La gestion de patrimoine des personnes protégées : enfants mineurs, majeurs incapables

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La gestion de patrimoine des personnes protégées : enfants mineurs, majeurs incapables Par Henry Royal, juillet 2011 I. - Actes d administration, de disposition, de conservation II. - L enfant mineur III. - Le majeur protégé IV. Société civile et incapables majeurs et mineurs Cet article vise à mieux connaître l environnement juridique des enfants mineurs et des majeurs incapables, qui a fortement évolué depuis le 1 er janvier 2009 1. L autonomie des personnes juridiquement protégées et de leur représentant dépend du régime de protection décidé par le juge et de la nature des actes qui peuvent être qualifiés d administration, de disposition ou de conservation. Le régime de protection varie pour l enfant mineur, selon que l autorité parentale est exercée ou non par les parents, et pour le majeur, selon son degré de capacité à accomplir les actes. Le mandat de protection future permet à toute personne majeure de désigner à l avance un mandataire chargé de la représenter pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir à ses intérêts. Mais les pouvoirs du mandant et du mandataire sont strictement encadrés et le mandat peut être révoqué par le juge à la demande de tout intéressé. La société civile de famille permet d éviter l ouverture d une mesure judiciaire de protection avec la perte d autonomie de gestion et les conséquences psychologiques qui en découlent. Son efficacité est bien supérieure à celle d un mandat de protection future. I. Actes d administration, de disposition, de conservation Le décret n 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle définit les actes d administration, de disposition et de conservation et en précise la nature 2. 1. Actes d administration «Constituent des actes d'administration les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal». Sont notamment regardés comme des actes d administration : - les travaux d'améliorations utiles, les aménagements, les réparations d'entretien des immeubles de la personne protégée ; 1 Loi n 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, applicable aux mesures prononcées depuis le 1 er janvier 2009. Décret n 2008-1276 du 5 décembre 2008 relatif à la protection juridique des mineurs et des majeurs et modifiant le code de procédure civile. Décret n 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle. 2 Le texte vise les majeurs en curatelle et en tutelle, mais il est fort probable que la jurisprudence l étende aux mineurs et à d autres situations, comme l indivision. 1

- l emploi et le remploi de sommes d'argent qui ne sont ni des capitaux ni des excédents de revenus 3 ; - la perception des revenus, la réception des capitaux. Sont également regardés comme des actes d administration, à moins que le tuteur considère ces actes puissent avoir des conséquences importantes sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie : - le paiement des dettes y compris par prélèvement sur le capital ; - les actes de gestion d'un portefeuille, y compris les cessions de titres à condition qu'elles soient suivies de leur remplacement ; - l exercice du droit de vote dans les assemblées, sauf ce qui est dit à propos des ordres du jour particulier. 2. Actes de disposition «Constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire». Sont notamment regardés comme des actes de disposition : - la vente ou l apport en société d'un immeuble, d instruments financiers non admis à la négociation sur un marché réglementé, d'un fonds de commerce 4 ; - la conclusion et le renouvellement du bail relatif aux baux ruraux, commerciaux, industriels, artisanaux, professionnels et mixtes ; - les grosses réparations sur l'immeuble ; - la constitution de droits réels principaux (usufruit, usage, servitude...) et de droits réels accessoires (hypothèques...) et autres sûretés réelles ; - l ouverture, la modification, la clôture de tout compte ou livrets ouverts au nom de la personne protégée ; - la candidature aux fonctions de gérant et d'administrateur de personnes morales. Sont également regardés comme des actes de disposition, à moins que le tuteur considère que ces actes aient des faibles conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie 5 : - le prélèvement sur le capital à l'exclusion du paiement des dettes ; - l emprunt de sommes d'argent ; 3 C. civ.,art. 468 et 501. 4 C. civ., art. 505, al. 3. 5 «Actes regardés comme des actes de disposition sauf circonstances d espèce». 2

- la cession du portefeuille en pleine propriété ou en nue-propriété ; - la cession de fruits ; - tout apport en société, autre que ceux regardés strictement comme des actes de disposition ; - la détermination du vote sur les ordres du jour suivants : reprise des apports modification des statuts, prorogation et dissolution du groupement, fusion, scission, apport partiel d'actifs, agrément d'un associé, augmentation et réduction du capital, changement d'objet social, emprunt et constitution de sûreté, vente d'un élément d'actif immobilisé, aggravation des engagements des associés ; - le maintien dans le groupement doté de la personnalité morale. Voir Annexes 1 et 2 : Liste des actes regardés comme des actes d administration ou de disposition. Tableau 1. Assurance-vie : acte d administration, acte de disposition Actes d administration : - Renonciation au bénéfice d un contrat d assurance-vie 6. Actes d administration sauf circonstances d espèce : - Acceptation de la clause bénéficiaire d un contrat d assurance-vie sans charge. Actes de disposition : - souscription ou rachat d'un contrat d'assurance-vie et désignation ou substitution du bénéficiaire (art. L. 132-4-1 du code des assurances et art. L. 223-7-1 du code de la mutualité) ; - demande d'avance sur contrat d'assurance (art. L. 132-21 du code des assurances) ; - révocation du bénéfice non accepté d'un contrat d'assurance-vie (art. L. 132-9 du code des assurances et art. L. 223-11 du code de la mutualité). Actes de disposition sauf circonstances d espèce : - acceptation de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie avec charges ; - versement de nouvelles primes sur un contrat d'assurance-vie. 3. Actes de conservation Les actes conservatoires sont ceux «qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire». Pour la plupart des régimes de protection, tant à l égard du mineur que du majeur, les actes de disposition nécessitent l accord de tierces personnes (conseil de famille, juge des tutelles). Les actes d administration sont accomplis par la personne protégée ou par son représentant. II. L enfant mineur Le mineur non émancipé n ayant pas la capacité juridique, la gestion de son patrimoine est confiée au représentant légal qui détient l autorité parentale 7. 6 Cass. civ. 1, 18 mai 2011, n 10-23114. 7 C. civ., art. 371-1. Ensemble des droits et devoirs des parents pour protéger l enfant dans sa sécurité, sa santé, sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement. 3

La mesure de protection de l enfant varie selon que l autorité parentale est exercée par le père et la mère (administration légale pure et simple), par l un des parents (administration légale sous contrôle judiciaire) ou par aucun des parents (tutelle). En outre, le représentant légal a la jouissance des biens de l enfant, c est-à-dire le droit de percevoir et de s approprier les revenus de l enfant jusqu à l âge de seize ans 8. Tableau 2. Représentation du mineur, en résumé Administration légale pure et simple Autorité parentale exercée par les deux parents Administration légale sous contrôle judiciaire Autorité parentale confiée à un seul parent (décès, certains divorces...) Tutelle Parents décédés, déchus de l autorité parentale... Représentant légal Le père et la mère Le parent investi de l autorité parentale Le tuteur Surveillance et contrôle Pour certains actes de disposition, l autorisation du Juge aux affaires familiales 9 est nécessaire Juge et Procureur de la république Conseil de famille, contrôle du Juge et du Procureur de la république Le représentant légal accomplit les actes conservatoires et les actes d administration nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne protégée. Quant aux actes de disposition : dans le régime de l administration légale pure et simple, ils sont réalisés par les deux parents ; l intervention du juge des tutelles s impose en cas de désaccord ou pour certains actes de disposition 10 ; dans l administration légale sous contrôle judiciaire, ils sont soumis à l autorisation du juge aux affaires familiales ; dans la tutelle, ils sont soumis à l autorisation du conseil de famille, ou à défaut du juge. 1. L administration légale pure et simple L administration légale est pure et simple quand les deux parents exercent en commun l autorité parentale 11, indépendamment de leur statut matrimonial : concubins, mariés, séparés, divorcés 12. 8 Contrepartie du devoir d éducation et d entretien de l enfant, les règles du droit de jouissance légal sont assez proches de celles de l usufruit. 9 Depuis la loi du 12 mai 2009 modifiant le Code de l organisation judiciaire, c est le juge aux affaires familiales qui exerce les fonctions de juge des tutelles des mineurs. 10 C. civ., art. 389-5. 11 C. civ., art. 389-1. 12 C. civ., art. 373-2. 4

Chacun des parents est réputé, à l égard des tiers, avoir reçu de l autre le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n aurait besoin d aucune autorisation. Les deux parents accomplissent les actes qu un tueur ne pourrait faire qu avec l autorisation du conseil de famille, c est-à-dire que les parents peuvent passer les actes conservatoires et les actes d administration, ainsi que la plupart des actes de disposition. Si l'acte cause un préjudice au mineur, les parents en sont responsables solidairement. L intervention du juge aux affaires familiales est nécessaire : en cas de désaccord entre les deux parents ; la vente de gré à gré, l apport en société d un immeuble ou d un fonds de commerce appartenant au mineur, la souscription d un emprunt à son nom, la renonciation pour lui à un droit 13 ; le partage amiable d une succession 14 ; la renonciation à la réduction d une libéralité 15. Exceptionnellement, l administration légale peut être confiée à un tiers : - quand les intérêts de l administrateur légal «sont en opposition avec ceux du mineur», un administrateur ad hoc doit être nommé par le juge aux affaires familiales ; - dans le cas où des biens sont donnés ou légués au mineur sous la condition qu ils soient administrés par un tiers. 2. L administration légale sous contrôle judiciaire L enfant est placé sous administration légale sous contrôle judiciaire lorsque l autorité parentale est confiée à un seul parent 16, le plus souvent suite au décès de l autre parent, plus rarement lorsqu un parent a été privé de l autorité parentale 17. Le parent administrateur doit recueillir l accord du juge pour accomplir les actes qu un tuteur ne pourrait faire qu avec une autorisation. Ainsi, le parent accomplit seul les actes conservatoires et les actes d administration sur le patrimoine de l enfant 18. Il doit recueillir le consentement du juge aux affaires familiales pour accomplir les actes de disposition. 3. La tutelle La tutelle s ouvre lorsque le père et la mère sont tous deux décédés, ou se trouvent privés de l exercice de l autorité parentale, ou par décision du juge aux affaires familiales 19. 13 C. civ., art. 389-5, al. 3. 14 L état liquidatif de la succession doit être approuvé par le juge. 15 Cass. civ. I, 6 juill. 1982, n 81-11866. 16 C. civ., art. 389-2. 17 Le retrait de l autorité parentale ne peut être prononcé que si l état de danger encouru par l enfant est caractérisé. 18 C. civ., art. 389-6, al. 2 19 C. civ., art. 390. 5

La tutelle comprend : - un organe actif : le tuteur qui représente le mineur ; - un organe de contrôle familial : le subrogé tuteur et le conseil de famille ; - un organe de contrôle judiciaire : le juge aux affaires familiales. a) Le tuteur Si le tuteur n a pas été prévu par les parents par testament ou par déclaration spéciale devant notaire celui-ci est nommé par le conseil de famille ; si personne ne peut assurer la tutelle, elle est confiée au service de l Aide Sociale à l Enfance. Selon la situation de l enfant et notamment la consistance de son patrimoine, plusieurs tuteurs peuvent être désignés ; la tutelle peut être divisée entre un tuteur à la personne et un tuteur aux biens. Le tuteur prend soin de l enfant, le représente en justice, dans tous les actes de la vie civile et ceux nécessaires à la gestion de son patrimoine 20. Le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et les actes d administration 21. Les actes de disposition sont soumis à l autorisation du conseil de famille ou à défaut, du juge des tutelles. b) Le subrogé tuteur Lui aussi désigné par le conseil de famille, parmi ses membres, le subrogé tuteur surveille la gestion tutélaire, est informé et consulté avant tout acte important accompli par le tuteur, informe le juge s il constate des fautes dans la gestion du tuteur, représente l enfant en cas d opposition d intérêts avec le tuteur. c) Le conseil de famille Les membres du conseil de famille, au moins quatre, sont choisis par le juge des affaires familiales parmi les parents, alliés ou d autres personnes eu égard aux liens affectifs avec le mineur et à l intérêt porté à celui-ci. Le conseil de famille règle les conditions générales d entretien et d éducation de l enfant, arrête le budget de la tutelle sur proposition du tuteur 22, prend les décisions et donne au tuteur les autorisations pour la gestion des biens. Convoqué à la demande de ses membres, du tuteur, du subrogé tuteur ou du mineur de 16 ans capable de discernement, le conseil de famille délibère sous la présidence du juge. Il prend les décisions et donne au tuteur les autorisations nécessaires pour la gestion des biens du mineur 23. Les décisions peuvent faire l objet d un recours dans un délai de quinze jours devant la cour d appel. 20 C. civ., art. 408. 21 C. civ., art. 503. 22 C. civ., art 500. 23 L autorisation par le conseil de famille peut être supplée par celle du juge quand l acte porte sur un bien dont la valeur n excède pas 50 000. 6

Les règles de gestion du patrimoine sous la tutelle sont communes aux mineurs et aux majeurs protégés 24. Tableau 3. Assurance-vie et enfant mineur Souscription du contrat* Désignation, révocation des bénéficiaires* Versements, rachats* Avances* Arbitrages entre supports** Administration légale pure et simple Les 2 parents Accord du juge si désaccord Administration légale sous contrôle judiciaire Autorisation du juge Tutelle Autorisation du conseil de famille ou du juge Un parent Le parent Le tuteur III. Le majeur protégé Code civil, article 425 : «Toute personne dans l impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l expression de sa volonté peut bénéficier d une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre». La loi n 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs maintient, tout en les aménageant, les trois grands régimes de protection et de représentation de l incapable majeur selon son degré de capacité : la sauvegarde de justice ; la curatelle ; la tutelle. Elle introduit une mesure de protection conventionnelle : le mandat de protection future. Certains actes portant sur le patrimoine du majeur sont soumis à autorisation, quel que soit le régime de protection sous lequel la personne est placée : l aliénation (vente, hypothèque, donation), la résiliation ou la conclusion d un bail portant sur la résidence principale ou secondaire 25 ; l ouverture ou la modification de comptes ou livrets au nom du majeur ou leur modification ; si l autorisation est donnée, le compte doit être ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations 26. 24 C. civ., art. 496 à 515. 25 C. civ., art. 426, al. 3. 26 C. civ., art. 427. 7

1. La sauvegarde de justice La sauvegarde de justice concerne les personnes majeures qui ont besoin d une protection juridique temporaire ou d être représentées pour accomplir certains actes déterminés 27. Cette mesure ne peut excéder une période de un an, renouvelable une fois 28. La personne sous sauvegarde de justice «conserve l exercice de ses droits» 29. Capable, elle peut librement gérer son patrimoine, donner, tester Toutefois, le juge peut désigner un mandataire spécial pour accomplir des actes rendus nécessaires par la gestion du patrimoine de la personne sous sauvegarde, auquel cas la personne est privée du droit de les accomplir. Avant sa mise sous sauvegarde, la personne peut avoir désigné un mandataire. Pendant la mesure de protection, le mandat ne peut être révoqué ou suspendu sans l intervention du juge des tutelles. S il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante, le juge peut ordonner la curatelle ou la tutelle. 2. Curatelle et tutelle : règles communes Fixée par le juge, la durée de la mesure de curatelle (tutelle) est au plus de cinq ans 30, durée renouvelable une fois. Le juge peut désigner un subrogé curateur (subrogé tuteur) qui surveille les actes passés par le curateur (tuteur) et informe le juge s il constate des fautes dans l exercice de sa mission 31 ; il assiste ou représente le majeur protégé lorsque les intérêts de celui-ci sont en opposition avec ceux du curateur (tuteur). En l'absence de subrogé curateur ou de subrogé tuteur, le curateur (tuteur) doit faire nommer un administrateur ad hoc 32 lorsque ses intérêts sont en opposition avec ceux de la personne protégée. Sous tous les régimes de protection du majeur, le logement et les meubles meublants doivent être conservés à la disposition de la personne aussi longtemps qu il est possible 33. 3. La curatelle La curatelle vise la personne le curatélaire - qui, sans être en état de ne pas agir ellemême, a besoin non pas d être représentée (tutelle), mais d être assistée ou contrôlée d une manière continue dans les actes importants de la vie civile 34. 27 C. civ., art. 433, al. 1. 28 C. civ., art. 439, al. 1. 29 C. civ., art. 435, al. 1. 30 C. civ., art. 441. 31 C. civ., art. 454. 32 C. civ., art. 455. 33 C. civ., art. 426, al. 1. 34 C. civ., art. 440. 8

L assistance se manifeste lors de la conclusion d un acte écrit, par l apposition de la signature du curateur à côté de celle de la personne protégée 35. Les pouvoirs de la personne placée sous curatelle varient selon la nature des actes. Tableau 4. Curatelle Actes Actes conservatoires et d administration Actes de disposition Mariage Changement de régime matrimonial Divorce Conclusion, modification du PACS Rupture du PACS Donation Testament Renonciation anticipée à l action en réduction Mandat de protection future Contrat assurance-vie* Agir en justice Autonomie de décision Curatélaire seul Autorisation du curateur ou du juge Autorisation du juge Seul Seul * Voir tableau 4 : Assurance-vie, curatelle et tutelle. La personne en curatelle peut accomplir seule les actes que le tuteur a le pouvoir de réaliser sans autorisation 36, c est-à-dire accomplir les actes conservatoires et les actes d administration. Elle est assistée par le curateur pour les actes de disposition. Le curateur assiste et contrôle ; en principe, il ne peut se substituer à la personne pour agir en son nom 37, l acte étant nul de plein droit. Toutefois, le curateur peut demander au juge l autorisation d accomplir un acte déterminé s il constate que le curatélaire compromet gravement ses propres intérêts. Le juge peut décider d une curatelle à capacité étendue (actes que la personne en curatelle a la capacité de faire seule), d une curatelle à capacité restreinte (autres actes pour lesquels l'assistance du curateur est exigée, comme tester) 38 ou d une curatelle renforcée (le curateur perçoit seul les revenus de la personne et règle seul les dépenses) 39. 4. La tutelle 35 C. civ., art. 467, al. 2. 36 C. civ., art. 467, al. 1. 37 C. civ., art. 469, al. 1. 38 C. civ.,art. 471. 39 C. civ.,art. 472. 9

La tutelle est prononcée à l égard d une personne majeure qui doit être représentée d une manière continue dans les actes de la vie civile 40. Le juge peut décider d organiser la tutelle avec un conseil de famille, notamment en raison de la consistance du patrimoine du majeur 41. Dans ce cas, la désignation du tuteur et du subrogé tuteur revient au conseil de famille et non au juge. Règles commune à la gestion du patrimoine des mineurs et majeurs en tutelle Le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine 42. Il administre les biens en apportant «des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt» de la personne. Il remet chaque année un compte de gestion de tutelle avec les pièces justificatives au greffier en chef du tribunal de grande instance en vue de sa vérification 43. En principe, les missions du tuteur sont gratuites. Le conseil de famille peut toutefois fixer les indemnités qui peuvent être allouées au tuteur 44. Le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et les actes d administration 45. Les actes de disposition sont soumis à l autorisation du conseil de famille ou à défaut, du juge des tutelles 46. La liste des actes qui sont regardés comme des actes d administration relatifs à la gestion courante du patrimoine et comme des actes de disposition qui engagent celui-ci de manière durable et substantielle est fixée par le décret n 2008-1484 du 22 décembre 2008. Voir Annexes 1 et 2 : Liste des actes regardés comme des actes d administration ou de disposition. Le juge peut alléger les effets de la tutelle, en énumérant les actes que la personne pourra faire seule (tutelle allégée) ou avec l assistance de son tuteur (tutelle renforcée) 47. Les capitaux revenant à la personne protégée sont versés directement sur un compte ouvert à son seul nom. Le conseil de famille ou le juge prescrit toutes les mesures qu il juge utiles quant à l emploi ou au remploi des capitaux 48. Tableau 5. Tutelle du majeur Actes Actes conservatoires et actes d administration Actes de disposition Tuteur seul Pouvoirs du tuteur Autorisation du conseil ou du juge 40 C. civ., art. 440, al. 3. 41 C. civ., art. 456, al. 1. 42 C. civ., art. 496. 43 C. civ., art. 511. 44 C. civ., art 401, al. 2. 45 C. civ., art. 504, al. 1. 46 C. civ., art. 505, al. 1. 47 C. civ., art. 473, al. 2. 48 C. civ., art. 501, al. 2. 10

Mariage Changement de régime matrimonial Divorce Conclusion, modification du PACS Rupture du PACS Donation Aliénation à titre gratuit autres que donations Rédaction testament Révocation testament Renonciation anticipée à l action en réduction Contrat assurance vie* Agir en justice : Autorisation du conseil de famille ou du juge Autorisation du juge Autorisation du conseil ou du juge Autorisation du conseil ou du juge Tuteur seul Autorisation du conseil ou du juge Interdit Seul, après autorisation du conseil ou du juge Tuteur seul Interdit 49 Autorisation du conseil ou du juge droits extra-patrimoniaux, Autorisation du conseil ou du juge droits patrimoniaux Tuteur seul Tableau 6. Assurance-vie, curatelle et tutelle Souscription du contrat Désignation, révocation des bénéficiaires Versements, rachats Avances** Arbitrages entre supports*** Curatelle, sauf ordonnance contraire du juge des tutelles Le curatélaire seul si la clause est libellée : «selon dispositions testamentaires déposées...», la personne sous curatelle pouvant tester Seul, sauf ordonnance contraire du juge des tutelles Tutelle Autorisation du conseil de famille* Autorisation du conseil de famille Tuteur * Code des assurances, article L. 132-4-1. ** L avance s analyse comme une opération d'emprunt, et donc comme un acte de disposition. *** L arbitrage s'analyse comme un acte d'administration. 49 C. civ., art. 930-1. 11

5. Le mandat de protection future 50 Le mandat de protection future a été introduit par la loi du 5 mars 2007. Par ce mandat, le majeur ou mineur émancipé (mandant) ne faisant pas l objet d une mesure de tutelle, peut charger une ou plusieurs personnes (mandataire) de la représenter pour le cas où, en raison de l altération de ses facultés mentales ou corporelles, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts. Le mandat de protection future peut être conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. Cette faculté est également ouverte aux parents pour représenter leur enfant mineur dans le cas où l enfant ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts ; le mandat doit être alors notarié. a) Mandat notarié 51 Avec le mandat notarié, le mandataire peut être autorisé à passer tous les actes qu un tuteur peut accomplir seul ou avec l autorisation du conseil de famille ou du juge. Toutefois, le mandataire ne peut accomplir un acte de disposition à titre gratuit qu avec l autorisation du juge des tutelles. Si le mandat l y autorise, le mandataire peut passer seul tous les actes à titre onéreux (achat, vente, apport à société, échange), conclure et renouveler un bail, souscrire un contrat d assurance vie, liquidation, accepter une succession Le mandataire adresse ses comptes annuels et l inventaire actualisé des biens au notaire qui en assure la conservation. Le notaire saisit le juge des tutelles de tout mouvement de fonds et de tout acte non justifié ou n apparaissant pas conformes aux stipulations du contractant. b) Mandat sous seing privé 52 Avec le mandat sous seing privé, dont un modèle est proposé par le ministère de la justice 53, la gestion du patrimoine est limitée aux actes qu un tuteur peut faire sans autorisation : actes conservatoires et d administration, révocation d un testament, rupture de PACS. Le mandataire ne peut accomplir les actes de disposition. Le mandataire doit saisir le juge des tutelles pour les actes soumis à autorisation, ou non prévus par le mandat et qui s avéreraient nécessaires dans l intérêt du mandant. c) Règles communes au mandat notarié et au mandat sous seing privé Acte notarié ou acte sous seing privé, le mandataire peut être une personne physique ou bien une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. 50 C. civ., art. 477 à 494. A distinguer du mandat à effet posthume (C. civ., art. 812 à 812-7), par lequel une personne donne mandat pour administrer tout ou partie de sa succession lorsqu elle estime que ses héritiers n auront pas la capacité de le faire. 51 C. civ., art. 489 à 491. 52 C. civ., art. 492 à 494. 53 Formulaire Cerfa n 13592*01 12

Le mandataire procède à l inventaire des biens à l ouverture de la mesure et assure son actualisation 54. Il établit annuellement le compte de sa gestion. Il exécute personnellement le mandat ; il peut toutefois substituer un tiers pour les actes de gestion du patrimoine mais seulement à titre spécial 55. Le mandataire reste responsable des actes effectués par ce tiers. Le mandat de protection future s exerce, en principe, à titre gratuit. Le mandat peut cependant prévoir une rémunération ou une indemnisation du mandataire, ainsi que de la personne chargée du contrôle de l exécution du mandat par le ou les mandataires. Une fois le mandat mis en œuvre, le mandant ne peut le révoquer ; il peut contester sa mise en œuvre ou les conditions d exécution du mandat, et demander au juge des tutelles de se prononcer. Le mandataire ainsi que la personne chargée du contrôle de l exécution du mandat ne peuvent plus renoncer à leur mission, mais ils peuvent demander au juge des tutelles d en être déchargés. La responsabilité du mandataire peut être mise en cause en cas de mauvaise exécution, d insuffisance ou de faute dans l exercice de sa mission 56. S il est reconnu responsable d un préjudice, il peut être condamné à indemniser le mandant. Le juge des tutelles ou le procureur de la République exercent un rôle de surveillance générale. L article 483 du code civil précise les causes qui mettent fin au mandat. Certaines d entre elles conduisent à s interroger sur la pérennité du mandat : le placement en curatelle ou en tutelle de la personne protégée, sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure ; le juge peut suspendre les effets du mandat pour le temps d une mesure de sauvegarde de justice ; la révocation du mandat prononcée par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé, notamment lorsqu il s avère que les règles du droit commun de la représentation ou celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux apparaissent suffisantes pour qu il soit pourvu aux intérêts de la personne par son conjoint ; De plus, tout intéressé peut saisir le juge des tutelles aux fins de contester la mise en œuvre du mandat ou de voir statuer sur les conditions et modalités de son exécution 57. IV. Société civile et incapables majeurs et mineurs Créée avant le régime de protection, la société civile évite les règles contraignantes des régimes de protection et l intervention de personnes extérieures à la famille pour gérer le patrimoine. Les pouvoirs du représentant du mineur ou du majeur incapable s exercent en effet par le droit de vote. Pour la rédaction des statuts, on sera particulièrement attentif : 54 C. civ., art. 486. 55 C. civ., art. 482. 56 C. civ., art. 1991 et 1992. 57 C. civ., art. 484. 13