La syllabe. Introduction :

Documents pareils
La syllabe (1/5) Unité intuitive (différent du phonème) Constituant essentiel pour la phonologie au même titre que phonème et trait

Le modèle standard, SPE (1/8)

UE11 Phonétique appliquée

Phonologie, Master LFA Professeur : André THIBAULT

1. Qu est-ce que la conscience phonologique?

majuscu lettres accent voyelles paragraphe L orthographe verbe >>>, mémoire préfixe et son enseignement singulier usage écrire temps copier mot

1. Productions orales en continu après travail individuel

Homophones grammaticaux de catégories différentes. s y si ci

Méthode universitaire du commentaire de texte

La rue. > La feuille de l élève disponible à la fin de ce document

Unity Real Time 2.0 Service Pack 2 update

ENTRE LES MURS : L entrée en classe

LES LANGUES EN DANGER : UN DÉFI POUR LES TECHNOLOGIES DE LA LANGUE

Les enfants malentendants ont besoin d aide très tôt

La phonétisation de "plus", "tous" et de certains nombres : une analyse phono-syntaxique

N SIMON Anne-Catherine

c dur Leçon 8 S c i e c v m C s c d f M a c u n S C r t V C o coton café classe carotte sac tricot Sa si ca la co lu cu ra ac cre

Ce que tu écris est le reflet de ta personnalité

Une proposition de séquence relative à l étude des sons /an/, /on/ et de leurs graphies. Cadre général

Questionnaire pour connaître ton profil de perception sensorielle Visuelle / Auditive / Kinesthésique

Réaliser un journal scolaire

FORMULES DE CALCUL. Prix = PV TTC = PV HT x (1 + taux de TVA) TVA = PV HT x taux de TVA PV HT = PV TTC 1 + taux de TVA

ANNEXE J POTEAUX TESTÉS SELON UN CHARGEMENT STATIQUE ET TESTÉS SELON UN CHARGEMENT CYCLIQUE ET STATIQUE

Si j étais né ailleurs, seraisje différent?

Master Etudes françaises et francophones

Livret personnel de compétences

HighPush. document /06/2009 Révision pour version /11/2008 Revision pour la /10/2008 Documentation initiale.

Morphosyntaxe de l'interrogation en conversation spontanée : modélisation et évaluations

La petite poule qui voulait voir la mer

DIPLÔME APPROFONDI DE LANGUE FRANÇAISE

Les textos Slt koman sa C pa C?

Mon hochet Tut-Tut VTech Imprimé en Chine x

C est quoi un centre d apprentissage Les centres d apprentissage sont des lieux d exploration et de manipulation qui visent l acquisition de

Fiche de synthèse sur la PNL (Programmation Neurolinguistique)

Rédiger pour le web. Objet : Quelques conseils pour faciliter la rédaction de contenu à diffusion web

CHAPITRE 1 STRUCTURE DU NIVEAU B2 POUR LE FRANÇAIS

DECLARATION DES PERFORMANCES N 1

Qu est-ce qu un emprunt linguistique?

! Text Encoding Initiative

Document d aide au suivi scolaire

Séquence 4. Comment expliquer la localisation des séismes et des volcans à la surface du globe?

La technologie Java Card TM

Probabilité. Table des matières. 1 Loi de probabilité Conditions préalables Définitions Loi équirépartie...

Club langue française Quiz. Par Julien COUDERC et Maxence CORDIEZ

Progressons vers l internet de demain

1. Procédure. 2. Les faits

La Conscience phonologique

EPFL TP n 3 Essai oedomètrique. Moncef Radi Sehaqui Hamza - Nguyen Ha-Phong - Ilias Nafaï Weil Florian

Formation à l utilisation des réseaux sociaux et d internet. Protéger sa vie privée

Temps forts départementaux. Le calcul au cycle 2 Technique opératoire La soustraction

La satisfaction de fin d analyse : une rencontre particulière avec le réel*

BABEL LEXIS : UN SYSTÈME ÉVOLUTIF PERMETTANT LA CRÉATION, LE STOCKAGE ET LA CONSULTATION D OBJETS HYPERMÉDIAS

Séquence 1. Découverte de l album. Objectifs. Présentation générale des activités. Déroulement détaillé

Subordonnée circonstancielle de cause, de conséquence et de but

Le son «z» à l intérieur des mots

Parce que, dans sa construction, le sujet est directement rattaché au verbe sans recours à un auxiliaire quelconque.

Richard Abibon. «Le sujet reçoit de l Autre son propre message sous une forme inversée»

Etudier l influence de différents paramètres sur un phénomène physique Communiquer et argumenter en utilisant un vocabulaire scientifique adapté

Indications pour une progression au CM1 et au CM2

I/ Qu est-ce que l aphasie? French

Plus courts chemins, programmation dynamique

Intelligence Artificielle et Systèmes Multi-Agents. Badr Benmammar

Peut-on imiter le hasard?

La traduction métalinguistique I : niv eaux lexical et pré-phrastique1 Résumé

Rappels. Prenons par exemple cet extrait : Récit / roman

Sous la direction de Laurent Faibis avec la collaboration de Jean-Michel Quatrepoint. Actes du Colloque Xerfi

Trucs et astuces pour les devoirs et leçons

Cours Informatique de base INF-B Alphabétisation

Achats en ligne. et conversion. Le marketing à la performance, du premier affichage au dernier clic. tradedoubler.com

Lucile Cognard. S identifier à son symptôme

Synopsis : Découverte du zémidjan (taxi-moto), le principal moyen de transport à Cotonou au Bénin.

1 Autres signes orthographiques. Trait d union. On met le trait d union entre le pronom personnel et le mot même :

na an ne en an Me un ma an en me en

Tableau des contenus

Présentation des prévisions météorologiques du monde découpé en sept grandes régions.

Apprentissage Automatique

À propos d exercice. fiche pédagogique 1/5. Le français dans le monde n 395. FDLM N 395 Fiche d autoformation FdlM

Direct and Indirect Object Pronouns

GRAMMATICAUX DE MÊME CATÉGORIE AUSSI TÔT / BIENTÔT BIEN TÔT / PLUTÔT PLUS TÔT / SITÔT SI TÔT 1 Homophones grammaticaux de même catégorie

Ce document a été mis en ligne par le Canopé de l académie de Montpellier pour la Base Nationale des Sujets d Examens de l enseignement professionnel.

fiche D AUTOCORRECTION Frimousse, une petite chienne qu'on a adoptée le mois dernier, est intelligente et docile.

Gé nié Logiciél Livré Blanc

École : Maternelle. Livret de suivi de l élève. Nom : Prénom : Date de naissance : Année d entrée à l école maternelle :

Conception des bases de données : Modèle Entité-Association

IDEOGRAPHIX, BUREAU De lecture

CONVENTION PORTANT CREATION D UNE COMMISSION BANCAIRE DE L AFRIQUE CENTRALE

FORMATION CONTINUE SUR L UTILISATION D EXCEL DANS L ENSEIGNEMENT Expérience de l E.N.S de Tétouan (Maroc)

MO-Call pour les Ordinateurs. Guide de l utilisateur

Emprunter un livre numérique sur un appareil Android

O b s e r v a t o i r e E V A P M. Taxonomie R. Gras - développée

Ce que vous pouvez faire et ne pouvez faire pour l aider

VI- Exemples de fiches pédagogiques en 3 ème année primaires

L E C O U T E P r i n c i p e s, t e c h n i q u e s e t a t t i t u d e s

Activité pour développer le concept de phrase et de mot

Les outils graphiques d expression pour l analyse fonctionnelle des systèmes Domaine d application : Représentation conventionnelle des systèmes

PREMIERE UTILISATION D IS-LOG

PHONOTACTIQUE PREDICTIVE ET ALIGNEMENT AUTOMATIQUE : APPLICATION AU CORPUS MARSEC ET PERSPECTIVES. Cyril Auran, Caroline Bouzon

Le cas «BOURSE» annexe

Comment utiliser WordPress»

Transcription:

La syllabe. Introduction : Les voyelles et les consonnes sont les éléments ultimes, minimaux de la langue (jugés comme tel jusqu ici), à partir desquels on forme des mots puis des phrases etc mais ils ne sont pas juxtaposés les uns aux autres avec des espaces ou des pauses entre chaque. Ils se regroupent pour former des unités plus grandes, unités rythmiques qu on appelle syllabe. C est l unité de mesure qu on utilise par exemple dans la poésie classique (vers en alexandrin par exemple).dans le second chapitre nous verrons de quoi se compose une syllabe et quels types de syllabes peuvent ou non être acceptable dans une langue et selon quels principes. Chapitre 1 : la syllabe existe-t-elle? Quel est son rôle? Chapitre 2 : de quoi est composée une syllabe? Chapitre 3 : où se place la frontière entre deux syllabes? Chapitre 4 : les incertitudes de la segmentation syllabique. Chapitre 5 : syllabes et durée. 1. Existence et rôle de la syllabe: L intuition du locuteur natif: Pourquoi se poser la question de l existence de la syllabe? Nous avons vu que les phonèmes jouent un rôle dans la langue, puisqu on peut les opposer les uns aux autres pour exprimer des mots dont le sens diffère. Mais la syllabe n a pas de sens en soi et ne permet pas à priori de s opposer à autre chose: on est donc en droit de se demander si elle existe, car tout élément d un système linguistique doit jouer un rôle dans celui-ci. Un premier élément de réponse nous est apporté par l intuition du locuteur natif, celle des francophones pour le français par exemple : tout locuteur français natif a une intuition presque infaillible de la structure syllabique d un mot du lexique français. Prenez les mots suivants : «Paris», «Portugais», «Anvers», «Orthographe». Vous savez intuitivement segmenter en syllabe ces mots, presque sans hésitation. On peut observer également que certains langages codés consistent en une manipulation de la composition syllabique des mots, le verlan par exemple. Or ces codes ne sont pas «appris», ils sont acquis comme d autres aspects de la langue, ce qui laisse supposer que la syllabe joue bien un rôle au niveau cognitif, c'est-à-dire dans le traitement cérébral, «inconscient». Ce découpage intuitif, se trouve confirmé dans certains phénomènes, de la vie quotidienne ou dans le cadre d expériences en laboratoire. Le verlan, consiste au départ en une inversion de syllabes. «Réalité» cognitive de la syllabe : Des expériences intéressantes en psycholinguistique montrent la réalité psychologique de la syllabe : prenons les deux mots «palmier» et «palace», soit [palmje] et [palas]. On découperait naturellement le premier en deux syllabes pal-mier, et le second en deux syllabes pa-lace. La première syllabe du premier mot est [pal] et celle du second est [pa]. Mais comment vérifier si ce découpage conscient correspond bien au découpage «inconscient» opéré par notre cerveau? On fait écouter le mot «palmier» à un groupe de locuteurs du français, et on leur demande au préalable d appuyer sur un bouton lorsqu ils détectent la syllabe [pal]. Puis on réitère l expérience avec un second groupe de locuteurs, auquel on demande cette fois d identifier la syllabe [pa] : elle est identifiée moins vite que la syllabe [pal], pourtant, elle est plus courte. Le temps de détection est donc plus rapide lorsque la 1

syllabe que l on demande d identifier et celle que l on obtiendrait dans un découpage «conscient» se correspondent. Cette expérience permet d attester de la réalité cognitive de la syllabe = il s agit bien d une unité perceptive, utilisée pour segmenter les mots en unités de rythme. Toutefois, il convient de relativiser ce que nous venons de dire car la segmentation en syllabe n a rien d universel : en français, pour le mot [palmier] par exemple, la syllabe [pal] sera détectée plus vite que le phonème [p]. Mais ce phénomène ne se reproduit pas forcément en anglais où les phonèmes peuvent constituer les unités rythmiques perceptives de base, et il existe d autres types d unités, comme la «more» en japonais, que nous n aborderons pas ici. 2. Composition et forme d une syllabe: Un noyau éventuellement entouré de phones: La syllabe existe, pourtant il paraît difficile de la définir tant sa composition peut varier : observez les mots «strict» et «à» ; la composition de ces deux syllabes est très différente, mais on les considère habituellement comme des unités du même ordre, des unités rythmiques. La syllabe est donc un phone ou un groupe de phones. Ce groupement s opère autour d un phone particulier, le noyau, qui se trouve être dans la majorité des langues, comme pour le français, une voyelle. Nous avions vu dans la leçon sur les consonnes, que les semi-consonnes (ou semi-voyelles) n avaient pas le statut de voyelles parce qu elles ne pouvaient pas constituer une syllabe : [lɥ i] = 1 syllabe Cependant, ce schéma ne correspond pas à toutes langues. On peut en anglais avoir une consonne très sonore comme le [l] ou le [n] comme noyau syllabique : little ou mountain en anglais américain. D autres langues encore peuvent avoir n importe quel phone comme noyau syllabique, ce qui implique des combinaisons de consonnes totalement «imprononçables» pour un francophone. C est le cas de nombreux dialectes berbères. Exemple : [tftktst] = «tu t es foulé», trois syllabes. Les groupements de phones possibles : Vous pouvez donc voir que les combinaisons possibles varient d une langue à l autre. Quelques exemples pour le français : Une seule voyelle : V à, et, ou, eau (?) Avant la voyelle : CV La, le, les, mes etc CCV Cri, pli, p tit etc CCCV strie CCCCV? Après la voyelle : VC Or, art, VCC est, Metz, âpre, arc, ogre, orge. VCCC arbre. Les deux : CVC Leur, sœur etc CCVC truc CCVCC tract. CCCVCC strict. CVCCCC dextre. (ancien terme pour signifier la droite en orientation). 2

On peut en français avoir jusqu à trois consonnes avant la voyelle, et quatre consonnes après. Dans ces longues suites de consonnes, on trouve au moins un [R] ou un [l]. Le type CV est universel : on le trouve dans toutes les langues connues. Parfois, on trouve presque exclusivement ce schéma tant les combinaisons de consonnes successives sont limitées. C est le cas du japonais : Karl Marx est prononcé [karolumarosolu]. Comment déterminer le noyau?le critère de sonorité: Le noyau syllabique est déterminé par un critère de sonorité, c'est-à-dire de voisement : le noyau est plus sonore que les autres phones de la syllabe. Ceci est vrai pour le français, qui n a que des voyelles pour noyau syllabique. Dans notre exemple du berbère, il faudrait restreindre l affirmation : le noyau n est jamais moins sonore que les phones environnants : [tftktst]. [f] et [s] sont plus sonores que [t], mais pas [k] qui est le noyau de la deuxième syllabe. Les phones les plus sonores sont les voyelles, puis les consonnes voisées et enfin les nonvoisées. Echelle de sonorité : - très ouvertes. - ouvertes. - Fermées. Voyelles. - Très fermées. - Semi-consonnes. Semi-consonnes - Vibrante : [R] - Nasales et latérales. Consonnes voisées - Fricatives sonores. - Occlusives sonores - Fricatives sourdes. - Occlusives sourdes. Consonnes sourdes. Acoustiquement, chaque pic de sonorité (plus une voyelle est ouverte, plus elle est sonore) correspond à un noyau syllabique. Comment déterminer la frontière entre deux syllabes? 3. La syllabation : Par syllabation, vous devez entendre la manière dont une langue (ses locuteurs) découpe la phrase en syllabe, c'est-à-dire : (1) où et selon quels principes elle place les frontières entre deux syllabes successives. (2) quels types de syllabes sont plus fréquents dans cette langue. La coupe syllabique: On appelle «coupe syllabique» la frontière entre deux syllabes. Chaque langue a son propre mode de segmentation, c'est-à-dire que les groupements de phones s opèrent selon certaines règles. En français, la coupe syllabique pour un mot s opère : - Après la première voyelle si on a une consonne prononcée entre deux voyelles : «papa». - Entre la consonne qui suit la voyelle et la ou les consonnes suivantes si elles sont suivies d une voyelle prononcées : «parti.» - Sauf si la deuxième consonne est [R] ou [l] : «appris.», «tableau». 3

La syllabation : comparaison entre deux langues romanes et deux langues germaniques: Chaque langue a une tendance générale, une préférence pour certains types syllabiques, comme nous l avons vu pour le japonais par exemple. En comparant le tableau suivant, vous pouvez observer des différences importantes : les chiffres représentent le pourcentage des types de syllabes de la colonne de gauche pour le français, l espagnol, l anglais et l allemand. Ces pourcentages sont ceux d un corpus, mais ils correspondent bien aux tendances de ces langues. Français Espagnol Anglais Allemand CV 60 56 28 29 CVC 17 20 32 38 CCV 14 10 4 3 VC 2 3 12 10 Tableau 1: pourcentage de différents types syllabiques pour quatre langues. Le français et l espagnol privilégient les syllabes ouvertes, de type CV, ce qui leur confère une sonorité plus «chantante», comme la plupart des langues romanes. Au contraire, l anglais et l allemand privilégient les syllabes fermées. Comparez : Jean ne l a pas regardé : 6 syllabes ouvertes sur 7. John did not look at him : 1 syllabe ouverte sur 7 (didn t) / ou pas de syllabe ouverte. Cela signifie également, qu un locuteur du français recherche de préférence lorsqu il parle (et qu il écoute), des syllabes du type CV. En conséquence, la séquence syllabique d une phrase ne correspond pas exactement à la structure syllabique des mots pris individuellement : Il est ermite et il a vingt ans. > i le (t)űr mi te i la vű tã. Les phénomènes de liaison et d élision et d épenthèse consonantique relèvent de cette recherche de la syllabe CV : Exemple de liaison : «les amis». Exemple d élision : «Le ami» > «L ami». Exemple d épenthèse consonantique : «va en» > «Va-t-en». 4. Les incertitudes de la segmentation. Nous avons vu que : (1) Le locuteur a une intuition forte de la composition syllabique d un énoncé. (2) La coupe syllabique s effectue entre la voyelle et la consonne qui le suit, ou entre les deux consonnes qui la suivent, à l exception des formes consonnes + R et consonnes + l. (3) Que le français privilégie les formes CV, ce qui génère des séquences syllabiques qui ne correspondent pas forcément aux séquences de mots d une phrase. Mais un certains nombres de phénomènes nous forcent à relativiser ces observations. Pour (1), on s aperçoit que différents locuteurs natifs peuvent découper différemment un même mot ou une même phrase. Exemple : Segmentez le mot «extrême». Pour (2), la coupe syllabique ne correspond pas forcément aux critères que nous avons énoncés. La chute du «e caduc» notamment, n entraîne pas forcément un décalage de la coupe syllabique pour obtenir une suite de CV : 4

«Je le regarde» : 4 syllabes [Ʒə]-[lə]-[Rə]-[gaRd]. Les coupes syllabiques correspondent à ce que nous avons vu. «J le r garde» : 2 syllabes [Ʒlə] [RgaRd ]. Il n y a pas de coupe entre le premier [R] et le [g] de «regarde», ils restent solidaires. Il semble donc que des critères morphologiques puissent intervenir pour déterminer la frontière entre deux syllabes : la syllabe [rgard] constitue une unité sémantique forte, qui résiste aux règles de segmentation (place de la coupe syllabique) que nous avions évoquées. On peut faire un constat similaire concernant (3), la recherche du type syllabique CV en français. Observez la phrase suivante : «La pape a dit». Une segmentation [lə] [pap]-[a]-[di] est envisageable, pour éviter l ambiguïté avec la phrase «le papa dit». Il semble donc qu il y ait des contraintes d ordre sémantique qui «empêchent» dans certains cas la réalisation habituelle de la coupe syllabique et du type syllabique CV. Il y a un jeu en français, entre les critères rythmique (les règles que nous avons vues dans la deuxième partie) et morphologique pour déterminer la segmentation syllabique d une phrase. 5. Syllabe et durée: Nous avons défini la syllabe comme l unité rythmique de la langue, du moins pour le français. La syllabe a donc à voir avec la durée. Toutes les syllabes n ont pas la même durée. La durée d une syllabe dépend de : - Sa composition : nombre et nature des phones. Strict > trique > tri > ri > y. Certains phones allongent la voyelle précédente: z, R, Ʒ, v. Exemple : [ko : z] vs [gro] Mort. Cloche. Hotte. Bosse. Chlore. Sort. Sel. Serre. - Sa position : est-ce une syllabe accentuée ou non? Paul mange une pomme. Paul mange une pomme verte. «Pomme» dans la première phrase est accentuée, et plus longue que «pomme» dans la deuxième phrase, non accentuée. Une syllabe accentuée est en français et en moyenne, deux fois plus longue qu une syllabe non accentuée. - Le débit du locuteur. Les paramètres précédents prédisent approximativement la durée respective des syllabes d une phrase les unes par rapport aux autres. Mais le débit avec lequel la phrase sera effectivement prononcée intervient également. Les femmes parlent généralement un peu plus vite que les hommes? 5

Contraintes syllabiques Structure syllabique : b a k La notion de légalité phonotactique Lorsque l on parle de contraintes phonotactiques, on distingue classiquement deux types de configurations : légales et illégales. Une configuration phonotactiquement illégale consiste en une suite de segments (au minimum deux) qui ne peuvent pas apparaître dans la langue considérée, cette impossibilité se limitant parfois à une position bien précise à l intérieur des mots ou des syllabes. Par exemple, la séquence /tl/ est dite illégale en français. Elle est illégale parce qu elle n apparaît pas en début de mot. En effet, le groupe consonantique /tl/ est attesté en français en position médiane de mot (par exemple dans atlantique ou atlas ). Par contre, ce groupe n apparaît jamais en début de mot ; et tout locuteur natif considérerait la suite /tla/comme mal formée en français. 6

Attaque En français, l'attaque et la coda peuvent être nulles ; y [i] (adverbe de lieu) : attaque : Ø noyau : [i] coda : Ø Les structures syllabiques possibles varient selon les langues: - Anglais: attaques et codas complexes. - Hawaïen: pas plus d une C dans une attaque et aucune dans la coda. - Vietnamien: pas plus d une C dans une syllabe Spaghetti -> [si.ba.gɛ.ti]. - Chinois: les seules C possibles en coda sont les nasales. - Arabe classique : l attaque est obligatoirement présente (pas de syllabe qui commence par une voyelle). Ex : [Ɂab] «père» [Ɂ] le coup de glotte est une consonne. - Kiribati (îles Salomon): Pas de codas. - Hua (Papouasie Nlle Guinée): CV uniquement. - Cayuvava (Bolivie): V et CV uniquement. - Japonais: V, CV, CVN (la coda doit être une nasale ou bien nulle). Les mots espagnols ne peuvent pas commencer par une séquence [s + occlusive], le mot 'structure' est, en espagnol, 'estructura', station devient 'estacion'. Ceci est une liste de pseudo-mots (logatomes), est-ce que ces mots pourraient exister en français? Exercice : Transcrivez phonétiquement les mots suivants et indiquez la frontière syllabique par un point. Lundi- Vendredi- Docteur- Médecin- Paille- Paillette- Abstrait- Appareillage- Brouhaha- Bouilloire. 7