Cancer de la prostate De la surveillance aux traitements ciblés

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20 Cancer de la prostate De la surveillance aux traitements ciblés La recherche sur le cancer de la prostate progresse rapidement : des avancées récentes ont permis de prolonger de manière significative la vie de certains patients, d autres travaux de recherche sont en cours pour améliorer le diagnostic précoce ou affiner les choix thérapeutiques. État des lieux d un champ d exploration dynamique et prometteur. 56800 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année Source : en 2012, selon l InVS. Phanie

Retrouvez la Fondation sur www.frm.org 21 POINT DE VUE «La tête au carré» de Mathieu Vidard Retrouvez ce dossier dans l émission du 30 AVRIL 2014 À 14 H À réécouter sur www.frm.org et sur www.franceinter.fr En juin dernier, l annonce a fait grand bruit lors du 50 e congrès de l ASCO (American Society of Clinical Oncology), le rendez-vous international de la recherche en cancérologie aux États-Unis. En combinant hormonothérapie et chimiothérapie, des chercheurs américains ont amélioré de 17 mois la survie de patients atteints d un cancer de la prostate avec métastases. C est «la plus forte amélioration de survie observée au cours d un essai incluant des patients avec une tumeur solide formant des métastases», s est enthousiasmé Christopher Sweeney, du Dana-Farber Cancer Institute de Boston, aux États-Unis (l un des plus importants centres de recherche et de traitement). Cette avancée illustre le dynamisme de la recherche dans l amélioration de la prise en charge du cancer de la prostate. LA PROSTATE, UN CARREFOUR ANATOMIQUE Glande masculine, la prostate participe à la formation du liquide séminal Hormonothérapie : approche médicamenteuse visant à bloquer la production d une hormone, ici la testostérone produite par les testicules (aussi appelée castration chimique). Métastases : tumeurs secondaires issues de cellules cancéreuses s échappant de la tumeur d origine pour atteindre d autres organes. Surveillance active : réalisation régulière de dosages du PSA, de touchers rectaux et d éventuelles échographies pour surveiller au plus près l évolution d un cancer de la prostate découvert à un stade très précoce. DR L état des connaissances scientifiques en matière de diagnostic du cancer de la prostate remet-il en cause l intérêt de se faire dépister? T. L. : Non, bien au contraire. Plus une tumeur est diagnostiquée tôt, plus elle est facile à traiter. Il est clair que seul le dépistage permet de découvrir des lésions dans la prostate qui sont curables, alors que la maladie ne fait pas encore parler d elle. Aucun traitement ne permet actuellement de guérir un patient lorsque des métastases se sont développées. Tous les progrès qui sont faits grâce à la recherche permettent seulement de gagner quelques semaines ou mois de survie. C est pour cette raison que nous restons persuadés qu en complément de ces nouveaux traitements, seul le dépistage permet de sauver des vies de manière drastique. P r Thierry Lebret, chef du service d urologie à l hôpital Foch de Suresnes et secrétaire général de l AFU (Association française d urologie) Le point actuel sur le dépistage Pour éviter de traiter inutilement certains patients, on parle de plus en plus de surveillance active. Qu est-ce que cela signifie? T. L. : Cela consiste à suivre très régulièrement certains patients : des dosages biologiques sont répétés et de nouvelles biopsies doivent être faites pour vérifier l évolution de la lésion. Cette notion de surveillance active s applique aux cancers de prostate qui sont de faible évolutivité et qui ne mettent pas en péril l avenir du patient, que ce soit en quantité ou en qualité de vie. Elle est donc réservée à ceux dont la maladie est dite de faible grade, avec une valeur de PSA inférieure à 10 et un nombre très faible de biopsies positives. Elle leur permet d éviter des traitements agressifs (de type ablation de la prostate) mais cette surveillance génère une certaine part d anxiété pour le patient, qui la vit parfois comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Dépister, c est rechercher la présence d une maladie alors qu il n y a aucun symptôme. La Haute Autorité de santé (HAS) ne recommande pas le dépistage systématique de tous les hommes, en l absence d étude prouvant l intérêt d un dépistage généralisé en termes de santé publique. Toutefois, la HAS conseille aux hommes de 50 à 75 ans, présentant des facteurs de risque (antécédents familiaux, origine ethnique, expositions environnementales) de discuter avec leur médecin de la pertinence d un dépistage. En l absence de symptômes et/ou facteurs de risque particuliers, un homme peut décider de demander un dépistage. Dans tous les cas, le patient doit être informé des bénéfices (dépister tôt et traiter avec succès) et des risques (conséquences du traitement)....

22 Cancer de la prostate : de la surveillance aux traitements ciblés Épidémiologie En France, le cancer de la prostate est le plus fréquent chez l homme, et constitue la 3 e cause de décès par cancer. Depuis plusieurs années, le risque pour un homme d avoir un cancer de la prostate est en augmentation, alors que celui de décéder de ce cancer est en recul. 56 800 nouveaux cas estimés par an 70 ans = âge médian au diagnostic En moyenne, de 1989 à 2004 : mais elle ne produit aucune hormone. Ce sont les testicules qui secrètent la principale hormone sexuelle mâle, la testostérone, et fabriquent les spermatozoïdes. Lorsque des cellules cancéreuses se développent dans la prostate, on parle d adénocarcinome. Le plus souvent, la maladie progresse lente- Échographie : technique d imagerie employant des ultrasons. IRM : technique d imagerie utilisant les propriétés de résonance magnétique nucléaire. Cet examen 8 700 décès par cancer de la prostate estimés par an 83 ans = âge médian au décès 96 % Sources : Les cancers en France, rapport de l INCa, édition 2013, Données de la Haute Autorité de Santé des patients ont survécu dans l année qui a suivi le diagnostic ; 84 % des patients ont survécu dans les 5 ans qui ont suivi le diagnostic ; 70 % des patients ont survécu dans les 10 ans qui ont suivi le diagnostic. ment. Les premiers symptômes, des difficultés urinaires, n apparaissent que lorsque la tumeur comprime l urètre : ce canal, qui part de la vessie et permet d éliminer les urines, traverse en effet la prostate (voir infographie ci-contre, p. 23). Puis, les cellules cancéreuses envahissent les ganglions et permet de visualiser avec une grande précision les organes et tissus mous dans différents plans de l espace ou en trois dimensions. «Il ne faut pas se fier à un seul dosage de PSA, antigène spécifique de la prostate, mais toujours à plusieurs, espacés dans le temps.» se répandent dans l organisme pour former des métastases, d abord dans la vessie, le rectum puis les os. Parce que la prostate est située à un carrefour anatomique, les répercussions de la maladie mais aussi des traitements peuvent peser lourd dans la vie d un patient (incontinence urinaire, dysfonction érectile). DIAGNOSTIC : DOSER LE PSA NE SUFFIT PAS Plusieurs examens sont nécessaires pour révéler un cancer de la prostate. Le toucher rectal, à travers la paroi du rectum, permet d évaluer le volume et la consistance d une éventuelle tumeur. Autre moyen de détection : le taux de PSA, un antigène spécifique produit par la prostate et que l on retrouve dans le sang. «Le taux de PSA augmente [supérieur à 4 ng/ml] lors d un cancer», explique le P r Laurent Salomon, urologue à l hôpital Henri- Mondor (Créteil). «Pour autant, un taux élevé de PSA n est pas spécifique au cancer. Il peut s accroître aussi suite à une inflammation ou une infection, ou après certaines activités physiques. À l inverse, un taux de PSA normal ne suffit pas à exclure la présence d une tumeur en cas de toucher rectal suspect. Il ne faut donc jamais se fier à un seul dosage, mais toujours à plusieurs, espacés dans le temps», ajoute-t-il. Pour diagnostiquer la maladie, l échographie mais surtout l IRM sont devenues des techniques d imagerie incontournables. «Des études récentes ont montré que l IRM permet, dans certains Suite page 24...

Retrouvez la Fondation sur www.frm.org 23 La prostate ANATOMIE La prostate est une glande de la taille d une noix, située sous la vessie. Elle produit en partie le liquide séminal, qui entre dans la composition du sperme, et le stocke. Située en avant du rectum, il est possible pour un médecin d en estimer la grosseur par toucher rectal. L urètre est le canal qui conduit l urine de la vessie jusqu à l extérieur du corps via le pénis. Il passe à travers la prostate, c est pourquoi les symptômes liés à une maladie de la prostate sont essentiellement d ordre urinaire. CANCER DE LA PROSTATE ganglions lymphatiques canal déférent glandes séminales vessie capsule prostatique prostate urètre pénis testicules rectum Le choix du traitement d un cancer de la prostate dépend notamment de son stade d évolution, c est-à-dire de la taille de la tumeur, de l atteinte ou non des ganglions lymphatiques, de la présence ou non de métastases dans d autres organes. On distingue 4 stades différents : Stade 1 Stade 2 Stade 3 Stade 4 Le cancer localisé est limité à la prostate (pas d extension au-delà de la capsule prostatique). Le cancer localement avancé s étend au-delà de la capsule prostatique, éventuellement aux organes adjacents mais aucun ganglion n est atteint et il n y a pas de métastase à distance. Les ganglions de la région pelvienne sont atteints Une ou des métastase(s) sont présentes à distance, essentiellement dans la vessie et les os. Lorenzo Timon Hypertrophie bénigne de la prostate En France, plus d un million d hommes de 50 à 80 ans souffrent d un adénome de la prostate, autrement appelé hypertrophie bénigne, puisqu elle n a rien à voir avec une tumeur cancéreuse de la prostate. Cette augmentation de volume de la glande prostatique n est cependant pas sans symptôme, les troubles urinaires étant les plus fréquents. Si les symptômes ne sont pas pris en charge, notamment par des traitements médicamenteux ou une ablation de l adénome, ils peuvent s aggraver et provoquer des infections urinaires récidivantes, voire une insuffisance rénale. Pour différencier un simple adénome d un cancer de la prostate, les médecins s appuient sur le toucher rectal et le dosage du PSA ; une échographie pourra éventuellement être prescrite pour préciser le volume de la prostate.

24 Cancer de la prostate : de la surveillance aux traitements ciblés La place de l hérédité Des études épidémiologiques ont montré que le risque de cancer de la prostate est augmenté en cas d antécédents familiaux : il est multiplié par 2 à 5 lorsqu un parent du premier degré, c est-àdire un père, un frère ou un fils, est concerné par la maladie. Le risque est plus élevé lorsque deux parents ou plus sont touchés. Pour autant, aucun gène conférant une... Suite de la page 22 cas, d avoir une idée de la nature des lésions dans la prostate. C est un outil essentiel pour décider s il y a lieu ou non de réaliser une biopsie. Seul ce prélèvement, qui permet d analyser les tissus, peut confirmer le diagnostic de cancer», estime le P r Salomon. susceptibilité ou un risque accru de cancer de la prostate n a pour l instant été mis en évidence. En pratique, il n existe donc pas de test génétique ni de consultation d oncogénétique dédiés à ce cancer. De plus, rien ne permet d affirmer que ces formes familiales de cancer de la prostate sont différentes des autres cancers, leur prise en charge est donc identique. DÉPISTER PLUS TÔT ET MIEUX De nombreuses recherches sont menées pour améliorer le diagnostic précoce du cancer de la prostate. «Le PSA circule dans le sang sous forme libre, mais aussi lié à d autres molécules, reprend le P r Salomon. On s intéresse donc au rapport entre le PSA libre et le PSA total [libre + lié]. Le résultat n est pas le même si la tumeur est bénigne ou s il s agit d un cancer. On peut donc les différencier.» Certains chercheurs s intéressent à la densité de PSA, c està-dire le taux produit par rapport au volume de la prostate, car ce volume varie d un homme à l autre. D autres encore se focalisent sur le dosage des molécules qui permettent à l organisme de fabriquer le PSA (molécules appelées précurseurs ) : «Toutes ces valeurs peuvent être combinées pour dépister plus finement, mais reste à en tester la pertinence, résume le P r Salomon. Depuis peu, des chercheurs s intéressent à une molécule que l on retrouve dans les urines (le PCA3) ou encore à des gènes, qui pourraient signer l agressivité d un cancer de la prostate. L objectif de toutes ces recherches : personnaliser la prise en charge des patients et distinguer très tôt les patients qui requièrent une biopsie de ceux pour lesquels une surveillance active est suffisante. DR TÉMOIGNAGE D r Yann Neuzillet, urologue-chirurgien à l hôpital Foch (Suresnes), équipe d oncologie moléculaire de l UMR144 (Institut Curie / CNRS) «Comprendre le rôle exact de la testostérone dans l agressivité d un cancer de la prostate» «Depuis les travaux de Huggins et Hodges dans les années 1940, il est acquis que la testostérone favorise la croissance d un cancer de la prostate. C est d ailleurs la base de l hormonothérapie : en supprimant la sécrétion de testostérone, on bloque la croissance tumorale. Mais il y a 5 ans, on a découvert que chez des patients souffrant d hypogonadisme, donc secrétant moins voire pas du tout de testostérone, le cancer de la prostate se révélait plus agressif. Pour mieux comprendre ce résultat, nous avons lancé l étude Androcan cette année : chez 1 500 patients traités pour un cancer de la prostate, nous allons doser la testostérone dans le sang, mais aussi dans la prostate et réaliser une étude histologique. On prend en quelque sorte une photo hormonale (niveau de testostérone, etc.) et histologique au moment de la biopsie, puis on suit le devenir des patients après traitements, pour voir par exemple s ils récidivent. Les résultats remettront peut-être en cause le dogme testostérone = augmentation du risque de cancer de la prostate. Et du coup, cela pourrait avoir des répercussions sur la mise en œuvre de certains traitements.» Hypogonadisme : défaut de l appareil reproducteur qui a pour conséquence un mauvais fonctionnement des testicules ou des ovaires, d où une déficience en hormones sexuelles telles que la testostérone. Histologie : étude des caractéristiques d un tissu biologique donné (différents types de cellules présentes, leur taille, leur répartition, leurs caractéristiques intracellulaires )

Retrouvez la Fondation sur www.frm.org 25 MULTIPLIER LES OPTIONS THÉRAPEUTIQUES L approche thérapeutique du cancer de la prostate varie d un sujet à l autre. Elle dépend de l âge, des facteurs de risque et du stade de développement de la tumeur. Si le cancer est découvert à un stade précoce (stade 1 voir infographie p. 23), plusieurs options sont possibles : la prostatectomie totale, la curiethérapie ou la radiothérapie externe, ou encore les ultrasons, une technique largement mise au point par des équipes françaises. La prostatectomie est réservée aux tumeurs de taille importante (20 000 par an en France), mais les techniques opératoires actuelles conduisent à des troubles érectiles chez environ 50 % des patients. «Le traitement par ultra-... Précurseur : molécule servant de point de départ à la production d une autre molécule. Prostatectomie totale : ablation complète de la prostate lors d une opération chirurgicale. Curiethérapie : radiothérapie interne, consistant à implanter des sources radioactives directement au cœur de la tumeur cancéreuse. Phanie Traitement du cancer de la prostate par curiethérapie. Ce type de radiothérapie utilise des fils d iridium radioactifs (voir vignette en haut à gauche) implantés dans la zone à traiter. Thinkstock Des risques liés à l exposition environnementale Le chlordécone était un insecticide utilisé en Guadeloupe et en Martinique pour combattre le charançon de la banane, de 1973 à 1993. En 2010, des chercheurs du Groupe d étude de la reproduction chez l homme et les mammifères (Inserm U625, université Rennes I), du CHU de Pointe-à-Pitre (université des Antilles et de la Guyane) et du Center for Analytical Research and Technology (université de Liège, Belgique) ont montré que l exposition au chlordécone est associée à une augmentation significative du risque de cancer de la prostate. Le chlordécone est un insecticide employé massivement aux Antilles françaises jusqu en 1993. On sait qu il joue un rôle de perturbateur endocrinien, c est-à-dire qu il modifie ou bloque l action des hormones et perturbe le fonctionnement normal de l organisme. D autres facteurs de risques environnementaux ont été identifiés, il s agit notamment de l exposition à des poussières de métaux, d amiante et à certaines peintures.

26 Cancer de la prostate : de la surveillance aux traitements ciblés... sons focalisés de haute intensité [HIFU] est une grande avancée, estime le P r Pascal Rischmann, chef du département d urologie du CHU de Toulouse. Cela consiste à détruire les cellules cancéreuses par la chaleur, grâce à une sonde introduite dans le rectum qui délivre des ultrasons sur des zones très précises, déterminées par une échographie en temps réel. C est très efficace, et quasiment sans effet secondaire. Cela peut même être envisagé après l échec d une radiothérapie.» Récemment, une équipe du CHU de Lyon a perfectionné cette technique en couplant l échographie en temps réel à l IRM. PROLONGER LA VIE DES PATIENTS MÉTASTASÉS «On peut guérir un cancer de la prostate lorsqu il est localisé, précise le P r Salomon, mais lorsque la maladie est découverte à un stade avancé ou qu il existe des métastases [voir infographie p. 23], il n est malheureusement plus question de guérison, mais de freiner le développement de la maladie.» Première arme : l hormonothérapie classique. «Elle permet de stopper la production de testostérone par les testicules, dont on sait qu elle favorise le développement tumoral, rebondit le P r Rischmann. Le revers de la médaille est que l hormonothérapie augmente les risques cardiovasculaires et l ostéoporose. De plus, son efficacité peut diminuer avec le temps.» Lorsque l hormonothérapie classique (blocage de la production de testostérone) n est pas ou plus efficace, une des options est l hormonothérapie intratumorale «qui bloque les récepteurs à la testostérone au cœur même des cellules cancéreuses», poursuit l urologue toulousain. Autre approche : le traitement des Radiothérapie métabolique : administration d une substance radioactive par voie intraveineuse, qui est ensuite activée par un dispositif extérieur (gamma caméra). Scanner de l abdomen montrant un cancer secondaire du poumon. La métastase visible dans le poumon gauche (point rouge à gauche) provient ici d un cancer de la prostate. Aucun traitement ne permet actuellement de guérir un patient lorsque des métastases se sont développées. «Un cancer de la prostate à un stade avancé ou métastasé ne peut être guéri, seulement freiné.» métastases osseuses, notamment à l aide d une molécule appelée Anti- Rank Ligand. «Testée depuis trois ans, elle permettrait de diminuer le risque de fractures, liées à la présence de métastases dans les os. Toutefois, cette molécule ne montre pas d amélioration de la survie des malades.» Une autre technique, appelée radiothérapie métabolique, a permis de donner quelques mois de vie supplémentaires à des patients, selon une étude publiée en 2014. D autres équipes évaluent l intérêt des thérapies Thérapie anti-angiogénique : approche médicamenteuse visant à empêcher la tumeur de former des nouveaux vaisseaux sanguins indispensables à son alimentation en oxygène et en nutriments. anti-angiogéniques. La piste de l immunothérapie est elle aussi envisagée. C est une approche personnalisée qui vise à stimuler les défenses immunitaires du patient contre ses cellules cancéreuses. «L objectif de tous ces traitements est de gagner quelques mois voire plusieurs années sur le développement de la tumeur et de reculer le moment où la chimiothérapie va être nécessaire. Ses effets secondaires étant parfois lourds (incontinence urinaire, dysfonction érectile), les patients y gagnent en qualité de vie», insiste Le P r Rischmann. De plus, de nouvelles molécules de chimiothérapie sont, en ce moment, testées et évaluées. «L ensemble de ces approches constitue un espoir pour près de 15 000 malades qui, chaque année, développent des métastases. Ce sont en général des cancers diagnostiqués tardivement. Il faut donc toujours rappeler que plus un cancer de la prostate est diagnostiqué tôt, plus il est facile à traiter. Un dépistage individualisé reste le meilleur moyen d éviter la maladie métastatique», conclut le professeur. I Phanie

Retrouvez la Fondation sur www.frm.org 27 Il y a de plus en plus de cancers de la prostate. _C est le cancer dont l incidence a le plus augmenté ces 25 dernières années : autour de 56800 cas estimés en 2012, contre 22 600 en 1990. Plusieurs facteurs expliquent cela. En premier lieu, le vieillissement de la population. L âge est en effet le principal facteur de risque du cancer de la prostate. Par ailleurs, les techniques de diagnostic ont progressé, et de plus en plus d hommes décident de se soumettre au dépistage précoce. Chaque année en France, plus de 4 millions de dosages de PSA sont réalisés chez des hommes sans élément de suspicion de cancer. Un cancer de la prostate peut passer inaperçu. _Le cancer de la prostate est un cancer d évolution relativement lente. S il est diagnostiqué tôt, il n y a en général aucun symptôme particulier. Du fait de sa lente évolution, un cancer de la prostate peut aussi ne jamais faire parler de lui car l homme mourra avant d autre chose. Rappelons que lorsque les symptômes apparaissent, en général chez un homme âgé, le cancer est déjà à un stade avancé. Les symptômes sont essentiellement d ordre urinaire : envie fréquente d uriner, douleur à l émission d urine, faible jet d urine Si un cancer est diagnostiqué, il faut enlever au plus tôt la prostate. _Dans le cas où il n y a aucun symptôme, que le cancer est localisé et de faible risque d évolution, une surveillance active peut être proposée plutôt qu un traitement immédiat. Elle consiste à réaliser tous les 6 mois un dosage du taux de PSA et un toucher rectal, puis une biopsie à 1 an et ensuite tous les 2 ou 3 ans. Si au cours de cette surveillance la maladie s aggrave, un traitement est mis en route. Il ne s agit pas toujours d une ablation complète de la prostate (prostatectomie totale) ; des traitements conservateurs tels que la radiothérapie ou la destruction de la tumeur par ultrasons focalisés peuvent aussi être envisagés en première intention. Un dosage du PSA suffit à diagnostiquer un cancer. _Le PSA est un marqueur caractéristique de la prostate, mais pas du cancer. Ainsi le taux de PSA dans le sang peut augmenter pour de nombreuses raisons autres qu un cancer, comme une prostatite ou une hypertrophie bénigne. D ailleurs, dès que l on manipule la prostate lors d une biopsie ou de la pose d une sonde vésicale, ce taux de PSA augmente! Pour qu il y ait suspicion d un cancer de la prostate, plusieurs examens médicaux doivent apporter des informations concordantes : dosage du PSA, toucher rectal, échographie et/ou IRM. Ensuite, le diagnostic ne sera posé avec certitude qu après un examen méticuleux par un anatomo-pathologiste de tissus prostatiques prélevés lors d une biopsie. Après 75 ans, il est inutile de continuer à faire un dépistage du cancer de la prostate. _Après 75 ans, et en dehors de tout facteur de risque particulier (antécédents familiaux, origine ethnique les africains, les afro-antillais et les afro-américains ont en effet davantage de risque), le risque de décéder d un cancer de la prostate est quasiment nul. En effet, à cet âge-là, l espérance de vie diminue tandis qu un cancer met plus d une dizaine d années à se développer et à devenir dangereux. Il vaut donc mieux ne pas inquiéter inutilement les seniors en leur proposant des examens, et le cas échéant en leur annonçant un cancer qui ne changera probablement rien à leur parcours de vie.

28 Cancer de la prostate : de la surveillance aux traitements ciblés FICHE PRATIQUE S INFORMER S ENTRAIDER Le site de l Association française d urologie s adresse aussi bien aux patients qu aux professionnels. Dans sa rubrique «L urologie grand public», il présente de nombreuses fiches d information sur les maladies, dont le cancer de la prostate et l hypertrophie bénigne, et les traitements (prostatectomie, biopsie, adénomectomie, radiothérapie ). Il présente aussi les différentes initiatives autour de la Journée nationale de la prostate. http://urofrance.org/lurologie-grandpublic.html Le site de l Institut national du cancer (INCa) présente un dossier d information grand public sur le cancer de la prostate, avec des points précis sur les traitements et leurs conséquences. www.e-cancer.fr/cancerinfo/les-cancers/cancers-de-la-prostate/ la-prostate La Haute Autorité de santé (HAS) édite un guide «Affection de longue durée [ALD] n 30 Cancer de la prostate», à destination des patients, sur la prise en charge du cancer de la prostate : www.has-sante.fr Rubriques : Outils, Guides & Méthodes > Être acteur de sa prise en charge > Guides pour les patients en ALD > Consulter les guides patients > ALD n 30 - Cancer de la prostate La HAS a aussi publié, en mars 2012, un rapport s interrogeant sur la pertinence d organiser un programme de dépistage organisé du cancer de la prostate en France : www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1238631/fr/depistage-ducancer-de-la-prostate-par-dosage-du-psa La HAS propose enfin des réponses aux interrogations du grand public à ce sujet : www.has-sante.fr/portail/upload/docs/ application/pdf/2012-04/questions_reponses_depistage_du_ cancer_de_la_prostate_vdef.pdf L Association nationale des malades du cancer de la prostate (ANAMACaP) a pour mission d éclairer ses membres sur les traitements disponibles ainsi que sur l état de la recherche. Elle défend le point de vue des malades du cancer de la prostate. www.anamacap.fr 12, rue de Partarrieu, 33124 Auros Tél. : 05 56 65 13 25 (permanence téléphonique du lundi au vendredi de 9 h à 13 h) info@anamacap.fr À LIRE «L ablation» de Tahar Ben Jelloun, éd. Gallimard, janvier 2014. Le romancier marocain fait le récit d un cancer de la prostate (le sien? celui d un ami imaginaire?) sans rien épargner aux lecteurs. Un témoignage rare et poignant. «Le cancer de la prostate, les questions que tous les hommes doivent se poser» du D r Ilya Savatovsky, éd. Odile Jacob, septembre 2011. Écrit par un chirurgien urologue qui a vécu l évolution des traitements et du diagnostic depuis une trentaine d années, ce livre est destiné à aider les patients atteints de cette maladie et, plus largement, tous les hommes soucieux de leur santé.