Les neurotraumatismes graves isolés Prise en charge préhospitalière et au sas d urgence. Novembre 1997

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Transcription:

Les neurotraumatismes graves isolés Prise en charge préhospitalière et au sas d urgence 4 ème Conférence d Experts en Médecine d Urgence de la région Sud-Est Novembre 1997 Claude Martin*, Richard Domergue** et le Groupe d Experts en Médecine d Urgence du Sud-Est : Dr. Aboukhalil (Avignon), Dr. Agopian (Marseille), Dr. Ait-Abbas (Aubagne), Dr. Albanèse (Marseille), Pr. Alliez (Marseille), Dr. Arzalier (Toulon), Dr. Bar (Marseille), Dr. Benoit (Nice), Dr. Blanc Gay (Marseille), Dr. Boulard (Bordeaux), Dr. Bultez (Sisteron), Dr. Carpentier (Marseille), Dr. Chaleroux (Martigues), Dr. Coquilla (Marseille), Dr.Courant (Avignon), Pr. De la Coussaye (Nîmes), Dr. Deloffre (Toulon), Dr. Dragon (La Ciotat), Dr. Dubouloz (Marseille), Dr. Dubuisson (Arles), Pr. Faris se (Marseille), Dr. Garitaine (St Tropez), Dr. Gralla (Marseille), Dr. Hamon (Martigues), Dr. Huvet (Orange), Dr. Kaidomar (Fréjus), Dr. Keundjian (Marseille), Dr. Krajevitch (Gap), Dr. Lafay (Marseille), Dr. Laude (Aix en Provence), Dr. Ledren (Aix en Provence), Dr. Leussier (Marseille), Dr. Melandri (Nice), Dr. Minguet (Draguignan), Dr. Morel (Marseille), Dr. Olivier (Avignon), Dr. Portier (Marseille), Dr. Quillastre (St Tropez), Dr. Roche (Orange), Dr. Rostini (Marseille), Dr. De Salve-Villedieu (Marseille), Dr. Sarran (Cannes), Dr. Sibil (Briançon), Dr. Tournier (Sisteron), Dr. Varnet (La Ciotat). Texte mis en forme par Claude Martin, Charlotte Remond, Anne Tison et Claire Calmejane * Département d Anesthésie-Réanimation et Centre de Traumatologie, Hôpital Nord, 13915 Marseille cedex 20. ** SAMU 13, Hôpital de la Timone, 13385 Marseille cedex 05 1. Généralités On entend par neurotraumatisé à la fois le traumatisé crânien et le traumatisé rachidien. Le neurotraumatisme peut être isolé ou associé à d autres lésions traumatiques. La prise en charge précoce permet d améliorer le pronostic. Elle nécessite à la fois un bilan neurologique avec l évaluation de la gravité et de l état de conscience, et un bilan général pour évaluer le retentissement des lésions associées. Cette première évaluation permet d instituer une thérapeutique adaptée, axée sur la liberté des voies aériennes, la ventilation, la sédation, le maintien de l équilibre hémodynamique, et la contention.

2. Evaluation de la gravité et de l état de conscience. La notion de gravité est la même chez l adulte que chez l enfant. Pour l examen d un sujet présentant un traumatisme crânien, le score de Glasgow reste le score de référence car il permet de codifier et de répéter l évaluation de l état de conscience d un patient. Ce score est à évaluer après correction des troubles hémodynamiques et respiratoires. Son évolution vers l'aggravation peut être un critère de gravité à lui seul. Certains éléments circonstanciels sont à prendre en compte dans l évaluation du Glasgow comme le délai entre le traumatisme et son évaluation, ou la prise de toxiques. Un traumatisme crânien grave est défini par l existence d un score de Glasgow 8. Il faut associer au score de Glasgow d autres éléments d appréciation de gravité, en particulier les signes de souffrance du tronc cérébral (troubles du tonus de type décérébration-décortication, troubles pupillaires portant sur la taille et la réactivité), les signes moteurs (mono ou hémiplégie), les convulsions, l agitation et le type de traumatisme (plaie crânio-cérébrale, violence du choc, plaie par arme à feu). Chez le traumatisé rachidien isolé, c est le niveau lésionnel qui définit la gravité de l atteinte. Un risque respiratoire et hémodynamique existe dés qu un déficit de la motricité des doigts est retrouvé (gravité potentielle d un niveau C7-C8). 3. Retentissement des lésions associées La recherche de lésions associées est indispensable avant de poser le diagnostic de neurotraumatisme grave isolé. La correction précoce des détresses respiratoires et hémodynamiques prévient le rôle aggravant de l hypoxie, de l hypercapnie et de l hypotension artérielle sur l ischémie cérébrale. Le retentissement neurologique de ces facteurs extracrâniens est défini par le terme plus général d'" agressions cérébrales secondaires d origine systémique " (A.C.S.O.S). La prévention des A.C.S.O.S. amène à déterminer un certain nombre de valeurs seuils d alerte. Le dépassement de ces seuils impose un bilan étiologique rapide à la recherche d une lésion associée. On estime que la pression de perfusion cérébrale (PPC = PAM - PIC ; PIC: pression intra-crânienne) doit être supérieure à 70 mmhg, ce qui implique en général que la PAM doit être ³ 90 mmhg (si on suppose que la PIC est de l ordre de 20 mmhg ou plus). Cependant la valeur de la PIC dans la période précoce du traumatisme crânien n est pas connue et on suppose en général, qu une fois corrigés les troubles ventilatoires, les poussées de PIC surviennent plus tard dans l évolution du traumatisme crânien. En pratique, une pression artérielle systolique d au moins 120 mmhg est retenue comme valeur de référence et celle ci ne doit pas dépasser 190 mmhg. La saturation en oxygène (mesurée par oxymètre de pouls) du neurotraumatisé ne doit pas être inférieure à 95%. Un capnographe est recommandé par la S.F.A.R. pour tous les transports secondaires d un malade ventilé. L évaluation de la capnie est difficile sur des transports primaires et sa fiabilité est en phase d évaluation.

4. Ventilation et sédation. La ventilation contrôlée s impose chez tout neurotraumatisé grave, défini précédemment par un score de Glasgow 8. La prise en charge comporte une désobstruction des voies aériennes supérieures, l oxygénation puis la sédation, l intubation et la ventilation. La technique d intubation est de manière générale orotrachéale et peut se dérouler selon la séquence d intubation rapide (hypnotique + succinylcholine) (figure 1). L intubation nasotrachéale peut être indiquée en cas de fracture du maxillaire inférieur. L intubation à l aveugle qui entraîne des flexions de la tête est contre-indiquée. Les techniques d exception comme les kits de minitrachéotomie peuvent présenter un intérêt mais doivent être réservées à des opérateurs entraînés. Pour ne pas gêner le retour veineux céphalique, il faut éviter les compressions jugulaires par les systèmes de contention cervicale et d attache de la sonde d intubation. Dans tous les cas, la crainte d une fracture du rachis ne doit pas faire différer le maintien de la liberté des voies aériennes. L intubation rapide par voie orale peut alors en cas de besoin être associée au maintien du rachis cervical dans l axe par un aide. La sédation est obligatoire pour éviter les pics d hypertension intracrânienne. Le choix d une séquence rapide pour l'induction semble une solution raisonnable dans ce contexte en utilisant un hypnotique en association à un curare d'action courte tel la célocurine. L étomidate, de par ses propriétés de stabilité hémodynamique et de par la rapidité de l installation de l anesthésie, mérite d être choisi en premier comme agent d induction. La succinylcholine peut augmenter la PIC lors des périodes de fasciculations, mais elle permet une intubation rapide. Les curares à délai d action longue n ont pas d indication pour l induction de la sédation en contexte extrahospitalier. La ventilation des sujets neurotraumatisés comporte un volume courant de 7 à 8 ml/kg, une fréquence de 12 à 15 cycles par minute, des pressions d insufflation pulmonaire de moins de 30 mmhg et une FIO2 adaptée pour maintenir une spo2 ³ 95%. La contention de tout neurotraumatisé doit veiller à deux aspects : l immobilisation de l axe tête-cou-tronc et l absence de gêne au retour veineux jugulaire. Les colliers avec appui sternum-menton semblent être les mieux indiqués. Le relevage du blessé va se faire sous l ordre d un médecin qui veille à ce que les manipulations se fassent selon les règles. 5. Une notion controversée : la protection cérébrale A ce jour, ni le thiopental ni aucun autre médicament n ont pu montrer une quelconque efficacité en termes d amélioration de la survie ou de diminution des séquelles neurologiques. Les effets hémodynamiques et immunosuppresseurs du thiopental limitent ses indications à des situations très précises : poussées réfractaires d hypertension intracrânienne (HIC), utilisation en 3 ème intention dans l état de mal épileptique. La seule méthode qui semblerait améliorer le pronostic est l hypothermie, mais les études sont encore insuffisantes et cette technique n a de toutes façons pas sa place en médecine d urgence.

6. Maintien de l équilibre hémodynamique 6.1. Objectifs à atteindre Les chiffres de pression artérielle à atteindre et à maintenir sont les suivants : Pression artérielle systolique : 120 à 190 mmhg En deçà de ces chiffres, la PPC risque d être insuffisante. Au delà de ces chiffres, la perte de l autorégulation du débit sanguin cérébral chez le neurotraumatisé entraîne une augmentation de la PIC parallèle à l augmentation de la pression artérielle et du débit sanguin cérébral. En l absence de monitorage de la PIC, la position proclive du patient (tête surélevée de 20 à 30 ) n est pas recommandée car son effet sur la PPC n est pas prévisible : la position neutre (tête à plat) est la plus licite. 6.2. Hypertension (HTA) (figure 1) Elle est fréquente à la prise en charge et doit le plus souvent être respectée. Si elle persiste après la mise en condition, il faut d abord s assurer de l efficacité de la ventilation et de la sédation. Ces deux points étant acquis, deux cas peuvent se présenter : HTA associée à une bradycardie ou HTA associée à une tachycardie. L HTA associée à une bradycardie est un signe de gravité du neurotraumatisme. Son traitement est celui de la poussée d HIC qu elle révèle : hyperventilation, osmothérapie. L HTA associée à une tachycardie est rare lorsque la sédation et la ventilation sont correctement assurées. Elle est alors le signe d une décharge adrénergique et peut être spontanément résolutive. Lorsque la PAM est supérieure à 120 mmhg ou que la PAS est supérieure à 180 mmhg, il est licite d utiliser un antihypertenseur si la pression artérielle ne s est pas normalisée spontanément après 15 minutes. La nicardipine ou l urapidil peuvent être administrés avec précaution, en bolus titrés. 6.3. Hypotension (figure 2) L hypotension sévère est rare dans un traumatisme crânien isolé : elle doit faire rechercher des lésions associées. Plus fréquente est la situation où, après mise en condition, le patient présente une pression artérielle subnormale. Un remplissage vasculaire, si nécessaire associé à des amines vasopressives doit alors permettre d obtenir une PAM supérieure à 90 mmhg ou une PAS supérieure à 120 mmhg. Toutefois, quelque soit le traitement instauré, sa mise en œuvre ne devra pas retarder le transport du patient. 6.3.1. Expansion volémique Les solutés glucosés et les solutés hypotoniques (Ringer lactate, Plasmion...) sont contre-indiqués. Les solutés utilisables sont le sérum physiologique et les hydroxyéthylamidons. Ces derniers n ayant pas de supériorité démontrée à la phase initiale du remplissage, on utilisera de préférence du sérum salé à 0,9%. 6.3.2. Amine vasopressives Dans le cas d un traumatisme crânien isolé, l éphédrine est utilisable en première intention, en bolus de 3 à 6 mg, répétés si nécessaire, pour corriger rapidement une hypotension modérée. Elle a l avantage d être maniable (pas de pousse seringue) et d être souvent efficace dans cette indication. Si l éphédrine est inefficace ou indisponible, il faut utiliser la dopamine. Son

administration doit débuter précocément, sans attendre la fin de l expansion volémique, à la posologie de 7 mcg/kg/min, que l on augmente rapidement jusqu'à l effet souhaité, avec un maximum de 25 mcg/kg/min. Si les objectifs tensionnels ne sont toujours pas atteints malgré un remplissage vasculaire optimal, la noradrénaline et/ou l adrénaline peuvent être ajoutées à la dopamine, à la posologie de 0,5 à 1 mcg/kg/min. 6.3.3. Traumatismes du rachis Dans ce cas, la vasoplégie est constante. Aux mesures énumérées ci-dessus, on peut adjoindre l utilisation d un pantalon antichoc. Ce dernier doit être gonflé sur les jambes avant de coquiller le patient, à une pression de 30 mmhg, afin d exercer une compression veineuse. Ceci se réalise avant la mise du patient dans un matelas coquille. 7. Diagnostic et prise en charge d une hypertension intracrânienne (HIC) 7.1. Diagnostic d une HIC Les signes cliniques permettant d affirmer une poussée d HIC sont l hypertonie (enroulement, opistotonos) et/ou l apparition d une anisocorie (mydriase unilatérale). La survenue de l un de ces signes est une indication formelle de traitement. Il existe d autres signes peu spécifiques tels que la bradycardie, l agitation, les vomissements, qui ont peu de valeur pris isolément. 7.2. Traitement d une poussée d HIC 7.2.1. Hyperventilation Par le biais du ventilateur ou manuellement, il s agit d obtenir une PetCO2 à 20 mmhg. 7.2.2. Osmothérapie Si l hyperventilation est insuffisante, deux solutés sont utilisables au choix : le Mannitol à 20% et le sérum salé à 7,5%. Leur posologie est identique : 2 ml/kg en 10 minutes. Le mannitol est facilement disponible mais doit être réchauffé car il cristallise au froid. Le sérum salé hypertonique est stable mais n est pas disponible dans tous les hôpitaux. Leur efficacité est équivalente. 8. Crise convulsive Il n y a pas de prévention à instaurer en préhospitalier. En revanche, toute crise doit être traitée. Le médicament de première intention est une benzodiazépine, en deuxième intention le phénobarbital et en troisième intention on peut utiliser le thiopental, l hémineurine ou la dépakine, selon le schéma proposé cidessous : 1) midazolam 0,1 mg/kg, une deuxième dose de 0,005 mg/kg pouvant être administrée après 3 min. 2) en cas d échec : gardénal IV bolus de 100 mg toutes les minutes jusqu'à 700 mg. 3) en cas d échec : dépakine : 30 mg/kg, mais ce médicament n a pas l AMM dans cette indication ou Penthiobarbital : 100 mg/min jusqu'à 500 mg.

9. Hémorragie externe Les pansements compressifs sont à proscrire car ils sont inefficaces et représentent une fausse sécurité. Il faut impérativement suturer la plaie pour faire l hémostase chaque fois que c est possible. 10. Plaie crânio-cérébrale La plaie doit être nettoyée au sérum salé à 0,9% et la peau suturée car le risque immédiat est hémorragique. L antibioprophylaxie est assurée par une béta-lactamine active sur les staphylocoques, les bacilles gram négatifs extrahospitaliers et les anaérobies telluriques (par exemple Augmentin â, céphalosporine de 2 ème génération...). En cas d allergie aux béta-lactamines, il ne faut pas faire d antibiotique en préhospitalier. 11. Rachis et corticoides Il faut suivre un protocole validé ou ne rien faire : toute attitude intermédiaire est illogique. Actuellement, en attendant de nouvelles études, de nombreuses équipes choisissent de ne pas faire de corticoïdes. 12. Transport 12.1. Monitorage Le monitorage préhospitalier des traumatisés crâniens n'a rien de spécifique mais se révèle particulièrement important dans la prévention des ACSOS: Electrocardioscope, oxymètre de pouls et mesure automatique de la pression artérielle. Le monitorage du CO2 expiré est recommandé dans la prise en charge du traumatisme crânien. Ceci permet de s'assurer de l'intubation trachéale, par l'intermédiaire de l'analyse du capnogramme permettant d'éliminer une intubation oesophagienne ou bien de dépister un déplacement secondaire de la sonde. Pour la surveillance de la ventilation, bien que l'extrapolation de la capnie à partir de la PETCO2 reste aléatoire dans le domaine de l'urgence, cette dernière permet de donner une tendance générale et d'éviter ainsi les grandes hypocapnies ou hypercapnies particulièrement délétères en cas de traumatisme cérébral. Ce problème ne se pose plus pour le transfert secondaire des traumatisés crâniens, car la possibilité d'une réalisation préalable d'une gazométrie artérielle permet d'évaluer le gradient artérioalvéolaire en CO2 qui reste relativement stable dans un temps court pour un même malade. 12.2. Adaptation de la mise en condition pour le transport Le transport d'un patient neurotraumatisé fait intervenir les notions de qualité et de sécurité avec moyens matériels et personnels, le transport correspondant à une situation instable pour le malade qu'il convient de contrôler. La mise en condition optimale justifie une contention adaptée (matelas coquille et minerve cervicale). Le patient doit également être transporté en décubitus dorsal. Le transport en ambulance doit s'effectuer de façon douce et sans secousses afin d'éviter les troubles hémodynamiques, en particulier chez les traumatisés médullaires particulièrement sensibles.

La curarisation du patient, utilisée par un médecin formé, associée à la sédation-analgésie peut être envisagée pour éviter les stimulations secondaires au transport pouvant être responsables d'une augmentation de la pression intracrânienne, tout en limitant l'utilisation de fortes doses d'hypnotiques ou de morphiniques, dépresseurs cardiovasculaires. Il convient également d'éviter l'hyperthermie délétère pour le cerveau agressé. Le maintien du patient à une température d'environ 36 5C-37 C semble idéal. L'apparition de frissons impose la curarisation du patient. Le transport héliporté mérite une mise en condition spécifique liée à la difficulté d'accès direct en particulier à la tête du patient. Une sédation éventuellement associée à une curarisation s'avère indispensable. L'intérêt principal du transport héliporté, en dehors de la rapidité d'acheminement du malade, réside dans la meilleure stabilité qu'il apporte par rapport au transport routier. L'utilisation de l'hélicoptère n'est cependant indiquée que pour des délais de transport prévus par la route supérieurs à 30 minutes. 13. Quelle structure d accueil 13.1. Type de structure d'accueil selon le tableau clinique Parmi les traumatisés crâniens graves, c'est-à-dire présentant un score de Glasgow inférieur à 8 et isolés, c'est-à-dire stables sur le plan hémodynamique, on distingue 2 groupes : - les patients porteurs de signes de focalisation, tels qu'une mydriase aréactive en général unilatérale, un déficit moteur, une asymétrie des réflexes ostéotendineux ou des signes d'hypertension intracrânienne, nécessitent une évacuation d'emblée vers un centre spécialisé en neurochirurgie. - les patients dépourvus de signes de focalisation peuvent être, dans un premier temps, adressés dans un centre hospitalier possédant un appareil de tomodensitométrie. En ce qui concerne les traumatismes du rachis, les patients doivent bénéficier rapidement d'une prise en charge par l'équipe compétente la plus proche, qu'elle soit spécialisée en neurochirurgie ou bien en chirurgie orthopédique. 13.2. Définition de l'équipe d'accueil L'équipe d'accueil du centre hospitalier concerné doit être avertie de l'arrivée du patient, et doit réunir des médecins seniors et spécialisés. Dans l'idéal, elle comporte un anesthésiste-réanimateur, un urgentiste, un neurochirurgien et un radiologue. 13.3. Stratégie à l'accueil : imagerie et indications chirurgicales 13.3.1. Imagerie L'examen paraclinique principal est représenté par la tomodensitométrie cérébrale, qui doit être réalisée sans injection, s'étendre de la base à la voûte du crâne, comprendre des coupes sur la fosse postérieure, et comporter des fenêtres parenchymateuses et osseuses. Les radiographies standards du crâne ne présentent pas d'intérêt, car elles n'apportent pas de renseignements supplémentaires par rapport à une tomodensitométrie cérébrale bien faite, de même pour l'irm cérébrale. Néanmoins, la tomodensitométrie cérébrale peut présenter certaines limites, en particulier si elle est faite trop précocement certaines lésions peuvent ne pas encore être visibles, elle devra être répétée

dans les heures qui suivent. D'autre part, le tronc cérébral est mal visualisé sur la tomodensitométrie cérébrale en raison d'artéfacts provoqués par la présence du rocher. L'exploration du rachis est systématique chez tout traumatisé crânien grave. Etant donné la mauvaise qualité fréquente des radiographies standards du rachis réalisées en urgence et le nombre non négligeable de lésions passant inaperçues, la stratégie proposée est d'effectuer des modes radiographiques du rachis par tomodensitométrie (avec notamment un rachis cervical de profil) et de réaliser secondairement des coupes en cas de mauvaise qualité des clichés ou bien de doute sur une lésion. Il est cependant recommandé d'effectuer des coupes tomodensitométriques systématiques et millimétriques avec reconstruction, sur les charnières C1-C2 et C6-C7 correspondant à la majorité des lésions. En ce qui concerne le traumatisme du rachis, les radiographies standards du rachis et la tomodensitométrie permettent l'exploration des lésions osseuses, l'irm médullaire détecte les atteintes médullaires et n'est indiquée qu'en cas de lésion osseuse prouvée ou de signes cliniques déficitaires. La stratégie d'imagerie du neurotraumatisme peut faire appel au concept de télétransmission, système encore peu répandu, autorisant le transfert d'images radiologiques de centres hospitaliers généraux vers des centres de neurochirurgie, afin d'obtenir un avis spécialisé pour des patients initialement non chirurgicaux et pour un suivi dans le temps de ces derniers. 13.2.2. Indications chirurgicales Les indications de neurochirurgie en urgence lors d'un traumatisme crânien sont représentées par les plaies crâniocérébrales nécessitant un parage précoce, les hématomes intra ou extracérébraux de gros volume (> 20-25 ml) avec effet de masse ou déficit neurologique associé. Les sujets présentant des signes d'hypertension intracrânienne précoce à la tomodensitométrie doivent bénéficier de la mise en place rapide d'une dérivation ventriculaire externe de LCR, première mesure thérapeutique à considérer dans cette situation. Les critères de neurochirurgie en urgence du traumatisme rachidien reposent sur plusieurs éléments. En cas de fracture instable du rachis cervical ou de déficit neurologique partiel, la chirurgie en urgence est toujours indiquée. En ce qui concerne les déficits complets, l'irm médullaire est recommandée en première intention, afin de différencier les compressions médullaires devant bénéficier d'une chirurgie en urgence (hernie discale, hématome, fragment osseux...) et les sections médullaires ou contusions pour lesquelles aucune attitude standard n'est préconisée quant à la date de la stabilisation osseuse.