La compétence pour la séparation de corps et le divorce de couples citoyens de différents Etats selon :

Documents pareils
2. Compétence d attribution et compétence territoriale des tribunaux en Allemagne

RAPPORT DE STAGE ET RÉSUMÉ

Personnes et familles. Vie à deux.

LES PENSIONS ALIMENTAIRES A L'ETRANGER

La situation du fonctionnaire ou agent en poste en Belgique au regard du droit belge

SIMPLIFIE ET PACIFIE LA PROCÉDURE. À TOUTES LES ÉTAPES DE LA PROCÉDURE ET SUR TOUTES LES QUESTIONS LIÉES À LA LIQUIDATION DU RÉGIME

DIVORCE l intérêt du consentement amiable

Le divorce. Procédures

Catherine Olivier Divorcer sans casse

Vous divorcez, vous vous séparez?

Divorce et Séparation!

Vous êtes marié avec un conjoint de

Karine POTHIN-CORNU AVOCAT A LA COUR

Georgette Josserand, lassée du comportement de son mari, qui refuse désormais de lui adresser la parole, décide de demander le divorce.

Grands principes du droit du divorce

Le maintien du niveau de vie après le divorce : la prestation compensatoire. Secrétariat général du Conseil d orientation des retraites

Clinique Juridique de Bacongo

Siréas asbl Service International de Recherche, d Education et d Action Sociale

Le Diplôme d Etudes Supérieures Spécialisées de Droit Notarial de l Université Montesquieu-Bordeaux IV

LES PENSIONS ALIMENTAIRES A L'ETRANGER

Guide préparé par La SELAS Cabinet DEVARENNE Avocats Associés

Ministère de la Justice Paris, le 23 novembre 2004 LE GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE

BOURSES SCOLAIRES. au bénéfice des enfants français résidant avec leur famille à l étranger AGENCE POUR L ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L ÉTRANGER

PROCEDURES DE DIVORCE

BAREME INDICATIF DES HONORAIRES

Veufs MARS Veuvage, vos droits. B Retraite de réversion. B Allocation de veuvage. B Autres prestations

LES PENSIONS ALIMENTAIRES A L'ETRANGER

1. La rupture unilatérale La rupture de commun accord 14

ACCORD RELATIF AU TRANSIT DES SERVICES AÉRIENS INTERNATIONAUX SIGNÉ À CHICAGO LE 7 DÉCEMBRE 1944

CONVENTION ENTRE LA REPUBLIQUE FRANCAISE ET LE ROYAUME DU MAROC RELATIVE AU STATUT DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE ET A LA COOPERATION JUDICIAIRE

Divorce (1) : les bases

La Faculté de Droit Virtuelle est la plate-forme pédagogique de la Faculté de Droit de Lyon

ORDINE DEGLI AVVOCATI D IVREA

Pension AOW pour les assurés hors des Pays-Bas

Procédure de divorce, ce qu il faut savoir

Le tribunal de la famille et de la jeunesse

L exercice de l autorité parentale après le divorce ou la séparation des parents non mariés

Barème indicatif des honoraires

LA SOCIETE DE PARTICIPATIONS FINANCIERES «LA SOPARFI»

Garde des enfants et droit de visite

Vous avez eu ou élevé des enfants Vos droits

Famille et couple: questions pratiques en droit international privé. Renouveau et démocratie Conseil européen 27 septembre 2012

INFORMATIONS SUR LE DROIT DE LA FAMILLE

Bulletin d information statistique

Observatoire de la Démographie

TITRE IER DISPOSITIONS GENERALES

Bénéficiaires du droit d asile dans l UE, par nationalités, Irak 5% Afghanistan

REGIMES MATRIMONIAUX

Grille indicative des honoraires

Dossier de mariage. De M et de M. Date du mariage :

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Flotte Automobile (-3,5t)

Règle 63 DIVORCE ET DROIT DE LA FAMILLE

Extrait d'acte de naissance de moins de trois mois traduit en français.

Carte d'identité provisoire Kids ID eid

Carte Familles nombreuses

Service public d éducation et d information juridiques du Nouveau-Brunswick

La recherche d assurance maladie à l étranger Procédure à l usage des CPAS

Passeport en cours de validité avec copie des pages relatives à l'identité, validité et visa d'entrée en France.

Conférence 23 mai 2013 [DIVORCE : LE NOTAIRE ET L AVOCAT, QUI FAIT QUOI? UNE PARTITION A QUATRE MAINS]

LES NOUVELLES REGLEMENTATIONS EUROPEENNE EN MATIERE DE SUCCESSION INTERNATIONALE

LA PROTECTION DU PATRIMOINE DU CHEF D ENTREPRISE. Les petits déjeuners de l entreprise

THESAURUS ENTREPRISES PUBLIQUES

Le coût du rachat de trimestres pour carrière à l étranger multiplié par 4 au plus tard le 1 er janvier 2011

LE REGROUPEMENT FAMILIAL LE DROIT AU REGROUPEMENT FAMILIAL AVEC UN RESSORTISSANT DE PAYS TIERS

Le couple. et l argent

Prendre sa retraite en France Droits, conditions et formalités de résidence. Natasha Lavy-Upsdale Service des Relations avec les Pays-hôtes

NOTICE D INFORMATION

Numéros du rôle : 4381, 4425 et Arrêt n 137/2008 du 21 octobre 2008 A R R E T

Marseille Octobre Table ronde n 6 : La famille

Cas pratique : Le droit du divorce à l épreuve de la liquidation matrimoniale et de la rédaction d acte

La loi du 30 juillet 2013 portant création d un tribunal de la famille et de la jeunesse

Vous conseiller pour les démarches clés

Notice relative à la demande d'aide juridictionnelle

REQUÊTE EN REGLEMENT COLLECTIF DE DETTES. ( article 1675 /4 du Code judiciaire) Au Juge des Saisies près le Tribunal de 1 ère Instance de Bruxelles.

Commentaire. Décision n QPC du 19 janvier Madame Khadija A., épouse M. (Procédure collective : réunion à l actif des biens du conjoint)

Aide pour une complémentaire santé

Pour permettre au greffe des affaires familiales de constituer votre dossier, il est indispensable :

Community Legal Information Association of PEI, Inc. Prince Edward Island, Inc. Vivre à deux

Me BERA-DASSE ANNE, Avocate, Présidente Commission FFE AFJCI 2013 FORMATION SUR LE MARIAGE ET LE DIVORCE

Quel est le temps de travail des enseignants?

Je suis sous procédure Dublin qu est-ce que cela signifie?

Retraité d un régime français d assurance vieillesse

Divorcé(e)s de France

Conciliation Droit de la famille et faillite

NOTE DE SYNTHÈSE DU REM (INFORM)

BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

FORMALITES DOUANIERES

Cour de cassation de Belgique

Éléments méthodologiques sur le reporting environnemental 2011

Base de données sur l'économie mondiale Alix de Saint Vaulry *

Tarif des paiements internationaux, des opérations de change et des opérations documentaires

SOUSCRIPTION DU CONTRAT : TERRITORIALITE

Quelle part de leur richesse nationale les pays consacrent-ils à l éducation?

La gestion patrimoniale du divorce Patrimoine privé et patrimoine professionnel

Âge effectif de sortie du marché du travail

Demande d allocation de solidarité aux personnes âgées

Demande d allocation de solidarité aux personnes âgées

Couverture maladie universelle complémentaire

Transcription:

La compétence pour la séparation de corps et le divorce de couples citoyens de différents Etats selon : les règlements C.E. 2201/2003 (Bruxelles II Bis) et C.E. 1259/2010 (Rome III) I. Le divorce et la séparation de corps en droit français Le ministère d avocat, quelle que soit la procédure choisie, divorce ou séparation de corps est obligatoire. Il s agit d une procédure écrite devant le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de Grande Instance. A. La séparation de corps : La séparation de corps est une procédure devenue très marginale en droit français. Elle présente très peu d intérêt. Elle dispense du devoir de communauté de vie et entraîne la séparation des patrimoines. Néanmoins les autres devoirs inhérents au mariage subsistent, notamment le devoir de fidélité, le droit d user du nom de son conjoint et surtout le devoir de secours entre époux. Si l un des époux décède, l autre conserve sa vocation successorale. Les conditions et la procédure de séparation de corps sont identiques à celles du divorce. Si l un des époux veut par la suite engager une procédure de divorce il est contraint d attendre un délai de 2 ans après le jugement ayant prononcé la séparation de corps, sauf en cas de demande conjointe des époux. B. Le divorce Le divorce met fin à tout lien entre les époux. Ils perdent leurs droits successoraux. Il n y a plus de devoir de secours entre époux. Cependant, si le divorce entraine une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, un des conjoints peut solliciter une prestation compensatoire qui pourra compenser cette disparité. Cette prestation est forfaitaire et doit être versée en capital. Sauf mention expresse contraire ils ne peuvent plus faire usage du nom de leur conjoint. Il n y a plus de devoir de cohabitation ni de fidélité. La liquidation du régime matrimonial est ordonnée au moment du prononcé du divorce sauf si les époux y ont procédé amiablement auparavant. 1

Désormais il n y a plus de délai minimum après le mariage pour engager la procédure de divorce qui peut être initiée dans les semaines qui suivent l union en mairie. Il y existe 4 fondements possibles pour les procédures de divorce : 1 avec une seule étape et 3 autres en 2 étapes. 1. La procédure de divorce par consentement mutuel en une étape Le divorce par consentement mutuel implique que les époux conviennent ensemble de toutes les conséquences de leur séparation y compris la liquidation de leur régime matrimonial, dans le cadre d une convention qu ils soumettent à l homologation du juge du divorce. Le juge qui actuellement prononce le divorce peut soit homologuer la convention soit refuser de l homologuer, mais ne peut, en aucun cas trancher une question qui s avérerait difficultueuse au dernier moment. Une seule audience est nécessaire et le divorce est ainsi prononcé dans un délai de 5 à 6 mois suivant le dépôt de la requête pour ce qui concerne les délais actuellement en vigueur à Rennes. A tout moment d une procédure de divorce engagée sur un autre fondement légal, il est possible pour les époux de convertir la procédure en consentement mutuel. C est d ailleurs aujourd hui la procédure majoritaire, la plupart des époux ayant la volonté de divorcer rapidement et amiablement. L Assemblée Nationale a voté une modification de cette procédure de divorce pour supprimer l homologation par le Juge aux Affaires Familiales en permettant le prononcé du divorce par simple enregistrement de la convention chez un notaire dès lors que chacun des époux est assisté de son propre avocat. Néanmoins cette réforme n est pas encore définitivement adoptée : elle sera encore débattue courant septembre devant le Sénat et sera ensuite soumise au contrôle de constitutionnalité par le Conseil Constitutionnel. Cette modification est très contestée par la profession qui est attachée à l intervention du juge, garant de l équilibre de la convention et des droits des parties ainsi que de ceux des enfants. 2. Les procédures de divorce en deux étapes Les 3 autres fondements de procédure de divorce nécessitent le dépôt d une requête sur le fondement de l article 251 du Code civil, dite «tronc commun» dans laquelle l époux demandeur ne précise pas le type de divorce envisagé mais se contente de solliciter l organisation de mesures provisoires pour la durée de la procédure. Le dépôt de cette requête donne lieu dans un délai de 5 à 6 mois à une audience de tentative de conciliation à l issue de laquelle il sera statué sur les mesures provisoires. 2

Le Juge aux Affaires Familiales, après avoir entendu chacun des époux séparément puis ensemble avec leurs avocats, rend une Ordonnance de Non Conciliation qui organise la séparation des époux. Il s agit de statuer sur la jouissance du domicile conjugal, le devoir de secours entre époux, le règlement provisoire des dettes, les modalités de garde des enfants et la contribution à leur entretien et à leur éducation. Le juge peut aussi, dans ce cadre désigner un notaire ou/et un autre professionnel dont la mission sera de préparer un projet de partage. Après l Ordonnance de Non Conciliation, l époux demandeur choisit un des 3 fondements de sa procédure de divorce. Les époux doivent choisir entre les fondements suivants : a. Divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage Lors de l Ordonnance de Non Conciliation ou postérieurement avec leurs avocats respectifs les époux peuvent signer un procès-verbal d acceptation du principe de la rupture du mariage sans énonciation de griefs. La signature de ce procès-verbal est irrévocable de sorte que les époux renoncent définitivement au divorce pour faute. Il s agit de s engager vers une procédure apaisée au moins sur le principe du divorce même si de vifs débats peuvent persister sur ses conséquences. b. Divorce pour altération définitive du lien conjugal Le divorce pour altération définitive du lien conjugal peut être demandé par un époux dès lors qu il peut justifier d une cessation de la communauté de vie entre époux depuis 2 années au moins. Il peut également être prononcé si l époux défendeur à une demande en divorce pour faute le demande, la rupture définitive du lien conjugal résultant alors de la volonté commune d y mettre un terme. c. Divorce pour faute Cette procédure est résiduelle et se limite généralement aux violences conjugales. Il s agit de démontrer une violation grave ou renouvelée d une obligation du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune. L intérêt du divorce pour faute est essentiellement moral puisque les dommages et intérêts accordés sont généralement dérisoires. En revanche si l époux fautif peut bénéficier d une prestation compensatoire, l époux débiteur aura intérêt à envisager cette procédure pour réduire les droits de son conjoint. 3

II. Le juge territorialement compétent A. La loi nationale Le juge compétent, rationae materiae, en matière de divorce et de séparation de corps est le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de Grande Instance. La compétence territoriale est définie par l article 1070 du Code de procédure civile : «Le juge aux affaires familiales territorialement compétent est : - le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ; - si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ; - dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure. En cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des parties, celui du lieu où réside l'une ou l'autre. Toutefois, lorsque le litige porte seulement sur la pension alimentaire, la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant, la contribution aux charges du mariage ou la prestation compensatoire, le juge compétent peut être celui du lieu où réside l'époux créancier ou le parent qui assume à titre principal la charge des enfants, même majeurs. La compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée.» Par référence aux dispositions de l article 215 alinéa 2 du code civil français, la résidence de la famille est le lieu que les époux choisissent d un commun accord. Les juges décident souverainement du lieu où se trouve le logement principal des époux de manière assez stable et habituelle. Ainsi par exemple l inscription scolaire des enfants ne suffit pas à caractériser au sens de l article 1070 du Code de procédure civile la résidence de la famille à qui le mari a imposé un départ pour une région où il n avait ni emploi, ni logement, une caravane ne pouvant être considérée comme une résidence stable : dans cette espèce, la Cour d appel de Douai avait retenu la compétence du tribunal de la résidence initiale de la famille où la femme était revenue vivre avec les enfants (Cour d'appel Douai, 15 novembre 1990). De même la jurisprudence considère que la résidence doit avoir été fixée sans fraude, notamment sans coup de force prémédité pour emmener les enfants dans un nouveau lieu de vie. (Cass. Civ. 1 ère, 3 février 2004, n 02-20.223) Il est dérogé à l article 1070 du code de Procédure Civile lorsqu un des époux est étranger et ne réside pas en France. Selon l article 14 du Code civil français, l étranger, même non résident en France pourra être cité devant les tribunaux français pour l exécution des obligations par lui 4

contractées en France avec un français. Il pourra être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers un français. Aux termes de l article 15, un Français pourra également être traduit devant un tribunal de France pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger. Ces dispositions permettent au plaideur français d attraire un étranger devant les juridictions françaises et au plaideur français ou étranger d y attraire un Français. Le principe est que tout français doit pouvoir être jugé par ses pairs sous réserve que cette compétence facultative ne soit pas contraire aux conventions internationales ratifiées par la France. Ces dispositions ont une portée générale et s appliquent donc au divorce qui n est pas exclu de leur champ d application. Ainsi il a été jugé qu une cour d appel ne peut pas estimer que le Tribunal de Grande Instance du domicile de la demanderesse, de nationalité française, était incompétent, au motif qu elle aurait dû saisir le tribunal du lieu où résidaient, en Algérie, son mari et les enfants mineurs issus de l union (Cass. 1 ère civ. 6 décembre 1988 : Bull. civ. 1988, I, n 345) B. Les règlements européens interprétés par le juge national Le règlement Bruxelles II Bis prévoit en son article 3 que le juge compétent peut être : - Le juge de la résidence habituelle des époux - Le juge de la dernière résidence habituelle si l un des époux y réside encore - La résidence habituelle de l un ou l autre en cas de demande conjointe - La résidence habituelle du défendeur - La résidence habituelle du demandeur s il y a résidé au moins un an avant l introduction de la demande - La résidence habituelle du demandeur s il y a résidé depuis au moins 6 mois avant l introduction de la demande et s il est ressortissant de cet Etat membre. - Celui de la nationalité commune des époux. Ces compétences sont alternatives et il n y a pas de hiérarchie établie entre elles par le texte. Le juge saisi en 2 ème lieu doit surseoir à statuer dans l attente de la décision du premier juge saisi sur sa compétence. Si le premier juge saisi se déclare compétent, le juge saisi en 2 ème lieu doit dénier sa compétence et renvoyer à son homologue étranger. Ces compétences entraînent souvent une course de vitesse entre les époux pour être le premier à saisir le juge le plus proche ou le plus favorable. Le règlement Rome III n a pas mis fin à cette course au tribunal puisqu il suffit de saisir la juridiction d un Etat non participant à la coopération renforcée ou la juridiction d un Etat tiers pour échapper au règlement Rome III. 5

En France les juges ont dû interpréter le moment où on devait considérer que la procédure de divorce était engagée. C est dès le dépôt de la première requête dite tronc commun que le juge français est saisi d une procédure de divorce au sens du règlement européen (Cass. Civ. 1 ère, 11 juillet 2006) Il doit enfin être noté que la règle de compétence prévue à l article 1070 du Code de procédure civile s applique lorsqu aucune juridiction d un Etat membre n est compétente en vertu des articles 3,4 et 5 du règlement Bruxelles II Bis (Cass. Civ. 1 ère, 25 septembre 2013, n 112-16.900) III. La loi applicable A. La loi nationale et internationale L article 309 du Code civil français dispose : «Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française : - lorsque l'un et l'autre époux sont de nationalité française ; - lorsque les époux ont, l'un et l'autre, leur domicile sur le territoire français ; - lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence, alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps.» En France, le régime matrimonial de droit commun est le régime de la communauté légale réduite aux acquêts depuis juillet 1966. Ce régime s applique automatiquement si les époux n ont pas signé un contrat de mariage devant notaire (art 1394 du code civil) avant la célébration de leur union ou s ils n ont pas changé de régime matrimonial postérieurement à leur mariage. La question du régime matrimonial pour les époux étrangers ou couples binationaux demeurant en France est régie par le contrat de mariage s il en existe un. A défaut : - Pour les époux mariés avant le 1 er septembre 1992, le régime matrimonial sera celui du pays dans lequel ils ont établi leur premier domicile conjugal à condition que ce domicile présente une stabilité suffisante (en général au moins 2 ans selon la jurisprudence). - Pour les époux mariés après le 1 er septembre 1992, la Convention de la Haye de 1978 s applique. Le principe est identique mais le critère de stabilité du premier domicile conjugal n est plus exigé. Par exception si les époux ont la même nationalité, leur loi nationale sera applicable : 6

En l absence de résidence habituelle des époux sur le territoire d un même Etat après leur mariage Lorsque les époux sont tous deux de nationalité néerlandaise (sauf si ces derniers résident en France ou au Luxembourg depuis 5 ans, qu ils s y marient et continuent d y résider. Dans ce cas ils seront soumis à la loi française ou luxembourgeoise) Lorsque les époux ont tous deux la nationalité de l un des pays suivants : Afghanistan, Albanie, Algérie, Allemagne, Angola, Autriche, Belgique (jusqu'au 1er octobre 2004), Bulgarie, Cap Vert, Corée, Egypte, Emirats Arabes Unis, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Indonésie, Irak, Italie, Japon, Jordanie, Koweit, Liban, Liechtenstein, Maroc, Pologne, Portugal, Roumanie, Sénégal, Somalie, Suède, Syrie, Tchad, Rép. Tchèque, Rép. Slovaque, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Vatican, Yougoslavie, Haïti, Rép. Dominicaine, Surinam ; et établissent leur première résidence habituelle dans un autre de ces mêmes pays. Il en va de même pour deux époux de nationalité néerlandaise établissant la première résidence habituelle sur le territoire de l'un de ces Etats. Ils seront alors soumis à leur loi nationale commune. Réciproquement, les nationaux de l'un des pays listés établissant leur première résidence habituelle aux Pays Bas seront soumis à leur loi nationale commune. Ces dispositions sont applicables aux Etats membres puisque ni le règlement Bruxelles II Bis ni le règlement Rome III n ont vocation à s appliquer en matière de liquidation de régime matrimonial. B. Les règlements européens interprétés par le juge national Le règlement européen Rome III permet aux époux de choisir entre 4 lois : - La loi de l Etat de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention - La loi de l Etat de la dernière résidence habituelle des époux pour autant que l un d eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention - La loi de l Etat de la nationalité de l un des époux au moment de la conclusion de la convention - La loi du for La loi choisie par l un des époux pourra être celle d un Etat membre participant ou non pour offrir aux époux davantage de souplesse et une plus grande sécurité juridique dans la logique du préambule du règlement de Rome III. Pour faciliter le choix des époux le règlement Rome III prévoit la diffusion d informations appropriées et de qualité, par la commission européenne, d informations sur la loi nationale des Etats membres en matière de divorce. Ces informations sont diffusées sur le site du Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale. 7

Le choix de la loi applicable est formalisé par les époux à tout moment, jusqu à la saisine de la juridiction. Il peut par exemple faire l objet d un acte d avocat signé par les époux et annexé à la requête en divorce. En revanche, la France n a pas souhaité donner aux époux la possibilité de choisir la loi applicable pendant la procédure de divorce. La convention choisissant la loi applicable doit être formulée par écrit, datée et signée par les deux époux. Une transmission par voie électronique permettant de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite. On peut regretter, compte tenu de la complexité de la question, que le règlement Rome III n ait pas imposé l intervention d un professionnel du droit. Si les époux n ont pas trouvé d accord, le règlement prévoit que la loi applicable sera celle de l Etat de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine des juridictions ou à défaut la loi du lieu de la dernière résidence habituelle des époux pour autant que cette résidence n ait pas pris fin plus d un an avant la saisine de la juridiction et que l un des époux réside encore dans cet Etat. A défaut la loi applicable peut être celle de la nationalité commune des deux époux au moment de la saisine de la juridiction. La résidence habituelle et la nationalité des époux s apprécient au moment de la saisine de la juridiction. Il apparaît clairement que le règlement Rome III a entendu promouvoir le critère de la résidence habituelle au détriment du critère de la nationalité. Conclusion Les dispositions nationales européennes et internationales permettent de trouver, non sans mal parfois, des solutions aux conflits de loi. L évolution européenne et nationale consiste à laisser une plus grande autonomie aux époux pour anticiper les conséquences d une éventuelle séparation par le choix, dès la célébration du mariage, d un régime matrimonial, d une loi et bientôt peut être, d un juge compétent. Les couples binationaux peuvent rencontrer des plus grandes difficultés à choisir la loi de l une ou l autre de leur nationalité. C est la raison pour laquelle un rôle prépondérant est donné au critère de la résidence de la famille. En parallèle, une coopération interétatique renforcée telle que celle qui a donné lieu à l adoption du nouveau régime matrimonial optionnel franco- allemand de participation aux acquêts, permet désormais de proposer aux couples binationaux des solutions intermédiaires entre leurs lois nationales respectives. 8