INC document RESPONSABILITÉ CIVILE ET ASSURANCE AUTOMOBILE JURISPRUDENCE FAUTE DU CONDUCTEUR ET INDEMNISATION



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Transcription:

INC document JURISPRUDENCE RESPONSABILITÉ CIVILE ET ASSURANCE AUTOMOBILE Plus de vingt ans après l entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985, qui avait pour objectif d améliorer l indemnisation des victimes d accidents de la circulation, le constat peut être fait que des difficultés d application persistent. L abondante juris - prudence en la matière est là pour en témoigner. Les incertitudes quant à l application de la loi sont diverses et liées à l imprécision des termes employés. Ainsi, à la lecture de la jurisprudence, on se rend compte que la notion même d accident de la circulation pose encore problème. Et que celle d implication d un véhicule dans l accident n est toujours pas complètement cernée. De même, la faute du conducteur victime pouvant limiter ou exclure son droit à indemnisation reste difficile à appréhender pour les magistrats c est dire! Cette fiche fait le point sur les principales décisions rendues en matière de responsabilité civile automobile et d assu rance responsabilité civile automobile. FAUTE DU CONDUCTEUR ET INDEMNISATION L indemnisation du conducteur victime ivre (2 arrêts) 1 re espèce : un automobiliste roulait sur sa voie normale de circulation lorsqu il a été percuté au niveau d une intersection, en raison du non-respect du panneau stop par un autre automo - biliste. Il a été établi que l automobiliste victime présentait une alcoolémie de 0,85 gramme par litre. L assureur du responsable de l accident faisait valoir que l alcoolémie du conducteur victime était une faute de nature à exclure son droit à indemnisation. La cour d appel comme la Cour de cassation vont refuser de limiter ou d exclure l indemnisation de la victime en raison de l absence de causalité entre l alcoolémie de la victime et la réa - lisation de son dommage. Cass. plén., 6 avril 2007, pourvoi n o 05-81350. 2 e espèce : une collision s est produite entre une voiture et une moto circulant en sens inverse. Pour obtenir indemnisation du préjudice, l automobiliste et son assureur faisaient valoir que le motard se trouvait sous l emprise de l alcool. La cour d appel a jugé que le motard n avait commis aucune faute et que son alcoolémie était sans incidence sur son droit à réparation. La Cour de cassation approuve la cour d appel d avoir déduit l absence de lien de causalité entre l état du con - ducteur victime et la réalisation de son préjudice. Cass. plén., 6 avril 2007, pourvoi n o 05-15950. Ces deux arrêts de l assemblée plénière de la Cour de cassation sont importants car ils devraient mettre fin à une jurisprudence en dents de scie de plus de vingt ans, sur laquelle il convient de revenir brièvement. L article 4 de la loi du 5 juillet 1985 prévoit que la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d exclure l indemnisation des dommages qu il a subis. Or, la jurisprudence de la faute du conducteur dans son droit à réparation est plus que fluctuante depuis l entrée en vigueur de ladite loi. À la différence des non-conducteurs, pour qui seule leur faute inexcusable conduit à limiter leur indemnisation (à l exception des moins de 16 ans et des plus de 70 ans), I

les conducteurs se voient opposer leur faute pour limiter voire exclure leur indemnisation. Ce principe a été appliqué strictement jusqu à un arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 1997 qui a considéré que la faute du conducteur n entraîne pas automatiquement l exclusion de son indemnisation. À l inverse, le 4 juillet de la même année, la deuxième chambre civile a jugé que le simple fait de prendre le volant avec une alcoolémie supérieure au taux légal est une faute de nature à exclure le droit à indemnisation du conducteur. Il s en est suivi une longue liste d arrêts appliquant cette position (notamment Cass. civ. II, 10 mars 2004, pourvoi n o 02-19841; Cass. crim., 18 octobre 2005, pourvoi n o 05-81834), et la même solution est appliquée en cas d usage de stupéfiants (Cass. civ. II, 13 octobre 2005, pourvoi n o 04-17 428). Les deux arrêts du 6 avril 2007 rendus par l assemblée plénière semblent mettre un terme à l incertitude existante concernant l indemnisation du conducteur, et ramener de la cohérence en la matière. Selon la Cour, quand bien même le conducteur présente un taux d alcool non nul dans le sang, si aucune faute de conduite (excès de vitesse, perte de contrôle, etc.) n a joué un rôle dans l accident, il conserve son droit à indemnisation. En d autres termes, le seul fait de boire ne constitue plus une faute de nature à limiter ou exclure le droit à indemnisation du con - ducteur en cas d accident. Le défaut d entretien du véhicule constitue une faute ayant pour effet d exclure l indemnisation du conducteur M. X a acheté en Belgique un véhicule âgé de dix ans et l a fait immatriculer en France sans lui faire passer de con trôle technique. Peu de temps après l achat, le véhicule est impliqué dans un accident au cours duquel le conducteur a été blessé. Il demande l indemnisation de ses préjudices. Alors qu aucune faute de conduite (vitesse, défaut de maîtrise ) n est à reprocher aux deux conducteurs impliqués, la demande d indemnisation de M. X est rejetée par le tribunal de grande instance en raison du défaut d entretien du véhicule. Le con - duc teur ne pouvait pas prouver l état du véhicule importé, et il ressort du procès-verbal de gendarmerie qu il a perdu une roue lors de l accident. La cour d appel confirme l arrêt rendu par le tribunal pour énoncer que le défaut d entretien d un véhicule, à défaut de toute autre faute, constitue une faute ayant pour effet d exclure l in dem - nisation du conducteur. Conformément à l article 4 de la loi du 5 juillet 1985, toute faute commise par le conducteur a pour effet de limiter ou d exclure l indemnisation des dommages qu il a subis. CA Nîmes, 31 janvier 2006, référence jurisp. INC n o 3954. L irruption d un animal sur la route n est pas un cas de force majeure Une collision entre deux véhicules a eu lieu sur une route dé - partementale. Au moment de l accident, un conducteur a tenté d éviter un animal qui a surgi sur la route. Pour cela, il a braqué à gauche tout en freinant, ce qui lui a fait perdre le contrôle de son véhicule et se retrouver dans la voie de circulation inverse. Ce conducteur est décédé des suites de l accident. Ses ayants droit demandent réparation, sur le fondement de la loi de 1985 relative à l indemnisation des victimes d accidents de la circulation, à l autre conducteur qui circulait dans son propre couloir de circulation ainsi qu à son assureur. L arrêt est partiellement cassé, mais la Cour de cassation approuve la cour d appel sur un point important : le conducteur qui a subi l irruption d un animal sur la route et perdu le contrôle de son véhicule ne peut pas invoquer un cas de force majeure pour s exonérer de toute faute (faute constituée ici par la perte de contrôle du véhicule). Dès lors, si aucune faute ne peut être imputée à l autre conducteur, le conducteur fautif devra subir toutes les conséquences de l irruption de l animal sur la chaus - sée. L irruption d un animal sur une route départementale à la sortie d un village ne constitue pas, selon la juridiction suprême, un obstacle imprévisible et irrésistible assimilable à un cas de force majeure. Le seul recours qui s offre alors aux ayants droit du conducteur est l engagement de la responsabilité du propriétaire de l animal sur le fondement de l article 1385 du code civil, à condition qu il soit connu 1. Dans le cas où l animal n a pas de propriétaire (chevreuil, sanglier, etc.), le conducteur pourra demander une indemnisation sur le fondement de l article 1382 en cas de mauvaise signalisation du danger (responsabilité d une commune, d une société d autoroute, etc.) ou, en dernier recours, auprès du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) qui a vocation à indemniser les dommages subis en cas de collision avec des animaux sauvages. Cass. civ. II, 11 janvier 2007, pourvoi n o 05-21551. FAUTE INEXCUSABLE DE LA VICTIME Traverser à pied une autoroute avec 3,45 g d alcool dans le sang n est pas une faute inexcusable! À 3h30 du matin, un piéton qui traversait une voie d autoroute a été heurté par une voiture. Selon le rapport de police, la victime avait un taux d alcool de 3,45 grammes par litre de sang et a traversé les deux voies de circulation de l autoroute après avoir quitté une discothèque à proximité. L automobiliste et son assureur tentent de faire établir la faute inexcusable du piéton afin de s exonérer. Pour cela, ils font valoir que le piéton qui traverse volontairement une autoroute après avoir franchi les barrières de sécurité a commis une faute inex - cusable, et que son état d ébriété n est nullement exonératoire. Toutefois, il apparaît également dans le rapport qu à la question «Comment expliquez-vous la présence d un piéton sur la chaussée?», l automobiliste répond : «Je ne peux pas l expliquer réel - lement. Rétrospectivement, soit j ai regardé mon GPS au moment du choc, soit le piéton a traversé soudainement. Ou alors il est possible que je ne l aie pas vu car il n était pas visible.» Malgré l attitude du piéton, les propos de l automobiliste traduisent une incertitude quant à la cause de l accident. Pour cette raison, la cour d appel ne va pas retenir cette défense. Elle considère que le piéton n a pas commis de faute inexcusable, du fait que son attitude n est pas la cause exclusive de l accident. CA Paris, 23 janvier 2006, Gaz. Pal., 18-20 juin 2006, p. 9. 1 Dans le cas où le propriétaire d un animal reste inconnu, les victimes peuvent s adresser aux commissions d indemnisation des victimes d infractions (CIVI) dont les coordonnées sont disponibles via < www.fgti.fr/francais/adresses/adresses-civi.htm >. II

NOTION D IMPLICATION DU VÉHICULE DANS L ACCIDENT Victime dont le véhicule est seul impliqué dans l accident Une conductrice, après avoir sorti la voiture de son garage, descend de son véhicule pour refermer la porte derrière elle. Mais en raison d un terrain légèrement incliné et d un frein à main probablement mal serré, l automobile part en marche arrière et l écrase. Pour obtenir une indemnisation de ses dommages, elle a assigné l assureur de son véhicule. Les juges du fond ont rejeté sa demande d indemnisation au motif que la loi du 5 juillet 1985 n était pas applicable. La victime a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation en avançant qu étant descendue du véhicule, elle avait perdu la qualité de conducteur. En conséquence et conformément à la loi du 5 juillet 1985, seule une faute inexcusable de sa part pouvait lui être opposée pour limiter ou exclure son droit à l indemnisation de ses dommages. La Cour de cassation rejette le pourvoi en retenant que le gardien d un véhicule terrestre à moteur, victime d un accident de la circulation, ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l encontre de son propre assureur en l absence d un tiers conducteur du véhicule, débiteur d une indemnisation à son égard. En effet, la victime, bien que n étant plus conductrice du véhicule au moment de l accident, en conserve la garde en sa qualité de propriétaire. Aucun débiteur d une indemnisation n étant en cause dans l accident, la loi du 5 juillet 1985 n est pas applicable; en conséquence, la victime ne peut pas réclamer d indemnisation à son assureur. Bien que sévère pour la victime, la solution est logique : l assurance automobile est une assurance de responsabilité. Dans ce cas de figure, le seul débiteur qui existe est la victime elle-même Or, on ne peut être responsable envers soi-même. D où l utilité de souscrire des assurances complémentaires individuelle accident ou accidents de la vie. Cass. civ. II, 13 juillet 2006, pourvoi n o 05-17095. Le dommage causé par un tendeur arrimé sur le toit d une voiture doit être réparé sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 Une personne qui se trouvait à proximité d un véhicule en stationnement sur lequel avait été arrimée une plaque de contreplaqué, au moyen d un tendeur, a été blessée à l œil par la projection du tendeur et de la plaque de contreplaqué au moment où le conducteur prenait place dans le véhicule et refermait la portière. L assureur du véhicule a refusé d indemniser la victime. Elle l a alors assigné en vue de l indemnisation de ses dommages consécutifs à l accident sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985. La cour d appel déboute la victime en énonçant que l indemnisation prévue par la loi du 5 juillet 1985 suppose qu il y ait eu accident de la circulation c est-à-dire que le véhicule impliqué ait été en train de circuler, qu il ait été en mouvement ou du moins, s il était immobile, qu un élément du véhicule lié à sa fonction de déplacement soit en cause. La Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d ap - pel concernant la notion même d accident de la circulation. Pour cela, elle retient que les blessures avaient été provoquées par la projection d un objet transporté et d un tendeur, accessoire nécessaire au transport autorisé sur le toit du véhicule, indépen - damment du fait qu il soit en stationnement sur la voie publique, moteur arrêté. La Cour conclut qu il s agit d un accident de la circulation et donc que la garantie de l assureur était due. L intérêt de cet arrêt est de rappeler d une part que le stationnement ou l arrêt du véhicule n a pas d incidence sur l applica - tion de la loi du 5 juillet 1985. Un véhicule peut être impliqué dans un accident de la circulation alors qu il est immobile. D autre part, lorsqu un élément est nécessaire à la fonction de déplacement du véhicule (ici, le tendeur sert à maintenir la planche sur le toit), il rentre dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985. En conséquence, les dommages causés par un tendeur arrimé à une voiture constituent un accident de la circulation et doivent être réparés sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 rela - tive à l indemnisation des victimes d accidents de la circulation. Cass. civ. II, 20 octobre 2005, pourvoi n o 04-15418. Implication du véhicule en l absence de contact Une cavalière effectuait une randonnée sur un chemin de terre. Au moment de son passage près d une ferme, un tracteur a été mis en marche alors qu il était caché à la vue. Le démarrage du tracteur a effrayé le cheval qui a jeté la cavalière à terre. Cette dernière a tenté de se redresser en tirant sur les rênes, ce qui a déséquilibré le cheval qui est tombé sur elle. La cavalière étant décédée suite à cet accident, son conjoint demande réparation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 relative à l indemni - sation des victimes d accidents de la circulation. Dans le cas d espèce, la cour d appel a considéré que le con - joint de la victime est fondé à se prévaloir de l application de la loi précitée qui s applique alors que le véhicule, même en l absence de contact, est impliqué. Le lien de causalité entre la mise en marche du tracteur et la chute de la victime étant établi, la cour d appel considère qu il s agit d un accident de la circulation. Cette décision est intéressante car elle met en lumière le caractère extensif de la notion d implication, difficilement compréhensible mais régulièrement retenue par les tribunaux. CA Reims, 22 mai 2006, JCP éd. G., 11 mars 2007, n o 1566. ASSURANCE AUTOMOBILE ET CLAUSES D EXCLUSION En cas de prêt de véhicule, l assuré doit vérifier la validité du permis du conducteur Un véhicule a été impliqué dans un accident de la circulation alors qu il était conduit par une personne dont le permis de con - duire avait été annulé. Le propriétaire du véhicule n avait pas déclaré le changement de conducteur, ce qui aurait permis à l assureur de résilier le contrat. L assureur qui a été contraint d indemniser les victimes de l accident a assigné le propriétaire du véhicule en remboursement des sommes versées aux victimes en application d une clause d exclusion de garantie fondée sur le défaut de permis de conduire. La Cour de cassation approuve les juges du fond d avoir fait application de cette clause permettant à l assureur d exercer contre l assuré une action en remboursement des sommes qu il a dû III

verser aux victimes. En effet, dans un but de protection des victimes, le code des assurances (art. R. 211-10 et R. 211-13) prévoit l inopposabilité aux victimes des clauses d exclusion de garantie. L assureur est alors tenu d indemniser les victimes à la place du responsable. Mais les mêmes articles autorisent l assureur à se retourner contre son assuré pour le remboursement des sommes versées. Dans cette affaire, la non-déclaration à l assureur du changement de conducteur habituel constitue une faute contractuelle justifiant l application de la clause et l exercice de l action en remboursement. On retiendra que le propriétaire d un véhicule assuré doit vérifier la validité du permis de conduire de la personne à qui il prête son véhicule. Cass. civ. II, 8 février 2006, pourvoi n o 05-16031. Responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur Une automobile est achetée et conduite par un mineur de 16 ans qui cause un accident au cours duquel une personne est blessée. Les parents de ce mineur, en tant que civilement responsa - bles, appellent en garantie leur assureur de responsabilité civile (contrat multirisques habitation). Les juges du fond ont condamné la compagnie d assurance à garantir les parents du mineur des condamnations prononcées contre lui. L assureur, qui dénie sa garantie, forme un pourvoi en raison d une clause d exclusion du contrat qui stipule que «ne sont pas pris en charge les dommages causés par les véhicules [ ] sauf pour les dommages causés par un enfant mineur dont vous seriez reconnu civilement responsable et qui conduit un véhicule dont vous n êtes ni propriétaire, ni gardien, personnellement à vos enfants mineurs». Il résultait donc de cette clause que l enfant ne devait pas avoir la propriété du véhicule, ce qui n était pas le cas en l espèce. La Cour de cassation censure la cour d appel. Elle lui reproche d avoir mal interprété la clause d exclusion, en relevant qu il résulte du contrat que les garanties sont exclues si l enfant a la garde ou la propriété du véhicule. En l espèce, on souligne avec regrets que la solution aurait été moins sévère pour les parents en cas de vol du véhicule, alors que la situation est assez semblable pour ces derniers qui n étaient certainement pas au fait de l achat du véhicule par leur fils de 16 ans. De plus, la souscription d un contrat d assurance automobile n aurait été d aucune utilité en raison des mêmes clauses d exclusion. Cass. crim., 5 décembre 2006, pourvoi n o 06-81968. LA NOTION D ACCIDENT DE LA CIRCULATION L incendie provoqué par un chargeur de batterie ne peut pas être réparé sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 Un automobiliste a confié son véhicule à un garage pour recharger la batterie. Au cours de cette opération, un incendie s est déclaré et a partiellement détruit le garage. Les représentants du garage demandent l indemnisation de leurs préjudices au propriétaire du véhicule sur le fondement de l article 1 de la loi du 5 juillet 1985 relative à l indemnisation des victimes d acci - dents de la circulation 2. Pour refuser l indemnisation demandée par le garage, la cour d appel, qui sera approuvée par la Cour de cassation, retient qu il ressort du rapport d expertise que c est un échauffement ou un court-circuit dans le chargeur de batterie déposé sur la roue de secours dans le compartiment moteur qui est à l origine du sinistre. Selon la cour d appel, au regard des conclusions de l expert, l assureur ne doit pas sa garantie pour un équipement qui ne consti - tue pas, au regard de l article R. 211-5 du code des assurances, un accessoire servant à l utilisation du véhicule 3. Cette décision doit être approuvée car la police responsabilité civile automobile obligatoire garantit les dommages que peuvent provoquer les véhicules. Or, le chargeur de batterie n est pas un accessoire servant à l utilisation du véhicule mais cons - titue un outil qui n a pas vocation à se déplacer avec le véhicule. Le sinistre ne pouvait donc pas être indemnisé sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 : cet incendie n est pas un accident de la circulation. Cass. civ. II, 3 mai 2006, pourvoi n o 04-17724. L accident survenant lors d une séance d entraînement sur circuit fermé n est pas un accident de la circulation Au cours d une séance d entraînement sur circuit fermé, un motard a été heurté par une moto alors que, s étant aperçu à la sortie d un virage dangereux qu un autre motard était en panne, il aidait ce dernier à dégager son véhicule du circuit. Le motard qui a été grièvement blessé dans l accident a assigné l autre motard en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance. Les juges du fond ont décidé que la loi du 5 juillet 1985 était applicable en raison du comportement du motard. Ils ont considéré que le fait de s arrêter pour aider un autre compétiteur a pour effet de faire sortir le motard de la compétition. Ce raisonnement est rejeté par la Cour de cassation, qui rappelle que l accident survenant à l entraînement entre des concurrents évoluant sur un circuit fermé exclusivement dédié à l activité sportive n est pas un accident de la circulation. Cass. civ. II, 4 janvier 2006, pourvoi n o 04-14841. 2 «Les dispositions du présent chapitre s appliquent, même lorsqu elles sont transportées en vertu d un contrat, aux victimes d un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.» 3 «L obligation d assurance s applique à la réparation des dommages corporels ou matériels résultant : 1º Des accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule, les accessoires et produits servant à son utilisation, les objets et substances qu il transporte ; 2º De la chute de ces accessoires, objets, substances ou produits.» IV

Quel fondement pour la réparation des dommages causés par un piéton à un motocycliste? Un motocycliste qui circulait dans une rue a été déséquilibré par un piéton et a été blessé. Ce motocycliste a demandé répa - ration de son dommage devant les tribunaux. Le piéton n étant pas assuré, le Fonds de garantie est intervenu à l instance. Les juges du fond ont considéré le piéton seul responsable de l accident et l ont condamné à réparer les dommages subis par le motocycliste. N étant pas satisfait par l offre d indemnisation proposée par le fonds d indemnisation, le motocycliste a fait appel en s appuyant sur la loi du 5 juillet 1985. Les prétentions de ce dernier sont rejetées par la Cour de cassa - tion, du fait que les dommages causés par un piéton au conducteur d un véhicule terrestre à moteur ne peuvent être réparés que sur le fondement de la responsabilité civile (articles 1382 et suivants du code civil) à l exclusion de la loi du 5 juillet 1985 qui n est pas applicable dans ce cas. En effet, la loi est applicable lorsqu un véhicule terrestre à moteur cause un dommage à un piéton, mais pas en cas de dommage causé par un piéton à un tel véhicule (article 1 er de la loi). Cass. civ. II, 15 mars 2007, pourvoi n o 06-12680. INDEMNISATION DU DOMMAGE En cas de destruction d un véhicule, les victimes ont droit à sa valeur de remplacement Le véhicule des époux Baena, acheté partiellement à l aide d un crédit, a été détruit suite à un accident de la circulation. Les époux demandent en justice à l assureur le remboursement du véhicule ainsi que les intérêts afférents au remboursement du prêt con - tracté pour son acquisition. La cour d appel les déboute de leur demande et se réfère à la valeur vénale du véhicule pour fixer leur indemnisation. La Cour de cassation censure fermement la cour d appel qui s est à tort référée à la valeur vénale du véhicule. Elle rappelle que les époux Baena ont droit à la réparation intégrale de leurs dommages, et que celle-ci n est assurée que par le remboursement des frais de remise en état de la chose ou par le paiement d une somme représentant la valeur de son remplacement. La Cour en déduit que la victime dont le véhicule est détruit suite à un accident de la circulation est en droit d obtenir le remboursement des échéances du prêt contracté pour son acquisition. Cet arrêt nous apporte deux enseignements importants. Le premier est qu en cas de destruction d un véhicule dans un accident de la circulation, c est à la valeur de remplacement que doivent se référer les juges pour réparer le préjudice de la victime. La Cour de cassation rappelle utilement qu en vertu de l article 1382 du code civil, la victime d un dommage est en droit d obtenir la réparation intégrale de son préjudice ce qui correspond, lorsque cela est possible, aux frais de remise en état de la chose ou au paiement d une somme représentant la valeur de remplacement du bien. Dans l affaire, l indemnisation doit permettre à la victime de se procurer un véhicule équivalent, c est-à-dire tel qu il pouvait être négocié sur le marché avant l accident additionné des frais annexes (frais de recherche du véhicule, carte grise par exemple). Le second enseignement est que les échéances du prêt souscrit par la victime pour acquérir son véhicule doivent être incluses dans la valeur de remplacement. Ne sont donc concernées que les échéances à venir dans la limite d une plus-value pour le remboursement des intérêts du prêt. Le responsable ne doit pas payer à la fois le remplacement du véhicule et le remboursement du prêt. Cass. civ. II, 8 mars 2006, pourvoi n o 04-14946. Nicolas Tilmant-Tatischeff Institut national de la consommation 80, rue Lecourbe 75015 Paris <www.conso.net>