Grands habitats fossoyés de Thaïlande (Âges du Bronze et du Fer) L habitat de Noen U-Loke (Âge du Fer) Capture d écran de Google Earth, avec augmentation des contrastes. Cette note souhaite attirer l attention sur la contribution de l imagerie satellitale à la connaissance des sites fossyés d Asie du sud-est. La multiplication des missions à haute définition sur la Thailande devrait permettre, aujourd hui, de réaliser un inventaire et une
étude des habitats fossoyés qui occupent par centaines les vallées et les zones humides dans des conditions meilleures que celles dont ont disposé les chercheurs jusqu ici. On en trouve tout particulièrement dans la vallée du Mae Nam Mun, un affluent de rive droite du Mékong. Ces établissements constituent la forme la plus visible de l habitat protohistorique entre 2000 et 500 av. J.-C. environ. Les fouilles récentes de Non Ban Jak (Higham et al. 2014) ont mis en évidence une occupation de la fin de l Âge du Fer. Ils sont connus depuis longtemps et leur inventaire déjà bien amorcé. Dès leur découverte, notamment par l exploitation des missions photographiques aériennes de la RAF pendant et après la seconde guerre mondiale (Lertlum et Moore, sd), on a parlé de moated sites ou «sites fossoyés». Ces recherches pionnières ont été conduites en parallèle avec celles qui portaient sur le site d Angkor (Jelen, sd). Les travaux ont, jusqu ici, mis l accent sur l habitat enclos, les activités artisanales et les vestiges funéraires, au détriment des aspects géographiques et planimétriques, moins développés. Des analyses morphologiques mettant en évidence les liens entre ces habitats, le réseau des canaux, la disposition du parcellaire et la voirie permettraient d avancer dans la connaissance de la maîtrise des milieux par les sociétés locales. On a suggéré que le développement de cette culture archéologique avait été dû à la progression de la culture du riz vers le sud pendant le Néolithique, le changement climatique interdisant de poursuivre son exploitation plus au nord (Higham et Lu 1998 ; discuté dans Boyd et Chang 2010). Les inteprétations des années 1950)-1970 étaient marquées par les interrogations sur le degré de planification et la présence de l État que laissaient supposer la construction d aussi importants établissements. Aujourd hui, de préférence, on cherche les interactions des sociétés avec les milieux géographiques et les interprétations sont plus écologiques (dites «environnementales»). Ban Non Wat à gauche ; Lum Khao à droite. Captures d écran de Google Earth
L établissement de Ban Non Khrus Chut ou Non Ban Jak (Google Earth) Parmi les pistes de recherches, il y aurait intérêt à étudier la distribution de l eau dans les zones basses, et de relever le rôle répartiteur et régulateur des nœuds que représentent les canaux et bassins ciculaires. Répartiteur-réservoir de Nai Mueang (Phimai) à gauche ; répartiteur de Mueang Yang à droite. (Captures d écran de Google Earth) Certains grands établissements auraient pu jouer ce rôle et être eux-mêmes des réservoirs et de tels nœuds répartiteurs. C est ce que suggère la multiplication des fossés autour de
nombreux habitats, signifiant que la préoccupation de défense et celle de mise en réserve d eau ont pu être conjuguées. C est aussi ce qu indique la morphologie de l habitat de Dong Mae Nang Muang, au nord-ouest de la Thaïlande (Pongkasetkan, sd). Je propose ci-dessous une interprétation de ce type pour l habitat de NoenU-Loke. L ampleur de la zone concentrique développée autour de la zone d habitat paraît exclure une unique fonction de défense (dans ce cas il y aurait eu cinq, voire six remparts encadrant quatre ou cinq très larges fossés, le tout sur une superficie de près de trois fois celle de l habitat) au profit d une association entre défense et mise en réserve d eau. Une interprétation du site de Noen U-Loke : habitat, défense, réserve d eau et parcellaire. Ce type d habitat est très répandu dans tout le sud-est asiatique. Au Cambodge, on parle de la Culture Mimotienne, en référence au site de Mimot ou Memot où se trouve l un des plus importants habitats de ce type (Dega, sd ; Albrecht et al., 2001). G. Chouquer, août 2015
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