La truite du lac (Salmo Trutta) (A. Champigneulle, C. Gillet, G. Monet) Table des matières I. Truite de lac: biologie... 2 II. Truite du lac: diagnose... 2 A. Diagnose générale... 2 B. Captures de truites au Léman... 3 III. Truite du lac: impact du pacage... 3 A. Relâchers directement en lac... 3 B. Relâchers en affluents... 4 IV. Etude de cas détaillé: le Redon, affluent du Léman... 4 Bibliographie... 6
I. Truite de lac: biologie Les premières recherches menées sur la truite de lac par la Station d'hydrobiologie Lacustre INRA de Thonon ont d'abord visé à préciser les principales caractéristiques de la biologie et de l'écologie de la truite dans le système Léman-affluents associés afin de servir de base à une meilleure gestion de la truite en système lac-affluents. L'espèce de truite autochtone au Léman est la truite commune (Salmo trutta). Des études génétiques (GUYOMARD, 1989; LARGIADER et al. 1996) considérées comme préliminaires suggèrent que la forme native la plus ancienne est la forme méditéranéenne et que les populations lacustres ont été fortement introgressées par le repeuplement. La truite présente dans le système Léman-affluents associés des phénotypes sédentaires et migrateurs. Lors de la phase initiale de vie en rivière, hormis le stade smolt non obligatoire, aucune caractéristique externe sûre ne permet de distinguer la future truite de lac de la future truite sédentaire (truite effectuant la totalité de son cycle en rivière). La truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) y a été introduite mais elle a peu participé (< 3 %) aux captures et elle a très fortement régressé depuis l'arrêt des déversements en lac en 1989. Les écailles de truites de lac du Léman montrent généralement l'existence d'une (type 1) ou de deux (type 2) années (plus rarement trois, type 3) de croissance initiale faible de "type rivière" précédant la zone de croissance forte "type lac". Ce changement de structure est généralement interprété comme correspondant au passage de la rivière au lac, mais il pourrait également traduire une accélération de croissance liée au passage à un régime ichtyophage. L'habitat principal des truites en croissance est la zone pélagique ou sublittorale, avec des localisations en surface en début de saison puis ensuite plus profondes, proches de la thermocline. Il existe des mouvements de dévalaison de lac d'immatures quittant le Léman par son émissaire, le Rhône aval. Ces mouvements ont été observés au printemps et la taille des truites dévalant variait entre 15 et 50 cm. II. Truite du lac: diagnose A. Diagnose générale En Rhône-Alpes, comme dans de nombreuses autres régions et pays, la truite commune (Salmo trutta) est présente dans beaucoup de lacs et barrages-réservoirs. Elle effectue son cycle de vie entre le lac pour la croissance et les affluents pour la reproduction et la production de juvéniles. L'accroissement de la demande pour la pêche (amateurs et professionnels) et l'existence de dysfonctionnements du cycle biologique (obstacles et dégradation des affluents) ont conduit les gestionnaires à pratiquer, en plus des aménagements du milieu, des repeuplements en lac et en affluents selon des modes très variés (espèce: truite commune ou truite arc-en-ciel; souches, stades, périodes et sites de déversement). Le lac du Bourget et le Léman n'ont pas échappé à cette tendance. 2/6
L'examen des statistiques de capture de truites dans les 3 grands lacs subalpins montrait des tendances très variables selon les lacs. Dans le lac d'annecy, les captures déclarées ont été fortes entre 1953 et 66 (5 à 10 t/an) alors que le lac amorçait une phase d'eutrophisation; elles ont chuté à moins de trois tonnes lors des dix années suivantes alors que l'évolution vers l'eutrophisation a été stoppée, puis à moins d'une tonne lors des années 1980 et 90. A l'inverse, dans le cas du Léman et du Bourget, lacs plus eutrophes, les captures de truites dans les années 80 étaient plutôt meilleures qu'au cours des décennies antérieures avec néanmoins de fortes fluctuations interannuelles. Ce constat conduisait à prendre en compte outre le repeuplement, la situation trophique (en particulier la présence de poissons proies), le fonctionnement des affluents et la prédation. B. Captures de truites au Léman Les captures de truite de lac au Léman sont quantitativement importantes comparativement à celles des autres gros salmonidés (saumon et truite de mer) capturés dans les rivières françaises. Sur la période de 11 ans (1986-96) les captures totales de truites de lac au Léman ont été en moyenne de 28 tonnes/an dont 12 t/an pour les amateurs (extrêmes de 7 à 18 t/an) et 16 t/an pour les professionnels (extrêmes de 8 à 30 t/an). Il y a cependant une tendance à la baisse depuis la fin de cette période. Les captures moyennes annuelles de truites par pêche professionnelle au cours des années (1976-1996) sont meilleures (19 t/an) mais plus fluctuantes que celles de la période 1950-1975 ( 11 t/an) alors que l'évolution des affluents aurait plutôt laisser prévoir une diminution du recrutement naturel en juvéniles de truite de lac. Les interrogations principales pour la gestion de la truite au Léman sont: * connaître les contributions relatives des diverses composantes du recrutement en juvéniles dans les captures par pêche en lac et dans les remontées de géniteurs en affluents, les compositions pouvant différer pour ces deux compartiments. Les réponses à ces questions sont rendues extrêmement difficiles du fait de la trop grande diversité et de la variabilité interannuelle des sources de recrutement possibles. * connaître l'évolution de la capacité d'accueil du lac en relation avec l'évolution de son état trophique. Il existe quelques synthèses sur les repeuplements de truite commune en rivière (CUINAT, 1971) et en lacs (NEEDHAM, 1959; CHAMPIGNEULLE, 1985). Pour les lacs, en raison des plus grandes facilités d'étude (marquages et suivis), les travaux ont la plupart du temps porté sur des petits plans d'eau (S <1000 ha) et des stades de relâcher déjà avancés (au minimum 8-10 cm). Il y a très peu de données sur des lacs de plusieurs milliers d'hectares et/ou avec des stades <10 cm. III. Truite du lac: impact du pacage A. Relâchers directement en lac Dans le cas des truites (8-14 ou 15-21 cm) directement déversées en lac à une saison donnée, l'efficacité est systématiquement meilleure pour les truites de plus grande taille initiale (Figure 3/6
1). Pour une taille donnée, les recaptures sont plus faibles pour les relâchers de fin automnehiver. Les relâchers printaniers de truitelles fario domestiques d'un an sont plus efficaces en lac mésoeutrophe riche en poissons proies (Bourget) qu'en lac oligotrophe (Annecy). Ce mode de relâcher permet de prendre en compte l'abondance de proies potentielles (alevins de gardon et de perche) tout en limitant les possibilités de prédation par la perche. Les recaptures réalisées avec des truites fario domestiques d'un an sont de 30-40 kg/1000 truitelles (4-5% de recaptures) au lac du Bourget. Le bilan reste donc inférieur à celui obtenu avec le pacage d'omble sur ce lac qui fournit des recaptures supérieures avec des juvéniles âgés de seulement quelques mois et donc moins couteûx que les truitelles de un an. Les données sur le devenir des relâchers directs en lac d'alevins nourris de 3 à 7 cm sont encore peu nombreuses. Les expériences menées au Léman (3) montrent que des relâchers directs en lac d'estivaux issus d'oeufs collectés sur des géniteurs de truite de lac peuvent produire des truites qui vont jusqu'au stade de géniteurs remontant frayer dans les affluents du Léman. Cependant le taux de recapture dans la pêcherie n'est pas connu. Au Bourget des lots entiers d'alevins domestiques relâchés directement en lac sont totalement absents dans les captures de truites de lac. B. Relâchers en affluents Les études au Léman, à Annecy et au Bourget montrent que les relâchers en affluent contribuent à la production de truites de lac. Les recherches menées dans un affluent du Léman, le Redon, y montrent un forte implantation initiale avec certains modes de relâchers: alevins nourris déversés en fin de printemps-début été en les dispersant à une densité de 0,5 à 1/m² dans les habitats à alevins. Les juvéniles issus de truite de lac et ainsi déversés en affluents produisent plus de géniteurs de truite de lac remontant pondre dans l'affluent d'origine comparativement aux alevins issus de souches domestiques. Les taux de retour en affluent restent cependant faibles et les taux de recapture en lac ne sont pas connus. Il est donc essentiel de poursuivre les travaux sur la qualité de l'alevinage et la comparaison des divers modes de relâcher. Ces recherches sont susceptibles de conduire à de meilleurs rapports efficacité/coûts. IV. Etude de cas détaillé: le Redon, affluent du Léman Le devenir des très nombreux (0,7 à 1,5 million/an) et diversifiés alevins déversés en lac étant difficile à appréhender au niveau des captures dans le Léman lui-même, les études menées dans la période 1983-93 ont surtout visé à évaluer la composante "repeuplement" dans le fonctionnement du Redon, un petit affluent de 10 km situé sur la rive française du Léman (Figure 1). Sur le Redon, on retrouve une situation typique de nombreux affluents du Léman: une zone aval ouverte sur le lac mais rapidement interrompue en amont par un obstacle empêchant la remontée des truites de lac. Des inventaires par pêche électrique (2 ou 3 passages successifs, méthode DE LURY) ont été pratiqués à la mi-automne (fin octobre) chaque année de 1983 à 1990 sur la zone aval et moyenne du Redon pour étudier la population de juvéniles en place (Figure 14). La capacité 4/6
d'accueil maximale des radiers et rapides du cours principal du Redon est à la mi-automne de 100 0+/100 m² et de 20 1+/100 m². Des expériences de piégeage (CHAMPIGNEULLE et al., 1988) ont montré l'existence de dévalaisons vers le Léman de truitelles de 1 et de 2 étés. Les truitelles migrant à 1 an ont eu en rivière une croissance initiale plus forte que celle des truitelles dévalant à 2 ans. La zone aval accessible du Redon a été échantillonnée par plusieurs pêches à l'électricité (un passage) réparties sur l'ensemble de la saison de reproduction, de la mi-novembre à la fin janvier. Au total 556 géniteurs de truites de lac ont été capturés dans le Redon au cours des 10 saisons de reproduction de 1983-84 à 1992-93. L'âge des géniteurs varie entre 2 et 9 ans (1+ et 8+) et la taille entre 28 et 93 cm. Le pourcentage des individus âgés (? 3+: 4 ans et plus) est plus élevé chez les femelles (65 %) que chez les mâles (38 %). Le pourcentage de truites de 3 ans (2+) ne diffère pas entre les mâles (29 %) et les femelles (31 %). Par contre, le pourcentage de jeunes géniteurs (1+ = 2 ans) est très nettement supérieur chez les mâles (34 %) comparativement aux femelles (5 %). Les truites ayant 1, 2 ou 3 ans de croissance initiale faible, type rivière, représentent respectivement 72, 26 et 2 % chez les mâles et 60, 40 et 0 % chez les femelles capturées. La densité minimale d'oeufs potentiels déposés dans la zone aval du Redon a été estimée selon l'année à 1150 à 3880 oeufs/100 m². Pour apporter le même nombre d'oeufs il faudrait de 3 à 8 femelles sédentaires 2+/100 m² alors qu'il y en a toujours moins de 1/100 m² en zone ouverte à la pêche (contrairement à 5-8 en zone de réserve). Les géniteurs de truite de lac ont donc un rôle essentiel dans l'apport naturel en oeufs sur la zone aval du Redon. Le taux minimal de disparition entre le stade "oeufs potentiels" et le stade 0+ en fin octobre est très fort, compris entre 94,7 et 99,7 %. Les facteurs en cause (dévalaisons précoces et/ou mortalités à divers stades) ne sont encore ni quantifiés ni hiérarchisés. Une étude récente (CHAMPIGNEULLE, 1993) a cependant révélé, pour des alevins de truite de lac déversés, l'existence de dévalaisons très précoces ayant lieu avant la fin octobre, touchant préférentiellement des 0+ ayant eu la croissance initiale la plus forte. 5/6
Bibliographie CHAMPIGNEULLE A. 1985 - Analyse bibliographique des problèmes de repeuplement en omble chevalier (Salvelinus alpinus),truite fario (Salmo trutta) et corégones (Coregonus sp.) dans les grands plans d'eau. In : GERDEAUX D., BILLARD R. (eds), Gestion Piscicole des lacs et retenues artificielles, 187-217, INRA, Paris. CHAMPIGNEULLE A. 1993 - Programme pilote et recherches appliquées au pacage lacustre de salmonidés. I.-Travaux sur la truite en système lac-affluents. Rapport Institut de Limnologie I.L. Thonon, 68, 66 p. CHAMPIGNEULLE A., MICHOUD M., GERDEAUX D., GILLET C., GUILLARD J., ROJAS-BELTRAN R. 1988 - Suivi des pêches de géniteurs d'omble chevalier (Salvelinus alpinus L.) sur la partie française du lac Léman de 1982 à 1987. Premières données sur le pacage lacustre de l'omble. Bull. Fr. Pêche Pisc., 310, 85-100. CUINAT R. 1971 - Ecologie et repeuplement des cours d'eau à truites. Bull. Fr. Piscic., 240-242-243, 87 p. GUYOMARD R. 1989 - Diversité génétique de la truite commune. Bull. Fr. Pêche Piscic., 314, 118-135. LARGIADER C., SCHOLL A., GUYOMARD R. 1996 - The role of natural and artificial propagation on the genetic diversity of brown trout (Salmo trutta) of the upper Rhône drainage. In :. KIRCHHOFFER, HEFTI D. (eds), Conservation of endangered fish in Europe, 181-197, Birkhauser Verlag, Basel, Switzerland. NEEDHAM P.R. 1959 - New horizons in stocking hatchery trout. Trans. 24th North American Wildlife Conference, 395-407. 6/6