DIRECTIVE SERVICES : ET MAINTENANT?



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Transcription:

Représentation de la Commission en France DIRECTIVE SERVICES : ET MAINTENANT? Lundi 10 juillet 2006 Chambre de commerce et d industrie de Paris 27 avenue de Friedland 75008 Paris

Allocution d ouverture Pierre SIMON Président de la CCIP, Président d Eurochambres Nous sommes ravis de vous accueillir dans la maison des entreprises, dans laquelle vous pouvez vous considérer comme chez vous. La CCIP a à cœur de susciter le débat national sur l Europe et son évolution. Nous devons en permanence vendre l Europe à nos concitoyens. Ce n est pas facile car plus l institution parle d Europe et plus nous avons le sentiment que les politiques, eux, prennent leurs distances. Nous n allons pas pour autant faire silence. La Chambre de commerce de Paris a décidé de lancer un cycle de rencontres européennes qui se tiendront deux fois par an. Nous sommes particulièrement motivés pour cela, non seulement parce que je préside Eurochambres, organisation européenne représentant le monde consulaire en Europe, mais aussi parce que l Europe est au cœur des activités de la CCIP, dans son lobbying quotidien comme dans ses activités opérationnelles de formation (Institut de l Europe au sein d HEC, ESCPAP école européenne unique disposant de campus à Londres, Turin, Madrid, Berlin et Paris comptant 55 % d étudiants européens non français). L Europe est également au cœur de l appui que nous apportons aux entreprises, puisque nous gérons un Centre Relais Innovation, un EIC et un centre de recherche en droit des affaires. Nous souhaitons apporter notre contribution au débat européen, sur des sujets majeurs comme celui d aujourd hui mais aussi sur l éducation et la formation, le développement régional, les transports et surtout l entrepreneuriat. Je remercie l ensemble des participants à cette rencontre, et tout particulièrement la représentation de la Commission européenne à Paris, en la personne de Monsieur Gazzo, le MAE, en la personne de Monsieur de Poncins, directeur de cabinet de Catherine Colonna, Eurochambres et le cabinet Athenora. J adresse un remerciement spécifique à Francis Lemor, en charge de la supervision du secteur des études de notre chambre et rapporteur pour le Conseil économique et social d un avis sur la proposition de Directive Services. Nous avons choisi ce sujet pour trois raisons : Il ne saurait y avoir de véritable marché unique européen sans un marché européens des services. Ceux-ci représentent 70 % du PIB en Europe et seulement 20 % des échanges intracommunautaires. Notre pays est le plus gros fournisseur de prestations de services européen. Ce secteur représente 800 000 entreprises et 45 % de la totalité de l emploi dans notre pays. Alors que nous somme en tête en Europe en termes de poids économique du secteur, et bien que nous disposions de nombreuses sociétés mondialement reconnues, nous ne sommes que la 3 ème exportateur de services. 2

Le texte qui résulte d un compromis entre le Conseil, la Commission et le Parlement mérite d être salué ne serait-ce que parce qu il existe. Il a été élaboré dans un contexte très difficile, particulièrement en France, au moment du référendum sur le traité constitutionnel. Les thèmes les plus controversés ont été éliminés du nouveau texte (principe du pays d origine, application de la législation sociale, préservation des services publics). Je tiens à excuser Evelyne Gebhardt, rapporteur du texte au Parlement européen, qui est retenue cet après-midi par une audition à Bruxelles et qui regrette vivement de ne pouvoir se joindre à nous. Yves Gazzo sera là pour nous faire part du point de vue européen. Le travail n est pas terminé et la transposition de la Directive sera difficile. La Commission a prévu un allongement exceptionnel du délai de transposition de deux à trois ans. Le débat sur la Directive Services est susceptible de rebondir à tout instant. Les échéances électorales peuvent être l occasion de nombreuses surenchères et il est important que nous continuions à faire preuve de pédagogie. C est tout l objet de notre réunion. Yves GAZZO Chef de la Représentation de la Commission européenne en France La Directive Services est un bon exemple de communication européenne quelque peu loupée, pour deux raisons principales. L élargissement du champ des compétences de la Commission survenu depuis les années 50 s est fait sans aucun effort particulier de communication envers les citoyens. Il s ensuit une méconnaissance assez forte de l Europe chez les citoyens. 36 % des Français se disent suffisamment informés sur l Europe. Un tiers des français seulement savent qu il existe un hymne européen. Moins de 50 % d entre eux savent que les députés européens sont élus au suffrage universel Le déficit d information est important. On constate dans certains milieux, notamment dans le milieu de l enseignement, une véritable réticence à communiquer sur l Europe. C est souvent la peur qui motive ces craintes. En l occurrence, avec la Directive Services, ce n est pas la crainte du plombier mais celle de l enseignant polonais qui a prévalu. Certains enseignants ont adopté des positions très dures à l encontre de la Directive et par extension du projet de constitution. On constate également des réticences dans le monde des médias. L Europe n est pas un sujet entraînant. Les sujets qui marquent les citoyens sont souvent les négatifs. Chez les élus non plus, on ne joue pas toujours le jeu. Les élus sont prompts à blâmer l Europe et oublient de mentionner la participation de l Europe à certains des grands projets autours desquels ils communiquent (Viaduc de Millau ). Rien n est fait par les élus en France pour faire savoir que l Europe existe. Les différents corps du pays ne s investissent pas suffisamment dans la communication autour de l Europe. La «non campagne» sur la Directive Services a été riche d enseignements. Il a pratiquement été impossible de communiquer. On parlait d invasion par les Tchèques ou par les Polonais. J ai rarement voire jamais entendu parler des conditions dans lesquelles l ouverture devait s opérer, des étapes, du calendrier prévus. Il s est avéré très difficile de faire passer le message. La Commission est sûrement fautive. Mais ce n est pas la Commission elle-même qui peut diffuser ces messages. Elle peut les préparer et les rendre plus intelligibles, mais sans l investissement des corps intermédiaires (élus locaux, éducation nationale), le citoyen aura du mal à accéder à l information. 3

Face au non français et néerlandais à la Constitution européenne, la Commission, souhaitant palier les difficultés de communication, a lancé le «plan D», qui coïncidait avec la pause décidée par le président du Conseil jusqu en 2007. Cette période est mise à contribution pour réfléchir à des moyens de relancer l Europe. Pendant la présidence allemande, de janvier à juin 2007, des propositions pourraient être faites, et des solutions pourraient être avancées. De même, durant la présidence française, lors du deuxième semestre 2008, pour déboucher en 2009 sur de nouveaux textes. Plusieurs pays ont aujourd'hui ratifié le traité et d autres comme la Finlande devraient le faire, ce qui pourrait contribuer à relancer le dialogue dans les pays qui hésitent encore. Il faudra toutefois se rapprocher du citoyen et décentraliser la communication. A Paris, nous avons lancé un cercle de réflexion sur l Europe qui s est réuni à 4 reprises et a créé 5 groupes de travail : les jeunes et l Europe ; le monde de l entreprise et l Europe ; le monde de l enseignement et l Europe ; l art et l Europe ; les collectivités territoriales et l Europe. Ces groupes ont émis des idées que nous avons recoupées avec le résultat d enquêtes sur les attentes des français. Ceux-ci se disent pro-européens, mais ils n ont pas confiance dans les politiques et souhaitent que l information leur soit transmise par des proches (maires, enseignants, ). Ils veulent également participer au projet européen et que leurs avis soient pris en considération. Si la Commission doit s efforcer de rendre ses textes plus lisibles, il serait donc souhaitable que les corps intermédiaires, notamment les hommes et femmes politiques, contribuent à passer les messages. L attente en bout de chaîne, si elle n est pas entendue, pourrait s avérer négative pour le futur. En outre, un pays comme l Allemagne, qui attire aujourd'hui toujours plus de sièges sociaux et de centres de recherche, sait tirer profit de l Europe. A terme, certains décalages économiques peuvent apparaître entre les pays qui avancent rapidement sur la voie de l Europe (Allemagne, Pologne) et les autres. Communiquer sur l Europe est donc capital. Il faut le faire de façon pragmatique et en utilisant les relais dont vous faites partie et sans lesquels il sera difficile de relancer le projet européen. 4

Débats Participaient aux débats : Michel AYRAL, Directeur de la politique réglementaire de la DG «Entreprise et industrie» à la Commission européenne. Francine BLANCHE, Secrétaire confédérale de la CGT, chargée des relations européennes. Pierre LEQUILLIER, député des Yvelines, Président de la Délégation de l Assemblée nationale pour l Union européenne. Francis LEMOR, membre du Conseil économique et social, Président de STEF-TFE, membre de la CCIP. Jean-Paul MINGASSON, conseiller général du Président du patronat européen (UNICE), ancien Directeur général de la DG «Entreprises» à la Commission européenne. Arnaldo ABRUZZINI, secrétaire général d Eurochambres. Etienne de PONCINS, Directeur de cabinet de la ministre déléguée pour les Affaires européennes. Nathalie LHAYANI, Confrontations Europe. Les débats étaient animés par, journaliste et écrivain. Les services représentent 70 % de l emploi dans l Europe des 15 mais seulement 66 % dans l Europe des 25. Ce sujet est délicat et concerne tous les pays. Il a même occulté le thème du dernier référendum. En février dernier, le Parlement européen est parvenu à un compromis. Le Conseil européen a ensuite adopté une nouvelle Directive dont certains disent qu elle est équilibrée, d autres qu elle est protectionniste. Que va changer cette nouvelle Directive? C est à cette question que les participants à cette table ronde vont s efforcer de répondre. Francis Lemor, vous avez présenté en janvier 2005 un avis pour le Conseil économique et social (CES) dans lequel vous remettiez en question le principe du pays d origine. La nouvelle Directive vous convient-elle? Francis LEMOR Si elle a toujours le même nom, ce n est plus tout à fait la même directive. La première directive avait appelé de nombreuses critiques de notre part. La nouvelle n est pas parfaite, elle a encore besoin d être travaillée sur certains points. Mais la plupart des critiques que nous avons soulevées en janvier 2005 ont été entendues. Nous voulions notamment voir exclus certains secteurs du champ d application de la directive. En particulier, ceux où l intervention de l Etat nous paraît toujours souhaitable. C est le cas de la santé, des jeux d argent, du travail intérimaire (qui permet, faute de régulation, de contourner la directive de 1996), ou encore de certaines délégations directe de la puissance publique (notaires, huissiers). Nous avons été entendus sur tous ces points depuis janvier 2005. Nous retrouvons, dans le nouveau texte, toutes les exclusions que nous préconisions. Reste un secteur que nous avions évoqué, 5

celui des services d intérêt économique général (SIEG), c est-à-dire les services marchands exercés par la puissance publique (service de l eau ou de l électricité). Ces services sont maintenus dans le périmètre de la nouvelle directive. Or, nous avions préconisé qu ils fassent l objet d un texte communautaire spécifique. Les services d intérêt général (SIG) sont, quant à eux, opportunément exclus, conformément à nos attentes. Cette directive, très différente de la directive Bolkestein, est-elle de nature à répondre aux objectifs initiaux d instauration d une concurrence pour favoriser la croissance? Francis LEMOR Les chiffres qui ont été cités sont exacts. Au sein des services, trois secteurs ont déjà fait l objet d une harmonisation : les services financiers, le secteur des télécommunications et celui des transports. Si l on excepte ces services, l enjeu de la directive porte sur 50 % du PIB européen, ce qui est considérable. L histoire de la pensée économique a montré qu une libéralisation des échanges augmente la création de richesses et créée de la croissance. Cette richesse ne doit pas être créée n importe comment. Il faut respecter les droits acquis, un certain modèle social européen. Quant à la répartition de cette richesse, c est un autre sujet qui relève de la compétence de chaque Etat membre. Le CES a rappelé que la «libéralisation du secteur des services constituait un enjeu de taille pour la France, puisque ses entreprises disposent de solides atouts dans maints domaines où la qualité de leurs prestations et leur savoir-faire sont reconnus». N est-il pas regrettable de ne pas être allé plus loin? Francis LEMOR Je dirige un groupe implanté dans une dizaine de pays européens. Dans le domaine des services, le personnel français est l un des plus productif et des mieux formé en Europe. Nous avons des atouts considérables. Nous n avons pas à avoir peur de nous ouvrir à l extérieur. La nouvelle directive va surtout faciliter l implantation des petites entreprises dans tous les pays européens. Les grandes entreprises en ont déjà les moyens. L approche retenue par le projet de directive est avant tout juridique et non pas économique. Elle fait référence à l établissement au sens juridique et non pas à la filiale. Elle concerne donc avant tout les petites et moyennes entreprises. Or nous comptons en France un grand nombre de PME capables de jouer un rôle dans les pays voisins et qui renoncent à le faire aujourd'hui en raison d obstacles à l installation. 6

Vous vous attendez donc à ce que de nombreuses entreprises françaises s installent à l étranger grâce à la Directive Services? Francis LEMOR Oui, parce qu il sera plus facile de migrer sur le territoire voisin et de s y développer. Vous ne craignez donc pas le plombier polonais Ni l implantation massive d entreprises étrangères en France. Francis LEMOR On peut s attendre à l implantation d entreprises étrangères mais je pense que la France essaimera davantage qu elle n accueillera d entreprises. Le plombier polonais est intelligent. Il n a aucune raison de venir travailler pendant trois mois à Paris dans les conditions de rémunération de Varsovie et avec les coûts liés à la vie parisienne. S il vient travailler à Paris, il y restera plus de trois mois et sera donc soumis à la législation française. Nous assisterons donc à des mouvements de populations mais je ne crois pas du tout à l apparition d une concurrence sauvage qui restera marginale. Michel Ayral, les commentaires sur la nouvelle directive sont variés. Qu est-ce qui fait l importance de ce texte? Michel AYRAL Ce texte pour nous est important pour deux raisons : Le projet européen consiste à créer un espace politique dans lequel tous les acteurs doivent pouvoir développer leurs activités professionnelles, de loisirs ou autres. Il ne suffit pas de faire circuler les marchandises ou les personnes. Il faut permettre aux individus d aller exercer leur activité au-delà des frontières. La deuxième raison est d ordre économique et liée à nos objectifs de compétitivité industrielle. Certes, la Directive exclut certains services, et certains domaines font l objet de dispositions spéciales (transports, énergie, télécoms) mais la directive a pour objectif de couvrir les services aux entreprises (services fiscaux, juridiques, publicité, touristiques) qui contribuent à la vie de l entreprise et qui représentent une part importante de ses coûts de fonctionnement. 7

La directive contribuera au développement d un environnement réglementaire beaucoup plus souple et plus protecteur pour le public et pour les entreprises. Elle limitera les distorsions de concurrence et protégera les consommateurs contre les comportements abusifs. Le texte qui va être soumis au Parlement ce mois-ci pour un avis en octobre/novembre organisera de manière équitable le fonctionnement du marché des services en Europe. Quel est le calendrier prévu? Michel AYRAL L expérience de la genèse de cette directive, au-delà des polémiques, démontre l efficacité du processus de décision en Europe. La Commission a fait une proposition qui a été largement commentée. Le Parlement s en est saisi dès la première lecture et a réécrit le texte. C est la première fois qu il agit ainsi. La Commission aurait pu simplement retirer sa première proposition pour la retravailler. Elle a préféré donner la possibilité au Parlement de revoir le texte. Il a adopté un avis. Le Conseil a ensuite adopté, il y a deux mois, une position commune qui est en train d être communiquée au Parlement, lequel se prononcera sur ce projet en octobre et novembre. Le Conseil n a pas totalement repris les propositions du Parlement. Ce sont les groupes politiques du Parlement qui auront le dernier mot et nous savons que les présidents des deux principaux groupes politiques souhaitent conclure le processus de décision sur la base de la position commune. En novembre ou décembre, les deux institutions européennes approuveront formellement approuver le texte. Dès lors que le Parlement fait part de son accord avec la position commune, la procédure n est plus que formelle. S il émet un deuxième avis, le Conseil devra se prononcer sur les amendements proposés. Un délai de trois ans est prévu pour la transposition. Cette directive va entraîner dans tous les Etats membres un travail de nettoyage important de la législation en matière de services pour en éliminer tous les éléments discriminatoires. Les nouveaux pays européens jugent cette Directive beaucoup trop protectionniste. Michel AYRAL Ces pays ont considéré que la position commune adoptée par le Conseil ne prenait pas en compte leurs attentes et introduisait un traitement trop favorable pour les anciens Etats membres. Ils ne comprennent pas du tout le problème parce qu ils voient les entreprises des anciens Etats membres investir chez eux alors que ces mêmes Etats ferment leur marché du travail. Trois Etats membres ont décidé d ouvrir totalement leur marché du travail depuis avril et trois autres l avaient déjà ouvert. On trouve parmi ces pays le Royaume-Uni ou l Espagne. D autres Etats ont maintenu des critères très stricts d accès à leur marché. C est le cas de l Autriche et d autres Etats comme la France ont décidé d ouvrir certaines activités professionnelles. Dans un pays comme le Royaume-Uni, qui a éliminé les 8

obstacles à l entrée des travailleurs des nouveaux Etats membres, lesdits travailleurs représentent 0,3 % de l emploi dans le pays. Le taux le plus important constaté est de 0,9 % en Irlande. On a donc vraiment eu tort d avoir peur du plombier polonais. On fait également venir des médecins des pays de l Est. Michel AYRAL On a également eu besoin en France des infirmières espagnoles il y a quelques années. La Belgique pour sa part a décidé d ouvrir son marché de l emploi aux plombiers. Que va faire la Commission pour accompagner le mouvement de libéralisation du marché des services? Michel AYRAL Elle aura un travail important à mener à trois égards puisqu elle devra : s assurer de la bonne transposition de la directive dans tous les Etats membres ; accompagner l entrée en vigueur de la directive de propositions d harmonisation ; mettre en place des mécanismes de coopération administrative entre Etats membres. Comment les pays vont-ils justifier des obstacles qu ils mettent à l implantation d entreprises étrangères? Michel AYRAL Il existe une clause de sauvegarde qui permet à un Etat membre de mettre une barrière à l entrée de certaines activités. Il m est difficile d anticiper sur les motivations d une telle décision. On peut imaginer qu un Etat constate que l entreprise qui s implante n a pas toutes les qualités requises pour exercer son activité et peut présenter un risque pour le consommateur ou pour la santé. L entreprise qui veut pénétrer dans un Etat membre peut bénéficier dans son Etat d origine de conditions particulièrement favorables. On peut également imaginer que l entreprise soit dans son pays d origine une entreprise d Etat sous monopole. On a pu constater dans les opérations entre EDF et l Italie que cela peut susciter un certain émoi. 9

Il faudra donc aller défendre devant la Commission au cas par cas les obstacles que l on souhaite mettre à l entrée des entreprises d autres Etats membres. Tournons-nous vers les syndicats. Francine Blanche, vous êtes la «Madame Europe» de la CGT. Comment le monde syndical a-t-il réagi à ce texte? Francine BLANCHE On pourrait le résumer par l appréciation «c est mieux mais peut mieux faire». Compte tenu de l état de l Europe et du sort du traité européen, une directive Services était nécessaire. Mais pour quelle régulation? La directive Bolkestein était inacceptable. On note aujourd'hui un progrès mais je suis loin de l optimisme débordant affiché par les premiers intervenants. Si le principe du pays d origine est supprimé, il reste de très nombreuses ambiguïtés et nous attendons un texte plus clair. Généralement, lorsque l on a quelque chose à dire, on peut le dire clairement. Le manque de clarté signifie souvent que l on a quelque chose à cacher. Or le projet de directive comporte un grand nombre de pages d explications, ce qui est mauvais signe. Il faut donc davantage de clarté. L abolition de principe du pays d origine est un fait, mais que va-t-on appliquer à la place? Rien n indique que l on appliquera le principe du pays d accueil. On parle de reconnaissance mutuelle sans l expliquer clairement. Un certain nombre de services publics ont été exclus du champ de la directive mais les syndicats français et européens demandent l exclusion de tous les services publics. Le problème est qu il n existe pas de définition européenne des services publics. Nous demandons, comme la Confédération européenne des syndicats, une directive cadre, ou au moins un cadre juridique, avec des règles simples, strictes et compréhensibles pour tous. Le simple citoyen a du mal à faire la distinction entre SIEG, SIG ou de SCIG, ce qui suscite sa méfiance. Un certain nombre d initiatives législatives voient le jour actuellement, avec des propositions émanant des uns et des autres. Etudions ces propositions. Le texte peut encore évoluer. Nous avons en tout cas besoin de clarification. En tant que syndicat, nous sommes inquiets car si ce qui concernait le droit du travail a été retiré de la directive, la Commission a publié un texte en avril sur la façon dont il convenait d appliquer la directive sur le détachement international des travailleurs. Elle incite par exemple à procéder à des simplifications administratives. Mais simplifier ne signifie pas tout démolir ni tout changer. La Commission indique qu avoir une adresse dans le pays d accueil pour un mandataire était une exigence trop importante. Si personne sur place ne représente l entreprise étrangère, contre qui se retournera-ton pour faire respecter le droit? Dans les pays de l Est européens, il y a de plus en plus de salariés à qui les entrepreneurs locaux proposent de créer leur propre entreprise. De plus en plus de salariés indépendants se lancent ainsi dans la prestation de services sans que leurs droits soient clairement définis. S il s agit d une démarche volontaire de leur part, nous n avons rien à dire. S il s agit d une obligation imposée par l employeur pour pouvoir aller travailler à l étranger, la situation est plus délicate. On assiste, en effet, aujourd'hui à la multiplication d entreprises de sous-traitance travaillant pour des grandes entreprises multinationales. 10

Mieux vaut donc disposer d un texte de référence juridique que de laisser se développer cette prolifération sauvage. Francine BLANCHE La libération est nécessaire mais reste à savoir quelle régulation. Nous nous sommes depuis longtemps prononcés pour la liberté totale de circulation en Europe avec égalité de droit et de traitement. Il est anormal qu un salarié hautement qualifié soit embauché comme manœuvre au SMIC parce qu il provient d un nouvel Etat membre. On assiste aujourd'hui à des conflits dans toute l Europe au sujet de l application de la Directive sur le détachement international des travailleurs. L une des questions posées par les syndicats est celle des moyens de contrôle. Comment faire en sorte que les dispositions prévues puissent s appliquer réellement dans chacun des Etats? Cela n est pas précisé par les projets de texte. La CGT, qui souhaitait que l on supprime du texte le principe du pays d origine, a obtenu gain de cause. Etes-vous toujours opposés au projet de directive? Francine BLANCHE Nous sommes pour une régulation des services en Europe. Le texte qui est proposé est mieux que celui de la Directive Bolkestein mais il est encore trop ambigu et personne ne s en satisfait au niveau syndical. Si l objectif est de permettre la régulation et la concurrence libre et non faussée, il faut veiller à ce qu un salarié polonais puisse être embauché en France dans les mêmes conditions qu un salarié français et non pas à des conditions moindres. Il faut simplifier le texte dans ce sens. Vous souhaitez donc une amélioration du texte par le haut. Quid du risque de délocalisation des emplois de service hors d Europe? Francine BLANCHE Nous ne sommes pas pour la fermeture totale des frontières. La CGT est favorable à la liberté totale de circulation des travailleurs à condition qu on garantisse l égalité de droits. Les entreprises ne risquent-elles pas de délocaliser un certain nombre d emplois de service hors d Europe? 11

Francine BLANCHE La directive ne changera rien en matière de délocalisation hors d Europe. Commençons par éviter le dumping social intra-européen. Que peut-on attendre de la part de la Confédération européenne des syndicats? Francine BLANCHE Nous rencontrons actuellement les présidents de groupe du Parlement européen pour leur faire part de nos revendications. Attendons la version du texte officielle à la fin du mois puis nous rencontrerons les parlementaires pour les inciter à lever certaines ambiguïtés. S il le faut, nous saurons nous mobiliser, comme nous l avons fait au printemps dernier. Pierre Lequiller, comment avez-vous pu vous laisser ainsi déborder par la polémique sur la directive Bolkestein? Pierre LEQUILLER Nous avons été victime d une certaine mauvaise foi dans cette affaire. Comment est née l histoire du plombier polonais? C est Philippe de Villiers qui a repris un article de Charlie Hebdo, en arguant d une menace pour 1 million d emplois sur les 11 millions d emplois de service en France. Cette déclaration est restée dans l anonymat jusqu au jour où Monsieur Bolkestein est venu défendre sa Directive en France évoquant lui-même la possibilité d avoir recours à un plombier polonais pour sa villa située en France. C est à ce moment que la polémique est née, relayée par les partisans du non au référendum. L image xénophobe vis-à-vis de la Pologne qu a renvoyée cette polémique et le ressenti des pays de l Europe de l Est à cette occasion ont particulièrement nuit à l image de la France dans ces pays. J ai été président du groupe d amitié France-Pologne de l Assemblée nationale pendant 10 ans et je me suis souvent trouvé aux côtés des leaders polonais. Monsieur Walesa s est dit surpris de cette image du plombier polonais. Mon homologue Tchèque m a dit que tous les pays de l Europe de l Est se sentaient visés et considéraient que la France, auparavant phare de l Europe, était aujourd'hui éteint. On a effrayé la population en brandissant la menace de pertes d emplois alors que la directive est une opportunité pour la France, qui est l un des principaux pays exportateurs de services au monde. L office du tourisme de Pologne a repris à son compte l image du plombier polonais. J ai été convié à la conférence de presse au cours de laquelle, ayant été invité, j ai fait part de mon indignation face à un slogan xénophobe et agressif vis-à-vis d un pays ami, qui a contribuer à faire chuter toutes les dictatures, à éliminer le communisme et qui a permis la réunification de l Europe. Avec de tels arguments, identifiés, concrets, il est difficile de rétablir la vérité, même en l absence totale de menace réelle. Aujourd'hui, l ouverture faite aux travailleurs des pays de l Europe de l Est, avec 12

certaines réserves au niveau de la France, concerne bel et bien les plombiers. Or, elle à été approuvée par tous les syndicats. L affaire du plombier polonais a été totalement montée en épingle par ceux qui cherchaient à faire peur. Dès le début de l année 2005, l Assemblée nationale a fait part de son intention d apporter des modifications au texte. Nous avions pris connaissance du rapport du CES. Nous avons rencontré nos homologues allemands et des parlementaires européens, et nous avons obtenu des modifications du texte de la directive au niveau du Parlement européen et en liaison avec les parlements nationaux. La nouvelle directive vous convient-elle? Pierre LEQUILLER Tout à fait. Elle a été adoptée par une grande partie du Parti populaire européen, à l exception des membres des pays de l Est, qui y ont vu une réticence de notre part à ouvrir les marcé. Elle a également été adoptée par l ensemble des socialistes européens, sauf par le Parti socialiste français, si l on excepte Messieurs Rocard et Savary. Je rends hommage à la façon dont tous les acteurs, le Parlement européen, et les parlements nationaux, on pu travailler sur ce dossier. Le PS français n a pas voté pour ce texte et il existe encore des réticences syndicales. A un an des échéances électorales, ne risque-t-on pas de tuer ce texte à nouveau? Pierre LEQUILLER Quand nous avons parlé d ouverture du marché des travailleurs, cela n a suscité aucune réaction. L attitude des syndicats a été responsable et généreuse. La polémique est survenue pendant la période du référendum durant laquelle la directive a été diabolisée, alors qu elle n avait pas besoin de l être. Nous avons eu un débat. L abrogation de la directive services a été demandée par le Parti Communiste, mais tous les autres groupes parlementaires ont voté contre. Ce texte est devenu emblématique parce qu il a permis d effrayer la population, alors que l on savait parfaitement qu il allait être amélioré. Dans le contexte du référendum, le Président de la République avait pris une position très rigide. Nous sommes tout à fait satisfaits du texte actuel. Nous avons trois ans pour transposer la directive. Je ne crois pas qu il fasse à nouveau l objet de polémique. Francine Blanche, à l occasion des prochaines échéances électorales, ce texte peut-il encore faire l objet d une polémique nationale susceptible de le faire capoter? 13

Francine BLANCHE Peu m importe les prochaines échéances politiques. L important pour nous est de savoir ce que nous ferons à l automne pour que le texte corresponde à un minimum des revendications des syndicats européens. Il faut que le texte soit plus intelligible, plus clair, plus simple et qu il ne favorise pas le dumping social dont nous ne voulons pas. Tous les syndicats européens se battront pour cela. Nous avons fait une déclaration commune avec les syndicats polonais, dont Solidarnosc, à propos de cette directive, en insistant sur la façon dont nous entendons travailler pour que l intégralité des droits existants en France s appliquent aux salariés polonais qui viennent travailler dans notre pays, et afin que les firmes multinationales françaises installées en Pologne appliquent les droits fondamentaux. Cet été, des milliers de saisonniers polonais vont venir travailler en France et nous avons pris des dispositions pour faire valoir le droit applicable en France. Il faut empêcher le dumping social. Je ne vois pas l intérêt pour un Etat membre d axer sa compétitivité sur le fait qu il propose des conditions sociales inférieures. Pourquoi, sous prétexte qu ils proviennent d un nouvel Etat membre, les salariés devraient-ils gagner moins et être moins bien reconnus lorsqu ils travaillent en France? Nous souhaitons travailler tous ensemble vers une harmonisation du droit syndical au niveau européen. Quand l Espagne est rentrée dans le marché commun, les viticulteurs français ont craint la concurrence de leurs confrères espagnols. Or il ne s est rien passé. Francine BLANCHE Au moment de l entrée de l Espagne dans le marché commun, les syndicats étaient moins bien organisés qu ils ne le sont aujourd'hui. Nous travaillons de plus en plus ensemble. Pierre LEQUILLER En dehors des aspects techniques, la polémique autour de la première directive a été alimentée de façon tout à fait artificielle. Je ne pense pas que nous revenions au même débat aujourd'hui. La CFDT a fait des déclarations indiquant qu elle était plutôt favorable au texte du Parlement. Le principe en Europe est celui de la négociation, il n est pas possible d obtenir tout ce que l on veut. Mais le contexte aujourd'hui a changé. L ouverture du marché des travailleurs s est déroulée sans problème. L entrée future de la Roumanie et de la Bulgarie n a provoqué aucune déclaration intempestive dans le pays, y compris de la part de Monsieur de Villiers. C est le contexte politique du référendum qui a fait que la directive a été utilisée politiquement, ce qui a contribué à démolir une idée qui était bonne dans son principe et qu il fallait aménager. Francis LEMOR Francine Blanche a évoqué deux points pouvant susciter une certaine réticence de la part des syndicats, deux points que nous avions repris dans notre avis au CES. Le premier concerne l inclusion ou non de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. La nouvelle directive prévoit la primauté de la directive sectorielle. Elle ne peut donc absolument pas empiéter sur la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. Le second était lié au principe du pays d origine. Auparavant, si un 14

Lituanien était détaché en France, le contrôle des règles sociales devait être assuré par le pays d origine, en l occurrence la Lituanie. Ce point, que le CES avait lui-même contesté, a été modifié. Aujourd'hui, c est le pays d accueil qui est compétent pour s assurer du respect des règles sociales dans son propre pays. Ces deux points évoqués par Madame Blanche sont donc réglés. Jean-Paul Mingasson, j imagine que pour vous, la nouvelle Directive ne va pas assez loin Jean-Paul MINGASSON Le projet initial était ambitieux : la directive se voulait horizontale et destinée à tous les services ; l approche juridique était audacieuse, avec le principe du pays d origine sans harmonisation préalable ; la coopération administrative induite par la directive était nouvelle et renforcée, elle visait établir la confiance mutuelle dans les administrations nationales car c est la méfiance qui est à l origine des barrières non tarifaires. Le compromis d aujourd'hui est réducteur, peu novateur et ambigu : il est réducteur, parce que l on a sorti de la directive les SIG, la totalité des services de santé (cliniques privées et publiques) et les agences de travail temporaires, sans fournir d explication à ce sujet ; il est peu novateur car on a écarté le principe du pays d origine et celui du pays de destination, au profit du principe de la libre prestation de services. Cela constitue un retour à la situation précédente avec le traité et la jurisprudence de la Cour de justice (reconnaissance mutuelle sous réserve des exigences nationales concernant l ordre public, la sécurité, la santé et l environnement) ; le texte est ambigu car on ignore quel est le droit applicable et reste très vague quant à une future harmonisation. Or, l audace aurait été de promouvoir la reconnaissance mutuelle sans harmonisation. Les entreprises essayeront de tirer le maximum de cette directive et de profiter de toutes ses opportunités. Elle comporte le principe du libre établissement et de la libre prestation de services. Le principe du libre établissement est essentiel. Pour une PME, il est souvent utile de commencer à tester un marché à l étranger par la prestation de services avant de s y établir. La directive contient des éléments positifs sur les aspects suivants : la simplification des formalités administratives ; l encadrement de la marge discrétionnaire que l autorité publique peut appliquer ; l information du consommateur ; la qualité des services ; la coopération administrative. 15

Cette directive contient de très bonnes choses et nous avons l intention de faire en sorte que cela se sache. Il faut l expliquer, organiser des séminaires pour faire connaître aux entreprises les opportunités qu elle peut offrir. Il reste un hic : pour que ces opportunités se traduisent dans la réalité, il faut que la transposition soit correcte et diligente. Il faudra notamment et ce point a été introduit au dernier moment dans la position commune du Conseil que lorsque les autorités nationales feront valoir des exigences nationales limitant la reconnaissance mutuelle, celles-ci soient notifiées à la Commission et justifiées, pour vérifier qu elles correspondent aux critères de nécessité, de proportionnalité et de non discrimination. Certes, la directive aurait pu être meilleure, mais il faut à présent qu elle ait le plus rapidement possible le plus d effets possible. Un tel texte peut-il créer des emplois tout en bénéficiant aux consommateurs? Comment va s organiser la concurrence si les règles du jeu sont les mêmes pour tous? Jean-Paul MINGASSON Je n ai pas eu le sentiment que l on parlait de fiscalité et de salaires similaires. Le problème est d établir un marché des services afin qu ils circulent. Actuellement les réserves de productivité se situent dans les services. La moitié des services dont nous parlons concernent les entreprises. Si l on veut qu elles soient compétitives, il faut commencer par leur permettre de profiter de services eux-mêmes compétitifs. Avec un véritable marché intérieur, la concurrence fera qu ils le seront. Cela permettra d apporter un début de réponse à la globalisation. Un marché européen intégré dans tous les domaines permettra de donner aux entreprises la possibilité de traiter plus facilement d égal à égal avec les autres groupes au niveau mondial, sachant que pour des raisons de sécurité juridique, elles y pensent à deux fois avant de se délocaliser. Vous estimez donc que la directive peut générer de la croissance et des emplois. Jean-Paul MINGASSON Bien entendu! Le libre blanc de Jacques Delors en 1988 dans l optique de créer un marché intérieur des biens à l horizon de 1992. On a su a ce moment-là créer des anticipations positives dans les entreprises à tel point qu elles n ont pas attendu que le droit positif soit modifié pour appliquer par avance le principe du marché intérieur. Je crains qu avec une directive trop ambiguë, les entreprises ne comprennent pas que des opportunités réelles vont se présenter et qu il faut qu elles s y préparent. Il va de soi que le marché intérieur est porteur en termes de croissance et d emplois. On parle de la création d environ un million d emplois et d un gain d un point de PNB par an. 16

C est un message optimiste auquel sera sensible la CCIP. Je vous propose à présent de prendre connaissance du message que nous adresse Charlie Mc Creevy, Commissaire européen chargé du Marché intérieur. Une vidéo du message transmis par Charlie Mc CREEVY est diffusée. Le texte en français figure dans le dossier remis aux participants. Charlie Mc CREEVY Mesdames, Messieurs, Je souhaite tout d'abord vous remercier de m'accorder la possibilité de m'exprimer devant la CCIP à propos de la directive services. Je regrette de n'avoir pu me déplacer à Paris. La directive services représente l'une des propositions législatives les plus importantes pour la croissance économique, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Souvenez-vous des débats politiques animés, et des vives manifestations pour protester contre la Directive Services. L'année dernière, certains ont même prétendu que la proposition de directive sur les services était à l'origine du "non" français au référendum sur la Constitution européenne. Le climat a beaucoup évolué, notamment depuis que les ministres du Conseil sont parvenus à un accord, un an jour pour jour après le référendum. Tous les Etats membres de l'union se sont prononcés en faveur de cet accord. Ceci est très impressionnant, vu le climat politique de l'année précédente. Il est clair que tout s'est amorcé grâce au compromis proposé par le Parlement Européen en février. La Commission Européenne s'est largement inspirée de ce compromis pour proposer son texte modifié. A son tour, le texte approuvé par le Conseil est également très similaire à la proposition modifiée par la Commission. Tout ceci montre bien que la démocratie est présente en Europe. En effet, l'europe ne se construit pas sur la base de propositions bureaucratiques ou de décisions unilatérales, mais plutôt grâce à une coopération bien établie et équilibrée entre les institutions européennes. La Directive Services est un bon exemple des différentes positions qui ont été prises en compte. Certes, l'accord politique n'atteindra pas les objectifs initialement fixés par la Commission; toutefois, la proposition initiale de la Commission a soulevé une telle controverse qu'elle était en soi irréalisable. 17

Il fallait impérativement la modifier. Nous avons trouvé un bon compromis. La directive services à pour but de faciliter la liberté d'établissement ainsi que la libre circulation des services. Elle va permettre de promouvoir la croissance économique. De la même manière, elle traite des problèmes soulevés à maintes reprises durant la phase d'élaboration du texte. Certains secteurs sensibles tels que les services de soins de santé, les services sociaux, les services audiovisuels et les services des agences de travail intérimaire ont tous été exclus du champs d'application du texte. Il est également clairement établi que la législation du travail ne sera pas affectée par la Directive et les problèmes soulevés par cette question seront traités séparément. La Commission a déjà établi les lignes directrices en matière de détachement des travailleurs. Elle a également élaboré certains travaux préalables à une réforme du secteur des services de soins de santé, enfin, elle a publié une communication relative aux services sociaux. Toutes ces illustrations démontrent clairement la volonté de la Commission de faire évoluer le modèle européen. D'énormes progrès ont été réalisés en faveur de l'établissement d'un marché intérieur des services qui favorisera la croissance économique. Il faut souligner que toutes ces initiatives ont été prises sur la base d'un large consensus. La directive services a pour objectif de faciliter la liberté d'établissement, de simplifier l'accès à l'information des destinataires sur les services ainsi que les formalités administratives grâce aux guichets uniques et aux procédures par voie électronique. Ainsi, cette directive va simplifier et accélérer les procédures d'autorisation, elle va réduire leur coût, et permettre aux prestataires de services de s'adresser à un seul et même organisme. Les régimes d'autorisation seront eux-mêmes simplifiés, et les prestataires de services seront assurés d'avoir recours à des régimes d'autorisation équitables et objectifs. De la même manière, la directive va être le moteur permettant d'étendre les services transfrontaliers aussi bien aux entreprises qu'aux consommateurs. Les prestataires de services se verront garantir le droit au libre accès à une activité de service et à son exercice. Les Etats membres conservent le droit d'imposer leurs exigences, mais uniquement dans certains cas précis, à savoir, si de telles exigences ne sont pas discriminatoires, qu'elles sont justifiées par des raisons de sécurité publique, d'ordre public, de santé publique ou de protection de l'environnement. En outre, les Etats membres doivent notifier à la Commission le recours à de telles exigences. De telles conditions devraient empêcher les Etats membres d'imposer ces exigences dans le but de restreindre la prestation d'une activité de services de manière non justifiée. 18

Il est également important de souligner que la directive impose aux Etats membres de se prêter assistance mutuellement et de coopérer entre eux afin d'assurer le contrôle efficace et effectif des activités de services à travers l'union Européenne. Ceci permettra d'éviter la duplication des contrôles, ce qui représente une avancée énorme vu le contexte actuel. L'obligation pour les Etats membres de coopérer entre eux se fera au moyen d'un système électronique, permettant aux autorités compétentes d'échanger des informations de manière directe et efficace. Toutes ces mesures: simplification de la liberté d'établissement, libre circulation des services, assistance et coopération entre les Etats membres, sont essentielles à l'établissement d'un marché des services, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour atteindre les niveaux de croissance nécessaires au maintien et à l'amélioration de notre qualité de vie. Les positions du Conseil, du Parlement et de la Commission démontrent bien la présence d'un large consensus sur ces questions. Ce qui est important à l'heure actuelle, est d'aboutir à l'achèvement de la seconde relecture du texte, et que la directive soit adoptée le plus rapidement possible. Le Président finlandais partage mon avis, à savoir, celui de profiter de l'élan politique actuel suscité par cette proposition de Directive. Le Parlement Européen se montre prêt à œuvrer en faveur de l'adoption du texte, vu que l'ensemble des accords pris au niveau du Conseil ont eu des répercussions positives. Plus la directive sera adoptée rapidement, plus vite nous serons en mesure de bénéficier des avantages économiques qu'elle génère en termes de croissance, de compétitivité et d'emploi. J'espère sincèrement que les entreprises nous soutiendront, afin d'accélérer le processus d'adoption de la directive. Merci à tous. Arnoldo, en tant que Secrétaire général d Eurochambres, quels jugements portez-vous sur le texte? Arnaldo ABRUZZINI Lorsque l on évoque le contexte de la directive, il faut rappeler deux principes importants : celui fondamental, au niveau européen, de libre circulation des services et celui de la compétition globale, de la mondialisation. Si l Europe n est pas capable de devenir compétitive dans tous les secteurs, elle ne pourra pas faire face à la compétition avec les autres régions du monde. Les entreprises pourraient alors être appelées à délocaliser dans des zones où existent des règles plus favorables qu au sein de l Union. L Europe a la possibilité de créer un marché unique pour toutes les entreprises. Eurochambres 19

se réjouit de l accord politique obtenu par le Conseil européen même si la directive ne répond pas à toutes nos attentes. Nous espérons qu il s agit d une étape importante vers un véritable marché commun en Europe. Nous mettons plus particulièrement l accent sur plusieurs points considérés comme importants pour Eurochambres. Le succès de la directive dépendra fortement de la transparence qui sera mise en place, notamment à travers le système de guichet unique. Nous demandons à ce titre la clarification du système de guichet unique, avec une définition des services fournis par le guichet. Nous voulons que la Commission coordonne le système de guichet, qu elle assure la cohérence. Pour compléter la directive, nous appelons à la création d un instrument permettant de contrôler les décisions administratives qui seront prises afin de sauvegarder une concurrence non faussée et éviter la trop grande incertitude juridique. Les Etats membres doivent échanger des informations sur les barrières qu ils imposent aux prestataires de services étrangers. Le succès de la directive dépendra de l application et du contrôle des dispositions. La directive doit être accompagnée d un calendrier et d une feuille de route clairement établis. Les procédures d infraction seront nécessaires. Tout ne peut être laissé à la seule volonté des Etats membres. Pour les CCI européennes, la directive dans sa forme actuelle est un pas en avant vers un marché unique des services. Etienne de Poncins, Catherine Colonna s est beaucoup battue contre le principe du pays d origine. Qu allez-vous faire pour convaincre les français qu ils n ont plus aucune raison d avoir peur? Etienne de PONCINS Nous sommes aujourd'hui à la fin de processus. Il reste quelques modifications à apporter au texte, avec certaines clarifications sur la portée de telle ou telle disposition. Nous avons tiré un certain nombre d enseignement du débat qui a eu lieu tout au long du processus d élaboration de ce texte, d autant qu il s agissait du premier exemple de négociation d un texte à 25. Le premier de ces enseignements est la montée en puissance du Parlement européen. Le compromis a véritablement été élaboré par cette institution. La Commission n avait pas anticipé les réactions qu allait provoquer son premier texte. Le Parlement s est saisi du dossier. Il a l avantage de mieux pouvoir gérer l élargissement que d autres institutions grâce à l existence de groupes politiques qui peuvent accueillir les députés des nouveaux Etats membres. Le Parlement a réussi son premier test car il est parvenu à un véritable compromis, notamment grâce à l implication de Madame Gebhardt. Une fois les grands équilibres atteints entre les deux grandes forces politiques qui le composent, les modifications possibles ne sont plus que marginales. Il faut donc travailler plus encore avec le Parlement, autant qu auprès de la Commission et des Etats membres. Le deuxième enseignement concerne l influence de la France, qui est le premier Etat a avoir mis en exergue les défauts et les inconvénients du texte. Nous avons été entendus sur nos critiques parce que nous avons fait preuve de conviction, parce que nous avons accompli un travail de lobbying efficace, ce 20