la jeunesse sur de bons rails L expression non violente L art pas toujours délicat de la séduction 20 ans en guinée

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tre m p l i n le magazine de fin d année de la L4 journalisme presse écrite ISIC de Kountia Juin 2014 20 ans en guinée la jeunesse sur de bons rails Ils créent des entreprises, étudient, s aiment, font vivre les traditions... Voyage dans le monde de la nouvelle génération guinéenne. 04 économie 11 politique 24 société et si on créait son propre emploi? L expression non violente L art pas toujours délicat de la séduction

sommaire 04 économie 11 politique 18 afrique et si on créait son propre emploi? la voix de la rue retour à la case départ l équipe toujours 20 ans l ours... le générique Directeur de publication : Bangali Camara Rédacteur en chef : Maurice Loua Rédacteur en chef web: Mohamed Lamine Diaouné Rédacteur en chef technique : Thierno Sounounou Diallo Secrétaire de rédaction : Sama Hipolyte Batumbla Camara Sans oublier Youssouf et Nana... Comité de rédaction : Thierno Sounounou Diallo Maurice Loua Amadou Diallo Mohamed Lamine Diaouné Mamadou Aliou Barry Mamadou Aliou Diallo Gassime Fofana Mamadou Lamine Diallo Samaa Hypolyte Batumbla Camara Nana Keita Mamadou Kindy Bah Youssouf Manssa Soumaoro Naby Laye Camara Encadrement : Laurent Brunel, Cédric Kalonji, Sylvie Larrière 2014, tous droits réservés. Tremplin 2

sommaire 21 sport 23 techno 26 société les handballeurs à découvert des hélices plein la tête le bla bla bla du barrada l édito Soyez optimiste! «C est pas facile!», «La situation est toujours compliquée», «À quand la Guinée sur les rails du développement?» Ces termes reviennent quotidiennement dans la bouche des Guinéens. Certes, les promesses des politiques : emploi des jeunes, eau potable, électricité, réforme du système éducatif ne sont pas tenues pour le moment. Mais la Guinée pourrait devenir un eldorado dans un avenir proche. Après tout, beaucoup est à faire. Le pays n est pas oublié des investisseurs. C est un secret de polichinelle, le sous-sol guinéen est riche, alors il faut la volonté politique des dirigeants, la synergie des populations dans l intérêt général de tous et de toutes. Pour qu enfin le pays décolle. Parler de jeunesse dans son ensemble, dans tous les sens, positifs comme négatifs me remet du baume au cœur. Bien que la jeunesse de mon pays, en particulier les diplômés ne savent à quel saint se vouer. Imaginez après avoir fini les études universitaires, une licence en poche. Trouver le moindre stage tourne au casse-tête, à plus forte raison une embauche. C est pourquoi deux jeunes diplômés guinéens sur trois utilisent souvent le plan B : pratiquer d autres activités rémunératrices. Pendant que les diplômes dorment dans les tiroirs. Hélas! Dans les causeries, les jeunes nourrissent et gardent l espoir. Aussi dans ce quotidien difficile, les jeunes parviennent à gérer leur frustration. Dans ce magazine, il a fallu se fixer des limites et instaurer une ligne éditoriale qui correspondait à notre vision de la jeunesse guinéenne. Vous y trouverez donc du sensible, de la passion, du détail de ce qu est la jeunesse guinéenne, de son travail et de l actualité. Et allez, admettons, un soupçon de romantisme. La 5e est humaine après tout. Amadou Diallo à propos de... d ici et d ailleurs Ce magazine a été réalisé par les étudiants de 4e année de licence en journalisme de l ISIC de Kountia, encadrés par des formateurs de l Ecole Supérieure de Journalisme de Lille en France. Ce projet s inscrit dans le cadre plus large d un programme piloté par France Expertise Internationale et financé par l Union européenne. Celui-ci vise à contribuer à la stabilité du pays et à la consolidation de l Etat de droit en Guinée, via l amélioration du dialogue politique et citoyen au travers le renforcement des capacités techniques et académiques et professionnelles du secteur des médias et le renforcement de la visibilité structurelle et économique de ces derniers. Un site web est associé à ce magazine : www.tremplin.info. Ce projet est financé par l Union européenne Tremplin 3

économie Emploi jeune Et si on Créait son propre emploi? Selon le ministère guinéen du plan, 70% des jeunes âgés de 18 à 25 ans sont touchés aujourd hui par le chômage. L une des explications se trouverait dans l absence d esprit d entreprenariat. Les gens attendent tout de l Etat, regrette Abdoulaye Conté, le directeur national adjoint de l Emploi au ministère de l Emploi jeune. L État n est pas qu un employeur. Il favorise plutôt l accès au travail. C est aux jeunes de nous soumettre leurs projets. On les examine ensuite pour les financer. Mais ils ne nous sollicitent pas, regrette-t-il. Ils oublient que les personnes aisées aujourd hui sont celles qui ont pris hier des initiatives», lance-t-il. Après l obtention du diplôme, c est «chacun pour soi dieu pour tous», critique pour sa part Amara Camara, réparateur d ordinateurs. Mamadou Maladho, lui, est fabricant de balustrades «Je travaille ici parce qu il n y a rien d autre à faire. Je demande au gouvernement de multiplier les efforts pour favoriser l accès direct des jeunes à un emploi stable.». D autres ont des revendications plus précises. L entreprise d Amadou Sall, fabricant de chapeaux des tours des mosquées ne fonctionne qu avec l énergie électrique. Il «appelle le gouvernement à améliorer la fourniture du courant pour qu il puisse travailler dans son atelier». Mais si l État est souvent mis en cause, il ne reste pas pour autant les bras croisés. D autant plus que le taux de chômage élevé et le sous-emploi «occasionne la délinquance et la criminalité.» «L État fournit beaucoup d efforts pour accompagner les jeunes. Il prévoit de financer 3 000 projets dont 1 000 en milieu rural à hauteur de 150 millions GNF pour chaque projet, revendique Abdoulaye Conté. Et d annoncer que «le ministère de l Emploi jeune en collaboration avec les partenaires va mettre en place un consortium de jeunes qui n ont pas eu la chance d étudier jusqu à l université pour les organiser, les former (en maçonnerie, plomberie ) et leur donner un agrément afin qu ils soient des véritables ouvriers dans leurs localités.» Plus d initiative... Les représentants de l Etat ne sont pas les seuls à déplorer le manque d initiatives des jeunes. Cheick Amadou est diplômé en droit. Il dispense des cours dans les écoles privées. Il demande à De la réparation des téléphones ou ordinateurs à la briqueterie moderne en passant par les cybers cafés, ces métiers occupent aujourd hui 55% des jeunes diplômés guinéens âgés entre 20 et 25 ans. ses collègues «de faire quelque chose en attendant un emploi décent au lieu de passer leur temps à discuter chaque jour autour d une tasse de thé, tandis que leurs diplômes dorment dans les valises». Même remarque pour Prince, diplômé en linguistique. Il donne des cours d anglais et de français à domicile. «Depuis trois ans, tous les soirs à 20h, du lundi au vendredi, je reçois des commerçants pour leur apprendre à lire et à écrire. Il faut que les uns et les autres créent leur propre parlons des projets... La direction nationale de l Emploi des jeunes reconnaît que le manque d esprit d initiative des jeunes peut aussi s expliquer par la trop faible médiatisation des projets mis en place par l État en faveur de l emploi. Aujourd hui, certains suscitent de l espoir pour des milliers des jeunes : la construction des maisons de jeunes, le pavage des chaussées et trottoir de Conakry suscitent de l espoir. emploi», estime le jeune trilingue. De nombreuses entreprises privées ou autoentrepreneurs ont ainsi envahi le marché guinéen pour devenir le secteur numéro un de l emploi des jeunes dans divers secteurs. Amara Camara est réparateur d ordinateurs. Diplômé en maintenance informatique, il gère seul sa propre entreprise. Pour lui, «les jeunes ne doivent pas attendre tout de l Etat.» Mamadou Aliou Barry Tremplin 4

économie marché de l emploi la juste Réponse aux besoins Les universités guinéennes déversent chaque année un grand nombre des diplômés sur le marché de l emploi. Mais souvent, leur formation ne correspond pas aux besoins. Diplôme en poche, les jeunes se lancent à la recherche d un emploi. Nombreux sont ceux qui rêvent de la fonction publique, symbole de sécurité et de stabilité. Pourtant, cette dernière ne peut absorber la totalité des diplômés. Une piste : former les jeunes à l entreprenariat. «Nous formons les jeunes pour les préparer à être de vrais entrepreneurs, explique Mamady Traoré, secrétaire général du MJD (Mouvement des jeunes pour le développement). Nous les mettons en relation avec les entreprises qui leurs permettent de mettre en pratique la formation théorique qu ils ont reçue. C est une façon pour eux d assurer demain leur indépendance.» Du côté de l État également, des formations complémentaires sont proposées. Le ministère de la Jeunesse organise des sessions pour des formateurs en animation socio-éducative. L objectif? Améliorer l insertion socioprofessionnelle des jeunes Guinéens en matière d entreprenariat. «Au terme de leur formation, vingt et un jeunes venus de différentes associations de jeunesse auront la tâche de former six cents autres jeunes du pays», assure le ministre Moustapha Naité. Si ces initiatives sont positives, sont-elles pour autant efficaces? Cheick Amadou, diplômé en droit, raconte qu il a participé à une formation qui avait suscité chez lui l espoir d obtenir un emploi. «Mais depuis l obtention des attestations en 2011, jusqu à présent, j attends.» «Les modules de formation ne cadrent pas forcément aux besoins des entreprises», observe encore Mamady Traoré. «Quand vous formez les gens au leadership, quel sera l impact sur sa recherche d emploi?» s interroge-t-il. Et de regretter également l absence de reconnaissance de ce Chaque atelier permet de se perfectionner, même s il ne garantit pas d emploi. Photo : ministère de la jeunesse. type de formations organisées par des associations. «Certaines ONG ne sont pas connues par les entreprises. Leurs ateliers non plus. C est pourquoi, elles n arrivent pas à accompagner ces jeunes vers l emploi. N est pas formateur qui le veut.». Néanmoins, les jeunes qui suivent ces formations ne le regrettent pas totalement. Cheick Amadou témoigne : «la déception est partielle car même si ce n était pas l objectif visé, nous nous sommes quand même perfectionné.» Mamadou Aliou barry accès au travail dix centrales de métiers d ici 2015 Seny Damba, directeur national de l Emploi des jeunes, évoque les projets du gouvernement pour développer l accès au travail chez les jeunes. Il les exhorte également à prendre leurs responsabilités. Quelles sont les dispositions prises pour faciliter l accès des jeunes à l emploi? Nous avons d ores et déjà initié des projets qui nécessitent beaucoup de main d œuvre. C est le cas par exemple du pavage de certaines places de Conakry, comme Takonko. Nous avons également ouvert une mini huilerie pour les jeunes de Koundara, une ferme agricole pour ceux de Coup de pouce Dès août, trente-cinq jeunes entrepreneurs devraient pouvoir bénéficier d un soutien pour la création de leur entreprise. L aide interviendra sous forme de prêt, en partie de l Etat et en partie de l Afriland First Bank, pour un montant total de quatre millions de dollars. Dalaba et Pita et une plate-forme multifonctionnelle pour le groupement des jeunes à Mamou.Nous travaillons à la mise en place d ici 2015 de dix centrales de métiers. Chacune regroupera des jeunes qui pratiqueront la plomberie, la menuiserie, la peinture ou encore la soudure Quelles sont les étapes de ce projet? Nous sommes en phase d étude pour déterminer les lieux d implantation de ces centrales. Il faudra ensuite identifier les bénéficiaires et leurs besoins en équipements afin de pouvoir assurer leur travail. Qui prendra en charge le coût de ce projet? Trois centrales devraient être prises en charge par l État. Nous sommes à la recherche de partenaires pour en financer trois autres. Je mise sur fin 2015 pour trouver le financement des dix centrales. L Etat peut-il proposer un emploi à chaque jeune Guinéen? Les jeunes ne doivent pas rester dans l attentisme et attendre que nous leur donnions tout. Ils doivent prendre conscience qu ils sont les acteurs de leur propre destin et de leur réussite. J invite la jeunesse à beaucoup plus de responsabilité pour aborder la vie. On ne peut pas les aider malgré eux. Gassimou Fofana Tremplin 5 Seny Damba

économie créateur d entreprise à votre service L emploi se ramasse Par souci d autonomie et d indépendance, Boubacar Diallo a décidé en 2007 de créer sa propre entreprise. Aujourd hui, âgé de 28 ans, il dirige Boubatech Multiservices. Situé au premier étage d un immeuble au marché de Sonfonia gare, Boubatech offre des cours d anglais, d informatique, de comptabilité, mais également une auto-école. Au départ, il s agissait uniquement d un cybercafé. Aujourd hui, l entreprise propose de nombreux autres services et emploie dix-neuf personnes. Une affaire visiblement prospère, mais dont le patron préfère taire les détails financiers. Tout n est pas toujours rose. «Dans toute activité il y a des difficultés. Des problèmes, nous en rencontrons au quotidien. Au-delà du manque d électricité, je peux également déplorer les pannes de matériel. Mais le tout c est de pouvoir les surmonter», confie-t-il. Pour contourner les difficultés liées à la distribution d électricité, il a investi dans deux groupes électrogènes de 20 KVA. L énergie ainsi générée est partagée avec 200 autres abonnés parmi lesquels on compte des pharmacies, salons de coiffure et salles de jeux. Une autre source de revenus pour le jeune entrepreneur. Boubacar Diallo caresse plusieurs projets pour le développement de ses activités. Il envisage notamment de créer un institut de formation professionnelle spécialisé dans les technologies de l information et de la communication (TIC). Il compte aussi ouvrir d autres antennes de Boubatech Multiservices dans le pays. Et vise même d ici une dizaine d années que son entreprise soit reconnue sur le plan national, voire international. Conscient des difficultés rencontrées par les jeunes Guinéens qui souhaitent entreprendre, il établit un diagnostic sans complaisance : le manque de responsabilité et de cohérence. Alors il apporte sa solution : il a créé une ONG, Jeunes entrepreneurs du Millénaire-Guinée (Jemig), et propose des formations aux futurs entrepreneurs. Son principal conseil : passion, motivation et objectifs clairs. «Les jeunes ne devraient pas baisser les bras face aux difficultés mais plutôt chercher des solutions aux problèmes», recommande-t-il. Boubacar Diallo se revendique clairement comme l homme des solutions. Thierno Sounounou Diallo Boubacar Diallo a developpé de nombreux espaces de formation pour les jeunes. La PME de Benna Bouramayah travaille dans le ramassage d ordures. Elle récolte les déchets de ses abonnés du quartier de Dixinn Gare Rail. Ces derniers sont déposés dans le dépotoir se situant entre le rail et la voie de l autoroute à Dixinn Gare en allant vers le marché de Madina. Bangoura Mohamed, le directeur de cette entreprise, n embauche pas seulement des salariés qui «le veulent mais qui le peuvent». Selon lui, seuls des jeunes peuvent être recrutés, car c est un travail de force. «Cent pour cent de mes employés sont des jeunes. Ce sont eux qui peuvent travailler dur», précise-t-il. Tôt le matin, ces jeunes employés se présentent sur leur lieu de travail. Munis d une charrette, ils viennent prendre les instructions auprès du directeur. Sous le soleil de midi, un jeune employé, Abdourahamane Bangoura, travaille torse nu. Il boit deux sachets d eau de Coyah à la suite. «Parfois, nous sommes obligés de tirer à deux la charrette, si elle contient une grande quantité de déchets», avoue-t-il. Le métier est dur et ne séduit pas les jeunes, pourtant l emploi existe. Mohamed regrette que «bon nombre de jeunes Guinéens ne s intéressent pas à ce travail. Quatre vingt pour cent de mes employés sont étrangers», préciset-il. La plupart proviennent de Sierra Leone, à l image d Alhassane Cheik, arrivé en Guinée en 2007. Abdourahane Bangoura, lui, a abandonné la pêche en Sierra Leone pour voyager. Faute d avoir trouvé un autre emploi à Conakry, il part à la pêche aux ordures jour après jour. naby laye Métier Professeur par choix Souleymane Bah, 25 ans, est professeur de physique. Pour lui, enseigner n est pas un moyen d échapper au chômage, mais bien une vocation. Diplômé de l université Gamal Abdel Nasser de Conakry, il s est vite intéressé au partage du savoir. «Plusieurs facteurs me poussent à enseigner. J ai toujours eu le goût de la transmission du savoir, témoigne-t-il. Du coup, j ai commencé à dispenser des cours au collège, lorsque j étais en 3e et 4e année à l université. Je suivais mes cours en parallèle.» Aujourd hui, Souleymane Bah enseigne dans deux établissements privés, les groupes scolaires Abdourahmane Sidibé et Mamadou Oury Barry. Il y dispense des cours de physique en classe de terminale et de 12e année. «Je m inspire d un de mes professeurs de physique de l université, que j admirais pour sa pédagogie et son aisance avec la complexité», raconte-t-il. Mais, au-delà de la transmission, il aime préparer ses cours, mener des recherches pour encore mieux comprendre ce qu il enseigne. Souleymane Bah Dans son quartier, connu pour ses talents en physique et mathématiques, le jeune professeur organise dans une vaste classe, des cours de révisions nocturnes. On y trouve à tour de rôle, des élèves candidats au brevet et baccalauréat unique. M. aliou diallo Tremplin 6

économie Le porte-monnaie d un étudiant passé aux rayons X Amadou, 26 ans, 300 000 FG par mois Kanté a 26 ans. Depuis janvier 2010, il étudie le génie civil à l Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. Il vit de sa bourse d études gouvernementale. Pour compléter ses revenus, il dispense également des cours de révision à domicile. Né dans la région de Boké, Amadou intègre l université Gamal Abdel Nasser de Conakry après avoir obtenu son Bac. Il choisit une université publique, faute de moyens pour financer une école privée, et perçoit une bourse de 900 000 FG par an, comme tout autre étudiant des universités publiques du pays. «C est très difficile d être étudiant en Guinée quand on sait que la bourse est versée souvent en retard. Jusqu à trois mois parfois. On est obligé de s endetter pour vivre», dénonce-t-il. Ses cours à domicile rapportent 130 000 FG par mois. Dans l année, il s achète deux à trois fois des nouveaux vêtements à hauteur de 300 000 FG. Kanté utilise un téléphone portable avec deux puces. Pour lui, les SMS facilitent la communication et 4 000 FG de crédit toutes les semaines suffisent à rester en contact avec les proches. À Conakry, sa sœur l héberge, ce qui lui évite de devoir régler un loyer. De plus, elle paye ses frais de transports. Il bénéficie également du soutien de ses amis. Ces aides sont estimées à 120 000 FG ou plus par mois. «Je voyage très peu et je n épargne rien vu les dépenses à couvrir chaque mois. Ce que je gagne ne suffit pas à financer des loisirs ou autres», explique t-il. Mais aujourd hui, il se sent heureux d avoir presque accompli sa mission après quatre ans d études. Il compte sur une future embauche pour améliorer ses conditions de vie. Mamadou Kindy BAH recettes Jusqu à 360 000 FG par mois Ce montant est composé essentiellement de sa bourse d entretien et des cours de révision à domicile. Sa soeur l aide pour le transport et quand la bourse n est pas versée, ses amis le soutiennent. > La bourse d études : 110 000 FG > Les cours du soir : 130 000 FG > Soutien par les amis : en fonction des besoins, jusqu à 120 000 FG ou plus quand la bourse est en retard. dépenses Environ 295 000 FG à 334 000 FG Les dépenses fixes : > Loyer : néant > Documents pour ses études : 15 000 à 20 000 FG > Téléphonie : 16 000 FG > Alimentation : 80 000 FG - 100 000 FG pour la restauration au sein de l université. Pour lui, il faut manger pour bien assimiler les cours même si le restaurant coûte cher. >Internet : 40 000 FG. Cette somme est repartie entre les recherches sur le net, les consultations des réseaux sociaux et autres. > Santé : il se fait soigner quand il tombe malade. La dernière fois qu il avait des céphalées, il a payé les produits à 30 000 FG. > Transport : 144 000 FG soit une somme de 9000 FG par jour. Dans la semaine, il se rend quatre fois à l université. Vie quotidienne Raphaël se saigne pour ses études Raphael Sobana Sandouno, 22 ans, est étudiant en 4e année d architecture d intérieur à l Institut supérieur des arts de Guinée (Isag). Sa bourse d étudiant serait insuffisante pour couvrir ses besoins. Mais il est met un point d honneur à ne pas solliciter ses parents. Raison pour laquelle, il la complète par des travaux artistiques, source de revenus. «Je sculpte des statues que je revends», explique-t-il. Parallèlement, il travaille pour des amis cinéastes. Là, il réalise des textures, des sortes de dessins qui seront utilisés pour simuler du sang ou des blessures dans les films. Les supports qu il utilise reviennent à près de 3000 FG pièce, mais il écoule chaque texture pour un prix qui varie de 10 à 15000 FG. Ce jeune originaire de Guékédou arrive ainsi à assurer ses dépenses. «Malgré la vie très dure à Dubréka, je parviens tout de même à couvrir mes besoins sans appeler mes parents», avance Sandouno. Raphael vit seul dans une chambre dont il assume le loyer. Il arrive également à faire face en cas de maladie ou s il a besoin d acheter des brochures pour ses cours à Dubréka. Il pense également à d autres manières d augmenter ses revenus. Comme d autres jeunes, il pense se lancer dans la vente de CD l année prochaine pour sa dernière année d études dans la cité de Soumba Toumany (Dubréka). Hippolyte Batumbla Raphaël doit sans cesse surveiller ses comptes. Tremplin 7

économie Lamine Guirassy La grande gueule de Conakry Hadja Daloba Fofana, sa grand-mère, lui a fait aimer la presse. Il avait juste vingt ans. Elle écoutait la radio en permanence et Lamine Guirassy aimait rester à ses côtés. Il s est ainsi habitué à l écoute des informations. Il décide d alors de devenir journaliste et rêve déjà de créer sa propre entreprise de presse. Il explique avoir suivi des études de journalisme en France, revient en Guinée avec son projet Espace Fm en 2007. Il n a que 27 ans. «Il fallait un média dans ce pays dans lequel tout le monde pouvait se reconnaître», raconte le jeune chef d entreprise. Mais il se heurte aux autorités guinéennes, qui l estiment trop jeune pour lancer une radio. Elles décident alors d ouvrir une enquête de moralité sur lui avant de lui donner le feu vert. Espace Fm voit le jour en février 2008. Lamine Guirassy lance des radios régionales : Espace Kakandé à Kamsar et Espace Foutah à Labé et enfin Sweet FM. Et puis, Lamine Guirassy change d échelle. Après deux ans de bras de fer pour obtenir l autorisation d émettre, Espace TV a également vu le jour. L entrepreneur ne compte pas s arrêter là et s apprête à lancer simultanément deux nouvelles radios à Kankan et à N Nzérékoré. Son groupe de presse porte le nom de sa grand-mère : Hadafo Media pour HAdja DAloba FOfana. Il emploie aujourd hui plus de deux cents personnes. Une réussite pour celui dont le credo est de croire en soi et de vivre selon ses moyens. Avec hardiesse, Lamine continue à concrétiser ses rêves. Gassim Fofana Lamine Guirassy micro-trottoir tout n est pas que question d argent Si réussir est une aspiration de tous les jeunes Guinéens, la définition de la réussite sera perçue différemment par les uns et les autres. Mamadou Kindy BAH El Hadj Boubacar Diallo, président de l Association du bien-être pour le développement. 23 ans. Réussir c est avant tout recevoir une bonne éducation de base par sa famille. Pour réussir, il faut préparer son avenir. Être dans une société organisée, la servir avec patriotisme et dans l honnêteté. Posséder de belles voitures, de belles villas ne constitue pas la réussite. Mon rêve, c est d être au milieu des personnes importantes de la société civile au service de la nation. Saratou Diallo, élève de terminale science sociale du groupe scolaire Baba Cisse. 19 ans. Pour moi, la réussite ce sont avant tout mes études. Je pense avoir mon bac, aller à l université, avoir un bon emploi et baigner dans l argent. Aussi, je rêve d être une personne influente, pour changer ma nation. C est pourquoi je veux devenir une grande journaliste. Jean Faya Koundouno, élève de terminale sciences sociales au groupe scolaire Hadja Maladho. 20 ans. La réussite, c est d abord finir ses études. Ensuite être un cadre supérieur, créer même un parti politique. Cela ne peut se faire qu en s adonnant aux études avec un objectif clair. Pour moi, réussir est loin d être dans le luxe parce qu on peut voler de l argent pour mener une belle vie. Donc, la réussite, c est l aboutissement d une construction sur une base solide. Djibril Diallo, vendeur de pneus. 26 ans. Réussir, c est avoir une belle vie, une belle voiture. C est aussi penser aux pauvres, les aider. Il faut ensuite réaliser d autres projets comme la construction des écoles, des hôpitaux et bien d autres infrastructures de valeur nationale. Tout le monde peut réussir dans cette vie. Il suffit juste de se donner à fond et de ne pas désespérer. Car, même si on est handicapé on peut réussir dans la vie. Kadé BAMBA, élève de la terminale sciences sociales au groupe scolaire Baba CISSE. 20 ans. Quand les rêves deviennent réalité, on peut se frotter les mains pour dire qu on a réussi. C est-à-dire que je dois avoir un objectif bien ficelé et l atteindre pour parler de réussite. Pour le moment, je ne pense qu à avoir mon bac. Ensuite, j ai l ambition de poursuivre à l université. Je veux ensuite avoir un bon mari avec qui j aurai une voiture, des enfants et je souhaite être une très bonne mère de famille. Fromo Alexandre MANY, vendeur de charbon. 25 ans. Réussir, ce n est pas seulement finir les études, ou avoir un diplôme. Moi, je n ai pas pu pousser mes études. Aujourd hui, je me suis lancé dans la vente de charbon et je gagne ma vie. Je crois qu une fois mon objectif atteint, je me dis que j ai pleinement réussi. Mon souhait le plus ardent c est intégrer l armée. Je considère que tout est question de volonté divine. C est pourquoi il n est pas question de désespérer. Tremplin 8

économie Alpha Amadou Barry dans son atelier. Barry Télécom Le bon numéro Diplômé de l école nationale des postes et télécommunications en 2008, Alpha Amadou Barry, 27 ans, ouvre son atelier de réparation téléphonique à Enco5. Avec la croissance du nombre de portables bas de gamme sur le marché guinéen, cette activité est porteuse et rémunératrice. Un écriteau en rouge surplombe le mur principal de la bâtisse peint en bleu. Des lettres liées annoncent : «Barry Télécom, Réparation, Charge, Décodage, Flash». Le seuil de la porte franchi, on tombe sur une caisse pleine de téléphones. «Ces portables ne vont pas avoir la chance d être sauvés», indique le jeune maître de l atelier. Sur le mur, des photos de portables de toutes marques et tous modèles. Quelques outils de travail trônent juste à côté sur une table. Alpha Amadou ouvre minutieusement un portable de marque chinoise et explique qu il «est difficile de trouver une panne». Il finit de le décomposer pièce par pièce. Il prend alors le souffleur, nettoie l intérieur de l appareil, dépose ensuite de la colle sur la vitre de l écran et la pose doucement. «Nous dépannons beaucoup plus de téléphones chinois», admet-il. «Le prix de réparation d un portable dépend de trois éléments : la valeur de l appareil, la gravité de la panne et le prix des pièces de rechange», précise-t-il. Une dizaine d apprentis Il demande aux apprentis de s occuper des clients qui apportent leurs portables. D ailleurs, dix jeunes ont appris depuis 2009 le métier chez Barry Télécom. Tous aspirent à devenir des professionnels, pour ensuite ouvrir leurs propres ateliers. Parmi eux, Mamadou 24 ans, diplômé de psychologie de l université de Sonfonia reconnait que ce n est pas le métier qu il souhaitait exercer. «Mais comme je n avais pas d emploi, je me suis lancé. Tout ce qui est technique me passionne.» Alpha Amadou acquiert rapidement une certaine notoriété. Nombreux sont les clients qui viennent et repartent satisfaits. «Nous sommes bien équipés ; nous avons l ensemble du matériel nécessaire. C est un atout», revendique-t-il. Quelques instants plus tard, une cliente venue à la recherche de son portable approuve : «il y a trois ans que j emmène des portables en panne ici. Nos relations sont toujours bonnes, les gens ont confiance en lui.» Amadou Diallo Tremplin 9

économie Guinée Games Les jeunes raflent la mise Les kiosques de paris se multiplient depuis quelques années dans Conakry et sa périphérie. Ce sont le plus souvent des jeunes qui les gèrent. Tant bien que mal, ils assurent leurs besoins quotidiens en fonction du nombre de tickets vendus. Grosse affluence devant un kiosque de Guinée Games. Dans les paris sportifs, certains jouent pour gagner des sommes importantes, mais d autres s occupent avant tout de la vente des tickets. Alsény Sylla est gérant d un des kiosques à Kagbelen. Sourire aux lèvres, il avoue qu il peut vendre plus de cinq cents tickets par jour. De quoi gagner 150 000 FG. «Avec cet argent, j achète un sac de riz pour la maison ; le reste c est pour m habiller et pour mes autres dépenses», poursuit ce jeune de vingt-trois ans. Les yeux rivés sur la chaussée, Mohamed Camara semblent attendre le client. Son kiosque est non loin du marché du Kilomètre 36. Après les cours, il aide son ami dans la gestion des lieux. Lui ne gagne que 60 000 FG. Mais ce jeune homme de vingt ans reconnaît que si les ventes sont bonnes, il peut rafler plus de 100 000 FG. «Je reverse 600 000 francs par semaine à l agence de Guinée Games. Et au retour, Un gérant de kiosque Guinée Games. je gagne 250 000 FG de bénéfice», confie gaiement Kadiatou Keita. Plongée dans le compte de billets de banque, elle ajoute que son salaire aussi modique soit-il, lui fait oublier les huit heures passées assise au même endroit. «Je me sens plutôt soulagée puisque j ai un très petit revenu», admet-elle. Fatoumata Camara, assise sur un banc en bordure de route, regarde les voitures passer. Elle sourit à un jeune qui la salue par un geste de la main. Soudain, un client se présente, Fatoumata se précipite vers le kiosque de paris et tire le nombre de tickets demandés. Elle assure qu ils sont nombreux ces jeunes qui gagnent des millions au quotidien. «Pas plus tard qu hier, un jeune a gagné quatre millions avec un ticket qu il a tiré chez moi. Très content, il est venu me voir et j ai envoyé le numéro de série du ticket à l agence pour garantir le retrait de son argent, raconte-t-elle. Ensuite, il m a offert vingt mille francs. C est une manière d augmenter aussi son revenu quand on est gérant de kiosque», poursuit-elle. Au coin de la rue, un jeune s approche du pavillon. Il achète son ticket et s éloigne dans la cour de l école juste à côté Hippolyte Batumbla Tremplin 10

politique Education citoyenne L expression non violente Les mouvements de colère, les manifestations de jeunes engendrent souvent des dégradations sur la voie publique. Des incivilités qui se répètent à l envi. Le Groupe d appui au changement (Gac), organisation non gouvernementale, œuvre pour l action citoyenne et le civisme. «Nous partons du constat que les partis politiques ne jouent pas pleinement leur rôle en matière d éducation citoyenne de leurs militants», affirme le coordinateur du Gac, Joachim Baba Milimono. «Ils ne doivent pas avoir pour seul objectif la conquête du pouvoir. Sous peine, une fois élus, d être confrontés au manque de citoyenneté, de civisme, au vandalisme, à chaque fois que la population est mécontente.» Et s il reconnaît que «la constitution confère à tout citoyen le droit d exprimer sa colère, elle ne permet tout de même pas d insulter une autorité publique, de détruire les poteaux électriques» D où la volonté du Gac de promouvoir les formes d expressions non violentes. La sensibilisation avant tout Crée en 2009, l ONG multiplie alors les moyens d actions : les conférences-débats, les sensibilisations, les pièces de théâtre, ainsi que des carnavals. Tous les outils sont bons pour sensibiliser les citoyens, quel que soit leur niveau d études, leur bord politique ou encore leur langue. Pour une population largement analphabète, l ONG décline ses campagnes de sensibilisation dans les langues nationales via des émissions radiophoniques. Les jeunes sont invités dans des colloques, où ils sont sensibilisés à la responsabilité citoyenne. On les incite alors à privilégier mémorandums, lettres ouvertes, sit-in ou encore marches pacifiques. «Rien ne justifie la violence. C est positif d exprimer notre désaccord avec les politiques en place. Mais quelle que soit notre façon de les percevoir, ce doit être sans violence. Il n y a que le dialogue qui rapproche gouvernants et gouvernés. Quand celui-ci disparaît, la violence règne en maître», poursuit-il. mamadou Aliou diallo Pour Joachim Baba Milimono, bon nombre de Guinéens agissent en ignorant complètement les conséquences de leurs actes. «Le manque de citoyenneté est aussi lié à une méconnaissance de la loi.» Ceci devrait être le prochain chantier de l association. Militantisme : l héritage du père Loucény Konaté, secrétaire général du parti Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) Arc-en-ciel du côté de Kountia CBA, est diplômé en énergie de l Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. La vingtaine passée, Loncény n est pas novice en politique. Il raconte qu à sa naissance, ses parents militaient déjà pour le RPG et la majeure partie des débats à la maison portaient sur la politique. Notamment celle du parti. «A chaque fois que mon père me parlait du RPG, je n étais pas d accord avec lui. Le plus souvent, parce que j avais l impression qu il faisait trop d éloges sur le parti.» Après avoir grandi dans cette ambiance et achevé ses études universitaires, Loncény rencontre El hadj Kabinet Oulen Condé en 2010. Un Guinéen qui a longtemps résidé aux États-Unis et aujourd hui conseiller spécial de la Première dame. «Lorsqu on s est rencontré, il m a beaucoup parlé non seulement du programme d Alpha Condé - qui m a paru très intéressant pour la jeunesse - mais aussi de la mise en place d un mouvement de jeunes à Kountia, afin de soutenir l idéologie du parti, se souvient-il. Cette rencontre m a mis en confiance et j ai décidé du coup de militer», conclut-il. Son engagement et sa détermination ont fait de lui aujourd hui le secrétaire général du RPG Arc-en-ciel à Kountia CBA. Loncény explique encore qu il n y a pas de condition pour adhérer au parti. «C est juste une question de conviction.» Nana Keita manifestations La voix de la rue Les manifestations se font de plus en plus nombreuses depuis 2011 en Guinée. Reconnues comme un droit pour tout citoyen dans l article dix de la constitution, elles se soldent souvent par des vols, des blessés, voire même des morts. Les jeunes constituent le plus gros des troupes. Ils descendent dans la rue pour soutenir un parti politique ou réclamer de meilleures conditions de vie. «Il est juste de manifester tant que le pays est en mauvais état, avoue Abdoul Camara, 25 ans, étudiant à l Université Lansana Conté de Sonfonia. C est pourquoi je soutiens un parti qui revendique la mutation. Et quand il y a manifestation, je sors pour revendiquer mes droits.» D autres ne trouvent pas ces manifestations normales. «C est une perte de temps que de manifester pour un parti politique qui ne nous connaît même pas, ou pour réclamer l eau ou le courant, explique Moustapha Diallo, 26 ans diplômé en Sociologie du centre Universitaire de Kindia. Puisque la plupart des manifestations dans ce pays se soldent par des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants.» Et de poursuivre : «ces manifestations en Guinée, ce sont les jeunes qui en payent le prix. La rue n arrange rien.» Sidya Touré, le président de l UFR (Union des forces républicaines), estime que «tous ceux qui ont pris conscience que leur pays a besoin d un changement devraient adhérer à un parti politique». Mais aujourd hui, le pays a surtout besoin de se rassembler et que chacun participe de façon positive au développement du pays pour garantir de bonnes conditions de vie pour tous. gassimou fofana Tremplin 11

portfolio Centre- ville 24 heures à conakry Du petit jour aux dernières heures de la nuit, la capitale est une fourmillière dans laquelle les jeunes travaillent, s instruisent, se divertissent, s aiment... Tôt le matin, les couturières s affairent dans leur atelier. Sous la pluie, le jeune évite les eaux de ruissellement et traverse avec agilité la chaussée. Certains ne trouvent pas d autre issue que la mendicité. Tremplin 12

portfolio Travail de précision. L instant idéal pour un apprentisoudeur de montrer son savoir-faire. L apprentissage commence parfois très jeune. A l UGLC de Sonfonia, pause avant la reprise des cours. Entre chaleur et dur labeur, les jeunes menuisiers réduisent l épaisseur du bois. Tremplin 13

portfolio Au grand marché de Madina, comme partout dans la capitale, les ordures fument. A la Cimenterie G, les femmes tentent d écouler leur maigre marchandise sous un soleil de plomb. L approvisionnement de l eau reste une affaire essentiellement féminine. Devant le stade 28 septembre, les jeunes se retrouvent pour regarder sur écran géant un match de la coupe du monde. Tremplin 14

portfolio Les rails de la voie ferrée de Kountia se transforment en gradin pour observer un matche de foot. Quand la nuit tombe les énormes embouteillages s installent sur le pont de Madina. Rendez-vous des jeunes au tour du thé pour parler de tout et de rien. Le soir, les jeunes se retrouvent dans l unique salle de vidéo du quartier. Tremplin 15

la 4e année de journalisme option presse écrite Mamadou Aliou Barry 25 ans Tel : 664 446 231/656 915 879 email : barryjournalist52@gmail.com ou barryjournalist52@yahoo.com Amadou Diallo 24 ans Tel: 628 504 001/ 669 549 045 email: amadouhouleymatou @gmail.com J ai toujours aimé le métier de journaliste. En septième année déjà, je présentais des bulletins après la montée des couleurs autour du mât. J aimerais aujourd hui contribuer à faire progresser la presse guinéenne. Je lis abondamment et suis les débats à travers les médias. Mon modèle, c est Juan Gomez de RFI. Je rêve être un grand journaliste dans des rubriques politico-culturelles. C est à travers la lecture du magazine Jeune Afrique depuis la huitième année que j ai eu envie de faire ce métier. J aime la lecture notamment des documents politiques et journalistiques. Je souhaite devenir un grand journaliste et traiter de politique internationale. Mes idoles sont Christophe Boisbouvier, Antoine Glaser, François Soudan et Olivier Roger. Mamadou Aliou Diallo 24 ans Tel : 664 07 00 63/ 656 73 73 55 email : mamadalyah@gmail.com Je suis passionné par le métier de journaliste depuis l école primaire. Je passais beucoup de temps à lire les journaux et suivre la télévision. Je suis ensuite devenu jeune reporter des matchs de football dans mon quartier à Coza. Le journaliste francais David Pujadas reste mon modèle. Orienté en presse écrite en 3e année de l ISIC, j ai plusieurs expériences dans les radios privées. J ai effectué mon tout premier stage à la radio communautaire Renaissance Fm. Présentement, je suis en stage à Planète Fm. Hippolyte Batumbla Camara 23 ans Tel : 664 806 006 / 656 50 16 96 email : hippobigori@gmail.com Thierno Sounounou Diallo 23 ans Tel : 666 53 99 12 email : dialloisounounou @gmail.com Le journalisme est une passion pour moi, et RFI m a beaucoup inspiré surtout avec l émission Archives d Afrique d Alain Foca. J aime particulièrement le multimédia. Mon rêve est de travailler au plan international et je veux me spécialiser dans les sciences et technologies. Mamadou Lamine Diallo 26 ans Tel : 664 179 541/ 622 464 299 email : tounkourouma20 @gmail.com J ai choisi le journalisme par conviction. J aime écrire et transmettre mes idées. Je rêve d être un grand journaliste pour changer la donne dans mon pays. Le journalisme est ma passion depuis l âge de sept ans. J ai été poète au secondaire et je suis auteur de plusieurs poèmes dont «Hommage à la Guinée, Deftèrè.. Je rêve d être un journaliste économiste. Tremplin 16

Mamadou Kindy Bah 25 ans Tel : 666 710 368/ 620 884 962/ 655 945 694 email : mamadoukindybah @gmail.com Mohamed Lamine Diaouné 24 ans Tel : 666 185 863/ 657 909 793 email : lamdia70@gmail.com Je suis venu dans ce métier par amour. J aime rencontrer les décideurs et être proches des sujets importants pour mon pays. Je veux être un grand journaliste dans les domaines politique et social. J aime la lecture, le cinéma et le sport. Laurent Sadou de Rfi et François Soudan de Jeune Afrique sont mes références. Je rêve de travailler pour la presse militaire. Maurice Loua 25 ans Tel : 664 75 45 23 email : mauriceloua99 @gmail.com Naby Laye Camara 25 ans Tel : 666 672 019/ 655 314 832 email : nabylaye222 @gmail.com Depuis l enfance j ai beaucoup rêvé de pratiquer cette profession. Je veux me spécialiser en journaliste reporter sportif. Le journalisme est un métier que j aime depuis longtemps. J ai des idoles comme Laurent Sadou Nathalie Amart, et Claudy Siard. Je compte mettre en place des organes de presse pour développer ce métier dans mon pays. Gassimou Fofana 23 ans Tel : 664 403 246/628 96 71 96 email : gassimoufof33@gmail.com Depuis la 11e année, je suis séduit par le journaliste sportif Hervé Mathouz de Canal+ et Laurent Sadou de RFI. Mon ambition c est d être un grand comme eux. Nana Keita 24 ans Tel:664 29 06 72 620 72 01 65 email: keitanana3@gmail.com Youssouf Mansa Soumaoro 25 ans Tel : 621 053 905/ 655 365 768 email : soumaoroyoussouf @gmail.com Je suis mariée et mère d un petit garçon. J ai été absorbée par le métier de journaliste à travers l émission Archives d Afrique du journaliste Alain Foka très tôt. Je souhaiterais avoir mon entreprise de presse et parallèlement exercer ma passion. Le journalisme est ma passion, je veux un jour travailler dans une rédaction qui touche un grand nombre de lecteurs. J espère aussi faire la promotion de l Institut supérieur de l information et de la communication(isic) de Kountia. Tremplin 17

afrique Ils sont prêts à tout pour quitter leur pays, y compris braver la mort. DR Immigration clandestine Retour à la case départ Bien que beaucoup de clandestins trouvent la mort sur la Méditerranée, 18 000 depuis 1989 selon les ONG, nombreux désirent tenter ou retenter le passage vers l Europe ou ailleurs. Mercredi 21 mai 2014, siège de l Organisation internationale pour les migrations (OIM- Guinée). Devant le portail, un vigile est posté. Un jeune descend d un minibus, encadré par deux hommes en uniforme de l OIM. Teint clair, barbe fournie, mince, il porte une petite valise. L homme marche à pas lents, tête baissée. Expulsé d Espagne, il est arrivé par le dernier avion. Au moment de pénétrer dans le bâtiment, il relève la tête et crie avec rage : «L Occident, c est là-bas que les étoiles brillent. L Afrique, ce sont les ténèbres.» Dans le couloir, deux jeunes d une vingtaine d années sont assis, regards perdus. «Ce sont des expulsés de Libye», soupire un membre de la sécurité. Mory, mine serrée, lui, a été expulsé d Angola après un passage en prison. «Il y a beaucoup de nos compatriotes qui souffrent aux portes de l Angola, témoigne-t-il. Le passage, qu il soit terrestre ou maritime, n est pas aisé». Le voyage clandestin augmente vers ce pays où souvent les candidats sont arrêtés et emprisonnés, quand ils ne meurent pas en cours de route Actuellement, plus de huit cents jeunes clandestins guinéens seraient ainsi détenus dans la prison de Trinta en Angola. Aide au retour volontaire Ils sont également nombreux dans les camps de détention européens. En Belgique, les Guinéens représentent la deuxième nationalité chez les migrants clandestins. Certains pays proposent De l espoir au desespoir. DR pour les candidats au retour volontaire une aide entre 4 et 27 millions de FG environ. Objectif : démarrer une activité dans le pays d origine. «La somme nous est versée, explique Mamadouba Amara Camara, chef de projet assistant à l OIM. Nous accompagnons ensuite les bénéficiaires dans leur projet. Ils peuvent suivre une formation financée par l État sur le montage et la gestion de leur entreprise. Mais nous ne leur remettons pas l argent en espèce, parce que sinon, il y a de fortes chances qu ils retentent l aventure.» Pendant ce temps à l extérieur de l OIM, des jeunes haussent le ton. Ils veulent bénéficier de l aide. Mais pour les policiers sur place, ils tentent d abuser du système. «Certains jeunes viennent réclamer leur chèque même s ils ne figurent sur aucune liste de bénéficiaires fournies par les pays expéditeurs. Ils viennent semer la pagaille», insistent les policiers. Ils sont nombreux à vouloir cette aide. Mais les rêves d ailleurs ne s arrêtent pas à la porte de l OIM. Dans le couloir, Mory ne se démonte pas. «Dans un ou deux mois, je vais repartir vers le Maroc ou la Libye», lance-t-il avec assurance. Amadou Diallo Tremplin 18

sport BASKETBALL Panier percé Le basketball est un des sports préferés pour la plupart des filles en Guinée. Malgré cela, peu des moyens sont mis leur disposition pour réaliser ce rêve. Les basketteuses prennent la pause au stade du 28 sptembre de Conakry. Leur coach (photo ci -dessous) reste vigilant. Le basketball, elles en font leur passion, leur chemin vers la réussite. Certes, ce sport reste peu connu en Guinée. Pourtant, il existe des jeunes filles d une vingtaine d années qui n ont qu un seul rêve : représenter la Guinée dans des compétitions internationales, après le championnat national. Elles pratiquent le basket depuis leur plus jeune âge. Elles enchaînent les entraînements et ne quittent plus le stade. Pour Mariam Diallo, le basket est une discipline saine qui nécessite un corps sain. «Nos parents sont convaincus de nos capacités à aller de l avant dans ce sport. C est pourquoi, ils nous ont inscrites dans ce centre, même si l équipement et l accompagnement sont minimes», explique-t-elle. Ce centre accueille les filles à partir de six-sept ans, assure leur formation, leur suivi, parfois jusqu à la sélection pour les championnats nationaux. «Plusieurs filles de l équipe nationale ont été formées ici. Aujourd hui, elles font la fierté de la Guinée lors des compétitions internationales», déclare l entraîneur Mamadou Djan, au milieu de ses basketteuses. Certaines jouent au basket par passion, d autres par atavisme. C est le cas de Mariam Ciré Sylla. «Ce sport est un héritage», explique-t-elle. Son père et son grand frère sont basketteurs et ils vivent tous en Europe. Et comme pour certaines de ses coéquipières, elle est suivie de près par ses parents. La pression est donc forte. Pas toujours facile alors, quand les conditions de jeu sont difficiles. Mamadou Djan constate : «Nous n avons pas de terrain digne de ce nom pour nos entraînements ni à Conakry, ni à l intérieur de pays. Ici, les paniers sont dégradés, les lignes ne sont pas tracées et nous ne bénéficions d aucune aide financière du département en charge des sports». Au côté du football, le basket rêve, mais reste le parent pauvre du sport en Guinée. Mamadu Kindy Bah Tremplin 19

Sport foot de rue une école à ciel ouvert La rue est un centre de formation pour bon nombre de jeunes fans de football. Elle a permis à certains de rejoindre de grands clubs locaux. Samedi à Conakry, les grands carrefours se transforment en stades improvisés. Les jeunes occupent les rues pour jouer au football. Les artères ainsi occupées sont bloquées à la circulation. Des poteaux métalliques, placés face à face, forment les buts. Il est 16 heures à Dixinn, les joueurs peuvent maintenant se regrouper pour 70 minutes de plaisir footballistique. Deux équipes rivales s affrontent, le FC Baba et FC Bogota. Avant le coup d envoi, l arbitre collecte 50 000 GNF de chaque équipe. Le vainqueur empochera l ensemble de la somme totale. «Que le meilleur gagne», lance-t-il. Il invite ensuite les huit protagonistes, quatre de chaque de côté, au fair-play. Les fans sur la touche parient aussi de leur côté. Les billets de cinq, dix mille fusent. Il est 16 h 45, toutes les formalités Les footbaleurs de rue, en action sur le terrain. sont remplies, le match peut enfin commencer. Le FC Baba donne le coup d envoi. Après dix minutes de jeu, le capitaine de Bogota ouvre le score. Les cris de «but» pleuvent. Les supporters de l équipe adverse encouragent les leurs : «allez, il reste du temps, on peut encore égaliser», lance un fan de FC Baba. Après 35 minutes, Poussés à la rue Faute d infrastructures sportives dans le pays, la plupart des joueurs sont contraints de prendre d assaut la voie publique pour s entraîner ou jouer. Peu importe les risques qu ils prennent, ils sont prêts à braver tous les obstacles pour le plaisir du foot. Il leur arrive parfois d être insultés par les passants. Ils accusent les autorités d être incapables de leur trouver des espaces de jeu. Le gouvernorat a récemment interdit le foot de rue. Mais ce message semble ne pas être tombé dans les oreilles des jeunes joueurs. Lamine Diaouné l arbitre siffle la mi-temps. Les joueurs en profitent pour se désaltérer et échanger des conseils. Chacun a son mot à dire. Cinq minutes plus tard, le sifflet retentit. La deuxième période peut débuter. Une voiture klaxonne derrière le terrain, le jeu est momentanément stoppé. «Les week-ends nous appartiennent, alors arrêtez de nous déranger», s énerve un joueur du Bogota au chauffeur. Soixante-cinq minutes de jeu, toujours un but à zéro. Les esprits s échauffent. Les injures se font entendre. L arbitre met un terme à la rencontre. L équipe perdante est mécontente. «Tu as triché, tu es malhonnête, le temps n est pas écoulé, tu siffles la fin, malhonnête!», entend-t-on derrière l arbitre. Les 100 000 FG ont rejoint les poches des joueurs de l équipe gagnante. Le coin se vide, les barrages sont levés, les véhicules peuvent circuler. lamine diaouné Michel Landel, joue aujourd hui au Ordusport en Turquie. michel landel De Landreah aux bords de la mer noire «Tout footballeur rêve de participer à une coupe du monde, reconnaît Michel Landel.C est une fierté pour moi de jouer pour mon pays et le défendre». Mais faute de qualification de l équipe nationale, le jeune joueur de 24 ans n a pas eu le droit à un ticket brésilien. Il évolue aujourd hui à Orduspor - en deuxième division du championnat turc et compte actuellement cinq sélections dans son équipe nationale de football de Guinée. Michel, alias Michou, a débuté le football dans la grande cour familiale. «Dès que j ai commencé à marcher, je jouais avec mon père, se souvient-il. Il voulait que je sois un grand sportif et m a beaucoup soutenu». Il débute alors le foot dans la rue, avec le FC Cornet de Landreah, un quartier défavorisé de la commune de Dixinn. Michou remporte plusieurs trophées avec son équipe. Aimées par le grand public, ses prestations plaisent à un recruteur lors d un match d entraînement. Et pas n importe lequel: Mohamed Sylla, dit Socra, l ancien capitaine de l équipe nationale. Ce dernier lui ouvre alors les portes du football professionnel. Michel enchaîne un passage éclair à Friguiagbé, puis Hafia, le Satellite FC et même un petit tour par le Gabon. Il devient le protégé de Socra qui ne le quitte plus. En 2008 le rêve d enfance devient réalité. «J ai joué un tournoi de détection devant des recruteurs du Mans FC et Saint Étienne». Il s envole pour le Mans, où «l adaptation a été facile, parce qu il y avait beaucoup de Guinéens». Il y joue quelques années et souffre surtout d une blessure qui le retient loin des terrains pendant deux ans. Il rêve de Barcelone, admire Andres Iniesta, le milieu de terrain du Barca, pour «son intelligence de jeu et sa technicité». Mais c est la Turquie qu il rejoint en 2013. Son pays, ses amis lui manquent. Mais pour le jeune joueur, «avoir pu ramener ma famille en Turquie, puis en France, c est déjà beaucoup.». Lamine Diaouné Tremplin 20