens à vérifier le carter de l arbre de transmission intermédiaire du moteur n o 3 (faisant partie du mécanisme d entraînement du moteur n o 3), car ceux-ci soupçonnaient que le bouchon magnétique du fond était à l origine de la fuite d huile. 1.1.4 Durant l inspection, les techniciens ont découvert une fissure importante dans la bride extérieure du carter de l arbre intermédiaire. Vue du côté droit de l hélicoptère, la fissure s étendait de la position six heures à la position 12 heures (photo 3). La fissure suivait plus ou moins la zone de transition entre la bride et la section principale du carter de l arbre intermédiaire. L extrémité de la fissure se trouvant dans la partie inférieure du carter obliquait vers l intérieur et s éloignait de la bride dans un angle de 30 degrés (photos 4 à 7, carter monté sur l appareil; photos 8 à 11, carter démonté de l appareil). 1.1.5 La partie supérieure de la fissure était couverte d un résidu noir sur une longueur de six pouces. Les techniciens ont remarqué que ce résidu était semblable à celui d autres zones de la BTP, où des fuites avaient précédemment été détectées. Ils ont nettoyé la zone en question pour mieux inspecter la fissure. Durant l inspection, un technicien a placé sa main sur le mécanisme pour s appuyer et s étirer davantage afin de mieux voir, et il a remarqué que la fissure s entrouvrait légèrement. Les techniciens ont alors établi le bloc de tâches n o 1336, et un nouveau numéro de série 6270 (Arising Serial Number [ASN]), dans lequel la description de la défectuosité indiquait que l hélicoptère était mis en quarantaine en raison d une fissure de la BTP et d une fuite d huile. On a ensuite entamé une enquête liée à la sécurité des vols, sous le numéro 139403 dans le SGESV. 1.2 Victimes Sans objet. 1.3 Dommages à l aéronef 1.3.1 Les dommages causés à l aéronef se limitaient au mécanisme d entraînement du moteur n o 3 qui relie la BTP au moteur n o 3. La fissure de la bride extérieure du carter de l arbre intermédiaire faisant partie du mécanisme d entraînement du moteur n o 3 s étendait sur environ la moitié de la circonférence du carter et mesurait en tout 340 mm (13,5 pouces) de longueur. 2 / 28

1.4 Dommages indirects 1.4.1 L incident n a causé aucun dommage indirect. 1.4.2 L enquête a permis de relever des marques ainsi qu un transfert de peinture entre le carénage des biellettes de pas des pales du rotor principal et la partie supérieure du panneau protégeant l arrière de la transmission, que l on appelle communément la «niche à chien» (photos 12 et 13). Un rapport sur la sécurité des vols distinct, aucunement lié au présent rapport, a été amorcé sous le numéro 139465 dans le SGESV. 1.5 Renseignements sur le personnel Sans objet. 1.6 Renseignement sur l aéronef 1.6.1 Renseignements généraux sur l aéronef Le Cormorant CH149 est la variante réservée aux Forces canadiennes du modèle d hélicoptère de moyen tonnage EH101 d Agusta Westland. L hélicoptère est équipé de trois moteurs GE T700/T6A1. La BTP du CH149 transmet la puissance des trois moteurs au rotor principal, au rotor de queue et au boîtier d entraînement des accessoires. La BTP peut contenir au plus 62 litres d huile, tandis que chacun des moteurs peut comprendre au plus 6,9 litres d huile. 1.6.2 Les données de l aéronef relevées au moment de l incident sont présentées dans le tableau 1 ci-après. Il est important de souligner que le calendrier de maintenance est établi en fonction du nombre d heures rotor (HR) et non du nombre d heures cellule. Toute activité au cours de laquelle le rotor tourne donne lieu au cumul d heures rotor. Matricule de l aéronef 149910 Heures rotor 2340,35 Dernière inspection majeure Inspection aux 250 heures effectuée à 2182,07, le 22 mai 2009 Inspection la plus récente Inspection quotidienne le 27 juillet 2009 Travaux de réparation récents Remplacement du moteur n o 3 Numéro de série de la BTP : F125824 Totalisant 1954,40 heures au moment de sa pose dans CH149910 Référence de la BTP EA6322B501-045 Temps depuis la mise en service (TSN) de la BTP 2362,39 Temps depuis révision (TSO) de la BTP 408,00 Date de révision de la BTP 3 mars 2008 Temps depuis inspection (TSI) de la BTP 408,00 Date de pose de la BTP 17 novembre 2008 à 1932,35 HR (voir le bloc de tâches n o 953, ASN 4112) 3 / 28

Travaux les plus récents effectués sur la BTP OOP6311 : Inspection détaillée afin de vérifier tout dommage, l état et la précision des dimensions de la roue libre et des arbres des moteurs n o 1 et n o 3, effectuée au moment de la dernière inspection aux 250 heures. Tableau 1 Données sur l aéronef 1.6.3 Description générale de la BTP La BTP est formée d un ensemble de carters qui protègent les engrenages des étages du réducteur et de la transmission, les accessoires et les autres composants principaux. Les parois des carters de la transmission sont faites d un mince alliage d aluminium, et des goujons de fixation de type Rosan sont utilisés pour relier les brides de chacune des sections des carters, notamment : a) trois carters coudés du réducteur de premier étage (à chacun des arbres d entrée des moteurs); b) trois carters intermédiaires (à chacun des arbres d entrée des moteurs); c) un carter supérieur (aussi appelé boîtier supérieur, caisse supérieure ou logement du mécanisme d entraînement); d) un carter inférieur (également appelé boîtier inférieur, carter principal ou logement du mécanisme d entraînement); e) un carter du puisard; f) un boîtier d entraînement des accessoires. 1.6.4 Chacun des arbres de sortie du groupe moteur est accouplé à sa transmission respective de premier étage de la BTP au moyen d un arbre d entraînement. De plus, chacun des moteurs est fixé structurellement à la BTP au moyen du tube de conjugaison qui est relié au carter du premier étage du réducteur par un ensemble d articulation et de cardan de soutien. Les moteurs n o 1 et n o 3 sont également soutenus par une poutrelle de montage fixée au plafond du fuselage, tandis que le moteur n o 2 est arrimé au moyen de traverses et de ferrures. 1.6.5 La BTP est fixée à la structure de l hélicoptère au moyen de quatre traverses et de quatre biellettes reliées respectivement au carter supérieur et au carter du puisard. Les traverses et les biellettes sont attachées à quatre ferrures de soutien situées dans la partie supérieure du fuselage et fixées au cadre fort. Les quatre traverses contiennent également les vérins du système de réponse structurelle automatique (ACRS). Une fois montée dans la cellule, la BTP est inclinée de quatre degrés vers l avant. 4 / 28

1.6.6 Chacun des carters du premier étage du réducteur et du carter de l arbre intermédiaire comprend un mécanisme d entraînement qui transmet la puissance du moteur aux engrenages principaux de la BTP. Le mécanisme d entraînement comprend une transmission de premier étage et une transmission d étage intermédiaire. Les trois mécanismes d entraînement font partie de la BTP et sont assujettis au cycle de révision de la BTP. Le mécanisme d entraînement n o 3 de la BTP avait été monté au moment de sa mise en service initiale, et il totalisait le même nombre de HR que la BTP. 1.6.7 Le carter de l arbre intermédiaire n o 3 (réf. EA6322B574-043) est situé entre le réducteur de premier étage et la BTP (élément A délimité par une ligne noire dans la figure 1). De plus, le bloc d alimentation hydraulique intégré (IHPS) n o 1 est relié à la bride à l avant du carter de l arbre intermédiaire, à mi-chemin entre les brides intérieure et extérieure (photo 4). Vers le moteur n o 3 Carter MGB de la case BTP Vers le moteur n o 2 Bride extérieure Bride intérieure Vers le moteur n o 1 Arrière Avant Figure 1 BTP et l ensemble rotor du CH149. La flèche A pointe vers le carter de l arbre intermédiaire n o 3. 1.6.8 Le système diagnostic d analyse du rotor (RADS) capte le sillage des pales du rotor principal en plus d enregistrer les vibrations de l hélicoptère et du rotor de queue au moyen de huit accéléromètres. Six des accéléromètres du RADS se trouvent dans la cabine, tandis que les deux autres sont situés au niveau du rotor de queue. Un enregistreur de vibrations (VRM) saisit les données des accéléromètres du RADS et fournit des renseignements sur les vibrations et l état des composants pour aider à déterminer les procédures de maintenance nécessaires après un événement lié aux vibrations. 5 / 28

1.7 Renseignements météorologiques Sans objet. 1.8 Aide à la navigation Sans objet. 1.9 Télécommunications Sans objet. 1.10 Renseignements sur l aérodrome Sans objet. 1.11 Enregistreurs de vol 1.11.1 L hélicoptère CH149 est équipé d un enregistreur de données de vol (FDR) et d un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR). Les enregistreurs ont été envoyés au Conseil national de recherches du Canada aux fins d analyse. 1.11.2 Les données sur les vibrations du VRM ont été recueillies aux fins d analyse. Toutefois, l emplacement des accéléromètres du RADS n est pas conçu pour détecter les vibrations du carter de l arbre intermédiaire n o 3 de la BTP, et les données relatives aux vibrations n ont permis de relever aucune situation inhabituelle dans le cadre du présent événement. 1.12 Renseignements sur l épave et sur l impact Sans objet. 1.13 Renseignements médicaux Sans objet. 1.14 Incendie, dispositifs pyrotechniques et munitions Sans objet. 1.15 Questions relatives à la survie Sans objet. 1.16 Essais et recherches 6 / 28

1.16.1 On a obtenu des échantillons d huile, les filtres et les bouchons magnétiques de la BTP, ainsi que des échantillons de liquide hydraulique et les filtres de l IHPS n o 1. Tous les échantillons collectés ont été envoyés au Centre d essais techniques de la qualité (CETQ) aux fins d analyse. Les échantillons en question ne présentaient aucune anomalie. 1.16.2 La BTP a été envoyée à Agusta Westland, le constructeur d origine, afin de procéder au démontage et à la vérification du mécanisme d entraînement. Le carter de l arbre intermédiaire a été déposé et envoyé au CETQ aux fins d analyse. Les résultats sont présentés en détail dans la deuxième partie du présent rapport. 1.17 Renseignements sur l organisation et la gestion 1.17.1 La base du 103 e Escadron de recherche et de sauvetage (SAR), 9 e Escadre, est située à Gander (Terre-Neuve-et-Labrador), et l escadron utilise trois hélicoptères Cormorant pour ses activités de recherche et de sauvetage. Les travaux de maintenance sont effectués par un entrepreneur civil dans le cadre d un contrat de soutien en service (CSES). 1.18 Renseignements supplémentaires et autres observations 1.18.1 En conséquence du présent événement, on a donné l ordre de procéder immédiatement à une inspection spéciale «avant le prochain vol», sous le HFX/SI/09/009, en date du 29 juillet 2009, qui indiquait d effectuer une inspection approfondie de tous les aéronefs afin de vérifier si le carter de l arbre intermédiaire n o 3 des BTP des hélicoptères en service était fissuré. L inspection spéciale a permis de conclure que tous les autres appareils étaient en bon état de service et qu aucun autre carter de l arbre intermédiaire n était fissuré. 1.18.2 En outre, une modification (IMP SA 00822) a été apportée à l inspection quotidienne pour prescrire l inspection du logement du mécanisme d entraînement (c est-à-dire le carter de l arbre intermédiaire), en vue de vérifier la présence de toute fuite d huile ou de fissure. 1.18.3 Une alerte au risque de navigabilité a été créée le 29 juillet 2009 et indiquait un faible risque pour la navigabilité. Le 10 mars 2010, on approuvait un registre de gestion des risques pour la navigabilité (RARM), le RARM-CH149-2009-087, dans lequel on modifiait l indice du risque pour la navigabilité de faible à moyen. Le RARM a servi à évaluer, à accepter et à surveiller les risques associés à tout carter de l arbre intermédiaire n o 3 fissuré. Depuis cette date, l indice de risque a été réduit à un niveau de risque acceptable en conséquence des mesures d atténuation des risques mises en place. 1.19 Techniques d enquête utiles ou efficaces Sans objet. 7 / 28

2 ANALYSE 2.1 Généralités 2.1.1 Des enquêtes techniques ont été menées en collaboration avec le constructeur d origine de la BTP et le CETQ, à l appui de la présente enquête sur la sécurité des vols. Le constructeur d origine de la BTP a effectué des analyses de contraintes approfondies, tandis que le CETQ a procédé à l analyse des matériaux et à l analyse fractographique des composants fissurés. 2.2 Données historiques de l ARC concernant les fissures du carter de l arbre intermédiaire de la BTP du Cormorant 2.2.1 Données sur la sécurité des vols 2.2.1.1 Une recherche dans les anciens dossiers de sécurité des vols a révélé que deux autres incidents avaient été signalés à l égard d un carter de l arbre intermédiaire n o 3 fissuré à bord d un hélicoptère CH149 Cormorant. Ces incidents antérieurs avaient touché les hélicoptères CH149904 (SGESV n o 138061) et CH149901 (SGESV n o 118564 et n o 120020), et ils sont décrits dans les paragraphes qui suivent. La figure 2 montre l emplacement des fissures détectées lors des trois incidents en question. AC 904 AC 910 AC 901 Figure 2 Emplacement des fissures relevées sur le carter de l arbre intermédiaire n o 3 des hélicoptères CH149901, CH149904 et CH149910. 8 / 28

2.2.2 CH149904 (SGESV n o 138061) 2.2.2.1 Le 20 avril 2009, une perte d huile observée dans le cadre d un vol de navigation a mené à l atterrissage de précaution de l hélicoptère CH149904 à l aéroport le plus près. Malgré la présence manifeste d une fuite d huile importante, la cause de la fuite n a pas pu être déterminée lors de l inspection visuelle initiale. Dans le cadre des activités de dépannage en vue de déterminer l origine de la fuite, les techniciens ont effectué un point fixe après avoir appliqué un «révélateur» sur le carter de l arbre intermédiaire. Après le point fixe, un contrôle à la lumière noire a permis de détecter que le carter de l arbre intermédiaire était fissuré à la hauteur d une canalisation d huile près de la bride extérieure (figure 2 et photos 14 à 16). La mesure préventive contenue dans le SGESV indiquait que la BTP serait envoyée au constructeur d origine aux fins de réparation et d enquête, en vue de déterminer la cause de la fissure. Toutefois, aucun rapport sur le démontage ni enquête technique n avaient été demandés au constructeur d origine qui n a donc envoyé aucun rapport avant l incident touchant l hélicoptère CH149910. 2.2.2.2 Le constructeur d origine a ultérieurement publié un rapport d analyse fractographique du carter de l arbre intermédiaire de l hélicoptère CH149904 1. Le rapport en question donnait des précisions sur la fissure de 20 mm située au rayon du congé, entre le corps principal du carter et la bride, laquelle fissure se prolongeait jusqu à la canalisation d huile. Les conclusions du rapport indiquaient que la fatigue avait causé la fissure et l avait aggravée, mais elles ne mentionnaient aucune anomalie des matériaux ayant pu provoquer l amorce de la fissure en question. 2.2.3 CH149901 (SGESV n o 118564 et n o 120020) 2.2.3.1 SGESV n o 118564 Le 1 er octobre 2004, un technicien qui tentait de déterminer l origine d une fuite d huile du moteur n o 3 a découvert qu un boulon reliant le tube de conjugaison à l articulation était cisaillé et que le manchon associé au même boulon était aussi très usé. Une enquête plus poussée a révélé que les trois joints d étanchéité de l arbre d entraînement du moteur étaient déchirés et dégradés, et on a déterminé qu ils étaient à l origine de la fuite d huile. Le chemin de roulement intérieur du moteur n o 1 avait également été endommagé. Le moteur a été remplacé et un nouvel ensemble d articulation et de cardan a été posé, dont de nouveaux manchons et pièces de fixation. 1 Rapport du laboratoire d Agusta Westland, N.T./TL/038/2009, 16 octobre 2009. 9 / 28

2.2.3.2 SGESV n o 120020 Le 28 janvier 2005, le moteur n o 3 de l hélicoptère CH149901 a subi une autre fuite d huile. L enquête a révélé qu un autre boulon de l articulation s était cisaillé. Le type de dommages qu avaient subis le manchon et le boulon était fort semblable à l incident SGESV n o 118564 qui l avait précédé. Comme le deuxième événement lié à la sécurité des vols s était produit seulement 58 HR après le premier incident, on a procédé à des activités de dépannage exhaustives, dont la vérification du bon alignement statique du moteur et de la BTP dans la cellule. Comme aucune cause n a pu être déterminée, le moteur ainsi que l ensemble d articulation et de cardan ont de nouveau été remplacés. L hélicoptère a ensuite fait l objet d une surveillance au quotidien. Durant la période de surveillance, on a constaté que le manchon du cardan s était détérioré après seulement 54 HR; les boulons et les manchons ont de nouveau été remplacés. Par la suite, en moins de 100 heures, un quatrième événement s est produit alors qu un boulon et un manchon du cardan ont cédé. 2.2.3.3 L enquête a révélé que la BTP était fissurée à deux endroits. Une fissure de 80 mm se trouvait sur le carter de l arbre intermédiaire n o 3, à l avant de la bride intérieure (figure 2), et une fissure de 90 mm était située sur le carter principal de la BTP, près de la bride reliant le carter principal au carter de l arbre intermédiaire, mais cette dernière fissure était diamétralement opposée à l autre fissure du carter de l arbre intermédiaire. La BTP a été envoyée au constructeur d origine qui a alors détecté une autre fissure de 45 mm à proximité de la fissure de 80 mm du carter de l arbre intermédiaire. Après le remplacement de la BTP en question, l hélicoptère CH149901 a été remis en service sans autre incident. 2.2.3.4 L enquête menée par le constructeur d origine à l égard des événements qu avait subis CH149901 a permis de déterminer que les trois fissures de la BTP avaient été causées par la fatigue et s étaient amorcées dans des zones de concentrations d effort géométriques (c est-à-dire à l endroit où l épaisseur de la paroi variait ou à un rayon) 2,3. Toutefois, à l amorce des fissures, aucune anomalie dimensionnelle n avait été détectée relativement aux spécifications de montage et à la discontinuité des matériaux. L absence de problème propre à la construction ou à la défectuosité des matériaux a poussé le constructeur d origine à conclure que les carters avaient été soumis à un effort anormal, ce qui avait causé l amorce des fissures. La source de l effort anormal n a pas été déterminée, et le constructeur d origine ne pouvait pas confirmer en toute certitude si les fissures de la BTP étaient la cause ou l effet de la défaillance initiale de l ensemble d articulation et de cardan. Toutefois, on a signalé que la présence de fissures de fatigue sur le carter de la BTP aurait accéléré l usure du cardan. Cette conclusion est d ailleurs étayée du fait que l hélicoptère CH149901 a pu être remis en service sans autre problème, après le remplacement de la BTP. 2 Rapport du laboratoire des matériaux d Agusta, no 2665, 9 décembre 2005. 3 Note de service sur l interconnexion, Agusta Westland, RJS-IM-WHL-06-011, 18 avril 2006. 10 / 28

2.3 Enquête technique relative aux carters intermédiaires 2.3.1 Inspection avec démontage complet 2.3.1.1 La BTP de l hélicoptère CH149910 a été déposée et envoyée aux installations de révision du constructeur d origine où l on a procédé à son démontage complet en présence de représentants de la DSV et du CETQ. Aucune anomalie du composant ni anomalies dimensionnelles jugées pertinentes à la défaillance n ont été relevées durant le démontage complet. 2.3.1.2 On a alors demandé au CETQ d examiner la fissure du carter de l arbre intermédiaire de même que les restes des carters intermédiaires des hélicoptères CH149904 et CH149901, qui avaient été conservés par le constructeur d origine, afin de déterminer les mécanismes et les causes de la défaillance. Les faits saillants du rapport 4 du CETQ sont présentés dans les paragraphes qui suivent. 2.3.2 Examen visuel et essais non destructifs 2.3.2.1 Le CETQ a reçu le carter de l arbre intermédiaire de l hélicoptère CH149910 toujours intact. La fissure était visible et située près de la bride extérieure, se prolongeant à proximité de la partie supérieure du carter puis redescendant vers l arrière. Le carter a été nettoyé et la peinture a été enlevée par procédé chimique. On a ensuite effectué un essai de ressuage par immersion complète du composant dans un liquide pénétrant, ce qui n a révélé aucune autre fissure. 2.3.2.2 Le CETQ a reçu le carter de l arbre intermédiaire de CH149904 alors qu il était déjà nettoyé et sans peinture. La section fissurée était désunie du composant et la fissure s entrouvrait. La fissure était située dans la partie supérieure du carter, près de la bride extérieure (photos 14 à 16). Un essai de ressuage du carter au moyen d un liquide pénétrant n a révélé aucune autre fissure. 2.3.2.3 Le CETQ a seulement reçu les sections désunies (dont les fissures s entrouvraient) du carter de l arbre intermédiaire et du carter principal de l hélicoptère CH149901. La fissure de la boîte de transmission principale mesurait environ 90 mm de longueur, en oblique par rapport à la bride. Les deux fissures du carter de l arbre intermédiaire mesuraient respectivement 40 mm et 70 mm de longueur, et leur amorce semblait se trouver côte à côte. Les deux fissures du carter de l arbre intermédiaire étaient parallèles et rapprochées du bord de la bride. Les trois fissures étaient associées à des concentrations de contraintes de la géométrie des pièces. 4 Projet n o D010609 du CETQ, Enquête sur la défaillance des carters de l arbre intermédiaire no 3 de la BTP du CH149 (Investigation of failed CH149 No. 3 Main Gearbox Intermediate Cases), avril 2010. 11 / 28

2.3.3 Géométrie du carter AC 910 2.3.3.1 Avant de procéder à un essai destructif du carter de l arbre intermédiaire de l hélicoptère CH149910, on a effectué un balayage de l ensemble du composant à l aide d un lecteur laser 3D pour relever les dimensions du composant et établir un modèle d analyse par éléments finis dont les dimensions sont exactes, aux fins d analyse des contraintes. Selon les spécifications, l épaisseur minimale de la paroi du carter est de 4,0 (+/- 0,7) mm et un coude de 90 dont le rayon minimum de 6,0 (+/- 0,7) mm assure la transition entre le corps principal du carter et la bride. L analyse dimensionnelle a révélé que l épaisseur de la paroi du carter de l hélicoptère CH149910 était conforme aux exigences minimales relatives à l épaisseur et à l arrondi de la transition. 2.3.3.2 On a constaté que l épaisseur de la paroi du corps principal du carter de l arbre intermédiaire était de 5,5 à 7,5 mm, et que l épaisseur de la zone plane contiguë à la bride était de 4,0 à 5,0 mm. Toutefois, l épaisseur de la paroi du carter changeait plutôt abruptement dans la zone plane contiguë à la bride, à peine plus loin que la zone de transition arrondie. La position de la fissure correspondait à ce brusque changement d épaisseur de la paroi. Ultérieurement, une analyse fractographique de la fissure ouverte a révélé que cette zone était l endroit où la fissure de fatigue prenait naissance. 2.3.4 Moulage de la BTP Caractérisation des matériaux 2.3.4.1 Le matériau du carter de l arbre intermédiaire est désigné comme étant de l aluminium moulé en sable de classe 10, A357.0 (MIL-A-21180). Des échantillons de chacun des carters intermédiaires ont été analysés au moyen d un spectromètre d émission à étincelle, et les résultats ont indiqué que les trois moulages étaient conformes aux exigences de composition du matériau spécifié. 2.3.4.2 Des échantillons des zones voisines aux fissures de chacun des carters intermédiaires ont été montés et polis afin de procéder à des essais de dureté. Les résultats des essais de conformité à la norme de dureté Rockwell B étaient constants d un échantillon à l autre et indiquaient que le moulage était conforme aux spécifications de dureté du matériau. 2.3.4.3 Selon les spécifications, le traitement thermique du moulage se fait conformément à la norme MIL-H-6088 jusqu à une résistance ultime en traction de 38,0 klb/po 2 (262 MPa) et une limite d élasticité minimale de 28,0 klb/ po 2 (195 MPa). Les résultats des essais de traction effectués sur les échantillons provenant des carters de l arbre intermédiaire des hélicoptères CH149904 et CH149910 dépassaient les exigences minimales prescrites pour le matériau. 12 / 28

2.3.5 Qualité du moulage de la BTP Porosité et particules non dissoutes 2.3.5.1 Les parties polies et dépolies de chacun des moulages ont été examinées à l aide d un microscope métallographique pour évaluer la microstructure du matériau. En outre, les parties de l échantillon ont été examinées à l aide d un microscope électronique à balayage (MEB) afin de déterminer la composition des éléments microstructuraux par analyse par rayon X à dispersion d énergie. Les trois carters intermédiaires présentaient une microstructure dendritique du matériau et contenaient de petits regroupements de particules de silicone angulaires et de particules de magnésium et de silicone non dissoutes. Bien que ces particules indésirables soient le résultat normal du procédé de moulage, la densité des particules témoigne de la qualité du moulage. 2.3.5.2 On a effectué une inspection complète par procédé radiographique des entretoises des hélicoptères CH149904 et CH149910, conformément aux exigences radiographiques du constructeur d origine. Même si les pièces satisfaisaient aux exigences applicables aux dessins, certaines zones du moulage ont été jugées comme étant à la limite de l acceptabilité, compte tenu de la taille et de la quantité de matériaux poreux. 2.3.5.3 L examen effectué par MEB du faciès de rupture du carter de l arbre intermédiaire de l hélicoptère CH149904 a permis de déterminer que la fissure s était propagée à partir d un seul point d amorce associé à un grand pore sous la surface. Le pore en question mesurait 0,5 mm de longueur sur 0,25 mm de largeur, et il était entouré de signes de surcharge, ce qui indique que, pour ce qui est de la résistance du matériau, l effort était élevé. Ce même pore était également entouré d une concentration beaucoup plus grande de particules de silicone angulaires et de particules de magnésium et de silicone non dissoutes. 2.3.5.4 La présence de porosité ainsi que de particules de silicone angulaires et de particules de magnésium et de silicone ne signifie pas nécessairement que la pièce moulée ne pouvait pas être utilisée, car ces caractéristiques sont inhérentes à tout procédé de moulage. Toutefois, leur présence créait un concentrateur de contraintes pouvant engendrer une fissure ou favoriser sa propagation. 2.3.6 Caractéristiques du moulage de la BTP Fini de surface 2.3.6.1 La rugosité de surface peut contribuer à l amorce d une fissure de fatigue. Les exigences relatives au fini de surface des moulages de la BTP et prescrites par le constructeur d origine sont définies en fonction de la norme Teledyne réf. PCC-65-001 «Cast Surface Comparator». Dans le cas du carter de l arbre intermédiaire, les exigences relatives au fini de surface (c est-à-dire la rugosité de la surface ou Ra) sont des noyaux C70 (Ra 12.5 μm) et des surfaces extérieures C60 (Ra 7 μm). 13 / 28

2.3.6.2 Des échantillons des trois entretoises du carter de l arbre intermédiaire ont été mesurés pour déterminer les valeurs types de la rugosité des surfaces extérieures. En outre, la mesure de la rugosité a été prise dans des zones d intérêt bien précises, notamment les zones d amorce de la fissure. La mesure de la rugosité de la surface extérieure variait de 2,0 μm à 8,6 μm. Plus particulièrement, la rugosité de la surface extérieure dans les zones d amorce de fissure de chacun des carters du CH149910 et du CH149904 était respectivement de 7,0 (+/- 1,4) μm et de 7,0 (+/- 2,0) μm. Bien que la rugosité de la surface extérieure des zones de la fissure était conforme aux exigences du constructeur d origine, on a remarqué que celle des zones d amorce des fissures était aux limites des valeurs acceptables prescrites dans les spécifications, et qu elle a probablement contribué à l amorce des fissures pour les deux aéronefs en question. 2.3.7 Fractographie 2.3.7.1 Le CETQ a effectué une analyse fractographique détaillée des fissures des trois carters de l arbre intermédiaire en cause dans les incidents. L analyse du carter de l arbre intermédiaire de l hélicoptère CH149910 a permis d établir que la fissure mesurait 340 mm (13,5 pouces) de longueur. Nombre des caractéristiques que présentait la partie médiane de la fissure avaient été effacées par le frottement des faciès de rupture. Toutefois, les zones de porosité du moulage se prêtaient toujours aux analyses. En outre, une piqûre relativement importante dans la surface extérieure a été repérée près de la partie médiane de la fissure, et elle a été associée à une zone riche en silicone. Elle présentait toujours une petite zone où l on pouvait observer des caractéristiques de fatigue. 2.3.7.2 L examen fractographique du composant de l hélicoptère CH149910 a permis de conclure que la fissure avait pris naissance sur la surface extérieure du carter, à un point situé près de la partie médiane de la fissure. La fissure s est ensuite propagée vers l extérieur de part et d autre de ce point, et des stries uniformes indiquaient une répétition de la condition d effort. Cependant, au fur et à mesure que la fissure se rapprochait de la partie inférieure du carter, elle s éloignait de la bride, se dirigeant vers le corps principal du carter, et sa propagation s est accélérée au fur et à mesure que le carter s affaiblissait. 2.3.7.3 Le faciès de rupture du carter de l arbre intermédiaire de l hélicoptère CH149904 présentait les caractéristiques d un effort excessif à l amorce de la fissure de même que des stries plutôt grossières, ce qui indique que l effort avait été élevé par rapport au point de résistance du matériau et, par conséquent, qu il était possiblement anormal. Par contre, les fissures que présentait le carter de l arbre intermédiaire de l hélicoptère CH149901 avaient de multiples amorces, des stries fines et aucune discontinuité, ce qui indiquait une propagation plus stable de la fissure de fatigue. 14 / 28

2.4 Analyse de l effort menée par le constructeur d origine 2.4.1 Efforts du carter de l arbre intermédiaire Validation de la conception du carter 2.4.1.1 Dans le cadre de l enquête, le constructeur d origine a examiné les données de l extensomètre relatives à l anneau du cardan et au tube de conjugaison qui avaient été obtenues durant les vols d essai de qualification d un hélicoptère EH101-510 en voie de mise au point. Le constructeur d origine a entré les données de l extensomètre dans son modèle d analyse par éléments finis du carter de l arbre intermédiaire de la BTP, afin de déterminer le lien entre l effort du cardan et les contraintes subies par l enveloppe du carter de l arbre intermédiaire 5. L analyse a révélé que des vibrations de l avant vers l arrière (c est-à-dire axiales) dominaient la contrainte imposée au carter de l arbre intermédiaire, car la cellule induisait la BTP dans un mouvement de lacet qui se produisait lorsque les pales du rotor principal atteignaient la fréquence passante (5R = 17,85 Hertz [Hz]). L effort ainsi engagé par les 5R n est pas directement lié au réglage de la puissance moteur, mais plutôt aux conditions de vol. 2.4.1.2 Par ailleurs, les données de l extensomètre du constructeur d origine ont permis de déterminer que l effort causé par les vibrations des 5R et subi par le carter de l arbre intermédiaire dépassait parfois les limites de résistance à la fatigue établies à la conception, alors que les vibrations des 5R de la cellule s ajoutaient au mouvement avant et arrière déphasé des moteurs n o 1 et n o 3. Les cycles d effort causé par les 5R et subi par le carter de l arbre intermédiaire se sont avérés complexes et imprévisibles; ils se produisaient par courtes périodes de vibrations des 5R élevées lorsque les phases de vibrations se combinaient momentanément. 2.4.1.3 L analyse par modèle d'éléments finis (FEM) effectuée par le constructeur d origine a également permis de déterminer que les zones les plus critiques de résistance à la fatigue du carter de l arbre intermédiaire n o 3 correspondaient aux mêmes endroits que ceux relevés par l ARC. La photo 17 présente les zones de fatigue critiques (indiquées comme étant les points 2 et 12), lesquelles correspondent respectivement aux amorces de fissure des composants des hélicoptères CH149904 et CH149910. 5 Effort induit par la BTP sur le logement d entrée du moteur no 3 du EH101, EA6322B574, Document EA63K0004W, numéro 2, 18 juin 2010. 15 / 28

2.4.1.4 Durant la mise au point de l hélicoptère EH101, la conception du carter de l arbre intermédiaire a d abord seulement tenu compte de l effort induit par le couple du moteur. L analyse du constructeur d origine a révélé que la fatigue mégacyclique (HCF) à 5R s avérait le mécanisme prédominant qui déterminait la durée de vie en fatigue du carter de l arbre intermédiaire, et que ce mécanisme avait une plus grande incidence sur la durée de vie en fatigue que l effort induit par le couple du moteur utilisé dans les calculs lors de la conception originale 6. Le constructeur d origine a conclu qu il était probable que la fissure du composant de l hélicoptère CH149910 était principalement due à la fatigue causée par les vibrations axiales des 5R. 2.4.1.5 L analyse du constructeur d origine a également indiqué qu une fois la fissure faite dans le carter de l arbre intermédiaire, le seuil des niveaux de contraintes causant des dommages diminuerait. Par conséquent, même si la fissure se propage lentement dans les premiers temps en raison d un nombre moins élevé de cycles causant des dommages, elle se propage beaucoup plus rapidement au fur et à mesure qu elle s élargit. L analyse des stries de fatigue effectuée par le CETQ a révélé que la partie inférieure du carter de l arbre intermédiaire de l hélicoptère CH149910 indique un taux de propagation très rapide de la fissure. Le CETQ estime que les derniers 120 mm de la fissure se sont probablement produits au cours des dix dernières heures de vol, alors que la fissure a changé d orientation, s éloignant de la bride pour se diriger vers le corps principal du carter de l arbre intermédiaire. 2.4.1.6 Le constructeur d origine a tenté de quantifier la durée de vie en fatigue du carter de l arbre intermédiaire n o 3 à l aide de l effort dérivé du spectre d utilisation de l hélicoptère canadien de recherche et de sauvetage 7. Dans le cas du point n o 2 (c est-à-dire l emplacement de la fissure du composant de l hélicoptère CH149904, photo 17), on a obtenu une durée de vie en fatigue de 1031 HR, ce qui est semblable aux 1232 HR que totalisait le carter de l arbre intermédiaire de l hélicoptère CH149904 lors de sa défaillance. Toutefois, compte tenu de la nature complexe et imprévisible des vibrations axiales des 5R, le constructeur a fait une mise en garde indiquant que l analyse en question ne donnait qu une estimation générale de la vie en fatigue mégacyclique qui pourrait être utilisée afin d évaluer et de comparer les options de conception. 6 Lettre d Agusta Westland, E/SPK/DB/0172, 23 juin 2010. 7 Note technique d Augusta Westland, PCTM 101-N-09-08, 4 novembre 2009. 16 / 28

2.4.1.7 Le constructeur d origine a publié le bulletin de service obligatoire CSH-63-221, en date du 18 décembre 2009, dans lequel il prescrivait une série d inspections visuelles (aux 50 heures) et d inspections visuelles détaillées (aux 150 heures) des deux brides du carter de l arbre intermédiaire n o 3. En outre, le bulletin prescrivait un contrôle non destructif sous forme d inspections par courants de Foucault (aux 300 heures) de la bride extérieure du carter de l arbre intermédiaire n o 3, à proximité des points 2 et 12, désignés comme une zone de contraintes élevées par le constructeur d origine (photo 17). Depuis l adoption des mesures du bulletin de service, aucune autre fissure des carters de l arbre intermédiaire n a été relevée au sein de la flotte des hélicoptères CH149 de l ARC. 2.5 Effet de la défaillance de l anneau du cardan sur l effort induit par les vibrations des 5R 2.5.1 L incident qui a touché l hélicoptère CH149901 différait légèrement du problème qu a connu CH149910, car une défaillance mécanique a potentiellement contribué à l amorce de la fissure du carter de l arbre intermédiaire. De plus, la fissure était située près de la bride intérieure du carter de l arbre intermédiaire, tandis que les deux autres fissures se trouvaient près de la bride extérieure. 2.5.2 Il est également important de souligner que le VRM n a enregistré aucun dépassement de vibrations, ce qui montre que les accéléromètres du RADS ne peuvent pas détecter des vibrations inhabituelles dans la zone reliant le moteur n o 3 à la BTP. En septembre 2005, on a effectué une enquête sur les vibrations du moteur de CH149901, et une analyse FEM a servi à déterminer que le mode majeur de vibrations axiales (avant-arrière) du moteur était d environ 20 à 21 Hz et dépendait de la rigidité de la liaison entre le logement et le cardan. L usure et la défaillance du cardan auraient atténué la rigidité de la liaison en question, réduisant sa fréquence naturelle à la fréquence d excitation des 5R (17,85 Hz), ce qui a augmenté l effort imposé à la BTP. 2.5.3 Peu importe si la défaillance initiale du boulon du cardan de l hélicoptère CH149901 est une cause ou un effet, l analyse indique qu une fois la ou les fissures de la BTP établies, l affaiblissement en soi de la rigidité de la BTP a contribué aux défaillances successives des boulons et des manchons du cardan ainsi qu à la propagation des fissures de la BTP. Le remplacement de la BTP a rétabli le bon état de fonctionnement de l hélicoptère, et le cardan n a plus fait l objet de défaillances. 17 / 28