L'autoportrait Un autoportrait est une représentation d'un artiste, dessinée, peinte, photographiée ou sculptée par l'artiste lui-même. Bien que l'exercice de l'autoportrait ait été pratiqué depuis les temps les plus reculés, ce n'est qu'à partir du début de la Renaissance, au milieu du xve siècle, que les artistes peuvent être identifiés euxmêmes comme représentant, comme le sujet principal ou comme des personnages importants dans leur travail. Avec le perfectionnement des techniques de miroiterie, les miroirs deviennent plus accessibles et l'avènement du portrait en panneau, de nombreux peintres, sculpteurs et graveurs s'essayent à l'autoportrait.
Dürer, 1500 huile sur bois 67 x 49 cm Origine : Renaissance "Ainsi, moi, Albrecht Dürer de Nuremberg, me suis peint avec des couleurs indélébiles à l'âge de 28 ans" Tableau sombre peint surtout avec des bruns. Le visage frappe par sa ressemblance avec la tête du Christ (regardant droit devant lui et la main levée à la poitrine presque dans une attitude de bénédiction.). Il a idéalisé son image puisqu'il a une courte barbe et la moustache mais s'est peint avec des cheveux bruns alors que ses autre autoportraits montrent qu'ils étaient blond roux. Il s'est malgré tout éloigné de l'image idéaliste du Christ puisque le tableau n'est pas tout à fait symétrique. La tête se trouve un peu à droite du centre du panneau et la séparation des cheveux ne se fait pas exactement au milieu, leur chute étant de plus un peu différente des deux côtés. Les yeux regardent légèrement vers la gauche du panneau. Dürer porte aussi des vêtements contemporains, un manteau à la mode doublé de fourrure.
Rembrant,1634 Autoportrait au béret et gorget Huile sur toile Dimension 62,5 x 54 cm Epoque : siècle des lumières Cet autoportrait de Rembrandt en jeune homme, au béret et au gorget a été peint à ses 28 ans. Cet artiste a peint des douzaines d'autoportraits. Les couleurs sont sombres, son visage est éclairé par sa droite. La chaîne en or, qui n'était pas la sienne, était attribuée par les nobles à leurs peintres. Le béret, qui n'était pas à la mode à l'époque, lui attribue un air de génie. Le gorget, qui ressemble à une armure, s'intègre dans un époque de longue guerre avec l'espagne.
Van Gogh, 1888 L'autoportrait au chevalet Huile sur toile 65.5x50.5cm, exposé à Amsterdam Ce tableau a pour modèle l autoportrait de Rembrandt au chevalet qui avait tant marqué Van Gogh lors de son premier séjour à Paris douze ans plus tôt. Sur le fond du mur blanc se détache la tête aux cheveux et à la barbe roux, la veste bleue et le chevalet. Vincent Van Gogh utilise du vert, complémentaire au rouge du visage, ce qui, quand on se place à une certaine distance, suggère le gris. Il décrit son visage «gris-rose». Les rides de son visage sont à peine perceptibles. Pourtant, dans la lettre à sa sœur, il décrit les rides de son front car elles insistent sur l humeur sinistre du peintre. La partie gauche du visage, dans l ombre, se contracte. On le sent anxieux
André Kertész 1927 Photographie Autoportrait en ombre (1927) joue subtilement de l alternative entre présence et absence. Il aime tirer des portraits sans figure. Son regard, toujours très personnel, se fait ici inquiétant. «Ma photographie est vraiment un journal intime visuel. C'est un outil, pour donner une expression à ma vie, pour décrire ma vie, tout comme des poètes ou des écrivains décrivent les expériences qu'ils ont vécues»
Norman Rockwell, 1960 «triple autoportrait» 113,5cm x 87,5cm Huile sur toile Couverture du Saturday Evening Post du 13 février 1960 On voit l artiste de dos, assis sur un tabouret. Il est face à une toile et se penche pour regarder son reflet dans un miroir situé sur une chaise à sa gauche. Ce miroir doré est décoré de l aigle américain symbole des Etats-Unis. La main droite du peintre est levée, elle tient un pinceau posé sur la toile, où se dessine le portrait de l artiste en noir et blanc. L image dans le miroir correspond au reflet du peintre en train de se regarder (même taille, couleurs et posture). Il porte des lunettes qui dissimulent ses yeux et fume la pipe. Le portrait sur la toile, lui, n a pas de lunettes. Il paraît plus jeune que le modèle. La pipe est droite contrairement à la réalité. À la droite de la toile du peintre sont accrochées les reproductions de quatre autoportraits : celui de Dürer, de Rembrandt, de Picasso et de Van Gogh. Le chevalet est surmonté d un casque de pompier.
Les principales couleurs utilisées sont le bleu (chemise du peintre), le blanc et le rouge (chaise et coussin du tabouret). Ce sont les couleurs du drapeau américain. La seule partie en noir et blanc du tableau et le dessin du portrait sur le canevas. Il y a 3 portraits sur cette toile. Le 1er est le dessin sur la toile du tableau, le 2ème est le peintre de dos,, le 3ème est le reflet du visage et du buste du peintre dans le miroir. (À cela s ajoutent la feuille des 4 croquis préparatoires de l autoportrait épinglé à gauche de sa toile. ) Ce procédé de mise en abîme offre un regard complexe (à différents niveaux) sur la réalité. Il permet ici au spectateur de se rapprocher du tableau : le spectateur est centré sur le sujet, comme s il regardait par une fenêtre ou dans un miroir. Il vole un moment d intimité au peintre.
Ben, 1965 Huile sur toile, 32 x 41 cm
Tony Cragg, 1970 Autoportrait avec 6 appareils ménagers 221 x 73 cm objets collés sur le mur L'artiste donne à voir la création de formes par l'accumulation d'objets du quotidien. L'oeuvre permet de parler du détournement des objets (les objets n'ont plus de fonctions utilitaires mais sont choisis pour leur formes, matière et couleur), de la collection, de l'espace (les objets en trois dimensions sont présentés comme on fait avec les tableaux en deux dimensions).
Arman, 1992 Autoportrait-robot Assemblage sous plexiglas Arman (1928-2005) réalise son autoportrait à partir d éléments hétéroclites accumulés (objets et effets personnels sous plexiglass 120X90X24,5 cm), sans jamais se montrer. Ça, un autoportrait? Le visage de l'artiste n'est pas là, n'est pas donné à voir, rendu visible, contrairement à Rembrandt. A la place du visage, cette face visible de la personne, Arman préfère donner accès à sa personnalité. Les objets, les effets personnels, racontent une vie, des goûts, des loisirs, une profession. Tous les objets, même les déchets donnent un accès inattendu à la vie de l'artiste. Bien visibles, les pinceaux et la palette de l'artiste plasticien sont entourés d'objets qui évoquent les autres arts : la musique (violon, pochettes de disques), la littérature (les livres), la photographie (un appareil). Des cachets, des médicaments évoquent les maladies de l'artiste, une raquette de ping-pong, un masque de plongée, un arc, quelques uns de ses hobbies... Quelle merveille que la société de consommation! Elle permet de mieux connaître l'artiste, au lieu qu'un autoportrait traditionnel ne nous aurait permis que d'accéder au visage? L'artiste semble s'interroger sur ce rapport entre l'art et la société : c'est le titre le plus lisible de l'un des livres.