CLINIQUE DU TRAUMATISME PSYCHIQUE

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Transcription:

CLINIQUE DU TRAUMATISME PSYCHIQUE L état de stress post-traumatique ou le trouble psychique en relation avec un évènement traumatique (TPRE) La description du trouble de stress post-traumatique du DSM-5 fait référence à l'exposition à un évènement traumatique avec risque de mort ou de blessure pour le sujet ou autrui, la reviviscence permanente de l évènement, à l'évitement de tout ce qui est associé au traumatisme, à la présence de symptômes comme les troubles du sommeil, l'irritabilité et à la présence d'une souffrance entraînant une altération du fonctionnement social et professionnel. Pour François Lebigot 1, «le traumatisme psychique résulte d une rencontre avec le «réel» de la mort». Le sujet s est vu mort. Il a perçu soudainement ce qu est la vraiment la mort comme anéantissement. Nous savons tous que nous allons mourir un jour, mais nous n y croyons pas. Il précise que cette image du réel de la mort «ne se comportera pas comme un souvenir» : elle restera intact avec ses détails, et lorsqu elle apparaîtra à la conscience, ce sera toujours au moment présent, comme un évènement en train de se produire. Trois types de situations qui peuvent être à l origine d un traumatisme : Dans la première, le sujet est confronté violemment à sa propre mort : agression, attentat, etc. Dans le deuxième type de situation, le sujet voit la mort de l autre qui survient brutalement sous ses yeux. Il revivra la scène dans ses cauchemars. La troisième situation est appelée «la mort horrible». Le sujet découvre un charnier ou les cadavres sont nombreux, en cours de putréfaction. Il n y pas de représentation de la mort dans l inconscient pour Freud. L image du néant va rester dans l appareil psychique comme un corps étranger. Nous vivons comme si nous étions immortels. Il considère le trauma comme un choc violent, surprenant et qui s accompagne d effroi 2. «On entre dans le domaine terrible de l irreprésentable La violence de la confrontation avec le réel provoque une véritable sidération du Moi. L individu court alors le risque de la néantisation», selon Carole Damiani 3. Pour Evelyne Josse 4, les réactions des individus à un évènement traumatisant résultent de la conjugaison de plusieurs facteurs : les variables liés à l évènement, les facteurs propres à l individu et les caractéristiques du milieu de récupération. 1 2 3 LEBIGOT F. 2005. Traiter les traumatismes psychiques - Clinique et prise en charge Ed. Dunod Dans Au-delà du principe de plaisir, Freud différencie : la peur (le rapport à l objet du danger est exclusif) ; l angoisse (le rapport au danger est plus important qu à l objet de ce danger) ; l effroi (lorsque l on tombe dans une situation dangereuse sans y avoir été préparé). DAMIANI C. & VAILLANT C. 2003. Être victime, aides et recours Ed. Vuibert 1

Claude Barrois (1998) affirme que «Les névroses traumatiques sont la résultante non pas d un évènement, mais d un accident vécu comme brutal et soudain, une catastrophe intime, singulière qui propulse l homme vers le tragique. Le facteur traumatisant apparaît comme une révélation pour le sujet. La confrontation avec le trauma apparaît comme une rupture avec le monde. C est la confrontation avec l impensable qui fait le trauma. Une confrontation à laquelle personne n est préparé». Louis Crocq (1999) parle d «Un phénomène d effraction du psychisme et de débordement de ses défenses par les excitations violentes afférentes à la survenue d un événement agressant ou menaçant pour la vie ou pour l intégrité (physique ou psychique) d un individu qui y est exposé comme victime, comme témoin ou comme acteur». Le syndrome psychotraumatique Au sein de la CUMP ou du Service de santé des armées, l intervention immédiate et post-immédiate nécessitent une organisation précise et la mise en place d un cadre qui, en urgence et sur le terrain, ne va pas de soi. Il est aussi impératif de bien connaitre comment un événement génère une crise mais il est également nécessaire de bien connaitre les caractéristiques psychopathologiques du syndrome psychotraumatique, afin d orienter la prise en charge de la victime. Clinique de la réaction immédiate (0 à 24h) Environ 75% des sujets ont une réaction immédiate adaptée et 25% une réaction inadaptée lors d une catastrophe. Réaction immédiate adaptative C est une réaction d exception qui est une réaction psychologique immédiate. Elle focalise l attention, mobilise l énergie et incite à l action. Stress adapté : réaction d alerte et de mobilisation Sur le plan biophysiologique : accélération des rythmes cardiaque et respiratoire, élévation du taux de sucre sanguin, fuite de la masse sanguine de la périphérie vers les organes, décharge d adrénaline, manifestations neurovégétatives (tremblements sueurs). Sur le plan psychologique cette réaction se manifeste dans : Sphère cognitive : élévation du niveau de vigilance, focalisation de l attention, exacerbation des capacités d évaluation et de raisonnement, le tout aboutissant à une décision avec hyper activation de la mémoire. 4 JOSSE E. 2014. Le traumatisme psychique chez l adulte Ed De Boeck 2

Sphère affective : bourrasque émotionnelle importante mais qui entretient l état d alerte. Cela ne déborde pas le sujet. La relation à autrui demeure normale. Sphère volitionnelle : désir impérieux de passer à l action. Le sujet ressent une tension désagréable qui ne sera réduite que par le passage à l acte. Sphère comportementale : séquence de gestes et d attitudes adaptés. Réaction immédiate inadaptée Elle est observée plutôt chez les sujets psychologiquement fragile, mais pas seulement. Stress dépassé : réaction trop intense, trop prolongée jusqu à épuisement des réserves énergétiques de l organisme. Cette réaction peut se présenter sous quatre formes : La sidération : la personne est stupéfaite, incapable de percevoir, d identifier et d exprimer ce qu elle ressent. Elle ne sait plus qui elle est et où elle se trouve. La personne flotte dans un état second. Le sujet est frappé d une inhibition de la volonté, d une suspension de sa capacité à choisir. Il n écoute pas les autres. Il demeure immobile comme pétrifié. Cette sidération peut durer quelques minutes voire quelques heures. L agitation : état d excitation psychique, de désordre affectif et d anarchie volitionnelle. Le sujet stressé a envie d agir, mais son stress est trop intense pour lui permettre de bien comprendre la situation et d élaborer une décision. La tension est libérée dans une décharge motrice désordonnée. Le sujet gesticule, crie, s agite et court en tous sens, tient des propos incohérents. La relation à autrui est très perturbée. Cette agitation peut être éphémère ou prolongée (plusieurs heures) La fuite panique : fuite impulsive, non raisonnée, éperdue sans même savoir où l on va. Comportement d automate : le sujet semble avoir une réaction normale de prime abord. Mais les gestes sont saccadés, répétitifs et inutiles ou peu adaptés à la situation. L expression du visage est absente comme s il ne se rendait pas compte de la réalité. Cet état peut durer quelques minutes comme plusieurs heures. Le sujet en aura un souvenir partiel. Ces quatre réactions sont de durée variable, ne dépassant généralement pas 15 minutes, pouvant toutefois durer une à plusieurs heures. Caractéristiques psychopathologiques du trauma Sentiment de peur Symptômes dissociatifs : torpeur, impression de brouillard, déréalisation, dépersonnalisation et amnésie d un aspect de l évènement. Manifestations de reviviscence : images, illusions, pensées intrusives, rêves de répétition et état dissociatifs vécu comme si l évènement allait se reproduire. 3

Évitement de stimuli évocateurs Symptômes anxieux et activation neurovégétative telles que difficultés de sommeil, irritabilité, hypervigilance, sursauts Détresse cliniquement significative ou altération du fonctionnement social. Syndrome psychotraumatisme chronique La reviviscence intrusive du trauma : itératif, intense et contre la volonté. Reviviscence hallucinatoire, Reviviscence par illusion. Souvenir forcé : l idée de l évènement resurgit sans image ni son. Rumination mentale : interrogation incessante qui s impose. Vivre comme si l évènement allait se reproduire. Agir comme si l évènement allait se reproduire. Cauchemars de répétition. Altération de la personnalité Les personnes ne se perçoivent plus comme avant le traumatisme et leur entourage les trouve changés. La personne n est plus capable de filtrer, dans l environnement ce qui est dangereux ou pas. Elle est sans cesse en état d alerte. La personne a perdu sa volonté de présence au monde. Le monde lui parait lointain, irréel et sans intérêt. Cela entraîne une perte d initiative, un repli social et une inhibition. La personne a perdu sa capacité de relation objectale avec autrui. Jusqu'à 80% des patients atteints d'un ESPT connaissent aussi d'autres troubles psychiques comme : la dépression majeure, l'angoisse, l'abus d'alcool ou d'autres drogues. Les types de traumatismes Le traumatisme de type I et II Lenore Terr (1991) propose la première catégorisation de deux types de traumatisme : les traumatismes de type I et de type II. Le traumatisme de type I est engendré par un évènement unique présentant un commencement et une fin bien déterminés. Ce type de traumatisme est induit par un agent stressant aigu, non abusif car il ne vise pas la personne en particulier. C est le cas d un incendie, d une agression, d un hold-up, un incendie, d un accident de la circulation Lorsque l évènement à l origine des troubles se répète, lorsqu il est présent constamment ou qu il menacé de se reproduire à tout instant durant une longue période, le 4

traumatisme est dit de type II. Il est induit par un agent stressant chronique ou abusif car il vise une personne en particulier. La violence intrafamiliale, les abus sexuels, la violence politique, le terrorisme et les faits de guerre répondent à cette définition. Le traumatisme de type III Eldra Solomon et Kathleen Heide (1999) définissent une troisième catégorie, qui est le cas typique des abus, conséquences d évènements multiples, envahissants et violents débutant à un âge précoce et présents durant une longue période. Le traumatisme simple et complexe Judith Herman (1997) choisit de classer les traumatismes en deux catégories : le traumatisme simple et complexe. Le traumatisme simple correspond au traumatisme de type I. L évènement qui l engendre constitue un évènement ponctuel dans la vie du sujet. Le traumatisme complexe serait le résultat d une victimisation chronique d assujettissement à une personne ou à un groupe de personnes. La victime est généralement captive durant une longue période (mois ou années), sous le contrôle de l auteur des actes traumatogènes et incapable de lui échapper. Ce traumatisme complexe est à rapprocher du traumatisme de type II et, s il débute à un âge précoce, au traumatisme de type III. Mai 2016 5