Diagnostic de laboratoire des troubles du métabolisme du fer

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Transcription:

Diagnostic de laboratoire des troubles du métabolisme du fer Roberto Herklotz, Andreas Huber Quintessence P Une ferritine <30 µg/l prouve, chez les femmes comme chez les hommes, que la réserve de fer est insuffisante, donc un manque de fer. Des valeurs de 30 à 50 µg/l correspondent à une zone grise. Toutefois, une ferritine basse ne permet pas de savoir si l érythropoïèse est perturbée ou non par le manque de fer. P Un manque de fer fonctionnel apparaît dès que l apport en fer aux organes et aux tissus est insuffisant. Il s exprime le mieux par les signes d une érythropoïèse insuffisante par manque de fer. Un manque de fer fonctionnel ne doit pas nécessairement résulter de réserves de fer insuffisantes; il peut se produire même si elles sont suffisantes en cas de troubles de la distribution du fer ou d un métabolisme du fer exacerbé. P Si les réserves de fer sont épuisées, l augmentation de la protoporphyrine-zinc (ZnPP) et du récepteur soluble de la transferrine (stfr) témoignent très fiablement d un manque de fer fonctionnel et donc de l importance d une érythropoïèse déficiente par manque de fer. La ZnPP et le stfr permettent le diagnostic précoce d une carence en fer, avant même la manifestation d une anémie (carence martiale sans anémie). P Les augmentations non spécifiques de la ferritine, sans rapport avec les réserves de fer, sont fréquentes et peuvent masquer une carence martiale. Elles se produisent dans les états inflammatoires aigus et chroniques, de même que dans les hépatopathies. Le status du fer ne peut alors être précisé que par le dosage de la ZnPP et du stfr. Des réserves de fer insuffisantes dans les états inflammatoires peuvent cependant être la plupart du temps exclues avec des taux de ferritine >100 µg/l. P Les comportements différents de la ZnPP et du stfr dans les pathologies inflammatoires chroniques permettent de faire la distinction entre carence martiale et trouble de la distribution du fer, voire une association des deux, indépendamment du taux de ferritine. La pathogenèse d un trouble du métabolisme du fer ou d une anémie peut être expliquée par une augmentation de la ZnPP avec un stfr normal en cas d anémie sur maladie chronique, alors que toutes les deux sont augmentées lors d une carence martiale. P Pour préciser la nature des troubles du métabolisme du fer ou prouver une carence martiale, il n y pas «LE marqueur». Chaque paramètre de laboratoire a ses propres caractéristiques, chacun décrivant des réactions biochimiques différentes. Il faut souvent recourir à plusieurs paramètres pour se faire une idée juste de l état du métabolisme du fer. Roberto Herklotz Les auteurs certifient qu aucun conflit d intérêt n est lié à cet article. Introduction Une carence martiale est la cause la plus fréquente d une anémie en pratique médicale courante. Les examens de laboratoire ont une importance centrale dans l analyse des troubles du métabolisme du fer et par conséquent de la carence martiale. Bien que la quantité de fer présente dans l organisme puisse, la plupart du temps, être estimée par le dosage de la ferritine, une ferritine basse ne permet pas de tirer de conclusion définitive sur l étiologie d une anémie. Cette dernière n est qu un symptôme et peut résulter de troubles du métabolisme du fer plus complexes que le «simple» manque de fer. Cela est notamment le cas en présence d une inflammation ou d une infection ainsi que lors d une autre pathologie hématologique concomittante. Sont connus, comme véritables troubles du métabolisme du fer, la carence martiale et les troubles de la distribution et/ou de l utilisation du fer. Comme l hémoglobine contient les 2 / 3 environ du fer de l organisme, Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 498 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch. les troubles du métabolisme du fer vont souvent de pair avec une diminution de l érythropoïèse. Les pathologies érythrocytaires non liées au fer ont elles aussi une influence sur le métabolisme du fer. Le présent article décrit les avantages et inconvénients des paramètres conventionnels pour l analyse des troubles du métabolisme du fer et les confronte à la puissance diagnostique de nouveaux paramètres. Il montre comment le recours à des examens de labora- Abréviations ACD Anémie dans les maladies chroniques MCH Hémoglobine corpusculaire moyenne MCV Volume érythrocytaire moyen RDW Distribution du diamètre des érythrocytes r-huepo Erythropoïétine humaine recombinante RPI Index de production réticulocytaire stfr Récepteur soluble de la transferrine TfS Saturation de la transferrine ZnPP Protoporphyrine-zinc Forum Med Suisse 2010;10(30 31):500 507 500

toire ciblés permet une classification pathogénétique des troubles du métabolisme du fer et leur détection à un stade précoce avec toute la sensibilité voulue. Les connaissances que nous en tirons peuvent contribuer à préciser les étiologies d une pathologie hématologique. Carence martiale, troubles de la distribution et de l utilisation du fer Il y a carence martiale lorsque la quantité totale de fer dans l organisme est abaissée. Elle passe par 3 stades progressifs de gravité. Une diminution de la résorption ou une perte de fer mène à un épuisement des réserves. L érythropoïèse n est pas encore influencée, et on parle d un manque de réserves en fer (stade I). Avec la progression de l appauvrissement en fer se développe un manque de fer fonctionnel,caractérisé par une érythropoïèse déficiente en fer en raison de l apport insuffisant de fer aux précurseurs des érythrocytes (stade II). Ce n est que grâce aux mécanismes de régulation de l organisme qu une quantité normale d hémoglobine peut être conservée. Comme conséquence de l appauvrissement en fer de différents tissus, des symptômes généraux, déjà cliniquement spécifiques du manque de fer fonctionnel peuvent se présenter: baisse des performances physiques, troubles cognitifs, perturbation de la thermorégulation et fatigue. Finalement la synthèse normale de l hémoglobine n est plus assurée. Il apparaît alors une anémie ferriprive, tout d abord normochrome et normocytaire (stade IIIa), et enfin hypochrome et microcytaire (stade IIIb). Dans les maladies inflammatoires aiguës ou chroniques (auto-immunes, infectieuses et cancéreuses), sous l effet des cytokines, il y a une prolifération anormale des précurseurs des érythrocytes, une production abaissée d érythropoïétine, une durée de vie abrégée des érythrocytes et une mobilisation anormale du fer pour l érythropoïèse. Cette dernière est due à une diminution de la résorption duodénale du fer ainsi qu à une augmentation de sa captation et de sa rétention dans le système réticulo-endothélial (bloc RES). Le manque de fer fonctionnel résultant de ce trouble de la distribution du fer malgré des réserves pleines est déterminant dans la pathogenèse de l anémie dans les maladies chroniques (ACD). L ACD est généralement normochrome, normocytaire, et vu le manque de fer fonctionnel toujours plus marqué, elle se transforme en anémie hypochrome et microcytaire. Bien que la baisse de la production d érythropoïétine et l inhibition de l érythropoïèse sous l effet de l urémie contribuent dans une large mesure à l anémie rénale, celle-ci a aussi certaines caractéristiques de l ACD. Dans l insuffisance rénale terminale, il peut se produire une activation chronique du système immunitaire suite au contact de ses cellules avec les membranes de dialyse et/ou d épisodes fréquents d infections, ce qui peut provoquer un trouble de la distribution du fer. Suite aux pertes sanguines lors des dialyses et àlabaisse de la résorption intestinale du fer dans l urémie, les hémodialysés développent assez fréquemment un manque de fer absolu en plus d un manque de fer fonctionnel. Ces dernières années, l utilisation de la r-huepo a fortement augmenté, non seulement dans la correction de l anémie rénale mais aussi dans le traitement symptomatique de l ACD. La cause la plus fréquente d une réponse sous-optimale à un traitement par r-huepo est l apparition d un manque de fer fonctionnel. L érythropoïèse sur carence martiale peut résulter d un manque absolu de fer, mais c est plus souvent l organisme qui se trouve dans l incapacité d en assurer un apport suffisant à la moelle osseuse pour l érythropoïèse, et cela malgré des réserves suffisantes. L apparition d une «iron restricted erythropoiesis» sous r-huepo n est pas uniquement le fait des patients ayant une anémie rénale ou une ACD. Il a été démontré, chez des personnes en bonne santé et ayant des réserves de fer pleines, que lors d une stimulation de plus de 3 fois de l érythropoïèse,la capacité limitée de mobilisation du fer ne permet plus de subvenir aux besoins accrus pour la production de sang. Paramètres pour préciser les troubles du métabolisme du fer Les paramètres biochimiques du métabolisme du fer utilisés sont le fer, la ferritine, la transferrine, la saturation de la transferrine, le récepteur soluble de la transferrine et la protoporphyrine-zinc (tab. 1 p). En plus des indices érythrocytaires, les appareils d hématologie modernes offrent également de nouvelles possibilités de diagnostic des troubles du métabolisme du fer. De nombreuses études ont tenté d identifier le meilleur marqueur de la carence martiale et/ou celui permettant au mieux de juger de la situation métabolique du fer. Il n y a pas de «meilleur» marqueur. Les différences de valeur diagnostique de ces différents paramètres du métabolisme du fer proviennent de ce que chacun exprime une réaction biochimique qui lui est propre. Avant de discuter du diagnostic de laboratoire des troubles du métabolisme du fer il faut d abord décrire brièvement les paramètres ci-dessus. Fer, transferrine et saturation de la transferrine La concentration de fer dans le sérum subit de grandes variations (coefficient journalier 10 20%, d un jour à l autre 20 30%). Elle dépend dans une large mesure de l alimentation et peut changer en 10 minutes. Indépendamment de son status dans l organisme, le fer est diminué dans les inflammations aiguës ou certaines maladies chroniques (par ex. arthrite rhumatoïde, tumeurs malignes) et augmenté dans les hémolyses (in vivo et in vitro). C est pour toutes ces raisons que la concentration sérique de fer est considérée comme obsolète pour juger du status du fer dans l organisme. En pratique clinique, le dosage du fer n est justifié que pour le calcul de la saturation de la transferrine et dans le but de confirmer un trouble de sa résorption selon le test ad hoc. Le fer n est pas libre dans le plasma, mais lié à la transferrine. Chaque molécule de transferrine peut lier 2 ions Fe 3+ au maximum, soit 1,25 mg de fer pour 1 gramme de transferrine. La saturation de la transfer- Forum Med Suisse 2010;10(30 31):500 507 501

Tableau 1. Aperçu des paramètres de laboratoire standard dans différents troubles du métabolisme du fer. Carence martiale Stade I Stade II Stade III Anémie dans maladies chroniques Hémosidérine médullaire 0 0 0 2 n 2 n Sidéroblastes médullaires n 4 4 4 n Ferritine 4 4 4 n 2 n 2 Fer n n 4 4 4 n Transferrine n n 2 2 n 4 n TfS n 4 4 n 4 n ZnPP n 2 22 2 n( 2) stfr n 2 22 4 n( 2) Hémoglobine n n 4 4 4 n MCV n n 4 n n 4 4 MCH n n 4 n n 4 4 RDW n n 2 n n( 2) Hypo% n 4 4 4 n 44 Thalassémie mineure Figure 1 Représentation schématique de l évolution des différents paramètres de laboratoire dans la carence martiale progressive. rine (TfS) est le quotient des concentrations de fer et de transferrine et elle est exprimée en %. La concentration plasmatique de transferrine est contrôlée par le fer tissulaire, surtout hépatocytaire. La synthèse de transferrine augmente s il est bas et diminue s il est élevé. Si les réserves de fer sont vides, l érythropoïèse sera déficiente et davantage de transferrine sera synthétisée dans une tentative compensatoire de maintenir le fer plasmatique total constant aussi longtemps que possible. La TfS diminue par voie de conséquence. Comme paramètre signalant une diminution du transport du fer, une TfS basse est donc indirectement aussi un indicateur d un manque de fer fonctionnel. La TfS est normalement de 20 à45%. Si elle est <15% elle prouve pratiquement un manque de fer fonctionnel. Il faut cependant bien préciser que la TfS n est pas un paramètre sensible pour le diagnostic d un manque de fer fonctionnel. Elle ne tombe en dessous de 15% que si les réserves de fer sont vides et si l hémoglobine achuté de 20 g/l par rapport à sa valeur initiale. En outre, elle peut ne diminuer que très peu malgré la progression de la carence martiale, raison pour laquelle elle ne peut être utilisée pour estimer la gravité d un manque de fer fonctionnel (fig. 1 x). La sensibilité de la TfS pour un manque de fer fonctionnel dans une ACD est diminuée par le fait que la transferrine réaction négative lors de la phase aiguë ne voit ses concentrations diminuer que modérément dans les inflammations aiguës et chroniques. La TfS subit en outre des variations circadiennes, tout comme le fer sérique. Mais elle est tout de même considérée en clinique comme l indicateur du fer disponible pour l érythropoïèse et donc pratiquement le seul paramètre utilisé pour prouver un manque de fer fonctionnel. De nouveaux paramètres (v. plus loin) contribuent cependant à augmenter la fiabilité de ce diagnostic. Ferritine La fonction de la ferritine est de stocker le fer tout en protégeant la cellule des effets toxiques du fer ionisé. La bonne corrélation entre la ferritine et les réserves de fer 1 µg/l de ferritine dans le plasma correspond à 8 10 mg de fer en réserve en fait le paramètre de confirmation d un manque de fer en réserve. Une concentration de ferritine <30 µg/l est considérée comme la preuve de réserves de fer insuffisantes, aussi bien chez les femmes que chez les hommes. Une ferritine basse prouve donc que le fer en réserve est insuffisant, mais pas que l érythropoïèse est concernée, et de ce fait elle ne permet pas de dire si une anémie est imputable à une carence martiale ou non. Des augmentations de la concentration de ferritine, indépendantes des réserves de fer, sont fréquentes et peuvent masquer une carence martiale. Etant une protéine de phase aiguë, son taux augmente dans les états inflammatoires aigus et chroniques (pathologies malignes, infections chroniques, maladies auto-immunes). Une fois les infections aiguës guéries, la ferritine peut rester augmentée jusqu à 5 semaines. Elle est également augmentée dans les hépatopathies. Dans de telles situations, mais aussi quelques semaines après injec- Forum Med Suisse 2010;10(30 31):500 507 502

tion i.v. de fer, la concentration de ferritine n a plus aucun rapport avec les réserves de fer. Il peut y avoir une carence martiale malgré un taux de ferritine dans les normes. Protoporphyrine-zinc: paramètre fonctionnel de l érythropoïèse sur manque de fer La ferrochélatase catalyse l étape finale de la synthèse de l hème, soit l incorporation de ions Fe 2+ dans la protoporphyrine IX. Si l apport de fer pour l érythropoïèse est insuffisant, c est le zinc qui prend sa place dans la protoporphyrine IX et la protoporphyrine-zinc (ZnPP) remplace l hème. Une ZnPP augmentée signale qu il n y a pas assez de fer pour la synthèse de l hème. La ZnPP témoigne ainsi d une érythropoïèse sur manque de fer, c est-à-dire d un manque de fer fonctionnel, en montrant que l offre en fer est insuffisante. La ZnPP peut être dosée dans les érythrocytes de sang EDTA selon une technique fluorométrique simple, rapide et très peu onéreuse. Les résultats sont donnés en µmol/mol d hème. S il n y a que les réserves de fer qui sont insuffisantes, les valeurs normales de ZnPP sont <50 µmol/mol d hème, car le fer à disposition pour l érythropoïèse est encore suffisant. Dès que l érythropoïèse diminue par manque de fer, davantage de ZnPP est synthétisée. Dans une anémie ferriprive cliniquement manifeste, les taux de ZnPP sont >80 µmol/mol (fig. 1). Comme la ZnPP est localisée dans les érythrocytes, elle ne varie que si les anciens sont remplacés par des nouveaux. Un manque de fer fonctionnel est donc diagnostiqué avec une grande sensibilité par la ZnPP mais après un certain délai seulement. Une fourniture insuffisante de fer pour l érythropoïèse peut provenir non seulement d une carence martiale mais aussi d un trouble de la distribution du fer (ACD) ou de situations dysérythropoïétiques (syndrome myélodysplasique, saturnisme, b-thalassémie majeure). Dans de telles maladies, la ZnPP est généralement <80 µmol/mol d hème. Des taux >100 µmol/mol d hème ne sont atteints que dans des situations très graves. Des taux de 50 à 80 µmol/mol dans un collectif non sélectionné n ont donc qu une spécificité modérée pour un manque de fer dû à des réserves vides. Si les taux sont de 100 à150 µmol/mol d hème, la spécificité de la ZnPP pour la carence martiale est déjà de 97%, et de pratiquement 100% avec des taux >150 µmol/mol d hème. La ZnPP peut ainsi être considérée comme le paramètre du contrôle final de la synthèse de l hème reflétant avec une bonne sensibilité un manque de fer fonctionnel de toute étiologie. Un taux de ZnPP normal exclut donc pratiquement un trouble du métabolisme du fer cliniquement important. Récepteur soluble de la transferrine: paramètre fonctionnel d un besoin en fer accru Le récepteur de la transferrine est une protéine de transport membranaire qui lie la transferrine avec son fer à la surface des cellules et la transporte à l intérieur. L importance du récepteur de la transferrine consiste à fournir du fer aux cellules, et il est particulièrement exprimé sur les précurseurs érythropoïétiques. Le récepteur soluble de la transferrine(stfr) plasmatique est un fragment du récepteur cellulaire résultant d une réaction protéolytique. La concentration du stfr est en corrélation avec la quantité totale des récepteurs membranaires, qui dépend quant à elle du nombre de précurseurs érythrocytaires et de l apport de fer à l organisme. La quantité de stfr est donc un indicateur de la demande de fer par la moelle osseuse, reflétant l activité érythropoïétique du moment ou les besoins en fer. La déterminante la plus importante de la concentration de stfr est l activité érythropoïétique médullaire. Des concentrations basses se voient dans l hypoplasie médullaire, comme c est le cas dans l insuffisance rénale chronique, les anémies aplastiques ou après chimiothérapie intensive. Un minimum de 8 fois moins que la normale correspondant à la participation des tissus non érythropoïétiques au taux de stfr est atteint lorsqu il n y a plus aucune érythropoïèse. Des concentrations augmentées, jusqu à 20 fois la norme, se voient dans les situations de stimulation de l érythropoïèse, par ex. anémies hémolytiques, syndromes thalassémiques graves, anémies mégaloblastiques ou syndromes myélodysplasiques. Le stfr n est un paramètre de l activité érythropoïétique que lorsque les réserves de fer sont suffisantes. Si elles sont épuisées et s il n y a plus assez de fer disponible pour l érythropoïèse, l expression du récepteur de la transferrine est augmentée, tout comme la densité des récepteurs sur les précurseurs érythrocytaires. C est ainsi que le stfr augmente proportionnellement aux besoins en fer (fig. 1). Comme la ZnPP, le stfr reflète un manque de fer fonctionnel avec des réserves vides. Mais la ZnPP et le stfr varient de façon différente dans les troubles de la distribution du fer. Malgré une érythropoïèse avec manque de fer et une augmentation de la ZnPP (v. plus haut), les précurseurs érythrocytaires n ont pas besoin de plus de fer, et la concentration de stfr n est pas notablement influencée. Une augmentation du stfr dans une ACD signifie qu il y a en plus une carence martiale. L apport des automates hématologiques Les indices érythrocytaires MCV et MCH ne permettent un diagnostic relativement spécifique que lors de troubles graves du métabolisme du fer, car ils ne diminuent que lors d une anémie marquée. De nouveaux principes de dosages hématologiques permettent depuis peu de reconnaître certaines caractéristiques cellulaires qui ont conduit à la définition de nouveaux paramètres hématologiques susceptibles d identifier un manque de fer fonctionnel et du même fait les stades précoces d une carence martiale. Les automates pour l hématologie de la série Advia (Siemens Diagnostics, Eschborn, Allemagne) peuvent déterminer l hémoglobine que contient un seul érythrocyte, en plus des caractéristiques moyennes de l ensemble des érythrocytes (MCV et MCH). L index hématologique reflétant cette propriété, l Hypo%, mesure le pourcentage d érythrocytes hypochromes (en % des érythrocytes totaux). Avec la durée de vie des érythrocytes de 120 jours, l index Hypo% donne des informations sur le fer disponible pour l érythropoïèse au cours des mois précédents, comme la ZnPP. Un Hypo% nor- Forum Med Suisse 2010;10(30 31):500 507 503

Figure 2 Evolution des paramètres du diagnostic d un manque de fer fonctionnel en fonction de la ferritine en l absence d inflammation. L augmentation de la protoporphyrine-zinc et du récepteur soluble de la transferrine ne se produit qu avec des taux de ferritine >50 µg/l (ligne grise). Les lignes noires délimitent les normes supérieures et inférieures pour la ZnPP et le stfr ou pour la ferritine (données personnelles). mal (<5%) avec une ferritine basse témoigne de réserves en fer insuffisantes. Des Hypo% légèrement augmentés (5 10%) disent qu il y a en plus une érythropoïèse déficiente. Ces valeurs sont nettement augmentées (>10%) dans l anémie ferriprive. Ces dernières années, le comptage des réticulocytes s est imposé comme témoin de l activité érythropoïétique dans le cadre d une classification physiologique des anémies. En rapport avec le nombre de réticulocytes, les systèmes d analyses hématologiques de la série XE (Sysmex, Kobe, Japon) et Advia fournissent d autres indices précoces d un manque de fer fonctionnel. La base de cesdosages est la brève durée de vie des réticulocytes en circulation (1 2 jours). Ces deux appareils dosent la concentration corpusculaire moyenne d hémoglobine dans les réticulocytes, tout comme la MCH dans les érythrocytes matures, et le résultat est donné en CHr (Advia) et Ret-He (XE). Le CHr et le Ret- He indiquent si la fourniture de fer pour l érythropoïèse est momentanément adéquate ou non. Les réticulocytes hypochromes (<28 pg) signalent une érythropoïèse avec carence martiale. Chez les personnes saines, le quotient entre CHr et MCH est >1. Un manque de fer fonctionnel récent se voit à l inversion de ce quotient à <1. A l inverse, en cas de carence martiale, une réponse à la ferrothérapie peut être documentée précocement par une augmentation du CHr. Diagnostic de laboratoire des troubles du métabolisme du fer Un paramètre indispensable dans le diagnostic de laboratoire des troubles du métabolisme du fer est toujours la formule sanguine de la série rouge. La classification standard des anémies se fait avec le MCV, la MCH et la RDW (anisocytose). L activité érythropoïétique devrait être évaluée sur la base du comptage des réticulocytes et du RPI (Reticulocytes Production Index) qui en résulte. Les troubles primaires du métabolisme du fer se caractérisent par des réticulocytes et un RPI bas témoignant d une érythropoïèse hyporégénérative. Le schéma diagnostique de l investigation d une carence martiale ou d un trouble du métabolisme du fer doit être complété par le dosage de la ferritine, de la CRP et de l ALT. Une estimation optimale du status du fer ne peut se faire que si le marqueur spécifique pour des réserves de fer insuffisantes, la ferritine, est dosé en même temps qu un marqueur sensible du manque de fer fonctionnel, c.-à-d. ZnPP, stfr ou Hypo%. Status du fer avec ferritine basse: uniquement carence martiale? Une ferritine <30 µg/l est toujours la preuve de réserves de fer insuffisantes, aussi bien chez les femmes que chez les hommes, qu il y ait ou non une réaction de phase aiguë. Les taux entre 30 et 50 µg/l sont situés dans une zone grise. En l absence d anémie, et avec un hémogramme normal, une ZnPP augmentée prouve une érythropoïèse avec manque de fer. Le diagnostic d un manque de fer fonctionnel et les éventuels symptômes somatiques d une carence martiale sans anémie peuvent ainsi être objectivés (fig. 2 x). Une anémie avec un taux de ferritine bas est la plupart du temps due à une carence martiale. Une ferritine basse à elle seule ne permet cependant pas de savoir s il s agit d une érythropoïèse avec manque de fer ou d une anémie d autre étiologie. Certains paramètres du diagnostic d une anémie ferriprive tiennent compte de la gravité de la carence martiale. Cela est vrai pour les marqueurs du manque de fer fonctionnel (ZnPP, stfr et Hypo%) et seulement au stade tardif de l anémie ferriprive ainsi que pour les indices érythrocytaires (MCV et MCH), mais pas pour la saturation de la transferrine. Avec le début d une érythropoïèse avec manque de fer la ZnPP augmente continuellement de 40 µmol/mol d hème jusqu à des valeurs >1000, dans les cas graves, surtout chez les enfants. Ainsi, le dosage de la ZnPP permet donc non seulement de diagnostiquer mais aussi de quantifier une érythropoïèse avec manque de fer (fig. 3 x). Dans les anémies ferriprives hypochromes et microcytaires, l augmentation de la ZnPP est en corrélation étroite avec la diminution de la MCH, du MCV et l augmentation de l Hypo%. Bien qu au stade tardif de l anémie ferriprive l hémoglobine, le MCV et la MCH reflètent la gravité des troubles du métabolisme du fer, aucun de ces paramètres n a la spécificité de la ZnPP dans le diagnostic d une érythropoïèse avec manque de fer. En présence d une thalassémie, l intérêt de la MCH, du MCV et de l Hypo% est limité en ce qui concerne la situation métabolique du fer. Cet inconvénient apparent peut être utilisé pour le diagnostic différentiel entre thalassémie et carence martiale. La discordance entre hypochromie (MCH) et augmentation de la ZnPP permet bien de dire s il s agit exclusivement d une thalassémie ou si l hypochromie résulte en plus d une carence martiale (fig. 5 x). Forum Med Suisse 2010;10(30 31):500 507 504

Ø Ø Ø Ø Ø Ø Ø Figure 3 Algorithme pour l investigation des troubles du métabolisme du fer: examens de base et examens complémentaires lors d une ferritine basse (légende: v. fig. 4). Ø Ø Ø Ø Ø Ø Ø ± Ø Ø Ø Ø Ø Ø Æ Figure 4 Algorithme pour l investigation des troubles du métabolisme du fer: examens complémentaires lors dune ferritine normale ou CRP augmentée. Status du fer avec ferritine normale: diagnostic différentiel à l aide des paramètres de la carence en fer fonctionnel Une ferritine basse prouve que les réserves de fer sont insuffisantes, mais un taux normal ou augmenté ne permet de tirer aucune conclusion sur le métabolisme du fer sans autres examens de laboratoire. La fiabilité d une ferritine normale est limitée par le fait qu étant une protéine de phase aiguë, elle augmente dans les pathologies inflammatoires et malignes, mais aussi dans les hépatopathies. Dans ces situations, les concentrations de ferritine mesurées n ont plus de relation fiable avec les réserves de fer, et une carence martiale peut ainsi être masquée. Avant d interpréter un taux de ferritine, il faut s assurer qu il n y a pas d état inflammatoire notable (VS, CPR, clinique). En l absence de tout signe d inflammation, des taux de ferritine >50 µg/l rendent improbable tout trouble primaire du métabolisme du fer, et ce n est que s il y a une hypochromie et/ou une microcytose avec ou sans anémie qu il est indiqué de doser la ZnPP. Une ZnPP normale parlerait alors pour une thalassémie. Par contre, dès qu on suspecte une situation dans laquelle la ferritine ne reflète plus de manière fiable l état des réserves de fer chez un patient, il faut toujours demander, en plus de la ferritine, un ou plusieurs paramètres d un manque fer fonctionnel tels que stfr, ZnPP, Hypo% ou CHr (fig. 4 x). Pour le/les choisir, il faut tenir compte de ses/leurs propriétés cinétiques: pour les troubles chroniques du métabolisme du fer la plupart des ACD et des anémies rénales, la préférence va à la ZnPP et au stfr, et pour les troubles plus récents, à l Hypo% et au CHr ou au Ret-HE. Ces derniers ont pris une place à part comme paramètres d un manque de fer fonctionnel, surtout dans le contrôle de la substitution intraveineuse de fer avec un traitement par r-huepo (v. plus loin). Comme paramètre du contrôle final de l érythropoïèse, la ZnPP est particulièrement indiquée dans les inflammations chroniques pour estimer globalement l importance d un manque de fer fonctionnel et le trouble de la production d érythrocytes qui en résulte. Elle est donc un précieux paramètre de dépistage de la situation métabolique globale du fer, mais elle ne permet pas de faire la différenciation entre trouble de l utilisation du fer et carence martiale. Les concentrations de stfr ne s écartent pas beaucoup de leurs normes dans les pathologies chroniques pour autant qu il n y ait pas en plus une carence martiale, le besoin de fer pour les érythroblastes n est pas accru. La constellation ZnPP augmentée avec stfr normal reflète donc un trouble exclusif de la distribution du fer et par voie de conséquence, une ACD. Les premiers signes d une carence martiale dans une ACD sont des microcytes plus nombreux. Le manque de fer est combattu par les érythroblastes par l expression plus marquée du récepteur de la transferrine, ce qui donne une augmentation de la concentration de stfr dans le sang périphérique. Avec une ferritine >50 µg/l et des signes de maladie chronique, la constellation ZnPP et stfr tous deux augmentés parle en faveur d une ACD avec manque (absolu) de fer. Dans les patho- Forum Med Suisse 2010;10(30 31):500 507 505

Figure 5 Diagnostic différentiel entre thalassémie et carence martiale avec protoporphyrine-zinc et MCH. 4 zones différentes se voient sur ce diagramme: 1) état normal, 2) érythropoïèse avec manque de fer, 3) thalassémie et manque de fer fonctionnel et 4) exclusivement thalassémie. Les lignes noires délimitent les normes supérieures et inférieures de la ZnPP et de la MCH. La ligne rouge sépare les zones dans lesquelles il y a exclusivement un manque de fer fonctionnel et celles dans lesquelles il y a en plus une probable thalassémie (données personnelles). Figure 6 Paramètres du métabolisme du fer. A. Sensibilité diagnostique selon le stade de la carence martiale. B. Rapidité de la réponse aux variations du métabolisme du fer. logies inflammatoires chroniques, le stfr permet ainsi de faire la distinction entre manque de fer fonctionnel avec trouble de distribution du fer et carence martiale avec réserves vides. Status du fer lors du traitement au r-huepo: identification de l «iron restricted erythropoiesis» Pour optimiser la réponse à la r-huepo et assurer l économicité de ce traitement, un apport optimal de fer pour l érythropoïèse est essentiel. Il faut donc éviter une érythropoïèse avec manque de fer. Sous l effet de la r-huepo, le métabolisme du fer se trouve dans une situation extrêmement dynamique, et une nouvelle entité de manque de fer fonctionnel est ainsi née, la «iron restricted erythropoiesis». En cas de carence martiale, la transferrine ne tombe en dessous de 15% que lorsque les réserves de fer sont épuisées. Par contre, 2 semaines après une quadruple stimulation de l érythropoïèse par r-huepo on observe une diminution de moitié de la TfS, une chute du nombre des réticulocytes et l apparition d érythrocytes hypochromes, et cela même en présence de réserves en fer disponibles en soi. Donc la recherche d une insuffisance de la fourniture de fer à l érythropoïèse pendant le traitement par r-huepo représente une exigence supplémentaire. Avant de commencer un traitement par r-huepo, il faudrait idéalement que la ferritine soit >200 µg/l de manière à garantir des réserves de fer suffisantes. Une érythropoïèse avec manque de fer peut être objectivée avec la ZnPP ou le stfr. L augmentation du stfr associée à un manque absolu de fer pourrait toutefois ne pas se produire, et son taux rester dans les normes, car les patients ayant besoin de r-huepo peuvent avoir des concentrations abaissées de stfr suite à l hypoplasie médullaire. Comme la ZnPP ne révèle qu à retardement les variations du métabolisme du fer (v. plus haut), elle n est indiquée chez les patients sous r-huepo que pour information sur la fourniture moyenne de fer à l érythropoïèse au cours des mois précédents, et non pas pour juger d un manque de fer fonctionnel actuel. En phase de correction ou d entretien d un traitement par r-huepo, les variations récentes du métabolisme du fer sont le mieux révélées par l Hypo%, le CHr ou le Ret-He. Il est établi que l Hypo% peut refléter rapidement un manque de fer fonctionnel à son début, aussi bien chez les patients que chez les sujets sains traités par r-huepo, les patients ayant un Hypo% >5 10% profitant d une supplémentation de fer.le CHr ou le Ret-He peuvent être dosés en alternative à l Hypo%: une concentration d hémoglobine dans les réticulocytes <29 pg avec les appareils Advia et <28 pg avec les XE indique un manque de fer fonctionnel. Si aucun de ces paramètres hématologiques n est disponible pour confirmer ou infirmer un manque de fer fonctionnel, la mesure de la TfS est toujours recommandée malgré sa valeur prédictive modeste pour connaître la situation du métabolisme du fer. Des valeurs <20% (valeur cible: 30 40%) sont censées refléter un apport insuffisant de fer. Sous r-huepo, il faut éviter une chute de la ferritine à <100 µg/l et viser un taux de 200 à 500 µg/l. Si la ferritine est >600 µg/l la supplémentation de fer est interrompue pour 3 mois. Le contrôle du status du fer pendant le traitement d entretien par r-huepo se fait par dosages réguliers (tous les 1 3 mois) de la ferritine et de l Hypo%, du CHr ou du Ret-He, ou enfin par mesure de la TfS. La prise de sang pour le status du fer doit se faire au moins 1 semaine après la dernière injection i.v. de n importe quelle spécialité de fer. Suivi de la substitution de fer: cinétique des paramètres du status du fer Chaque paramètre répond aux modifications du métabolisme du fer après un certain délai qui est variable (fig. 6 x). Après mise en route d une substitution de fer, une augmentation des réticulocytes est la première réponse au traitement. Après 14 jours, l effet de la substitution peut être contrôlé par le nombre de réticulocytes et l hémoglobine. Après 4 semaines, l hémoglobine devrait avoir augmenté d environ 20 g/l. Les contrôles ultérieurs se feront toutes les 4 semaines Forum Med Suisse 2010;10(30 31):500 507 506

jusqu à normalisation de l hémoglobine. Pendant le remplissage des réserves de fer, les concentrations de ferritine restent dans leurs normes inférieures. Un dosage de la ferritine pour contrôler les réserves de fer n est donc recommandé que 4 semaines après l interruption du traitement. Une ferritine >100 µg/l signifie que les réserves de fer sont normalisées. Les indices MCV et MCH ne se normalisent que lorsque les érythrocytes microcytaires et hypochromes ont terminé leur cycle de vie et sont éliminés du sang périphérique. Pour la même raison, la ZnPP, l Hypo% et le stfr témoignent dans un ordre chronologique décroissant une situation moyenne du manque de fer fonctionnel. Les mêmes considérations sont inversement valables pour l installation d une carence martiale. Correspondance: Dipl. pharm. Roberto Herklotz FAMH Klinische Chemie und FAMH Hämatologie Abteilungsleiter Klinische Chemie Zentrum für Labormedizin Kantonsspital Aarau AG CH-5001 Aarau roberto.herklotz@ksa.ch Références Goodnough LT, Skikne B, Brugnara C. Erythropoietin, iron, and erythropoiesis. Blood. 2000;96:823 33. Hastka J, Lasserre JJ, Schwarzbeck A, Reiter A, Hehlmann R. Laboratory tests of iron status: correlation or common sense? Clin Chem. 1996;42:718 24. Martius F. Eisenmangel ohne Anämie ein heisses Eisen? Schweiz Med Forum. 2009;9(15 16):294 9. Metzgeroth G, Adelberger V, Dorn-Beineke A, Kuhn C, Schatz M, Maywald O, Bertsch T, Wisser H, Hehlmann R, Hastka J. Soluble transferrin receptor and zinc protoporphyrin competitors or efficient partners? Eur J Haematol. 2005;75:309 17. Tessitore N, Solero GP, Lippi G, Bassi A, Faccini GB, Bedogna V, Gammaro L, Brocco G, Restivo G, Bernich P, Lupo A, Maschio G. The role of iron status in predicting response to intravenous iron in haemodialysis patients on maintenance erythropoietin. Nephrol Dial Transplant. 2001;16:1416 23. Vous trouverez la liste des références complémentaires en ligne sous www.medicalforum.ch en annexe à l article. Forum Med Suisse 2010;10(30 31):500 507 507

Labordiagnose von Eisenstoffwechselstörungen / Diagnostic de laboratoire des troubles du métabolisme du fer Weiterführende Literatur (Online-Version) / Références complémentaires (online version) 1 Beutler E, Hoffbrand AV, Cook JD. Iron deficiency and overload. Hematology. 2003;40 61. 2 Weiss G, Goodnough LT. Anemia of chronic disease. N Engl J Med. 2005;352:1011 23. 3 Goodnough LT, Skikne B, Brugnara C. Erythropoietin, iron, and erythropoiesis. Blood. 2000;96:823 33. 4 Herklotz R, Risch L, Huber AR. Neue und alte Parameter in der Diagnostik von hämatologischen Erkrankungen. Therapeutische Umschau. 2004;61(2):93 102. 5 Beguin Y. Soluble transferrin receptor for the evaluation of erythropoiesis and iron status. Clin Chim Acta. 2003;329:9 22. 6 Kuiper-Kramer EP, van Raan J, Van Eijk HG. A new assay for soluble transferring receptors in serum: time for standardisation. Eur J Clin Chem Clin Biochem. 1997;35:793. 7 Cook JD. Diagnosis and management of iron-deficiency anaemia. Best Pract Res Clin Haematol. 2005;18:319 32. 8 Metzgeroth G, Adelberger V, Dorn-Beineke A, Kuhn C, Schatz M, Maywald O, et al. Soluble transferrin receptor and zinc protoporphyrin competitors or efficient partners? Eur J Haematol. 2005;75:309 17. 9 Labbe RF, Vreman HJ, Stevenson DK. Zinc protoporphyrin: A metabolite with a mission. Clin Chem. 1999;45:2060 72. 10 Labbe RF, Dewanji A. Iron assessment tests: transferrin receptor vis-à-vis zinc protoporphyrin. Clin Biochem. 2004;37:165 74. 11 Harthoorn-Lasthuizen EJ, van t Sant P, Lindemans J, Langenhuijsen MM. Serum transferrin receptor and erythrocyte zinc protoporphyrin in patients with anemia. Clin Chem. 2000;46:719 22. 12 Hastka J, Lasserre JJ, Schwarzbeck A, Hehlmann R. Central role of zinc protoporphyrin in staging iron deficiency. Clin Chem. 1994;40:768 73. 13 Martius F. Eisenmangel ohne Anämie ein heisses Eisen? Nicht hämatologische Auswirkungen des Eisenmangels: Welche sind belegt, wann kommen sie zum tragen? Schweiz Med Forum. 2009;9:294 9. 14 Verdon F, Burnand B, Fallab Stubi CL, Bonard C, Graff M, Michaud A. Iron supplementation for unexplained fatigue in non-anaemic women: double blind randomized placebo controlled trial. BMJ. 2003;326:1124 6. 15 Punnonen K, Irjala K, Rajamaki A. Iron-deficiency anemia is associated with high concentrations of transferrin receptor in serum. Clin Chem. 1994;40:774 6. 16 Punnonen K, Irjala K, Rajamaki A. Serum transferrin receptor and its ratio to serum ferritin in the diagnosis of iron deficiency. Blood. 1997;89:1052 7. 17 Bovy C, Gothot A, Delanaye P, Warling X, Krzesinski JM, Beguin Y. Mature erythrocyte parameters as new markers of functional iron deficiency in haemodialysis: sensitivity and specificity. Nephrol Dial Transplant. 2007;22:1156 62. 18 National Kidney Foundation. NKF-K/DOQI Clinical practice guidelines for anemia of chronic kidney disease: update 2000. Am J Kidney Dis. 2001;37(suppl 1):182 238. 19 Tessitore N, Solero GP, Lippi G, Bassi A, Faccini GB, Bedogna V, et al. The role of iron status in predicting response to intravenous iron in haemodialysis patients on maintenance erythropoietin. Nephrol Dial Transplant. 2001;16:1416 23. 20 Bourquin V, Martin PY. Behandlung bei chronischem Nierenversagen. Schweiz Med Forum. 2006;6:794 803. 21 Fishbane S. Iron supplementation in renal anemia. Semin Nephrol. 2006;26:319 24.