Introduction Le traitement documentaire de l'écrit à l'heure du tout-électronique Qu'est-ce que le traitement documentaire d'un texte quelconque couché sur un support, un document écrit, véhicule de l'information documentaire à la fin du XX e siècle alors que la forme électronique devient envahissante? Qu'est-ce que cela recouvre? quels concepts? quelles techniques? quelles réalisations? quelles perspectives? en fait quels savoirs et quels savoir-faire? L'actualité de la question Cette préoccupation autour du traitement documentaire de l'écrit papier et électronique s'inscrit dans une actualité professionnelle, économique et sociale marquée par : - le volume de plus en plus important d'informations et de textes ; - le progrès technique qui laisse supposer des traitements nouveaux ; - l'informatisation des ressources documentaires, et celle des flux informationnels dans les organisations ; - le développement des banques de données comme pivot du multimédia car elles donnent accès à toutes les ressources stockées dans les mémoires ; - l'approche nouvelle autour du texte dans l'organisation du travail ; la vision est globale à toutes les étapes de traitement : création, modification, recherche ; - le développement du workflow, c'est-à-dire de la gestion intégrée de tous les documents dans une même organisation ;
8 Le traitement numérique des documents - la conscience de plus en plus aiguë des problèmes d'analyse et de recherche de l'information dans des mémoires désormais universelles ; -et enfin l'émergence du fait informationnel pour tous, du caractère incontournable de la maîtrise de l'information documentaire dans le monde contemporain. L'information documentaire L'information documentaire, source de savoir, de savoir-faire, de renseignements, production interne et produit externe à un organisme, est l'objet de partage dans cet organisme et d'échange avec tout autre organisme quel qu'il soit. Elle vit, circule, change, meurt. Qu'elle soit émise, reçue, échangée ou recherchée, elle constitue la base des flux que génère tout organisme. D'où l'importance des activités de traitement proprement documentaire autour de cette information utile, celles de gestion, de transformation et de recherche ; celles que l'on qualifie souvent d'un mot : la documentation, celles qui sont de la responsabilité de Yinformatiste^. L'information et sa communication : le texte Dans notre culture, le savoir, la connaissance, l'information utile ont été longtemps transmis et conservés par l'écrit et ses supports. Le document écrit est alors devenu l'objet par excellence des activités bibliothécaire, archivistique et documentaire. Mais l'écrit a été concurrencé à deux reprises dans la deuxième moitié du XX e siècle. Dans la première partie, par l'audiovisuel, cette combinaison de l'image et du son. Et dans la deuxième, par l'irruption des «nouvelles technologies de l'information et de la communication» - les NTIC - qui permettent la conception de produits «audio-scripto-visuels», ceux du multimédia. Notre intérêt s'est cependant délibérément porté sur le texte parce que même si l'image et le multimédia sont aujourd'hui des moyens de communication de plus en plus utilisés, il n'en demeure pas moins que la description, la recherche, la mise en mémoire et l'accès à l'information passent encore et toujours essentiellement par l'écrit. D'où l'importance fondamentale de la production, du traitement, du stockage de celui-ci. 1. L'expression «personnels spécialistes du traitement de l'information documentaire et culturelle» étant longue et lourde, et la séquence «les archivistes, les bibliothécaires et les documentalistes» indiquant les composantes faute de savoir comment appeler le tout, sont l'une et l'autre peu pratiques d'emploi. Pour des raisons de commodité, nous utiliserons désormais le terme d'informatistes pour identifier ces personnels même s'il ne fait pas encore l'unanimité. Il nous paraît néanmoins le plus facile à manipuler pour représenter le tout (cf. FONDIN H., Ergonomie des systèmes d'information documentaire, Thèse de Doctorat d'etat, Bordeaux, 1992).
Introduction 9 Ainsi le texte, véhicule linguistique de l'information documentaire, représente toujours un enjeu documentaire parce qu'il est porteur de sens explicite et implicite, donc source de renseignement pour celui qui l'interroge ; accessible après un traitement plus ou moins lourd du fait d'une faible, voire d'une absence de structure de repérage des informations ; couché sur un support, ce qui oblige à considérer à la fois un contenant et un contenu. Dès lors comment faut-il traiter le document porteur de ce texte pour obtenir l'information souhaitée quand besoin est? Comment peut-on retrouver un texte et ce qu'il véhicule dans une mémoire? Ce sont les deux facettes d'un même problème, l'une regardant le spécialiste, l'autre l'usager. La solution, si solution il y a, intéresse tout autant les deux protagonistes. L'information et son traitement L'information et son support sont devenus des objets de traitement. D'une part, celle-là est de plus en plus variée. Il faut donc effectuer une sélection sur les contenus. D'autre part, ceux-ci sont de plus en plus nombreux. Il faut donc continuer d'assurer leur consultation en opérant une réduction sur les objets. En outre, ce traitement est de plus en plus souvent réalisé par des machines sans intervention de l'homme. Il importe alors de savoir à quelles conditions un traitement informatisé du document écrit est possible, et de s'interroger sur sa qualité et son efficacité. Nombre d'ouvrages publiés depuis une trentaine d'années ont traité des techniques documentaires. Il s'agissait en fait moins d'expliquer, pour le justifier économiquement ou socialement ou sociétalement, le recours à certaines techniques de traitement, que surtout de décrire les processus (enregistrement, signalement, circulation, etc.) et les outils (normes, thesaurus, répertoires et autres) de traitement généralement utilisés dans cette activité. Or, à la veille du XXI e siècle, il importe de montrer que l'aspect technique est désormais secondaire - même s'il n'est pas négligeable -, puisque la technique, à travers les outils de traitement, évolue constamment, et est de mois en moins spécifique de la documentation. Il importe en revanche d'afficher - du fait de sa permanence - la nécessité de l'approche théorique puisque celle-ci se révèle pertinente à travers l'histoire et le progrès technique, du papier jusqu'à l'électronique, et de répondre en fait à un souci de fonder une pratique sur une base et avec un outillage scientifiques. Il convient aussi de montrer que l'enjeu documentaire est désormais dans le document électronique même si le document papier n'est pas mort pour autant ; qu'à travers le document électronique c'est toute une conception du traitement qui est à reconsidérer puisque désormais le document est à la fois une forme achevée et
10 Le traitement numérique des documents un état provisoire, le point de départ autant que le résultat de toute une série de traitements sur ce document ; qu'à chaque moment il conviendra de réaliser des traitements de nature documentaire : identification, description de la forme, analyse du contenu, structuration, stockage, récupération. Et qu'ainsi, même si ces traitements ne sont pas tous à finalité documentaire, ils s'appuient nécessairement et régulièrement sur des principes documentaires. Le traitement documentaire sera donc de plus en plus présent dans les activités humaines à condition d'être inséré, avec toute sa spécificité, dans une démarche globale étroitement liée au fonctionnement d'une organisation, quelle qu'elle soit. Les acteurs Qui en sera le maître d'œuvre? Celui qui, quelle que soit sa place dans le processus global de travail d'une organisation, a ou aura à créer, manipuler, échanger des documents électroniques? Ou l'informatiste, celui qui, du fait de sa compétence scientifique et technique dans le traitement documentaire, de sa capacité à adapter ses méthodes et ses outils, et à évaluer ses résultats, saura faire montre de son professionnalisme dans une fonction (sélection, analyse et recherche des objets documentaires) de plus en plus fréquente et stratégique pour les organisations? Il y a là un enjeu essentiel pour les professionnels du traitement documentaire. Ils doivent regarder favorablement les nouveaux moyens de communication des savoirs, et afficher face à la société leurs compétences documentaires, celles sur la documentation, celles sur le document, celles sur l'information contenue dans le document. Le plan de l'ouvrage Nous avons choisi de proposer dans un première partie une approche théorique, afin d'aider à comprendre comment se posent les problèmes et comment peuvent s'organiser les différents éléments. Ainsi, nous réfléchirons d'abord sur la notion de document à l'heure de l'électronique. Puis nous montrerons le processus de traitement et ses règles, en en analysant particulièrement deux qui sont, pour nous, essentiels : les modalités de description du contenu, l'analyse, et celles de récupération d'un texte, la recherche. Enfin nous décrirons la conception et l'organisation des objets documentaires dans l'ensemble que constitue la mémoire. Le contenu de cette partie se veut plus stable quant aux concepts et aux évolutions. La deuxième partie concerne davantage la technique documentaire. C'est une sorte d'état de la question à la veille de l'an 2000 avec, dès lors, tous les risques d'obsolescence des informations fournies car les techniques vieillissent actuellement très vite. Elle veut permettre de savoir et de faire comprendre ce qui peut être fait en
Introduction 11 matière de traitement documentaire. Elle se termine par un guide de rédaction d'un cahier des charges d'application pour la construction d'une base de données documentaire de nature textuelle, ce qui est le cas de très nombreuses situations professionnelles car les données enregistrées peuvent être associées à des objets aussi divers qu'un article, un tableau statistique, une photographie, une liste d'adresses ; une fiche de renseignements ; un message ; etc. Ce guide se veut une réflexion sur la mise en pratique de tout ce qui a été présenté dans les chapitres précédents. On ne peut donc le lire sans avoir lu tout le reste, au risque de ne pas comprendre ou de mal comprendre les choix documentaires à faire. Nous voudrions ainsi montrer que la pratique documentaire relève de savoirs et de savoir-faire préalables, et qu'on ne peut s'improviser informatiste sans avoir été formé à la problématique générale de l'information et de son traitement.