HEMOPATHIES MALIGNES. - classifications (diagnostiques et pronostiques) - épidémiologie - mécanismes de la cancérogénèse P. FENAUX

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HEMOPATHIES MALIGNES - classifications (diagnostiques et pronostiques) - épidémiologie - mécanismes de la cancérogénèse P. FENAUX Hôpital Avicenne - Université Paris 13 (items n 138 139)

HEMOPATHIES MALIGNES - classifications (diagnostiques et pronostiques) - épidémiologie - mécanismes de la cancérogénèse P. FENAUX Hôpital Avicenne - Université Paris 13

Classifications Basées sur : - organe ou tissu de point de départ - caractéristiques des cellules tumorales :. morphologie. immuno-phénotype. caryotype. anomalies génétiques. «puces» (microarrays?)

Classifications pronostiques basées sur: - extension tumorale - état général du patient (clinique et biologie) - paramètres biologiques reflétant la masse tumorale - anomalies chromosomiques - anomalies génétiques (puces?) -évolution sous traitement et sa rapidité (clinique, imagerie, marqueurs moléculaires)

Classification des hémopathies malignes 1. Hémopathies myéloïdes : a. leucémies aiguës myéloïdes (LAM) : proliférations myéloïdes avec blocage de maturation b. syndromes myéloprolifératifs (SMP) : proliférations myéloïdes sans blocage de maturation c. syndromes myélodysplasiques (SMD) : proliférations de précurseurs mais avec hématopoïèse inefficace (apoptose excessive)

2. Hémopathies lymphoïdes : a. leucémies : - leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) - leucémie lymphoïde chronique (LLC) b. lymphomes - hodgkiniens - non hodgkiniens c. myélome et maladie de Waldenström : prolifération médullaire d un clone de lymphoïde mature secrétant une Ig monoclonale

LAM - Environ 2000 nouveaux cas par an - Fréquence augmentant avec l âge 1. Classification morphologique : - prolifération granuleuse : M1, M2, M3 - prolifération monocytaire : M4, M5 - prolifération érythroblastique : M6 - prolifération mégacaryocytaire: M7

2. Classification immunophénotypique: 3. Classification cytogénétique 2 grands types : - translocations chromosomiques : t(15;17), t(8;21), inv(16) - gain ou perte chromosomique : -7, +8, 5q- 4. Facteurs pronostiques : - «masse tumorale» : hyperleucocytose, tuméfaction des organes hématopoïétiques - caryotype - anomalies génétiques (mutations NPM1, duplication FLT3) - évolution sous traitement (cytologie, caryotype, anomalies moléculaires)

LAL - Prédominance chez l enfant - 800 à 900 cas par an 1. Classification morphologique - L1, L2 : non Burkitt - L3 : Burkitt 2. Classification immunologique - B (80 % des cas) : pro B, pré-pré B, pré B - T (20 % des cas) 3. Classification cytogénétique : - translocations chromosomiques : t(9;22), t(1;19), t(8;14) - gain et perte de chromosomes

4. Facteurs pronostiques : - âge, sexe - «masse tumorale» : tuméfaction des OHP, leucocytes circulants - immuno-phénotype - caryotype - réponse précoce au traitement - maladie résiduelle par biologie moléculaire

Syndromes myéloprolifératifs (1) - Un signe clinique commun : splénomégalie - Risque variable d évolution en LAM 1. Leucémie myéloïde chronique (LMC) - adultes de 20 à 50 ans - environ 1200 cas par an - chromosome Philadelphie (t(9;22) aboutissant à la fusion bcr-abl) - hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et myélémie. Risque élevé d évolution en LAM 2. Maladie de Vaquez - sujets âgés - 1500 cas par an - mutation de JAK 2 (90 %) - à distinguer des polyglobulies secondaires (pas d autre cause, splénomégalie, atteinte des autres lignées) - assez faible risque d évolution en LAM

Syndromes myéloprolifératifs (2) 3. Thrombocytémie essentielle (TE) - environ 2000 cas par an - prédominance féminine, adultes d âge moyen - mutation de JAK 2 (50%) - à distinguer des thrombocytoses secondaires - risque faible d évolution en LAM 4. Splénomégalie myéloïde - environ 500 cas par an - sujets âgés - importante splénomégalie, érythromyélémie, myélofibrose - mutation de JAK 2 (50%) - faible risque d évolution en LAM

Syndromes myélodysplasiques (SMD) - Maladie du sujet âgé - Risque important d évolution en LAM 1. SMD sans excès de blastes médullaires : - anémie réfractaire (AR) ou anémie réfractaire sidéroblastique (ARSI) - blastes médullaires < 5 % - apoptose excessive et précurseurs médullaires - faible risque d évolution en LAM

2. SMD avec excès de blastes médullaires : - anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB) - blastes médullaires entre 5 et 20 % - risques importants d évolution en LAM 3. Classification pronostique (IPSS) - nombre et importance des cytopénies - blastose médullaire - caryotype fav: del 5q, del 20q défav: -7, complexe

Lymphomes non hodgkiniens - 7500 cas par an environ - classification : ganglionnaire/extraganglionnaire, histologique : B ou T 1. LNH B a. LNH très agressifs de l enfant et l adolescent : LNH de Burkitt b. LNH agressifs : LNH diffus à grandes cellules c. LNH peu agressifs : - LNH folliculaire - LNH du manteau - LNH du MALT/zone marginale

2. Classification histologique des LNH T (15 % des LNH) a. LNH T très agressif de l enfant : LNH lymphoblastique b. LNH agressif : LNH à cellules T périphériques c. LNH T de faible grade : notamment cutané (mycosis fongoïde) 3. Classification pronostique : IPI - Stade d Ann-Arbor (I, II, III, IV) - état général (indice OMS : 0, 1, 2, 3, 4) - lactico-deshydrogénase (LDH)

Maladie de Hodgkin Environ 1000 cas par an 1. Classification histologique - type 1 : prédominance lymphoïde - type 2 : sclérose nodulaire - type 3 : cellularité mixte - type 4 : déplétion lymphoïde 2. Facteurs pronostiques - classification d Ann Arbor - signes cliniques d évolutivité - syndrome inflammatoire

Myélome et maladie de Waldenström Myélome Environ 2000 cas par an - prédominance chez l adulte âgé - prolifération plasmocytaire médullaire secrétant une Ig monoclonale complète ou incomplète (chaîne légère) dans le sérum et dans les urines et entraînant des lyses osseuses 1. Classification immunologique - fréquent : IgG, IgA, chaîne légère - rare : IgD, IgE

2. Facteurs pronostiques - «masse tumorale» : importance de l Ig monoclonale dans le sérum et les urines, nombre de lyses osseuses, hypercalcémie, insuffisance rénale, anémie - paramètres biologiques de masse tumorale : beta 2 microglobuline - anomalies chromosomiques (chromosome 13 notamment) Maladie de Waldenström - prolifération lymphoïde médullaire (lymphoplasmocytaire) + - IgM monoclonale sérique

HEMOPATHIES MALIGNES - classifications (diagnostiques et pronostiques) - épidémiologie - mécanismes de la cancérogénèse

Facteurs étiologiques des hémopathies malignes 1. Facteurs génétiques a. maladie génétique augmentant fortement le risque d hémopathie maligne : - trisomie 21 ( LAM, SMD) - maladie de Fanconi, neurofibromatose ( LAM, SMD) b. anomalies génétiques augmentant modérément le risque d hémopathie maligne ( LAM, LAL, SMD) - polymorphismes génétiques pour des enzymes intervenant dans le métabolisme des substances cancérigènes : cytochromes, NQO1, etc. c. prédisposition familiale de nature inconnue - LLC, LAM, SMD

2. Facteurs exogènes a. virus : EBV, HTLV1, HIV, hépatite C ( LNH) b. déficits immunitaires et pathologies auto-immunes ( LNH) - déficit immunitaire : constitutionnel ou acquis (HIV) - pathologies auto-immunes : polyarthrite rhumatoïde, etc. c. Substances carcinogènes ( LAM, SMD) - chimiothérapie antimitotique - radiothérapie - benzène et autres hydrocarbures - agricoles (herbicides, pesticides, etc.)

HEMOPATHIES MALIGNES - classifications (diagnostiques et pronostiques) - épidémiologie - mécanismes de la cancérogénèse

Mécanismes de la cancérogénèse dans les hémopathies malignes 1. Il s agit d une cancérogenèse en général en plusieurs étapes. exemple : LAL de l enfant 2. Chacune de ces étapes fait intervenir des anomalies génétiques : - activation d oncogènes : * par translocation (t (9;22); t(8;14)) * mutation activatrice ( gènes ras) - par inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs : *délétion (1 ou 2 allèles) *mutation ponctuelle *méthylation, déacétylation (anomalies «épigénétiques»)

3. Exemples de physiopathologie dans des hémopathies malignes : - LMC : fusion bcr-abl résultant de la t(9;22) - LAM de type M3 : fusion PML-RAR résultant de la t(15;17) - LNH folliculaire : activation de bcl2 par t(14;18) - lymphome de Burkitt : activation de c- myc résultant de la t(8;14)

3. Exemples de physiopathologie dans des hémopathies malignes : - LMC : fusion bcr-abl résultant de la t(9;22) - LAM de type M3 : fusion PML-RAR résultant de la t(15;17) - LNH folliculaire : activation de bcl2 par t(14;18) - lymphome de Burkitt : activation de c- myc résultant de la t(8;14)

LAM de type M3 - t(15;17) aboutissant à la fusion PML- RAR - il en résulte : 1. Inhibition de fonction de RARα et PML 2. PML-RARα a un effet dominant négatif - thérapeutique ciblée : acide rétinoïque à forte dose

Lymphome de Burkitt - Associé au plan épidémiologique au paludisme et à l infection par le virus EBV qui entraîne une stimulation B lymphocytaire - Sur ces lymphocytes B survient un «accident» génétique t(8;14).

Mécanismes d action des virus dans les hémopathies malignes 1. Mutagénèse insertionnelle HTLV1 et leucémies T 2. Stimulation lymphocytaire B virus EBV 3. Déficit immunitaire (défaut d immuno-surveillance) virus HIV