La garde de la personne dont l état mental présente Titre un danger pour elle-même ou pour autrui. Guide d application



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Transcription:

La garde de la personne dont l état mental présente Titre un danger pour elle-même ou pour autrui Guide d application Juin 2006

Coordination de l édition : Virginie Jamet Mise en pages : Madeleine St-Laurent @Association québécoise d établissements de santé et de services sociaux, 2006 La Direction des communications, Service de la gestion de l information 505, boul. De Maisonneuve Ouest Bureau 400, Montréal (Québec) H3A 3C2 Téléphone : (514) 282-4228 http ://wwww.aqesss.qc.ca Dépôt légal 2 e trimestre 2006 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISBN : 2-89636-026-3 Ce document est disponible gratuitement sur le site Web http://www.aqesss.qc.ca. dans la section «Accès membres» La reproduction d extraits est autorisée à des fins non commerciales avec mention de la source. Toute reproduction partielle doit être fidèle au texte utilisé.

L ASSOCIATION QUÉBÉCOISE D ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX (AQESSS) Au printemps 2005, l Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) naissait de la fusion de l Association des hôpitaux du Québec et de l Association des CLSC et des CHSLD du Québec. La nouvelle organisation est ainsi devenue le porte-parole de quelque 140 établissements membres. L AQESSS a pour mission de rassembler, de représenter et de soutenir les établissements membres dans l exercice de leurs missions afin d améliorer la qualité, l accessibilité et la continuité des services de santé et des services sociaux pour la population du Québec. L Association offre une gamme de services collectifs et individuels à l ensemble de ses membres et contribue au développement des réseaux intégrés de services dans une perspective populationnelle. III

AVANT-PROPOS Les principes et les modalités applicables en matière de garde d une personne dont l état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui trouvent leur source dans le Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64, le «C.c.Q.») et dans la Loi sur la protection des personnes dont l état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (chapitre P-38.001, la «Loi»), qui remplaçait la Loi sur la protection du malade mental. Depuis l entrée en vigueur de la Loi (1 er juin 1998), les tribunaux ont eu l occasion de se prononcer sur les règles applicables. De plus, certaines dispositions pertinentes du C.c.Q. ont été modifiées en 2002. Dès lors, une mise à jour et une intégration des guides de l Association des CLSC et des CHSLD du Québec, de juin 1998, et de l Association des hôpitaux du Québec, de juin 1998, s imposaient. Ce guide a été préparé par M es Magali Cournoyer-Proulx et Nathalie Lecoq de la firme Heenan Blaikie avec la précieuse collaboration de M e Sonia Amziane, avocate-conseil à l AQESSS, et du docteur Jean-Bernard Trudeau, directeur des services professionnels et hospitaliers à l Hôpital Douglas. IV

TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION... 1 Trois types de garde...1 Principes généraux...2 Dans quel établissement peut s effectuer la garde?... 3 Quand diriger une personne vers un autre établissement?... 3 Quand procéder au transfert d une personne vers un autre établissement?... 4 Consentement aux soins... 5 Examen psychiatrique... 5 Autres soins... 5 Mesures de contention... 6 Garde en établissement vs ordonnance de détention... 7 1. LA GARDE PRÉVENTIVE... 7 Qui peut être mis sous garde préventive?... 7 Existence d un danger grave et immédiat relié à un état mental... 8 Qui peut amener une personne contre son gré auprès d un établissement pour la mettre sous garde préventive?... 8 Intervention de l agent de la paix... 8 Qui peut demander l intervention de l agent de la paix?... 9 Intervention à la demande d un intervenant d un service d aide en situation de crise... 9 Responsabilités de l'agent de la paix... 10 Qui peut mettre une personne sous garde préventive?... 11 V

Établissement où peut s effectuer une garde préventive... 11 Obligations de l établissement qui reçoit la personne... 11 Examen par un médecin... 11 Avis au directeur des services professionnels... 13 Informations et avis... 13 Droits de la personne sous garde préventive... 14 Droit de communiquer avec des tiers... 14 Droit de contester une garde ou une décision prise en vertu de la Loi... 15 Durée de la garde préventive... 15 Fin de la garde préventive... 16 2. LA GARDE PROVISOIRE... 17 Demande de garde provisoire... 17 Qui peut demander une ordonnance de garde provisoire?... 17 Existence d un danger relié à l état mental... 18 Ordonnance de garde provisoire... 18 Rôle de l agent de la paix... 19 Établissement où peut s effectuer une garde provisoire... 19 Obligations de l établissement... 19 Prise en charge de la personne... 19 Évaluation psychiatrique... 20 Examens psychiatriques... 20 Délais applicables... 20 VI

Transmission du rapport... 21 Confidentialité et divulgation du rapport d examen psychiatrique... 21 Droits de la personne sous garde provisoire... 22 Droit de communiquer avec des tiers... 22 Droit de contester une garde ou une décision prise en vertu de la Loi... 22 Fin de la garde provisoire... 23 3. LA GARDE RÉGULIÈRE... 23 Contenu des rapports d examen psychiatrique... 24 Requête pour garde régulière... 25 Établissement où s effectue la garde régulière... 26 Durée de la garde régulière... 27 Obligations de l établissement pendant la garde régulière... 28 Informations à donner à la personne sous garde... 28 Examens psychiatriques périodiques... 28 Droits de la personne sous garde régulière... 30 Droit de communiquer avec des tiers... 30 Droit de contester une garde ou une décision prise en vertu de la Loi... 30 Droit d'être informé sur son plan de soins... 31 Transfert auprès d un autre établissement... 31 Renouvellement de la garde régulière... 31 Fin de la garde régulière... 32 CONCLUSION... 33 VII

ANNEXE 1 Document d information : Droits et recours d une personne sous garde.. 34 ANNEXE 2 Formulaire AH-108... 37 ANNEXE 3 Extraits de la Loi sur la protection des personnes dont l état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui... 41 ANNEXE 4 Dispositions pertinentes du Code civil du Québec en matière de garde et d évaluation psychiatrique... 48 ANNEXE 5 Dispositions pertinentes du Code de procédure civile en matière de garde et d évaluation psychiatrique... 51 ANNEXE 6 Dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux en matière de contention... 54 VIII

INTRODUCTION La garde peut être consentie librement aux conditions énoncées à l article 26 du C.c.Q. Dans les autres cas, on parle d une garde forcée (ou sans consentement) qui est préventive, provisoire ou régulière 1. Des règles différentes s appliquent selon le type de garde forcée d une personne. Soulignons sommairement, puisque nous y reviendrons plus loin, les caractéristiques particulières de ces trois types de garde. TROIS TYPES DE GARDE La garde préventive n est possible qu en cas de danger grave et immédiat pour la personne visée ou pour autrui. Elle est décidée par un médecin exerçant dans un établissement qui exploite un CLSC ou un centre hospitalier disposant des aménagements nécessaires pour y mettre la personne sous garde préventive, sans qu il soit nécessaire d obtenir l autorisation préalable d un tribunal et sans qu un examen psychiatrique ait été fait. Elle ne peut, sauf exception, excéder 72 heures. En l absence de danger grave et immédiat selon l avis du médecin, la garde préventive d une personne ne peut être envisagée. Cependant, comme nous le verrons, il importe alors qu une évaluation des besoins de cette personne soit faite par l établissement, lorsque requis. La garde provisoire n est possible que sur ordonnance d un tribunal afin de soumettre une personne à une évaluation psychiatrique. Elle peut être ordonnée par un tribunal pour prolonger la garde préventive d une personne afin de lui faire subir une évaluation psychiatrique, lorsqu au terme de la garde préventive, la personne refuse toujours d être gardée en établissement et d y subir une évaluation psychiatrique. Contrairement à la garde préventive, il n est pas nécessaire que le danger soit grave et immédiat. II suffit, en effet, que le tribunal ait des motifs sérieux de croire qu une personne représente un danger pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental. La durée de la garde provisoire varie en fonction de certains facteurs que nous analyserons plus loin. La garde régulière est celle qui est prononcée par un tribunal à la suite d une évaluation psychiatrique basée sur deux (2) rapports d examen psychiatrique concluant à la nécessité de cette garde. La durée de cette garde est déterminée par le tribunal. Notons, en terminant, que le tribunal n est pas lié par ces deux rapports. En effet, comme nous le 1 L appellation «garde régulière» n est pas une expression qui figure au Code civil du Québec mais elle est couramment utilisée par les praticiens pour désigner la garde en établissement ordonnée par le tribunal à la suite d une évaluation psychiatrique. 1

verrons plus loin, depuis une modification législative apportée en 2002 à l article 30 C.c.Q., quelle que soit la preuve qui pourrait lui être présentée, le tribunal n ordonnera la garde régulière que s il est lui-même convaincu de la nécessité d une telle garde et du fait que la personne est dangereuse. PRINCIPES GÉNÉRAUX II est intéressant de noter que la Loi n exige pas qu une personne soit atteinte d une maladie mentale ou qu elle ait une condition psychiatrique pour qu elle puisse faire l objet d une garde en établissement. La loi réfère, en effet, à un état mental (et non à une maladie mentale) présentant un danger pour la personne ou pour autrui. L expression «état mental» couvre aussi les troubles du comportement 2. Par conséquent, une autre maladie, une démence, une atteinte cognitive, une déficience ou un affaiblissement qui affecte l état mental d une personne peut la placer dans un état de dangerosité pour ellemême ou pour autrui justifiant la mise en place d un régime de garde. De plus, une personne ne peut être mise sous garde que si son état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui. Bien que le degré de dangerosité requis varie en fonction du type de garde, le danger doit exister en raison de l état mental de cette personne. On doit donc être en mesure d établir un lien entre l état mental de la personne et le danger qu elle présente pour elle-même ou pour autrui. À titre d illustration, le seul fait qu une personne soit violente ne suffit pas en soi pour justifier la garde; le comportement dangereux doit être dû à un état mental particulier. À l inverse, une personne peut présenter un état mental perturbé ou pathologique sans pour autant constituer un danger pour elle-même ou pour autrui. Ainsi, une personne souffrant d une maladie mentale peut très bien ne présenter aucun danger pour elle-même ou pour autrui lorsque sa maladie est bien contrôlée. Par ailleurs, les circonstances dans lesquelles se retrouve la personne permettent d apprécier la dangerosité que présente son état mental. À titre d exemple, une personne souffrant de troubles cognitifs peut ne représenter aucun danger pour elle-même ou pour autrui lorsqu elle est bien encadrée et suivie à domicile. Cependant, son état mental peut présenter un danger pour elle-même ou pour autrui dans l hypothèse où elle se retrouve seule à domicile et refuse toute aide. Plus loin, nous ferons un survol de la jurisprudence au regard de la notion de «dangerosité». 2 Protection du malade mental 4, [1997] C.A.S. 271. 2

En outre, la garde forcée constituant une atteinte, bien que légitime, à la liberté et l inviolabilité de la personne, en l occurrence des droits fondamentaux, il importe d appliquer les diverses dispositions législatives pertinentes avec beaucoup de rigueur. Comme l a précisé la Cour du Québec, «la sauvegarde de ces droits fondamentaux exige une interprétation restrictive de toute disposition portant atteinte à ces droits fondamentaux» 3. DANS QUEL ÉTABLISSEMENT PEUT S EFFECTUER LA GARDE? La garde préventive et la garde provisoire peuvent s effectuer dans un établissement exploitant l un des centres suivants, sous réserve que l organisation et les ressources de cet établissement, telles que prévues notamment par le plan stratégique pluriannuel de l agence de la santé et des services sociaux, lui permettent de procéder à ces mises sous garde : un CLSC disposant des aménagements nécessaires; un centre hospitalier. La garde régulière peut s effectuer dans un établissement exploitant l un des centres suivants, sous réserve que l organisation et les ressources de cet établissement lui permettent de procéder à cette mise sous garde et pourvu qu il dispose des aménagements nécessaires pour recevoir et traiter les personnes atteintes de maladie mentale : un centre hospitalier; un centre de réadaptation; un centre d hébergement et de soins de longue durée; un centre d accueil au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris, L.R.Q., c. S-5. QUAND DIRIGER UNE PERSONNE VERS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT? Un établissement est tenu de diriger immédiatement une personne qui doit être mise sous garde vers un autre établissement disposant des aménagements nécessaires lorsque se présente l une des situations suivantes : 3 Lirette c. C.M., [1997] R.J.Q. 1794, p. 1798 (juge Normand Bonin). 3

Lorsqu en raison de son organisation ou de ses ressources, un établissement n est pas en mesure de mettre une personne sous garde préventive, sous garde provisoire ou sous garde régulière, ou de procéder à un examen psychiatrique alors qu il est requis de le faire; Lorsqu une personne devant être admise sous garde préventive ou provisoire est conduite auprès d un établissement qui ne peut être requis de mettre une personne sous garde préventive ou sous garde provisoire; Lorsqu une personne devant être admise sous garde régulière est conduite auprès d un établissement qui ne peut être requis de mettre une personne sous garde régulière. QUAND PROCÉDER AU TRANSFERT D UNE PERSONNE VERS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT? Une personne sous garde régulière peut être transférée auprès d un autre établissement dans l un des cas suivants : À sa demande, en autant que l organisation et les ressources de l établissement auprès duquel elle sera transférée le permettent; À la demande de son médecin traitant s il juge que cet autre établissement est en mesure de mieux répondre à ses besoins, sous réserve que l organisation et les ressources de cet établissement le permettent. Le médecin doit alors obtenir le consentement de la personne, à moins que ce transfert ne soit nécessaire pour assurer sa sécurité ou celle d autrui. Le médecin doit également motiver sa décision et l inscrire au dossier de la personne. Dans ces deux cas, un transfert ne peut avoir lieu que si le médecin traitant atteste, par un certificat motivé que, selon lui, ce transfert ne présente pas de risques sérieux et immédiats pour cette personne ou pour autrui. Une copie du dossier de la personne sous garde doit être transmise au nouvel établissement. 4

CONSENTEMENT AUX SOINS Examen psychiatrique Le fait qu une personne soit placée sous garde préventive forcée n autorise pas l établissement ou le médecin à lui faire subir un examen psychiatrique contre son gré. Pour ce faire, l autorisation du tribunal est nécessaire en vertu de l article 27 du C.c.Q. S il est jugé nécessaire de soumettre la personne à une évaluation psychiatrique et que celle-ci la refuse, une demande en ce sens devra être présentée au tribunal avant l expiration du délai de 72 heures permis pour maintenir une personne en garde préventive, contre son gré. Notons, cependant, que la personne sous garde préventive peut toujours consentir à se soumettre à une évaluation psychiatrique si elle est apte à le faire. Si elle est inapte et qu elle ne s y oppose pas, le consentement substitué suffira. Dans de tels cas, l on peut alors procéder à l évaluation psychiatrique. Si les deux rapports d examen psychiatrique concluent ensuite à la nécessité de mettre la personne sous garde régulière et que la personne refuse toujours de demeurer hospitalisée, l établissement devra quand même s adresser au tribunal pour obtenir une telle ordonnance de garde bien que la personne ait consenti à l évaluation. Autres soins Pendant une garde, un majeur apte ou un mineur âgé de 14 ans et plus peut consentir seul aux soins requis par son état de santé. Il ne peut pas être soumis à des soins qu il refuse et ce, même si ces soins sont requis par son état de santé. Le seul fait d être sous garde en établissement ne le prive pas de ce droit. Rappelons que le cas d un mineur de moins de 14 ans, le consentement du titulaire de l autorité parentale est requis. De plus, s il s agit d un majeur inapte, le consentement sera donné par une personne mentionnée à l article 15 C.c.Q. selon l ordre qui y est prévu (mandataire, tuteur, curateur, conjoint 4, proche parent ou personne démontrant un intérêt particulier pour le majeur). Cependant, si le majeur inapte s oppose catégoriquement aux soins requis, le 4 Conjoint, qu il soit marié, en union civile ou en union de fait. 5

consentement substitué de la personne autorisée ne suffit plus; l autorisation du tribunal est alors requise, sauf en cas d urgence ou lorsqu il s agit de soins d hygiène. S il s agit d un mineur âgé de 14 ans et plus qui refuse les soins requis par son état de santé, l autorisation du tribunal est également nécessaire. Cependant, s il y a urgence et que la vie du mineur est en danger ou son intégrité menacée, le consentement du titulaire de l autorité parentale ou du tuteur suffit même si le mineur s y objecte (art. 16 al. 2 C.c.Q.). MESURES DE CONTENTION Compte tenu qu ils font face à une clientèle dangereuse, les établissements qui procèdent à des mises sous garde sont susceptibles de recourir à l utilisation de mesures de contention telles que la force, l isolement, un moyen mécanique ou une substance chimique. Cependant, l utilisation de ces mesures devra se faire conformément aux conditions prévues à l article 118.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-4.2, ci-après également désignée la «LSSSS», voir l annexe 6 du présent guide où est reproduite cette disposition), à savoir que : l utilisation doit être minimale et exceptionnelle; elle doit tenir compte de l état physique ou mental de la personne; elle doit servir à empêcher cette personne de s infliger ou d infliger à autrui des lésions; elle doit être en conformité avec le protocole d application de ces mesures qui doit être adopté par tout établissement. Cette disposition prévoit également que lorsqu une telle mesure est prise à l égard d une personne, elle doit faire l objet d une mention détaillée, par le personnel infirmier ou autre, dans le dossier de cette personne, laquelle doit notamment comprendre : une description des moyens utilisés; la période pendant laquelle ils ont été utilisés; une description du comportement qui a motivé la prise ou le maintien de cette mesure. Par ailleurs, il importe de souligner qu en vertu de cette disposition, tout établissement est tenu d adopter un protocole d application des mesures de contention et de les diffuser 6

auprès des usagers. Il doit, de plus, procéder à l évaluation annuelle de l application de ces mesures. GARDE EN ÉTABLISSEMENT VS ORDONNANCE DE DÉTENTION Lorsqu une personne fait l objet d une ordonnance de détention dans un hôpital à la suite d un verdict de non responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux en vertu de la partie XX.1 du Code criminel (L.R., 1985, ch. C-46), l établissement désigné dans l ordonnance assure la garde de cette personne. Il est donc superflu de demander en plus une garde en établissement au sens du C.c.Q. et de la Loi. Le même raisonnement s applique à l égard d une personne faisant l objet d une ordonnance de libération assortie de modalités selon laquelle le tribunal a accordé un pouvoir de délégation au responsable de l établissement lui permettant de resserrer les privations de liberté de la personne concernée, allant jusqu à son retour en détention. En l absence d une telle délégation de pouvoirs en vertu de l article 672.56 du Code criminel, l établissement ne pourra garder la personne contre son gré qu en vertu des dispositions pertinentes relatives à la garde contenues au C.c.Q. et dans la Loi, dans la mesure où elles s appliquent. Il convient maintenant d examiner plus en détail les règles spécifiques applicables aux trois types de garde : la garde préventive, la garde provisoire et la garde régulière. 1. LA GARDE PRÉVENTIVE QUI PEUT ÊTRE MIS SOUS GARDE PRÉVENTIVE? Une personne peut être mise sous garde préventive, contre son gré, lorsque l état mental de cette personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui. Il peut s agir d une personne qui : o est amenée, contre son gré, par un agent de la paix conformément à l article 8 de la Loi; o s amène de plein gré ou accepte d être conduite auprès de l établissement, mais une fois rendue sur place, refuse d y rester; o est déjà admise en établissement pour y recevoir des soins ou pour y subir une évaluation psychiatrique mais refuse d y demeurer. 7

EXISTENCE D UN DANGER GRAVE ET IMMÉDIAT RELIÉ À UN ÉTAT MENTAL La Loi ne définit pas l expression «danger grave et immédiat». La notion de «danger grave», renvoie à une situation où l intégrité ou la vie d une personne est en péril. Quant au terme «immédiat», il n implique pas nécessairement que la personne présentant des troubles d ordre mental soit en train de passer à l acte. Selon nous, le danger est immédiat lorsque le risque est sur le point d advenir et qu aucune autre solution que la garde préventive forcée ne peut permettre d empêcher qu il se produise. En résumé, il doit s agir d un danger appréhendé et susceptible de survenir à court terme. De plus, il doit être question d une situation d urgence et non pas d une situation qui se dégrade progressivement et que l on peut voir venir et régler autrement. Ainsi, une personne âgée vivant seule à domicile, ayant une condition mentale déficiente appelée à se détériorer, ne peut, à notre avis, être mise sous garde préventive forcée sur la simple présomption qu il n est plus approprié pour elle de demeurer à domicile et qu elle pourrait éventuellement mettre le feu par inadvertance et constituer ainsi un danger potentiel pour les personnes vivant dans le même immeuble. Si une telle personne est inapte à consentir et qu elle refuse catégoriquement d être hébergée en établissement, une requête devant le tribunal à l effet d autoriser l hébergement serait plus appropriée dans les circonstances. En somme, la garde préventive vise d abord à stabiliser une situation de crise momentanée qui peut se résorber dans un court délai ou, dans le cas contraire, elle constitue une première étape pouvant mener à la garde régulière dont il est question à l article 30 du C.c.Q. QUI PEUT AMENER UNE PERSONNE CONTRE SON GRÉ AUPRÈS D UN ÉTABLISSEMENT POUR LA METTRE SOUS GARDE PRÉVENTIVE? Intervention de l agent de la paix L article 8 de la Loi permet à un agent de la paix d amener, sans l autorisation du tribunal, une personne contre son gré, en cas de danger grave et immédiat relié à son état mental, auprès d un établissement approprié afin qu elle soit examinée par un médecin qui décidera s il y a lieu de la placer sous garde préventive. II s agit là d une nouveauté ayant dissipé le doute qui existait jusqu à l entrée en vigueur de la Loi quant au pouvoir des policiers de contraindre une personne constituant un danger pour elle-même à se 8

rendre auprès d un établissement. En effet, ce n est que lorsqu une personne constituait un danger pour autrui qu il était clair que les agents de la paix pouvaient intervenir et ce, en vertu de leur mandat général de protection du public. Qui peut demander l intervention de l agent de la paix? 1. Tout intervenant d un service d aide en situation de crise reconnu par l agence de la santé et des services sociaux dans le cadre de son plan stratégique pluriannuel en santé mentale lorsque cet intervenant estime que l état mental de cette personne présente un danger grave et immédiat. II peut s agir ici d un intervenant d un établissement exploitant un CLSC ou d un organisme communautaire œuvrant dans le domaine de la santé mentale. 2. Lorsqu aucun intervenant d un service d aide en situation de crise n est disponible en temps utile, pour évaluer la situation, l une ou l autre des personnes suivantes : a) dans le cas d un mineur : le titulaire de l autorité parentale ou le tuteur. L âge du mineur importe peu, de sorte que la demande peut viser tant un mineur de 14 ans et plus qu un mineur âgé de moins de 14 ans; b) dans le cas d une personne majeure : son représentant légal (mandataire, tuteur ou curateur), son conjoint, un proche parent ou une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier. Soulignons ici qu il n est pas nécessaire que le majeur ait été préalablement jugé inapte. De plus, contrairement à la règle applicable en matière de consentement substitué aux soins, il n existe pas d ordre préférentiel au niveau des personnes ci-dessus mentionnées. Cela nous semble logique puisque l article 8 de la Loi s applique dans un contexte de danger grave et immédiat. Ainsi, même si la personne visée est représentée par un mandataire ou par un curateur, la demande peut être faite par le conjoint, par un proche ou par une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier. Intervention à la demande d un intervenant d un service d aide en situation de crise Lorsque la demande d intervention provient d un intervenant d un service d aide en situation de crise, il suffit que ce dernier estime que l état mental de la personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui, pour justifier l intervention de l agent de la paix. L agent de la paix ne peut pas substituer son opinion à celle de l intervenant car la loi n exige pas, dans un tel cas, que l agent de la paix ait également 9

des motifs sérieux de croire que l état mental de la personne visée constitue un danger grave et immédiat. Puisque c est l intervenant qui prend la décision à l effet que la personne doit être amenée contre son gré auprès d un établissement en vue de l évaluation d une garde préventive par le médecin de l établissement, il serait opportun qu il communique à l agent de la paix et, éventuellement, au médecin les informations pertinentes relatives à cette personne. De cette façon, le médecin disposera d une information plus complète pour prendre une décision éclairée en regard de la garde préventive. Responsabilités de l agent de la paix Enfin, lorsque l agent de la paix amène, contre son gré, une personne auprès d un établissement, il en demeure responsable jusqu à ce que l établissement puisse la prendre en charge (art. 14 de la Loi). De plus, il doit informer cette personne : du fait qu elle est amenée auprès d un établissement pour être examinée par un médecin; du lieu où elle est amenée; de son droit de communiquer immédiatement avec ses proches et un avocat. En nous inspirant du libellé de l article 15 de la Loi qui détermine les obligations de l établissement au moment de la prise en charge, nous en venons à la conclusion que la prise en charge ne survient que lorsqu une décision de mettre la personne sous garde préventive est prise par le médecin. En effet, l article 15 nous indique que lors de la prise en charge, l établissement doit informer la personne du lieu où elle est gardée et du motif de cette garde, ce qui suppose donc une décision préalable de garder la personne et qui ne peut être prise qu une fois l examen médical complété. Par conséquent et selon nous, l agent de la paix doit demeurer avec la personne tant qu un médecin n a pas statué sur la garde préventive de cette personne, d autant plus qu il peut constituer une source précieuse d informations pour éclairer le médecin dans sa prise de décision. Cependant, l examen par le médecin de la personne amenée dans un établissement doit se faire avec diligence. 10

QUI PEUT METTRE UNE PERSONNE SOUS GARDE PRÉVENTIVE? Tel que le prescrit l article 7 de la Loi, seul un médecin exerçant sa profession dans un établissement exploitant un CLSC ou un centre hospitalier disposant des aménagements nécessaires pour mettre une personne sous garde peut décider de placer une personne, contre son gré, sous garde préventive s il est d avis que l état mental de la personne constitue un danger grave et immédiat et ce, même si aucun examen psychiatrique a été effectué. Par ailleurs, la Loi n exige pas que le médecin soit psychiatre pour pouvoir mettre une personne sous garde préventive. ÉTABLISSEMENT OÙ PEUT S EFFECTUER UNE GARDE PRÉVENTIVE Tel que mentionné précédemment, l article 6 de la Loi précise que seuls les établissements suivants peuvent être requis de mettre une personne sous garde préventive : un établissement exploitant un CLSC disposant des aménagements nécessaires, c est-à-dire, selon nous, qui possède des installations pouvant assurer la garde de cette personne de manière sécuritaire pour elle-même et pour autrui et où des médecins exercent leur profession; un établissement exploitant un centre hospitalier. De même, lorsque l établissement où la personne est conduite ne peut, en raison de son organisation ou des ressources disponibles, mettre la personne sous garde, l article 23 de la Loi l oblige à diriger immédiatement la personne vers un établissement adéquat. Puisqu il n y a pas de prise en charge par l établissement au sens de l article 8 de la Loi, il ne s agit pas d un transfert et, par conséquent, même si la Loi est silencieuse à cet égard, nous sommes d avis qu il incombe à l agent de la paix de la conduire auprès de cet autre établissement et d en informer la personne. OBLIGATIONS DE L ÉTABLISSEMENT QUI REÇOIT LA PERSONNE Examen par un médecin L avant-dernier alinéa de l article 8 de la Loi précise que l établissement où la personne est amenée doit la prendre en charge dès son arrivée et la faire examiner par un médecin qui décidera alors si elle doit être mise sous garde préventive. Cette obligation de l établissement de prise en charge immédiate peut être atténuée si le personnel médical 11

est appelé à traiter des urgences médicales prioritaires au moment de l arrivée de la personne. Dans ce cas, la personne demeure sous la garde de l agent de la paix jusqu à ce qu elle puisse être prise en charge par l établissement. À cette étape, le médecin qui examine la personne n a pas à établir un diagnostic définitif, ni à évaluer la gravité de l atteinte à l état mental de la personne. L examen dont il est question à l article 8 de la Loi vise seulement à vérifier, à la lumière des informations transmises au médecin et des observations que ce dernier fait lui-même, si l état mental de la personne est tel que la personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui. En effet, la Loi n exige pas que l examen fait à cette étape remplisse les mêmes exigences que celles prévues pour un examen psychiatrique fait dans le cadre d une procédure menant à une garde régulière. Soulignons, de plus, que cet examen ne constitue pas l un des deux examens psychiatriques requis en vertu de l article 28 du C.c.Q. et pouvant mener à la garde régulière prévue à l article 30 du C.c.Q. Le médecin n a donc pas à évaluer la situation en fonction des critères applicables pour décider d une garde régulière puisqu il intervient dans le contexte particulier de la garde préventive qui est limitée à 72 heures. En somme, le médecin doit se poser les questions suivantes : L état mental de la personne est-il atteint ou non? La personne constitue-t-elle un danger grave pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental? Les circonstances de l affaire indiquent-elles que ce danger peut se matérialiser à brève échéance si la personne n est pas mise sous garde préventive forcée? Si le médecin est d avis que la réponse à ces trois questions est affirmative, il peut mettre la personne sous garde préventive. Dans le cas contraire, il ne peut pas le faire. La personne ne peut alors être gardée en établissement que si elle y consent. Sinon, elle doit être libérée. Toutefois, selon un rapport de coroner émis en lien avec une telle situation, il est alors recommandé qu une évaluation des besoins de cette personne soit quand même faite par l établissement. De même, si un suivi est nécessaire, le médecin devrait s assurer d orienter la personne vers les professionnels qui pourront assurer un tel suivi. 5 5 Jean-Bernard TRUDEAU, «La garde en établissement : Intervenir avant de judiciariser la dangerosité», 12