DURÉE DU TRAVAIL DES CADRES DANS LES EXPLOITATIONS ET ENTREPRISES AGRICOLES A) Conventions de forfait et dispositions de l accord national du 23 décembre 1981 sur la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles. Dans le secteur agricole, un accord sur la durée du travail a été conclu le 23 décembre 1981. Conformément à l article L713-3 du code rural et de la pêche maritime, un accord collectif étendu peut déroger aux dispositions prévues par les articles R713-1 et suivants de ce même code relatifs «à l aménagement et à la répartition des horaires de travail à l intérieur de la semaine, aux périodes de repos, aux conditions de recours aux astreintes, ainsi qu aux modalités de récupération des heures de travail perdues lorsque la loi permet cette récupération» (1). C est ce que fait l accord de 1981 modifié en dernier lieu par un avenant n 16 du 13 novembre 2008. Attention : Un accord national du 18 juillet 2002 et étendu par arrêté du 28 octobre 2002 fait quelques adaptations spécifiques concernant la durée du travail des saisonniers agricoles. Champ d application professionnel Cet accord s applique aux exploitations et entreprises agricoles énumérées par l article L722-1 1 2 3 4 du code rural et de la pèche : c est-à-dire les «exploitations de culture et d élevage de quelque nature qu elles soient, exploitations de dressage, d entraînement, haras ainsi qu établissements de toute nature dirigés par l exploitant agricole en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l acte de production, ou structures d accueil touristique, précisées par décret, situées sur l exploitation ou dans les locaux de celle-ci, notamment d hébergement et de restauration» à l exception des parcs zoologiques et des centres équestres. Les entreprises de travaux agricoles, les travaux forestiers et entreprises de travaux forestiers (sauf l ONF), les établissements de conchyliculture et de pisciculture et établissements assimilés ainsi qu activités de pêche maritime à pied professionnelle, sauf pour les personnes qui relèvent du régime social des marins et les coopératives d utilisation de matériels agricoles (CUMA). Champs d application territorial Cet accord s applique à la France métropolitaine et aux départements d outre mer. 1 Article L713-3 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime Site internet : http://sncea.fr Mail : contact@sncea.fr 1
Classifications Cadres dirigeants Cadres occupées selon l horaire collectif Cadres organisant leur temps de travail Définition Durée du travail «Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l importance implique une grande indépendance dans l organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiquées dans l entreprise ou leur établissement.» (Art 11-1 1) Le refus du salarié de devenir cadre dirigeant ne peut constituer un motif de licenciement. - Ne sont pas soumis à la règlementation de la durée du travail et ne bénéficient pas de la réduction du temps de travail. - Ils perçoivent une rémunération forfaitaire sans référence horaire qui doit tenir compte des responsabilités confiées. (Art 11-2 1) Ces sont les salariés qui ont la qualité de cadres au sens des conventions collectives ou du 1er alinéa de l article 4 de le CCN de retraite et prévoyance des cadres du 14 mars 1947. (Art 11-1 2). - Ils sont soumis à l horaire collectif applicable. - La durée de leur temps de travail peut être prédéterminée. S ils sont amenés à être présent avant ou après le début du travail de leur équipe, 2 possibilités : - aménagement du temps de travail prévus dans l accord - conclusion d une convention de forfait sur une base mensuelle en heures. (Art 11-2 2). Ces sont les salariés qui ont la qualité de cadres au sens des conventions collectives ou du 1er alinéa de l article 4 de le CCN de retraite et prévoyance des cadres du 14 mars 1947 Et qui ne relèvent pas de la catégorie des cadres dirigeants ou des cadres occupés selon l horaire collectif (art 11-1 3). - Autonomie dans l organisation du temps de travail Conséquence : conclusion d une convention de forfait annuel en heures de travail ou en jours possible (Art 11-2 3) Site internet : http://sncea.fr Mail : contact@sncea.fr 2
B) Les forfaits-jours et heures et accord national du 23 décembre 1981 : Il existe différentes conventions de forfait. La loi n 2008-789 du 20 août 2008 est la dernière loi qui a modifié le régime de ces conventions. Il s agit des conventions de forfait horaire sur une base soit hebdomadaire, mensuelle ou encore annuelle et des conventions sans aucune référence horaire c est-à-dire du forfait jour et du forfait tout horaire. Tout au long de cet article, ont été intégrées les recommandations de la CFE-CGC pour sécuriser le dispositif du forfait jours publiées en juin 2011 2. 1) Conventions de forfait sur la base mensuelle d heures de travail Les employeurs et les salariés responsables de l organisation de leur horaire de travail peuvent conclure des conventions de forfait en heures de travail sur une base mensuelle entre eux, les conventions collectives devant déterminées le cadre de la mise en place de ce forfait. (Article 7-3 3). Aucune autre précision n est indiquée. 2) Conventions de forfait sur l année La mise en place de ces conventions répond à des conditions plus strictes que pour la mise en place des conventions de forfait précédentes. a) Conventions de forfait en heures sur l année - Les salariés concernés Une convention de forfait sur une base annuelle d heures de travail peut être conclue avec (art 11-3) les cadres de la IIIème catégorie et les salariés non cadres itinérants dont l horaire de travail ne peut être prédéterminé. - Conditions d application Pour que la convention de forfait soit valable, il doit y avoir un accord écrit entre l employeur et le salarié sur le principe même du forfait horaire, l existence d un forfait ne peut en effet en aucun cas se présumer. Doit donc être inséré dans le contrat de travail ou dans un avenant une clause ayant cet objet et qui démontre l accord particulier existant entre l employeur et le salarié sur ce point précis 3. Le refus du salarié ne peut être considéré comme constituant un motif de licenciement (article 11-3 de l accord de 1981). - Durée du travail La durée de travail annuelle peut être supérieure à 1607 heures (régime droit commun) sans pouvoir cependant excéder les durées maximales posées par l article 8-4 de l accord de 1981 soit 1940 heures sauf exceptions, c est-àdire 2000 heures dans les CUMA, entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers et autres exploitations entrant dans le champ d application de l accord et n employant qu un seul salarié permanent. Cette durée annuelle d heures de travail doit être précisée dans le contrat de travail ou un avenant et donne lieu à une durée de travail mensuelle moyenne, celle-ci pouvant varier à condition que soit respectée la durée annuelle. Les durées maximales journalières et hebdomadaires sont les suivantes : - 10 heures ou 12 heures pendant une durée maximale annuelle de 10 semaines consécutives ou non. Cependant, l accord limite toutefois à 50 le nombre global d heures de dépassement par période annuelle. (art 8-2) - La durée maximale hebdomadaire est fixée à 48 heures sauf dérogations. (art 8-3) Il est important de vérifier que la Direction remplie bien ces obligations légales et qu elle consulte annuellement le comité d entreprise sur le recours aux conventions de forfait et les modalités de contrôle de la charge de travail de ces salariés 4. - Rémunération La rémunération mensuelle du salarié est lissée sur la base de la durée moyenne mensuelle (art 11-3) Elle doit être au moins égale au salaire minimum conventionnelle applicable et majorée selon les dispositions prévues à l article 7-3 de l accord de 1981, c est-à-dire 2 La CFE-CGC précise que «si les propositions de la CFE-CGC n étaient pas retenues lors de la négociation, il conviendrait de s opposer à l entrée en vigueur du nouvel accord. Une opposition semble en effet plus opportune en termes de crédibilité. Une simple abstention pourrait être interprétée comme une acceptation tacite d un accord potentiellement peu favorable aux salariés autonomes pouvant être soumis au dispositif du forfait annuel en jours». 3 Arrêt soc 10 mars 2004 n 01-46369 4 Art L2323-9 du code du travail Site internet : http://sncea.fr Mail : contact@sncea.fr 3
25% pour les heures entre 36 et 39 heures par semaine et 50% pour les heures au delà de 39 heures. Toute absence sauf celles assimilées à un temps de travail effectif par la loi ou les dispositions conventionnelles, est déduite de la durée de travail et de la rémunération au prorata. En outre, les heures au delà de la durée annuelle fixée au contrat donne lieu à la fin de la période annuelle, à paiement avec les majorations supplémentaires. - Régime juridique Un dispositif de contrôle de la durée réelle de travail devant faire apparaître la durée hebdomadaire et journalière de travail doit être mise en place (Art 11-3). La loi prévoit également ce système puisqu elle indique à l article D3171-8 du code du travail que «la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : 1 Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d heures de travail accomplies ; 2 Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d heures de travail accomplies par chaque salarié». 2) Convention de forfait en jours sur l année Dans le cas de ce forfait, il n y a aucune référence horaire. - Les salariés concernés Ce sont les salariés qui ont la qualité de cadres au sens des conventions collectives ou du 1er alinéa de l article 4 de le CCN de retraite et prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et ne relevant pas de la catégorie des cadres dirigeants ou des cadres occupés selon l horaire collectif (art 11-1-3 ) qui peuvent conclure une telle convention. - Conditions d application Il doit y avoir un accord écrit entre l employeur et le salarié sur le principe même de la convention de forfait. L article 11-4 de l accord de 1981 énonce que «la convention de forfait figure dans le contrat de travail ou un avenant, dans ce dernier cas le refus du salarié ne peut être considéré comme constituant un motif de licenciement». Recommandations CFE-CGC 5 forfait-jours : Les salariés soumis au forfait annuel en jours doivent jouir d une réelle autonomie dans leur organisation du travail et cette autonomie doit être définie de manière précise. - Durée du travail La convention doit fixer un nombre annuel de jours travaillés qui ne peut excéder 217 jours pour un salarié bénéficiant de l intégralité de ses droits à congés payés (art 11-4). Il s agit d un seuil maximal qui peut être diminué, d où l importance à ce stade de la négociation collective. Les partenaires sociaux ont en effet un rôle important à jouer dans la détermination de ce nombre de jours. Les jours de travail peuvent être répartis différemment d un mois sur l autre, ou d une période à l autre de l année, en fonction de la charge de travail sous réserve que le cadre bénéficie d au moins 35 heures de repos hebdomadaire et 11 heures de repos quotidien, sauf dérogations conventionnelles ou légales. Concernant les jours de repos ou demi-journées, ils sont définis par le cadre moyennant le respect d un délai de prévenance d un mois. Toutefois : l employeur peut reporter la prise de repos en cas d absences simultanées à condition de respecter un délai de prévenance de 3 semaines pour les absences programmées ramené à 5 jours ouvrables en cas d absence pour maladie ou accident d autres cadres. De même, le contrat de travail peut prévoir des périodes de présences nécessaires au bon fonctionnement de l entreprise. Recommandations CFE-CGC forfait-jours: - Un plafond maximum fixé à 218 jours par an d ordre public (217+un jour correspondant à la journée de solidarité). - Un temps de repos quotidien obligatoire de 13 heures consécutives au lieu de 11 heures actuellement, le temps de travail quotidien ne pourra ainsi plus dépasser 11 heures. - Un repos hebdomadaire de 48 heures consécutives au lieu de 35 heures actuellement, assurant un repos de deux jours consécutifs minimum par semaine. 5 Recommandations de la CFE-CGC pour sécuriser le dispositif du forfait jours. Juin 2011 Site internet : http://sncea.fr Mail : contact@sncea.fr 4
- Le CHSCT doit être consulté une fois par an dans le cadre de ses attributions. - Incompatibilité des régimes de l astreinte et du forfait annuel en jours. - Rémunération L article 11-4 de l accord de 1981 énonce que la rémunération forfaitaire mensuelle est indépendante du nombre d heures de travail effectif accomplies durant la période de paie considérée. La rémunération ne peut être inférieure à la rémunération forfaitaire correspondant au forfait annuel sur la base du maximum d heures applicable (rémunération forfaitaire comprenant le paiement des heures supplémentaires et bonifications et majorations légales). Recommandations CFE-CGC forfait-jours: - Un salaire minimum mis en place dans les accords pour les salariés soumis au forfait égal à 3.262 par mois pour les cadres autonomes (salaire charnière de l AGIRC), cela permettant d éviter que les salariés ne touchent pas un salaire horaire en dessous du SMIC horaire. - Une majoration des jours supplémentaires à 25% et 50%. - Régime juridique (article 11-4 de l accord de 1981) Un entretien annuel individuel doit être organisé par l employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l année. Il porte sur : la charge de travail du salarié, l organisation du travail dans l entreprise et l amplitude des jours travaillés (Art 11-4 de l accord de 1981). De plus, il doit être mis en place un dispositif de contrôle du nombre de jours travaillés, le nombre et la date des journées ou demijournées travaillées ainsi que les jours de repos de toute nature (repos hebdomadaire, congés payés, jours fériés chômés, jour de repos au titre de la réduction du temps de travail) devant être comptabilisés. Recommandations CFE-CGC forfait-jours: - Des modalités de suivi de l amplitude des journées d activité des salariés soumis au forfait annuel en jours en tenant compte de la spécificité de chaque structure et de chaque organisation du travail des salariés. - Un entretien individuel semestriel ou trimestriel et non plus annuel, celui-ci ayant pour objet la charge de travail du salarié, l organisation de son travail dans l entreprise, l articulation entre son activité professionnelle et sa vie familiale ainsi que sur sa rémunération. Parallèlement à ces recommandations, il peut être évoqué les autres dispositifs proposés par certains auteurs ayant commenté l arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2011 6 : - Création d un comité de suivi de la charge de travail des salariés au forfait jours, celui pouvant être notamment composé de représentants du personnel. - création d un mécanisme d alerte en cas d augmentation importante voire excessive de la charge de travail. - L instauration d un badgeage. - Limiter le nombre de jours de repos auxquels le salarié peut renoncer ou qui peuvent être affecté à un compte épargne-temps. C) Les apports de l arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 29 juin 2011 7 sur le forfait-jours - Les faits : Le salarié était cadre autonome, responsable commercial sur une zone internationale. Il était soumis à un forfait-jours, forfait qui était mis en place par l accord sur l organisation du travail du 28 juillet 1998 conclu dans la branche de la métallurgie. Il a démissionné et a intenté une action judiciaire aux fins d obtenir paiement d heures supplémentaires et de reconnaissance de travail dissimulé considérant qu il existait «des insuffisances de l employeur quant au contrôle du nombre de jours travaillés ou de suivi de son organisation et de sa charge de travail». - La procédure : La Cour d appel a rejeté les demandes du salarié au motif que les manquements reprochés à l employeur par le salarié ne permettaient pas de remettre en cause la convention de forfait fixée en jours, cette convention excluant les dispositions sur la durée légale du travail, les heures supplémen- Site internet : http://sncea.fr Mail : contact@sncea.fr 5
-taires et les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail. - La décision de la Cour de cassation : La Cour de cassation a cassé l arrêt de la Cour d appel. Elle a en effet considéré que le respect de l accord collectif du 28 juillet 1998 permettait d assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, et que dès lors que ces dispositions sur le contrôle par l employer du nombre de jours travaillés ou d un suivi de son organisation et de sa charge de travail n avait pas été respecté, la convention de forfait en jours était privée d effet. Antérieurement à cet arrêt, la sanction du non respect de ces dites obligations par l employeur était l octroi de dommages et intérêts aux salariés 8. Avec ce nouvel arrêt, la sanction est tout autre. En cas de non respect de ses obligations, la convention de forfait jours est privée d effet. Elle ne peut donc pas être invoquée par l employeur pour éviter de payer au salarié des heures supplémentaires. Ainsi, l arrêt n invalide pas les conventions de forfait en jours, il précise les conditions que doivent respecter les accords collectifs qui les mettent en place et l obligation pour l employeur de respecter ces conditions. Il doit être noté que cet arrêt a été rendu sur les dispositions l article L3121-45 du code du travail antérieures à la loi de 2008. L article L3121-45 du code du travail dans sa rédaction antérieur indiquait précisément les éléments à intégrer dans l accord collectif: «( ) Cette convention ou cet accord prévoit : 1 Les catégories de cadres intéressés au regard de leur autonomie dans l organisation de leur emploi du temps; 2 Les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos; 3 Les conditions de contrôle de son application; 4 Des modalités de suivi de l organisation du travail des salariés concernés, de l amplitude de leurs journées d activité et de la charge de travail qui en résulte. ( )» Aujourd hui le dispositif légal du forfait jour est moins contraignant qu avant la loi de 2008 : il n y a pas de fixation de la nature ni du contenu des garanties offertes au salarié en cas de forfait jours. Les négociations sont donc importantes pour déterminer un encadrement précis, et cet arrêt donne des indices sur les clauses à insérer dans un accord collectif mettant en place un forfait-jours. En effet, dans cet arrêt, la Cour de cassation considère que le respect de dispositions telles que l établissement d un document de contrôle, le suivi régulier par l employeur de l organisation et de la charge de travail du salarié et la tenue d un entretien annuel permettent d assurer au salarié la protection de sa santé et de sa sécurité. D) Forfait tout horaire pour les cadres dirigeants Dans ce cas, le forfait ne correspond ni à un horaire ni à un nombre de jours travaillés dans l année et prédéterminés. Audrey Boucard Juriste Site internet : http://sncea.fr Mail : contact@sncea.fr 6