Décision du Défenseur des droits n MLD 2011-57



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Transcription:

Paris, le 10 novembre 2011 Décision du Défenseur des droits n MLD 2011-57 Le Défenseur des droits, Vu l article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Vu la loi n 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Vu la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; Saisi par Monsieur et Madame X d une réclamation relative à la résiliation de leurs contrats de téléphonie mobile, le Défenseur des droits, en vue de régler la situation exposée dans la note récapitulative ci-jointe, décide de formuler les recommandations suivantes à la société Z : - De réviser l article 4.1 de ses Conditions générales d abonnement ; - D indemniser les réclamants du préjudice subi. Le Défenseur des droits demande à la société Z de rendre compte des suites données aux recommandations ci-dessus dans un délai de 6 mois à compter de la notification de la présente. Le Défenseur des droits Dominique BAUDIS

Recommandations dans le cadre de l article 25 de la loi n 2011-333 du 29 mars 2011 La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité a été saisie par courrier en date du 25 janvier 2010 d une réclamation de Monsieur et Madame X relative à la résiliation de leurs contrats de téléphonie mobile. Depuis le 1 er mai 2011, conformément à l article 44 de la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, «les procédures ouvertes par [ ] la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité [ ] se poursuivent devant le Défenseur des droits». Monsieur et Madame X appartiennent à la communauté des gens du voyage. Ils sont artistes itinérants et ont monté un spectacle de théâtre ambulant. A ce titre, ils disposent d un carnet de circulation. Le 29 octobre 2009, ils se rendent au magasin de à Rennes pour y souscrire deux abonnements de téléphonie mobile. Les deux contrats souscrits pour 24 mois sont au nom de Madame X. Les formulaires de demande d abonnement, remplis et signés par Madame X, ainsi qu une copie du carnet de circulation, un RIB et un chèque annulé à son nom ont été communiqués à la société Z. Les factures en date du 30 octobre 2009 et du 30 novembre 2009 ont été réglées par prélèvements automatiques sur le compte bancaire de Madame X en date du 16 novembre 2009 et du 16 décembre 2009. Cependant, le 19 novembre 2009, le Directeur Service Client de Z a adressé un courrier à Madame X lui indiquant que «conformément à l article 4 des Conditions Générales d Abonnement, et à la brochure tarifaire en vigueur, [il la prie] de bien vouloir [leur] adresser un dépôt de garantie d un montant de 750 euros», soit 1500 euros pour les deux lignes. En réponse à l instruction menée par les services de la haute autorité, Z explique par courrier en date du 6 décembre 2010 qu «à la suite de l ouverture de sa ligne le 29 octobre 2009, un dépôt de garantie a été demandé [à Madame X] le 18 novembre 2009. Une lettre lui a été envoyée le jour même à ce sujet. En effet, conformément aux Conditions Générales d Abonnement (art. 4.1 des CGA), Z peut demander au client, en cours d exécution du contrat, un dépôt de garantie lorsque l adresse de facturation est une poste restante ou une boîte postale pour un particulier». La société conclut que «si le client ne règle pas le dépôt de garantie, sa ligne est suspendue 7 jours calendaires plus tard, puis résiliée (après 14 jours). C est la raison pour laquelle la ligne de Madame X a été suspendue par Z le 29 novembre 2009, puis résiliée le 6 décembre 2009». En effet, l article 5 des Conditions Générales d Abonnement dispose que «le contrat est conclu sous les conditions résolutoires suivantes : réception par Z du dossier d abonnement complet, réception du dépôt de garantie ( ). A défaut de réception du dossier d abonnement et/ou du dépôt de garantie ( ) le contrat peut être considéré par Z comme résolu de plein droit».

La décision de Z de résilier l abonnement souscrit par Madame X a porté préjudice aux réclamants. Ainsi, Monsieur et Madame X ont subi un préjudice matériel et moral. En effet, ils ont bénéficié d une offre promotionnelle (Offre remboursement Z n 11702, valable du 7/10/2009 au 17/11/2009) : un PC pour un euros lors de la souscription d un abonnement clé USB 3G et souscription à une assurance. Le 29 octobre 2009, ils ont dépensé 151 euros pour cet ordinateur, 100 euros devant leur être remboursé sur leurs prochaines factures par Z, et 50 euros par le magasin. S ils ont été remboursés le 20 novembre 2009 par le magasin, Z n a jamais remboursé les 100 euros restants. Enfin, depuis que leur abonnement 3G a été résilié, les réclamants n ont plus d accès à internet. En conséquence leur activité professionnelle s est singulièrement compliquée, notamment concernant leurs déclarations professionnelles, mais aussi la promotion de leur activité et la rechercher des contrats. Analyse Dans sa délibération n 2007-372 du 17 décembre 2007 sur les gens du voyage, la haute autorité a relevé les éléments suivants : «Présentés par les textes nationaux comme une catégorie administrative définie par son mode de vie, les gens du voyage apparaissent en pratique comme un groupe identifié ayant en commun d être victimes des mêmes différences de traitement, du fait de leur appartenance, réelle ou supposée, à la communauté Tzigane. Cette analyse est confortée par les positions prises, depuis de nombreuses années, par le Conseil de l Europe comme par la Commission des Droits de l Homme des Nations Unies qui considèrent que les différences de traitement visant les voyageurs, tziganes ou autres, doivent être considérées comme des discriminations fondées sur l origine». Le Sénateur Pierre Hérisson, Président de la Commission Nationale Consultative des Gens du voyage, a rappelé dans un rapport remis au Premier ministre en juillet 2011 (Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun) qu il est «important de faciliter l accès des gens du voyage aux nouvelles technologies de l information et de la communication». L article 2 de la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations prohibe toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race en matière d accès à un bien ou à un service. L article 4 de la loi précitée rappelle en outre que «toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence» et qu «au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination». Selon l article 1 de la loi du 27 mai 2008, «constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés».

Les gens du voyage n ayant pas de résidence ni domicile fixe au sens de l article 102 du Code civil, ils sont davantage susceptibles d avoir recours à une boîte postale, ce qui facilite la réception de leurs courriers. Ainsi, la pratique de Z consistant à demander un dépôt de garantie lorsque l adresse de facturation est une boîte postale, est susceptible de constituer une discrimination indirecte à l encontre des gens du voyage. Sur l existence d une discrimination indirecte fondée sur l origine Dans son courrier en date du 5 juillet 2011, la Société Z explique avoir «simplement appliqué les conditions générales d abonnement sans discrimination aucune et de façon conforme aux engagements souscrits librement par Madame X». En conséquence, elle indique que «les dispositions de [ses] conditions générales appréhendant l universalité de [ses] clients, ces dernières ne visent, en aucune manière, ni ne permettent de discriminer directement ou indirectement quelque personne que ce soit». «Que de surcroît, l application automatique par Z des dispositions de ses contrats est l un des meilleurs garants d un traitement équitable de l ensemble de ses clients». Or, la discrimination indirecte s apprécie indépendamment de son intentionnalité. En effet, l intention de l auteur de la discrimination n est pas une condition préalable à la constatation d une discrimination indirecte. De plus, la discrimination indirecte suppose l existence d une mesure qui ne repose pas de manière directe et manifeste sur un motif discriminatoire interdit. En l espèce, la discrimination indirecte fondée sur l appartenance à la communauté des gens du voyage résulte de l application d une clause des conditions générales d abonnement de SFR (l utilisation d une boîte postale ou d une poste restante) qui a pour conséquence de désavantager particulièrement les abonnés à raison de leur appartenance à la communauté des gens du voyage. Sur l effet préjudiciable de la pratique de Z Dans son courrier en date du 5 juillet 2011, Z conteste l effet pénalisant résultant de l application de leurs conditions générales d abonnement, et notamment la position selon laquelle «les gens du voyage sont davantage susceptibles d avoir recours à une boîte postale». En effet, la société estime que «nombre de personnes appartenant à cette communauté n ont pas recours à ce service, mais également et inversement, que nombre d autres personnes ont régulièrement recours au service de boîtes postale». Le choix d un mode de vie itinérant implique de ne pas avoir de domicile stable, et en conséquence, de ne pas disposer d une adresse permettant d y recevoir et d y consulter son courrier de façon constante. Or, les gens du voyage n ayant ni domicile, ni résidence fixe au sens de l article 102 du Code civil, ont besoin d une adresse stable de correspondance permettant notamment la réception et la réexpédition de l ensemble de leurs courriers. A cet effet, ils peuvent utiliser l adresse d un organisme domiciliataire conformément à la procédure d élection de domicile prévue aux articles L. 264-1 à L. 264-6 du Code de l action sociale et des familles. Ils peuvent également souscrire des abonnements de boîtes postales, auprès de La Poste, mais aussi d associations ou encore avoir une adresse en «poste restante».

En l espèce, les réclamants ont souscrit un abonnement boîte postale auprès de la Poste. En effet, ils voyagent de villes en villes tous les quinze jours environ et ne peuvent dès lors se rendre auprès d un organisme domiciliataire afin de prendre connaissance de leur courrier. Ils n ont d autre choix que de bénéficier d un service de réexpédition, ce que justement permet l utilisation d une boîte postale. Il s agit d une pratique largement répandue auprès des personnes appartenant à la communauté des gens du voyage que de souscrire des abonnements à des services de boîtes postales. En conséquence, la pratique de Z est susceptible de produire un effet préjudiciable pour les gens du voyage, dans la mesure où leur mode de vie itinérant les contraint à faire appel à des services domiciliataires, à l exemple de la boîte postale. Sur l existence d une justification objective Dans son courrier en date du 5 juillet 2011, la société Z rappelle à la haute autorité que la jurisprudence a consacré la validité des clauses de dépôt de garantie. Elle se réfère à un arrêt de la Cour d appel de Versailles, rendu le 15 janvier 2004, lequel précise qu une clause de dépôt de garantie «a pour objectif le maintien de l équilibre entre les obligations respectives des parties au contrat afin de limiter les risques liés aux incident de paiement». Ainsi, l exigence d un dépôt de garantie est une mesure fréquemment utilisée pour prévenir les risques d impayés. L objectif poursuivi par une telle clause doit être considéré comme légitime. Sur la proportionnalité La proportionnalité requiert que la mesure concrète prise dans l intérêt de l objectif légitime soit à la fois appropriée (c est-à-dire adaptée pour réaliser l objectif en question) et nécessaire (c est-à-dire une autre mesure avec un effet moindre, voire aucun effet disparate, ne serait pas efficace). En dehors du cas où l adresse de facturation est une poste restante ou une boîte postale, Z exige un dépôt de garantie dans les cas suivants (article 4 CGA) : chèque déclaré irrégulier ou carte bancaire déclarée irrégulière suite au contrôle effectué ; en l absence de chèque ou de relevé d identité bancaire au nom de l abonné ; inscription au fichier PREVENTEL visé à l article 14. L article 14 des CGA dispose : «en cas d impayé ou de déclaration irrégulière, les informations concernant l abonné sont susceptibles d être inscrites dans un fichier accessible aux opérateurs et sociétés de commercialisation du service de radiotéléphonie publique GSM/GPR, géré par le GIE PREVENTEL». Les cas ci-dessus énumérés sont tous en rapport avec le «profil financier» de l abonné. Il en résulte un lien évident avec le risque d impayés, ce qui justifie pleinement la demande d un dépôt de garantie. Au contraire, il apparait moins évident d établir un lien entre le risque d impayés et l utilisation d une boîte postale comme adresse de facturation, d autant plus que le paiement par prélèvement est prévu.

Or, l instruction menée par les services de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité n a pas permis d identifier les raisons pour lesquelles l exigence d un dépôt de garantie est un moyen adapté pour garantir les risques d impayés lorsque l abonné utilise une boîte postale. Sur la pratique des autres opérateurs Z conclut appliquer «une politique commerciale et tarifaire tout à fait conforme et habituelle en la matière, appliquée de la même façon par tous les autres opérateurs». Chez ROUGE, le dépôt de garantie peut être exigé lorsque : le client est sans justificatif de domicile fixe à son nom ; le client est sans chèque et/ou relevé d identité bancaire ou postal à son nom, ou lorsque l établissement financier n est pas domicilié en France ; le client ne souscrit pas d autorisation de prélèvement automatique au profit de ROUGE ; le client est inscrit au fichier PREVENTEL. Dans ces deux derniers cas, il est précisé dans les conditions spécifiques de l offre mobile, que «le dépôt de garantie sera restitué au client de manière anticipée sur demande du client si pendant douze mois il n a pas eu d incident de paiement». La brochure tarifaire de ROUGE précise que pour le dépôt de garantie exigé en cas «d absence de justificatif de domicile fixe en France métropolitaine» est de 265 euros. Les dépôts de garantie vont de 38 euros à 265 euros. Chez MAISON, un dépôt de garantie, dont le montant varie de 229 à 400 euros, peut être demandé à la souscription : si l abonné ne fournit pas tous les justificatifs obligatoires précisés au contrat de service ; en cas d absence de chèque annulé au nom du titulaire ; en cas d absence de chèque annulé et de carte bancaire au nom du titulaire ; en cas d inscription sur le fichier PREVENTEL ou de chèque déclaré irrégulier par le Fichier National des Chèques Irréguliers. Il ressort de l étude de la pratique des autres opérateurs de téléphonie mobile que d autres moyens plus proportionnés peuvent être mis en œuvre pour garantir les paiements, notamment l exigence du recours au prélèvement automatique ou la fixation de montants de dépôts de garantie moins élevés. En effet, au regard des tarifs pratiqués par MAISON et ROUGE, le montant demandé par Z apparaît comme excessif (environ trois fois plus élevé). En outre, le prélèvement automatique permet de réduire les risques d impayés. Ainsi, ROUGE exige un dépôt de garantie de 38 euros lorsque l abonné choisit un autre moyen de paiement. En l espèce, les réclamants avaient opté pour le prélèvement automatique et rempli une autorisation de prélèvement. En conséquence, il apparait que Z peut mettre en œuvre un certain nombre de mesures (prélèvement automatique, vérification des coordonnées bancaires) permettant d évaluer au cas par cas les risques d impayés, et ce avant d avoir recours à un dépôt de garanti dont le

montant, au regard de la pratique d autres opérateurs et du montant du forfait concerné, doit être considéré comme excessif. Si l objectif recherché par Z, à savoir garantir les risques d impayés, est légitime, la demande d un dépôt de garantie à hauteur de 750 euros lorsque l abonné utilise une boîte postale alors même qu il a opté pour le prélèvement automatique, n apparaît pas comme un moyen proportionné nécessaire pour atteindre cet objectif. En conséquence, cette pratique constitue une discrimination indirecte à raison de l appartenance à la communauté des gens du voyage. Au vu des éléments recueillis, le Défenseur des droits décide de : - Recommander à Z de réviser l article 4.1 de ses Conditions générales d abonnement ; - Recommander à Z d indemniser les réclamants du préjudice subi.