Université de Bordeaux Licence 3-Sciences de l Éducation



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Université de Bordeaux Licence 3-Sciences de l Éducation UE1 Construction du système éducatif français: de la révolution de 1789 à la seconde guerre mondiale J-F BRUNEAUD

Repères chronologiques L Ancien Régime XVI e siècle XVIII e siècle 1789 Révolution française 1792 à 1804 1 ère République => Convention (jusqu au 26/10/1795, bcp de présidents car élus pour 15 jours) ; Directoire jusqu au 9/11/1799 ; Consulat 1804 à 1814 1 er Empire Napoléon 1 er. Juin 1815 Juillet 1830 : La Restauration : Louis XVIII (1815-1824) - Charles X (1824 29 juillet 1830)

Repères chronologiques Juillet 1830 24 février 1848 :Monarchie de juillet Louis-Philippe règne 24 février 1848 2 décembre 1852 : La seconde République L insurrection des 22, 23 et 24 février 1848, instaure la IIe République. 2 décembre 1852 4 septembre 1870 : Le Second Empire :En 1852, C est le règne de Napoléon III devenu empereur à la suite de son coup d état du 2 décembre 1851.

Repères chronologiques 4septembre 1870 1940 : La III e République : 10 juillet 1940 21 octobre 1945 : Gouvernement de Vichy (jusqu en 1944) ; Gouvernement de Londres ; Gouvernement d Alger ; Gouvernement Provisoire de la République Française. 13 octobre 1946 1958 : La IV e République Juin 1958 : La V e République. Charles de Gaulle ; Georges Pompidou ; Valery Giscard d Estaing ; François Mitterrand ; Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy.

Napoléon et le monopole d Etat du secondaire La loi Fourcroy du 1er mai 1802 concerne surtout l enseignement secondaire. La loi du 10 mai 1806 et le décret du 17 mars 1808 organisation de l Université impériale Le décret du 27 avril 1815 à propos de l enseignement primaire.

Napoléon et le monopole d Etat du secondaire La loi Fourcroy : 4 types d établissements Ecoles primaires Ecoles secondaires Lycées Ecoles spéciales

Napoléon et le monopole d Etat du secondaire La loi du 10 mai 1806: création de l Université impériale Naissance du monopole étatique de l enseignement Établissements scolaires et enseignants sous l autorité de l empereur (sauf les maîtres) Dirigée par un Grand-maître nommé par l Empereur Une école au service de l État et du souverain au détriment du primaire public Les enfants du peuples et les filles désavantagés

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Une période agitée avec 5 régimes différents mais assez homogène concernant l enseignement Deux problématiques essentielles: 1- Luttes scolaires contre le clergé qui veut affaiblir le monopole universitaire 2- développement industriel et technologique => un besoin de main d œuvre ouvrière et de prise en charge des enfants des ouvrières occupées à travailler à l extérieur.

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Sous le régime de la Restauration Libéraux et conservateurs s opposent: - Les Ultras (1820-1828) renforcent les privilèges du clergé en matière scolaire - Les modérés (1828-1829) reviennent sur ces acquis

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) La loi Guizot du 28 juin 1833 Quatre principes à ne pas employer de façon exclusive: 1-le tout- État où l État contrôlerait tout le système 2-le principe de pure industrie où le système éducatif serait traité comme une marchandise 3-le principe communal qui laisserait la gestion de l enseignement aux seules communes 4-le tout-église avec un système d enseignement sous contrôle des congrégations religieuses.

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) La loi Guizot du 28 juin 1833 Pour éviter les risques Guizot prétend mettre en œuvre les quatre principes en s appuyant sur l action concertée de l Église et de l État: - Une école primaire dans chaque commune - Une EPS par chef-lieu de département ou ville de + 6000 hab. - Une école normale dans chaque département

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Libéralisme ou centralisation? Guizot a pour but la centralisation de l enseignement et pour cela dispose d outils: - bulletin officiel - lettres aux instituteurs - programme des examens - mise en place habile d un corps d inspecteurs primaires d État => extraordinaire puis ordinaire

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) L inspection extraordinaire : septembre décembre 1833 Objectifs visibles: - enquête menée auprès des communes et des écoles - qualité des enseignants (statut, rémunération, formation) - qualité de l enseignement (méthodes et matériel pédagogiques, ouvrages, objets etc.) Objectifs cachés: - Guizot poursuit un double but: connaître «l état matériel et moral» des écoles primaires de France ; mais aussi et surtout «établir réellement entre l autorité et les instituteurs ce lien universel, ces rapports permanents qui sont écrits dans la loi, mais qu il est si difficile et cependant si nécessaire de faire passer dans les faits, faire sentir partout, dans la sphère des écoles primaires, la présence du pouvoir central» (Rapport au Roi sur l exécution de la loi de 1833, Imprimerie nationale, 1834).

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Guizot profite de «l effet inspection extraordinaire» pour la transformer en Inspection d État ordinaire. «Elle a inspiré aux autorités locales, aux instituteurs, à la population, un sentiment de confiance dans la sollicitude bienveillante de l autorité supérieure. La vue des inspecteurs, leur assistance aux exercices de l École, leurs visites au maire, au curé, leurs conversations avec le conseil municipal, avec les pères de famille, toutes ces circonstances individuelles et vivantes ont suscité le zèle avec l espérance dans une foule de lieux où n avaient même pas pénétré les circulaires administratives.» (Cité dans le Manuel général de juillet 1834). La démarche est progressive: - Chaque année Guizot fait voter un budget destiné à la rémunération des inspecteurs - Il nomme 6 inspecteurs en mai 1834 - Un an après tous les départements de l hexagone en sont pourvus - En 1835, un arrêté organise la carrière des inspecteurs - Il faudra attendre la loi Falloux 1850) pour que le fonction et le statut des inspecteurs soient pérennisés.

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Extrait de la lettre-circulaire adressée en 1835 par Guizot aux inspecteurs: «Ne perdez jamais de vue que dans cette grande tentative pour fonder universellement et effectivement l éducation populaire, le succès dépend essentiellement de la moralité des maîtres et de la moralité des écoles. Ramenez sans cesse sur ces deux conditions votre sollicitude et vos efforts. Qu elles s accomplissent de plus en plus ; que le sentiment du devoir et l habitude de l ordre soient incessamment en progrès dans nos écoles.» La notion d instruction universelle dans la lettre aux instituteurs du 18 juillet 1833: «ce n est pas pour la commune seulement et dans un intérêt purement local que la loi veut que tous les français acquièrent, s il est possible, les connaissances à la vie sociale L instruction primaire universelle est désormais une des garanties de l ordre social et de la stabilité sociale».

Vers l amélioration du système Les écoles normales: scolaire (1815-1875) -De l allemand : Normalschule = école détentrice de la norme, règle canonique à laquelle se conformer pour être dans le vrai. -La «méthode normale» de l abbé von Felbinger -En France, rencontre du Recteur de Montbrisson et du préfet Lezay-Marnesia => création en 1810 de la 1 ère École normale à Strasbourg. Après la révolte de 1830, les Constitutionnels souhaitent des EN départementales subventionnées par l État et contrôlées par l Université les libéraux veulent pour le système mutuel: des cours normaux et des écoles modèles. «les écoles normales, vivement soutenues par l administration, accentuent leur progression. Saisis des propositions préfectorales, les Conseils généraux renouvelés après 1830, se décident plus volontiers qu auparavant à la création d écoles. ( ) Chaque département donne à l école son organisation particulière, mais en s inspirant des exemples et des règlements des écoles de l Est ; l Université accorde au règlement l estampille officielle sous forme de l approbation par le Conseil royal ; le Ministre sanctionne de son côté le choix du directeur et subventionne: en 1831, il accorde aux écoles normales 80.000 francs sur le budget de l Instruction primaire ; en 1832, 98.615 francs. D après une statistique établie le 30 novembre 1832, la France compte 36 écoles normales, contre 14 en 1830...» (Gontard, 1959, p.26, épuisé).

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Deux lois conservatrices: -loi Parieu 11 janvier 1850 -loi Falloux 15 mars 1850 Loi Parieu: En grande partie est destinée à punir certains instituteurs accusés de propagande pro-républicaine. Loi Falloux: -liberté de l enseignement secondaire -Les communes de + 800 hab doivent entretenir une école de filles (sous condition de ressources financières suffisantes). -Tous français âgé au moins de 25 ans peut ouvrir un établissement secondaire (+ certificat de stage et baccalauréat ou brevet de capacité) => Suppression des EPS et fonctions réduites des Écoles normales.

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) «sont l occasion d approfondir l idéal laïque ; comme les catholiques refusent de distinguer le plan de la raison et celui de la foi, la neutralité prend une allure polémique, elle implique un combat ; tout compromis était voué à l échec ; la loi Falloux marque le moment historique où se noue définitivement cette question» (Prost A., Histoire de l enseignement en France, 1800-1867, A. Colin, 1969, p.177).

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) «La France se couvrit d écoles ecclésiastiques en concurrence avec les écoles de l État Dans toute la France, un fossé se creusa entre les anciens élèves de l Université et les anciens élèves des collèges ecclésiastiques, entre les élèves des écoles laïques et les élèves des Frères L Université ne fut ni détruite, ni soumise à l Église ; mais l Église, en possession de nouvelles écoles privées, devint la rivale de l Université. Elles allaient se disputer la jeunesse française, se la partager et la couper en deux masses orientées en deux directions opposées. Alors on comprit en France que la loi Falloux avait été un des évènements décisifs du XIX e siècle.» in Félix Ponteil, Histoire de l enseignement en France, 1789-1965, Éditions SIREY, 1966.

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Les salles d asile: -1 ère ouverture en 1828 à Paris par Denys Cochin sur le modèle des infant schools (Robert Owen; Buchanan 1847: création de l École normale des salles d asile par le ministre Salvandy 1848: les salles d asile transformées en écoles maternelles 1855: elles redeviennent salles d asile 1881: elles deviennent définitivement des écoles maternelles

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) La pédagogie En 1830: Mode individuel répandu mais dénigré par les pouvoirs publics Méthode simultanée des frères des écoles chrétiennes = succès grandissant mais contesté par les libéraux Le mode mutuel soutenu par les libéraux et dénoncé par les cléricaux semble l emporter

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Enseignement mutuel D abord pratiqué en Inde, il est institué en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle le missionnaire Bell et le quaker Joseph Lancaster La Société pour l Instruction Élémentaire fondée en France en juin 1815 encourage l instruction primaire par l enseignement mutuel.

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Le mode mutuel ou monitorial Sous la direction du Maître (magister), des élèves (moniteurs) conduisent l instruction de leurs pairs. La connaissance à acquérir est divisée en plusieurs parties. Ex: la lecture est divisée en 8 classes, idem pour l arithmétique ou le catéchisme. En fonction de son niveau un même élève peut se trouver simultanément en 3 ème classe de lecture et en 1 ère classe de grammaire.

Enseignement mutuel : Organisation pédagogique Maître (magister) 6 moniteurs généraux : 1 par discipline enseignée Arithmétique lecture grammaire dessin linéaire chant catéchisme Moniteurs particuliers

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Enseignement mutuel: quelques limites - Un enseignement superficiel - Une organisation compliquée et lourde - Automatisation des leçons - Mécanisation contraignante des procédures Les critiques Conservateurs et membres du clergé accusent les protestants d avoir introduit le mode mutuel qui forme des automates et risque de porter atteinte à l ordre social par la pratique du selfgovernment. Les ultraroyalistes reprochent la transformation des établissements scolaires en autant de républiques.

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Enseignement mutuel: bilan - Un bon taux d alphabétisation des zones urbaines - Une partie des moniteurs rompue à la pédagogie des écoles mutuelles constituera le public des élèves-maîtres des toutes nouvelles écoles normales d instituteurs. La fin des écoles mutuelles Avec la promulgation des «statuts sur les écoles primaires communales» Guizot met un frein au développement du système monitorial. En effet ces statuts prévoient une organisation des écoles élémentaires en 3 divisions (D1=6 à 8 ans; D2=8 à 10 ans; D3=+10 ans)

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Les cours d adultes - Soutien de la Société pour l Instruction Élémentaire dès 1815. - 1821: ouverture de 2 écoles à Paris - 1828: 6 écoles à Paris =>238 élèves - 1833: 18 écoles à Paris=> 902 élèves L enseignement - Y sont dispensés des cours de dessin et de l instruction primaire de base. - Il s agit avant tout de participer à l accroissement de la rentabilité du travail et au maintient de la paix sociale.

Vers l amélioration du système scolaire (1815-1875) Les cours d adultes de la Société de secours mutuel - Fondée par les ouvriers eux-mêmes pour dispenser de l initiation technique et juridique à ses membres Communes et départements subventionnent des cours d adultes - 1837= 1.800 cours - 1848= 6.800 cours avec 120.000 auditeurs - 1869= 34.000 cours (dont 5.000 pour les femmes) avec 800.000 auditeurs (dont 100.000 femmes) Mais ces cours ne comblent les graves carences en matière d enseignement technique élémentaire et le besoin urgent de cadres et d ingénieurs favorisera plutôt le développement des grandes écoles et des niveaux supérieurs et moyens de l enseignement technique.

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) Le contexte -Après la défaite de la guerre de 1870, certains établissent un lien entre la supériorité technologique de l Allemagne et la qualité de son système scolaire. - Nécessité de conquérir de nouveaux marchés. - Constitution de l Empire colonial. Ce contexte marque les politiques scolaires de la IIIe République - Soif de revanche sur les Allemands - Progrès techniques => développement social et industriel - Expansion coloniale => nécessité d affirmer sa puissance L école sera idéologisée et instrumentalisée pour répondre à cette logique

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) -Jules Ferry (1832-1893), Paul Bert (1833-1886) et d autres ont pour projet de garantir l avenir de la nation et la stabilité sociale. =>ils organisent un enseignent primaire: gratuit, obligatoire & laïc. Émergence d une triple signification de cette volonté 1. Rompre avec l idée que généralisation de l instruction au peuple = corruption et désordre (Rousseau, Voltaire ) 2. Positionner l enseignement primaire comme la base d un édifice complet qui mènerait au secondaire 3. Pour cela, mettre en œuvre tous les moyens nécessaires.

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) La gratuité scolaire: loi du 16 juin 1881 s applique à l ensemble des écoles du primaire public, des salles d asile et des Écoles normales. Cette même loi assure aux instituteurs un salaire versé par les communes (à partir de 1889, rétribution par l État). L obligation scolaire: loi du 28 mars 1882 => enfants de 6 à 13 ans. Il s agit d une obligation d enseignement soit dans une école privée ou publique ou dans la famille => L école n est donc pas obligatoire. Cette mesure se heurte à de fortes résistances parentales, surtout en milieu rural.

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) La laïcité: instituée avec l obligation scolaire, loi du 28 mars 1882 => suppression de l éducation religieuse remplacée par l instruction morale et civique. C est une mesure à la fois novatrice et très polémique qui séparera pour longtemps la France en deux. Des débats houleux se déroulent sur la neutralité de l école: C. Freppel évêque/député: «Ne pas parler de Dieu à l enfant pendant sept ans, alors qu on l instruit six heures par jour, c est lui faire accroire positivement que Dieu n existe pas, ou que l on n a nul besoin de s occuper de Lui.» Jules Simon républicain: veut introduire en tête des matières obligatoires, les «devoirs envers Dieu» et les «devoirs envers la patrie»

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) La morale laïque: pose des difficultés conceptuelles dans sa mise en place car il faut promouvoir un système de valeur qui reste neutre à l égard des croyances => références à des traditions philosophiques et religieuses. L Antiquité, les moralistes français, les auteurs des Lumières, le (néo)kantisme, A.Comte et divers formes de christianisme sont revisités à travers les notions clés de dignité et de solidarité qui vont représenter la base de la morale laïque.

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) -La morale laïque postule l égalité fondamentale des êtres humains et le droit à la dignité pour tous quelque soit son origine sociale, culturelle, son sexe et sa morale => le riche ne déconsidère pas le pauvre qui ne s abaisse pas devant lui. -L ivrogne représente la perte extrême de toute dignité morale mais doit être perçu dans sa dignité humaine. -Le «sauvage» n est pas considéré comme un être inférieur mais reste «sauvage» et le «civilisé» se doit de lui apporter la «civilisation» => justification de la mission civilisatrice. Lewis H. Morgan (1818-1881): l humanité passe par 3 stades : 1-Sauvagerie = paléolithique 2-Barbarie = néolithique 3-Civilisation = apparition de l écriture

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) Pour compenser le remplacement de la morale religieuse, Ferry accorde une journée sans école aux élèves afin qu ils puissent suivre la catéchisme en dehors de l école: le jeudi. la morale laïque est importante car: -la France entre dans une ère nouvelle de mutation en passant de la «petite patrie» à la «grande patrie française». -L exode rural entraîne un affaiblissement du contrôle social => nécessité d une intériorisation des règles sociales pour préserver la cohésion de la société. Loi du 30 octobre 1886: la laïcisation s étend aux maîtres: «dans les écoles publiques de tout ordre, l enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque».

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) Prost (1983, p.47) constate que le terme démocratisation ne fait pas partie du vocabulaire des fondateurs de l école républicaine => le système scolaire français s inscrit dans une dualité qui se traduit par un dualisme avec d un côté l ordre primaire pour le peuple et de l autre le secondaire. Ferry a hérité de cette situation. Loin de la modifier, il la renforce en consolidant l élémentaire du secondaire et en créant un certificat d aptitude spécial propre aux maîtres du secondaire (décret du 8 janvier 1881).

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) Le primaire propose des programmes ambitieux mais limités dans le temps => nécessité d outiller les enfants du peuple pour la vie car ils ne pourront souvent plus apprendre ultérieurement. Les républicains porteurs d une idéologie émancipatrice considèrent l école primaire comme libératrice mais pas sur le plan des inégalités sociales. Il s agit d affranchir des citoyens égaux en droit et en dignité => dans l absolu chacun est libre de s inscrire dans le secondaire mais les discriminations sociales l interdisent et ne sont pas traitées par l État et l école.

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) La sélection: A chaque type de public un type d enseignement distinct qui produit des parcours et des destins différents. L émergence d une nouvelle classe sociale implique l apparition de nouvelles structures au sein du primaire. Ex: Guizot constate l émergence de «classes nombreuses et intéressantes à qui l instruction primaire ne saurait suffire et qui ne reçoivent pas du système actuel l instruction dont elles ont besoin» => il crée les EPS et CC. -L élémentaire primaire pour les classes sociales inférieures -Le primaire supérieure pour les nouvelles classes «moyennes» -Le secondaire pour les classes supérieures.

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) L échec scolaire: envisagé sous un angle naturaliste il n est pas possible d y remédier => l instituteur n est pas évaluer sur le taux d échec de ses élèves mais sur le de réussite des élèves présentés au Certificat d études primaires. «Trois enfants habitent le même quartier dans une petite ville de province. Ils se connaissent, ils jouent ensemble. Leurs parents, un rentier réactionnaire, un épicier en gros et un serrurier, les envoient respectivement dans un collège congréganiste, au lycée et à l école primaire. À leur retour à la ville natale, ils seraient heureux de se retrouver, mais leurs parents y font obstacle et la culture qu ils reçoivent fait d eux progressivement des étrangers, leur donne des habitudes différentes et leur apprend à se mépriser : notre éducation prépare le plus souvent au dédain, au mépris, à l envie.»

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) «Loi organique de l enseignement primaire» signée par René Goblet le 30 octobre 1886 + décret et arrêté du 10 janvier 1887 = Forte structuration du cycle primaire autour de 3 pôles Pédagogique/financier/administratif 1880: École Normale Supérieure de Fontenay-aux-Roses (filles) 1882: École Normale Supérieure de Saint-Cloud (garçons ) Mission des ENS: La formation des professeurs des ENP et des EPS

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) Cette logique inscrit l ordre primaire dans un cadre homogène et quasi hermétique. C est un système autonome qui fonctionne en circuit fermé dans une logique d auto-reproduction génératrice de cohésion s articulant autour d une culture et d une idéologie communes portées par les membres de la communauté de la pédagogie normale. La pédagogie normale peut être employée pour enseigner du plus haut au plus petit niveau du système primaire. «Pour transposer une leçon d école normale et en faire une leçon d école élémentaire, il suffit bien souvent de la réduire à des proportions plus humbles, de même qu on ébranche les rameaux des arbres trop touffus.» Compayré Gabriel, L éducation intellectuelle et morale, 1895

Primaire Élémentaire Primaire Supérieur Ordre primaire sous la IIIe République NIVEAUX Diplômes/orientation École Normale Supérieure de filles Fontenay-aux-Roses 2 à 3 ans (jusqu en 1897) École Normale Supérieure de garçons Saint-Cloud 2 à 3 ans Certificat d aptitude au professorat des EN et des EPS École Normale Primaire 2 à 3 ans Brevet de capacité élémentaire/supérieur École manuelle d apprentissage 1 an École Primaire Supérieure 3 ans (dit de plein exercice) 2 ans minimum Cours complémentaire Annexé à 1 école primaire élémentaire 1 an CC : exam sur matières enseignées type CEP EPS : Brevet supérieur EMA : Brevet technique Primaire élémentaire (6-13 ans) Crs supérieur 2 ans (11-13 ans) Crs moyen 2 ans (9-11 ans) Crs élémentaire 2 ans (7-9 ans) Certicat d études primaires Vie active Maternelles/classes enfantines Enfants de 5 à 6 ans

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) Certificat d études primaires élémentaires (arrêté du 16 juin 1880) Dans sa lettre aux recteurs du 27 septembre 1880, Jules Ferry le définit ainsi : «Le CEP n est pas, dans la pensée du Conseil supérieur, une sorte de diminutif du brevet de capacité. Il est destiné à devenir très général, à être recherché et obtenu par tout élève qui aurait fait, de 7 à 13 ans, des études primaires régulières et complètes. Il importe que ce titre puisse être acquis sans autre préparation que celle de l école ; par conséquent, il ne doit pas dépasser le niveau des études réellement et quotidiennement faites par la division supérieure de l école primaire». L enseignement primaire supérieur conçu dans la prolongation du cycle élémentaire de l enseignement primaire entraîne des logiques d ascension sociale pour les enfants des classes populaires et paysannes qui peuvent espérer obtenir des emplois de cadres subalternes ou d employés dans l industrie, le commerce où l administration ou devenir instituteurs. Mais le fonctionnement en circuit fermé du primaire limite cette ascension sociale. Pour cela Ferry veille à ne pas doter les EPS d un programme trop ambitieux qui les rapprocherait trop du secondaire

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) Le secondaire: 21 décembre 1880: loi Camille Sée sur le secondaire féminin. Les républicains sont plutôt hostiles à la scolarisation des filles dans le secondaire mais ils acceptent la loi pour contrer toute récupération de l enseignement féminin par les religieuses. l objectif du secondaire féminin: «l éducation des bourgeoises qui se doivent de rester au foyer». Le projet de Sée d enseigner la philosophie est rejeté. Jules Simon s exprime ainsi: «si les jeunes filles mordent à la philosophie, elles y gagneront ou que la folie les étreindra à bref délai ou qu elles deviendront athées : il faut pour se livrer fructueusement aux études philosophiques des cerveaux d hommes bien mûrs»

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) Des éléments marquent la différence entre le secondaire masculin et féminin : - Baccalauréat pour les garçons diplôme de fin d études secondaires pour les filles - Cursus 5 ans pour les garçons 3 ans pour les filles - Les garçons de la 6 ème à la terminale les filles de la 1 ère à la 5 ème Il faudra attendre le décret du 25 mars 1924 pour harmoniser le secondaire des filles avec celui des garçons et leur permettre de se présenter au bac. A partir de 1902, le secondaire est divisé en 2 cycles: 1 er cycle de la 6 ème à la 3 ème avec 2 sections A & B (ni latin ni grec pour la B) 2d cycle de la 2de à la terminale avec 4 options. Le 16 avril 1930 gratuité progressive du secondaire => 6 ème puis 5 ème et 4 ème Loi du 11 avril 1933 gratuité étendue à toutes les classes du 1 er et 2d cycle du secondaire sauf pour: classes primaires et classes préparatoires;

Vers l intégration des institutions scolaires (1875-1945) Le Baccalauréat: décret du 17 mars 1808 => 1 er grade universitaire Taux d obtention pour une classe d âge : 1881: 1% 1911: 1,1% 1926: 1,6% 1936: 2,7% A la veille de la seconde guerre mondiale le paysage éducatif français est caractérisé par une division en 3 types d établissements correspondant à 3 catégories sociales distinctes: - Le primaire élémentaire - Le primaire supérieur (EPS, CC, EMA) qui regroupe plusieurs dizaines de milliers d élèves - Les collèges et lycées du secondaire, seule voie permettant l accès aux facultés et aux grandes écoles.