IRM MULTIPARAMÉTRIQUE DU CANCER DE LA PROSTATE GLEASON 6 ET 7 J. Pucheux 1,2, D. Bussy 1,2, A.M. Bergemer-Fouquet 1,3, P. Bertrand 1,2, L. Brunereau 1,2 1 Faculté de Médecine Université François Rabelais, Tours, France 2 Service de Radiologie CHRU de Tours, France. 3 Service d Anatomopathologie CHRU de Tours, France
Introduction Cancer de la prostate - 1 ère cause de cancer de l homme - 2 ème cause de mortalité par cancer Dépistage - Toucher rectal - Dosage sérique de l antigène spécifique de la prostate (PSA) PSA > 4 ng/ml : cancer? Microbiopsie prostatique G Fournier, A Valeri, P Mangin, O Cussenot. Cancer de la prostate. Diagnostic et bilan d extension. Encyclopédie médico-chirurgicale. 2004;(18-560-A-12)
Place de l IRM - Initialement bilan d extension - (R)évolution dans les indications de l IRM prostatique - Nouvelles techniques - Amélioration des antennes - Haut champ - Séquences fonctionnelles - Nouvelles exigences des cliniciens - Diagnostic de plus en plus précoce, à un stade non palpable - Traitement conservateur nécessitant une cartographie lésionnelle L IRM a désormais sa place dans la détection du cancer Lemaitre L, Rouvière O, Penna-Renard R, Villers A, Puech P. MRI and prostate cancer: a paradigm shift. J Radiol. 2008 Sep;89(9 Pt 1):1053 64
Séquences fonctionnelles Spectroscopie Diffusion Perfusion
Séquences fonctionnelles Spectroscopie Diffusion Perfusion Spectroscopie sfrnet.org Quantification de métabolites Cancer prostate : Choline, Citrate Se 72% - Sp 93% Mais : Acquisition et post-traitement longs Utilisation antenne endorectale
Séquences fonctionnelles Spectroscopie Diffusion Diffusion Perfusion b 0 b 1000 CDA Etude des mouvements microscopiques de l eau libre Calcul du coefficient de diffusion apparent (CDA) Cancer prostate : CDA Utilisation antenne de surface Acquisition et post-traitement rapides Pas d injection de Gadolinium
Séquences fonctionnelles Perfusion Spectroscopie 0s 4s 8s Diffusion Perfusion 12s 16s 20s Etude dynamique du rehaussement prostatique après injection de Gadolinium : acquisition du volume prostatique répétée 30 x dans le temps Cancer prostate : néoangiogenèse rehaussement plus précoce et plus intense que le reste de la glande Utilisation antenne de surface
Séquences fonctionnelles Dans cette étude nous avons privilégié le couple diffusion / perfusion Spectroscopie Diffusion Perfusion Antenne de surface en réseau phasé Séquences rapides Temps total de l examen : 30 min Adapté à la pratique quotidienne T2 + couple diff/perf Se > 90%, Sp 80-90% dans la détection du cancer de prostate Kozlowski P, Chang SD, Jones EC, Berean KW, Chen H, Goldenberg SL. Combined DW-MRI and DCE-MRI for prostate cancer diagnosis Correlation with biopsy and histopathology. J. Magn. Reson. Imaging. 2006 Jul;24(1):108 13
Imagerie paramétrique Diffusion et perfusion : permet de calculer différents paramètres Diffusion : Coefficient de diffusion apparent (CDA) Perfusion : - semi-quantitative (Time to peak (TTP), wash in (WI), wash out (WO), aire sous la courbe (ASC), pic de rehaussement maximal) - quantitative (K trans, K ep, Ve, AUC BN...)
Objectifs de l étude : - Evaluer la capacité du CDA, du TTP, du WI, du WO, de l ASC et du pic de rehaussement maximal à distinguer le cancer du tissu sain - Distinguer parmi eux les plus performants - Dans une population dont le grade histopronostique était soit Gleason 3+3, soit Gleason 3+4 ou 4+3
Matériels et méthodes Patients Etude rétrospective de novembre 2008 à septembre 2012 Critères d inclusion : - Prostatectomie radicale - Score de Gleason (sur pièce de prostatectomie) à 3 + 3 ou 3 + 4 - Examen IRM complet (T1, T2, diffusion, perfusion) Critères d exclusion : - Antécédent de ttt chirurgical, hormonal, de radiothérapie ou de chimiothérapie - Remaniements hémorragiques post biopsie ou artefact de mouvement à l imagerie
Patients 81 patients retenus : - 30 Gleason 3+3-51 Gleason 3+4 ou 4+3 52 à 76 ans (âge moyen : 64,4 ans) PSA moyen : 9,24 ng/ml [1,27-39]
Exploration IRM IRM 1,5 Tesla Antenne de surface en réseau phasé Protocole d étude : - Axial T1 - Axial, coronal et sagittal T2 - Axial diffusion, avec un facteur b égal à 0 et 1000 s/mm 2 - Axial perfusion après injection de Gadolinium
Anatomo-pathologie Inclusion en totalité des pièces opératoires Apex et base débités en coupe para sagittales Lobes découpés en grandes coupes horizontales Anatomopathologiste non informé du résultat de l IRM Au moins un foyer opératoire score de Gleason 3+3, 3+4 ou 4+3
Analyse des images Génération de la cartographie CDA : Calcul de la valeur de chaque pixel à partir des imageries de diffusion à b0 et b1000 selon une estimation logarithmique linéaire : b0 b1000 Cartographie CDA
Analyse des images Paramètres de perfusion Calculés à partir de la courbe de rehaussement en un ou plusieurs points de l image
Analyse des images Paramètres de perfusion - Pic de rehaussement maximal - Wash in - Time to peak - Wash out - Aire sous la courbe
Analyse des images Paramètres de perfusion - Pic de rehaussement maximal - Wash in - Time to peak - Wash out - Aire sous la courbe Pic de rehaussement maximal Intensité maximale (D) du signal au cours du temps
Analyse des images Paramètres de perfusion - Pic de rehaussement maximal - Wash in - Time to peak - Wash out - Aire sous la courbe Wash in Pente de la droite entre le début du rehaussement (au temps A) et le maximum de rehaussement (au temps B). Egale à (D-C)/(B-A)
Analyse des images Paramètres de perfusion - Pic de rehaussement maximal - Wash in - Time to peak - Wash out - Aire sous la courbe Time to peak Temps entre le début du rehaussement (A) et le pic de rehaussement.
Analyse des images Paramètres de perfusion - Pic de rehaussement maximal - Wash in - Time to peak - Wash out - Aire sous la courbe Wash out Pente de la droite de régression linéaire à la courbe de rehaussement entre le temps B et la fin de la séquence
Analyse des images Paramètres de perfusion - Pic de rehaussement maximal - Wash in - Time to peak - Wash out - Aire sous la courbe Aire sous la courbe de rehaussement Calcul de l intégrale de la courbe entre le début du rehaussement (temps A) et la fin de la séquence
Analyse des images Logiciel OsiriX Affichage simultané et synchronisé des séries T1, T2, diffusion et perfusion Mise en place de trois régions d intérêt (RI) : - Une dans le foyer cancéreux - Deux placées en zone saine : - dans la zone périphérique - dans la glande interne
Analyse des images : Mise en place des Régions d Intérêt (RI) 2 cas de figures : - Foyer unique, visible à l IRM sur la séquence T2 : RI placées sur la séquence T2 puis propagées aux autres séries - Foyers multiples ou foyer unique non visible en T2 : RI placées en zones cancéreuse et saines à partir de la coupe histologique correspondante
Analyse des images : Mise en place des RI Foyer unique, visible sur la séquence T2 Foyer hypointense (flèche verte) au sein de la zone périphérique spontanément en hypersignal (flèches bleues) Mise en place des RI sur l imagerie T2, puis propagation sur les séries de perfusion et de diffusion Diff Diff Perf Perf
Analyse des images : Mise en place des RI Foyers multiples, ou unique mais non visible en T2 Sur l imagerie T2, seul un foyer est nettement visible (flèche verte) Le 2 ème foyer (flèche bleue) est mal visible Le 3 ème foyer (à la frontière zone périphérique, zone de transition) n est pas visible Diff La coupe histologique permet de repérer les foyers cancéreux et le tissu sain Perf
Statistiques Pour chaque paramètre, en distinguant les populations Gleason 6 et Gleason 7 : - Comparaison des moyennes de la distribution des différents types tissulaires par analyse de la variance - Recherche de différence significative par un test t de Student entre - Cancer et zone périphérique (ZP) - Cancer et glande interne (GI)* - ZP et GI * la glande interne est formé de la zone de transition et de la zone centrale, et sont indissociables à l IRM
Statistiques - Déterminer quels paramètres étaient capable de discriminer le cancer de la ZP ou de la GI à la fois dans les populations Gleason 6 et Gleason 7 Seuil de significativité fixé à 5 % pour l ensemble des tests statistiques.
Résultats Analyse de la variance (ANOVA) : Pour la population Gleason 6 Les moyennes des distributions des différentes variables étaient toutes significativement différentes d une distribution aléatoire, sauf le wash out
Analyse de la variance (ANOVA) : Pour la population Gleason 7 Les moyennes des distributions des différentes variables étaient toutes significativement différentes d une distribution aléatoire, sauf le wash out
Test t de Student Pour la population Gleason 6 Le CDA, le Wash in et le TTP étaient significativement différents entre : - Cancer et zone périphérique - Cancer et glande interne
Test t de Student Pour la population Gleason 6 Le CDA, le Wash in et le TTP étaient significativement différents entre : - Cancer et zone périphérique - Cancer et glande interne Pour la population Gleason 7 Le CDA, le pic de rehaussement, le Wash in et l aire sous la courbe étaient significativement différents entre : - Cancer et zone périphérique - Cancer et glande interne
Test t de Student Pour la population Gleason 6 Le CDA, le Wash in et le TTP étaient significativement différents entre : - Cancer et zone périphérique - Cancer et glande interne Pour la population Gleason 7 Le CDA, le pic de rehaussement, le Wash in et l aire sous la courbe étaient significativement différents entre : - Cancer et zone périphérique - Cancer et glande interne Les seuls paramètres capables de différencier le cancer de la zone périphérique ou le cancer de la glande interne indifféremment pour les populations Gleason 6 et 7 étaient donc le CDA pour la diffusion et le Wash in pour la perfusion
Discussion Couple Imagerie de diffusion / perfusion : Sensibilise la détection du cancer de prostate Toutefois : - Pas de standardisation de ces techniques - Critères utilisés dans analyse de l imagerie de perfusion : encore largement discutés Dans notre étude, les paramètres les plus discriminants pour distinguer le cancer du tissu sain, que ce soit dans la zone périphérique ou dans la zone interne, étaient le CDA pour la perfusion, le Wash in pour la perfusion
Choix de l antenne Fallait-il utiliser une antenne endorectale? Longtemps Gold-Standard Mais : - Matériel couteux à usage unique - Déforme la région postérieure de la prostate - Génère des artefacts de mouvement Progrès des antennes de surface - Antenne multi-éléments en réseau phasé - Signal plus homogène sur l ensemble de la glande - Résolution spatiale comparable à l antenne endorectale Antenne de surface suffisante pour la détection du cancer de prostate Antenne endorectale conserve la supériorité dans la spectroscopie et le suivi du cancer traité
Imagerie de diffusion : choix du facteur b Etudes menées avec des valeurs de b très différentes - Selon les auteurs, le b utilisé varie entre 100 et 2000 s/mm 2 - Plus b est élevé, meilleure est la détection du cancer intra-prostatique - Mais plus b est élevé : - plus le rapport signal/bruit diminue - moins bonne est la résolution spatiale b = 1000 s/mm 2 : compromis intéressant entre la résolution spatiale, le rapport signal/bruit et la détection du cancer
Imagerie de diffusion : valeurs du CDA Notre étude démontre que le CDA est significativement abaissé dans le cancer par rapport : - à la zone périphérique - mais également à la glande interne Ces données sont comparables à celles recueillies dans la littérature Le CDA est significativement abaissé dans le tissu cancéreux, en accord avec les données disponibles de la littérature
Imagerie de diffusion : calcul de la cartographie CDA Cartographie calculée à partir d une estimation logarithmique linéaire Mais la diffusion répondrait plutôt à une décroissance mono ou biexponentielle : - dont le calcul est différent - qui nécessite l utilisation de nombreux b (au lieu de 2) - technique encore réservée à la recherche clinique Le calcul du CDA à partir d une estimation logarithmique linéaire reste le gold standard pour les examens réalisés en routine quotidienne Riches SF, Hawtin K, Charles Edwards EM, de Souza NM. Diffusion weighted imaging of the prostate and rectal wall: comparison of biexponential and monoexponential modelled diffusion and associated perfusion coefficients. NMR in Biomedicine. 2009 Apr 1;22(3):318 25
Imagerie de perfusion : pourquoi quantifier? Imagerie basée sur le rehaussement précoce et intense du tissu cancéreux Analyse visuelle qualitative : insuffisante : - Se 46 à 58% - Difficile dans la glande interne où le rehaussement est très hétérogène - Nécessite la visualisation d un grand nombre de coupes Intérêt de l utilisation de paramètres qui permettent de «valoriser» la séquence de perfusion, par extraction d informations pertinentes Girouin N, Mège-Lechevallier F, Tonina Senes A, Bissery A, Rabilloud M, Maréchal J-M, et al. Prostate dynamic contrast-enhanced MRI with simple visual diagnostic criteria: is it reasonable? Eur Radiol. 2007 Jun;17(6):1498 509
Imagerie de perfusion : comment quantifier? Deux approches : - Quantitative : - Calcul de paramètres pharmacocinétiques dérivés d un modèle physiologique - Modèle physiologique souvent dérivé du modèle cérébral - Adaptation au tissu prostatique sujette à caution - Reproductibilité discutée - Mise en œuvre complexe - Semi-quantitative : - Paramètres dérivés de la courbe de rehaussement - Méthode robuste et reproductible - Mise en œuvre simple Nous avons préféré la méthode semi-quantitative, plus accessible, et moins sujette à controverse
Imagerie de perfusion : influence de la taille de la lésion sur sa détection Lésions de moins de 0,3 mm de diamètre : pas de néoangiogenèse La visibilité ne devient satisfaisante qu à partir de 0,5 cm 3. Or la majorité des lésions < 0,5 cm 3 sont quiescentes. La mauvaise détection des petites lésions < 0,5 cm 3 est contrebalancée par le faible pouvoir agressif de ces tumeurs
Les paramètres de perfusion dans la littérature MR Engelbrecht Meilleur paramètre : pic de rehaussement Mais paramètre dérivé d un modèle pharmacocinétique Pas d évaluation du wash in JK Kim Wash in + T2 plus performant que T2 seul Mais les autres paramètres semi quantitatifs n étaient pas évalués S Isebaert Wash in : meilleur paramètre pour distinguer le cancer de la zone périphérique saine. Mais la performance du wash in entre cancer et glande interne n a pas été étudiée. Nous démontrons que le Wash in est capable de distinguer le cancer du tissu sain, tant dans la zone périphérique que dans la glande interne Engelbrecht MR, Huisman HJ, Laheij RJF, Jager GJ, van Leenders GJLH, Hulsbergen-Van De Kaa CA, et al. Discrimination of Prostate Cancer from Normal Peripheral Zone and Central Gland Tissue by Using Dynamic Contrast-enhanced MR Imaging1. Radiology. 2003 Oct 1;229(1):248 54 Kim JK, Hong SS, Choi YJ, Park SH, Ahn H, Kim C-S, et al. Wash-in rate on the basis of dynamic contrast-enhanced MRI: Usefulness for prostate cancer detection and localization. J. Magn. Reson. Imaging. 2005 Nov;22(5):639 46 Isebaert S, De Keyzer F, Haustermans K, Lerut E, Roskams T, Roebben I, et al. Evaluation of semi-quantitative dynamic contrast-enhanced MRI parameters for prostate cancer in correlation to whole-mount histopathology. European Journal of Radiology [Internet]. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21912077
Limites de l étude Nombre de patients faible (n = 81) -Difficulté à obtenir une imagerie complète non artéfactée -Recrutement limité par l inclusion de patients uniquement Gleason 3+3, 3+4 ou 4+3
Limites de l étude Recrutement limité aux patients Gleason 3+3, 3+4 ou 4+3 - Intérêt : obtenir une population avec microarchitecture tissulaire homogène - Mais important biais de recrutement - Toutefois, il est démontré que plus la tumeur est agressive, plus le CDA diminue, et plus la néoangiogenèse (et donc les modifications du Wash in) est développé desouza NM, Riches SF, Vanas NJ, Morgan VA, Ashley SA, Fisher C, et al. Diffusion-weighted magnetic resonance imaging: a potential non-invasive marker of tumour aggressiveness in localized prostate cancer. Clin Radiol. 2008 Jul;63(7):774 82 Gyftopoulos K, Vourda K, Sakellaropoulos G, Perimenis P, Athanasopoulos A, Papadaki E. The Angiogenic Switch for Vascular Endothelial Growth Factor-A and Cyclooxygenase-2 in Prostate Carcinoma: Correlation with Microvessel Density, Androgen Receptor Content and Gleason Grade. Urologia Internationalis [Internet]. 2011 Sep 10 ; Disponible sur : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21912077
Limites de l étude Imagerie réalisée sur une IRM 1,5 Tesla L utilisation d une IRM 3T permet : - d améliorer le rapport signal/bruit - d augmenter la résolution spatiale Cet équipement n était pas disponible lors de notre étude.
Limites de l étude Imagerie réalisée au décours des micro-biopsies Micro-biopsies : - remaniements hémorragiques - artefacts sur l IRM = possibles faux négatifs ou faux positifs Les patients dont l imagerie apparaissait trop artéfactée ont été exclus.
Conclusion Dans notre étude : - Le CDA et le Wash in étaient les meilleurs paramètres pour discriminer le cancer du tissu sain - Tant dans la zone périphérique que dans la glande interne La validité de ces résultats reste cependant à confirmer par une étude prospective, sur un échantillon plus important. La confirmation de l utilité de ces paramètres pourraient à terme faciliter la détection des lésions cancéreuses intra-prostatiques.