La teigne du poireau : biologie et impact sur les cultures

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Transcription:

La teigne du poireau : biologie et impact sur les cultures par Mario Leblanc, agr. La teigne du poireau, un insecte récemment introduit au Canada, est maintenant présente dans toute la partie ouest de la province. En 2003, des papillons de cette espèce ont été capturés en Montérégie, dans les Basses-Laurentides, dans Lanaudière et au Centre-du-Québec. Bien que ce ravageur, dont les larves s attaquent à toutes les espèces de plantes de la famille de l oignon, soit présent depuis 1994 dans la région d Ottawa-Gatineau, on dispose de peu d information précise concernant sa biologie sous nos conditions. De plus, on ne sait pas encore quel sera l impact réel de cet insecte sur les importantes superficies d oignon, d oignon vert (échalote), de poireau et d ail cultivées dans la province. Il existe beaucoup d information concernant la teigne du poireau du côté de l Europe, plus particulièrement en France où la teigne est un ravageur important. Cependant la plupart de ces informations n ont pas encore été validées chez nous. Le présent texte fera d abord la synthèse des connaissances disponibles à l étranger concernant la biologie de la teigne du poireau. On essaiera ensuite de déterminer ce à quoi on peut s attendre en terme de dommages aux cultures. Finalement, les principales méthodes de lutte recommandées contre cet insecte seront présentées. Biologie La teigne du poireau est un des rares insectes du groupe des lépidoptères (chenilles - papillons) spécialisé dans la consommation des plantes de la famille de l oignon. À peu près toutes les plantes de cette famille (ail, ciboulette, échalote, oignon, poireau, etc.) pourraient lui servir d hôte aussi bien les espèces cultivées que sauvages. Son hôte préféré serait cependant le poireau. Parmi les insectes ravageurs bien connus au Québec, la fausse-teigne des crucifères qui s attaque aux plantes de la famille du chou, est l insecte qui lui ressemble le plus. Comme la fausse-teigne, la teigne du poireau est un insecte nocturne. Durant son développement la teigne passe par quatre stades : l œuf, la larve, la pupe et l adulte. L adulte est un petit papillon gris-brun à tête rougeâtre d environ 6 mm de long. Lorsque ses ailes sont déployées, il a une envergure d environ 15 mm et une petite tache triangulaire blanche apparaît au milieu de la partie arrière de ses ailes avants.

Cette tache demeure visible sur le dos du papillon même lorsqu il est au repos (ailes repliées). Cette caractéristique permet une identification rapide et précise des teignes adultes. L œuf est blanchâtre et mesure environ 0,4 mm. La larve est une petite chenille blanche verdâtre plus ou moins foncée. Sa tête et ses pattes sont jaunes brunâtres. Selon les auteurs, sa taille à maturité pourrait varier entre 10 et 14 mm. Durant son développement, la larve passe par 5 stades, chaque stade larvaire se terminant par une mue de l insecte. La pupe (6 mm), de couleur brunâtre, est enveloppée dans un cocon blanc grisâtre à mailles lâches ressemblant à un filet. Ce cocon mesure environ 8 mm sur 2 mm. Souvent, on observe les restes de la dernière mue larvaire accrochés à sa base. Dans le poireau, le cocon est habituellement fixé sur le dessus de la feuille dans le creux correspondant à la nervure principale. C est à ce stade qu il est le plus facile de voir la teigne sur le feuillage, une simple observation du plant par le dessus (vue plongeante) permettant de repérer rapidement les cocons. L adhérence des cocons au feuillage est plutôt faible de sorte qu il est facile de les déloger. La fausse-teigne des crucifères possède un cocon très semblable à celui de la teigne du poireau. En présence de mauvaises herbes de la famille des crucifères dans le champ, les fausse-teignes présentes peuvent venir puper sur la culture. La présence seule de cocons ne permet donc pas de garantir qu il s agit de la teigne. Il faudra dans tous les cas aussi vérifier la présence des dommages ou idéalement élever les pupes jusqu au stade adulte afin de permettre une identification. En Europe, le cycle vital de la teigne du poireau est le suivant : L insecte passe l hiver sous sa forme adulte, plus rarement sous forme de pupe, caché dans les débris de culture sur le champ ou dans des sites abrités comme les haies, les mauvaises herbes hautes, les tas de débris divers et même les bâtiments. Au printemps, les adultes recommencent à être sexuellement actifs lorsque les températures nocturnes deviennent supérieures à 10-12 o C. Les teignes volent seulement la nuit et sont actives surtout en début et en fin de nuit. Lors des vols, elles se déplacent en zigzags irréguliers à la recherche des plantes hôtes qu elles repèrent par l odeur. Pour attirer les papillons mâles, les femelles émettent des substances attractives appelées phéromones. Tout dépendant des températures, les teignes femelles seraient prêtes à pondre 2 à 6 jours après l accouplement. Les œufs sont pondus individuellement et, dans le cas du poireau, habituellement sur les feuilles du bas. Après quelques jours, l œuf éclos et la larve (1,5 mm) s enfonce rapidement dans le tissu foliaire. Sur le poireau, la petite chenille vit d abord en «mineuse» en creusant un tunnel entre les deux épidermes de la feuille de haut en bas dans le sens des nervures. Deux à cinq jours plus tard (après le 1 er stade larvaire), elle sort de la mine et commence à se déplacer à la recherche de tissus plus tendres et nutritifs. C est ce que les français appelle le stade «baladeur». Lorsque la larve 2

atteint les tissus plus succulents situés davantage près du cœur du plant et correspondant à la base de plus jeunes feuilles, elle recommence à creuser une galerie. Si les larves sont nombreuses ou si le poireau pousse lentement, les jeunes feuilles au point de croissance peuvent être attaquées à leur extrémité avant leur sortie du fût. Les dommages sont alors importants, les feuilles émergeant par la suite présentant de larges bandes de tissus dévorés (aspect lacéré). Compte tenu que ce sont principalement les tissus situés dans le haut du fût près de la base des feuilles qui sont attaqués, généralement, on ne découvre les dommages que plus tard soit après l allongement des feuilles atteintes. Sur les espèces dont les feuilles sont creuses comme l oignon et l échalote, la larve s installe directement à l intérieur de la cavité centrale de la feuille. Elle gruge alors le tissu foliaire de l intérieur tout en laissant l épiderme externe intact. Le dommage apparaît alors sous forme de «fenêtres» à la surface des feuilles. Les feuilles les plus attaquées finissent par dessécher. Contrairement à ce qui se passe dans le poireau, les chenilles ne descendent pas dans les cols ou les bulbes de sorte que généralement ces derniers demeurent intacts. Exceptionnellement, les chenilles les plus âgées (5 ième stade larvaire) pourraient descendre au sol et s attaquer aux bulbes directement de l extérieur. La larve perce alors les pelures externes sèches et s installe dans les premières couches humides sous-jacentes où elle dévore une petite zone circulaire. Cette situation serait attribuable à une pression élevée de l insecte combinée à une maturation rapide des oignons. Suite au dessèchement hâtif du feuillage les larves seraient obligées de chercher leur nourriture ailleurs. Lorsqu elle est prête à puper, la larve quitte le haut du fût et s installe sur le feuillage pour tisser son cocon. Sur le poireau, on retrouve habituellement les pupes sur le dessus de la feuille dans la dépression centrale correspondant à la nervure principale, plus rarement sous les feuilles, sur les débris au sol ou sur les mauvaises herbes avoisinantes. Pendant cette période, qui dure une dizaine de jours, la teigne est peu protégée de sorte qu elle est très susceptible aux conditions climatiques défavorables et à l attaque des prédateurs et parasites naturels. Les pupes sont reconnues pour être particulièrement sensibles à la déshydratation. Les périodes chaudes et sèches, en plus d en tuer un certain nombre, auraient pour effet de réduire la fécondité des femelles émergeant par la suite. D autre part, selon certaines références, la forte baisse de la population observée durant l hiver serait en grande partie reliée à l effet des parasites sur les pupes de dernière génération. Le cycle vital de la teigne est relativement court. Si l on se fit aux données françaises, jusqu à 3 générations par année seraient possibles au Québec. Les données disponibles concernant les différentes étapes du cycle vital de la teigne du poireau sont présentées au tableau 1. La figure 1, construite à partir de ces données, présente les durées probables des différentes étapes du cycle vital de la teigne sous nos conditions (année normale) ainsi que les dates d arrivée estimées (période de ponte) des différentes générations. Ces dates estimées coïncident très bien avec les dates de captures (pièges à phéromones) obtenues en 2003 par l Agence canadienne d inspection des aliments (ACIA) et par nos confrères ontariens. Il semble donc que du point de vue de leur biologie, les teignes françaises seraient très semblables aux nôtres. 3

Tableau 1 : Données biologiques relatives aux différentes étapes du cycle vital de la teigne du poireau Adulte Température nocturne minimale permettant l activité sexuelle 10 à 12 o C Délai émergence-accouplement 1 jour Délai accouplement - ponte 2 à 3 jours à 25 o C 4 à 6 jours à 15 o C Période de ponte 10 à 30 jours Nombre d œufs par femelle 80 à 240 oeufs Oeuf Incubation (ponte à éclosion) 6-7 jours à 20 o C 90 degrés-jours ( o C) base 6* Larve Durée du développement 15 jours à 20 o C Photopériode pouvant induire la diapause reproductive des adultes 15 heures et moins Pupe Durée du développement 10 jours à 20 o C Larve + pupe Durée du développement 360 degrés-jours( o C) base 6* Cycle complet Température optimale 20 à 25 o C * : Le nombre de degrés-jours base 6 accumulés dans une journée est égal à : [(température maximale température minimale)/2] -6 Figure 1 : Cycle vital de la teigne du poireau, intervalle entre les stades et dates probables des générations en Montérégie P= 8-10 j É= 6-7 j Oeuf (0,4 mm) P= 5 à 7 j É= 3 à 4 j DURÉE TOTALE: P=40-50 j, É=35 j G1: mi à fin mai G2: fin juin-déb. juillet G3: déb. août Adultes d hiver: mi sept. Larve (12 mm) P= 20 j É=15 j Adulte (6 mm) 10 j Pupe (6 mm) Légende : P=Printemps, É=Été, G=Génération Source des photos : INRA (Institut national de la recherche agronomique), France 4

Il est intéressant de noter que la diapause reproductive (arrêt de la reproduction des adultes) en fin de saison est conditionnée par la longueur du jour (photopériode) subit par les larves. Cette diapause serait induite par les photopériodes inférieures à 15 heures (région de Tours en France). Chez nous, ce seuil est atteint vers la fin juillet. En pratique, ceci signifie les papillons émergeant en septembre ne devraient pas représenter une menace pour les cultures (pas de nouvelle ponte). Ces papillons immatures sexuellement sont destinés à passer l hiver ; leur maturation sexuelle a lieu au printemps suivant lors du retour des températures élevées et des longues photopériodes. Impact sur les cultures En Europe, l intensité des dommages varie beaucoup d une année à l autre et d une génération à l autre. Le portrait typique d une saison au Nord de la France est à peu près le suivant : La première génération printanière est habituellement faible suite à la forte mortalité hivernale des adultes. À cette époque de l année, les dégâts demeurent souvent peu apparents et ont lieu surtout sur les plantes les plus développées comme l ail d automne et les poireaux ayant passés l hiver (ex : poireau pour la semence). Lors des 2 ou 3 générations subséquentes, les populations s accroissent de sorte que, si aucun moyen de contrôle n est appliqué, on observe de plus en plus de dommages aux cultures. Ce portrait est modifié principalement par les hivers doux favorables à la survie hivernale de l insecte et par les périodes chaudes et sèches survenant certains été qui aident à maintenir les populations basses. Les lésions au feuillage causées par les larves de teigne ralentissent la croissance de la plante et favorisent l entrée des maladies. Cependant, dans le poireau, c est avant tout la qualité des plants pour la vente qui est affectées. En cas de dommage léger, l enlèvement des quelques feuilles altérées lors du parage permettra de récupérer les plants. Par contre, en cas de dommages sévères, si les fûts sont percés en profondeur ou si le point de croissance est affecté, les poireaux devront être rejetés. Dans l oignon, le dessèchement de quelques feuilles relié à la présence des teignes n aurait que peu d impact sur le rendement en bulbes. Tel qu expliqué dans la section biologie, ce ne serait que sous certaines conditions exceptionnelles que les teignes pourraient s attaquer aux bulbes. En terme de répartition des dommages dans les champs, il semble que les bordures seraient généralement les plus affectées. Cette situation s explique probablement par le fait que la majorité des adultes ayant survécu à l hiver arrive des zones abritées situées à l extérieur des champs. Les teignes femelles semblent très efficaces pour retrouver leurs plantes hôtes et, lorsqu un site propice à la ponte est trouvé, elles auraient peu tendance à se disperser par la suite. La concentration des dommages dans certains secteurs des champs souvent observée pourrait aussi être reliée à l effet «auto-stimulant» des attaques de teignes. Les 5

femelles étant attirées par l odeur des cultures hôtes, elles iraient pondre préférablement dans des plants déjà endommagés ces derniers produisant une plus forte odeur. En ce qui a trait à la sensibilité des cultures, le poireau serait indéniablement l hôte le meilleur et le plus attirant pour la teigne. L ail arriverait en second lieu, suivi de l échalote et de l oignon. En France et dans la majorité des pays où sévit la teigne, celle-ci est considérée comme un ravageur majeur sur le poireau mais mineur sur l oignon. Il est très difficile de prévoir à l heure actuelle quel sera l impact réel de la teigne sur nos cultures. Les observations effectuées jusqu à maintenant dans l Est de l Ontario et l Ouest du Québec indiquent que les dommages sont généralement localisés sur de petites superficies cultivées biologiquement ou sans pesticides. En 2003, on a aussi observé des dommages dans des champs de poireaux commerciaux mais uniquement dans de petites zones très localisées. Notre situation est très différente de celle que l on retrouve dans les pays européens où la teigne cause des pertes importantes. Ici, le poireau, l hôte principal de la teigne, n est pas une culture dominante. En France, par exemple, on cultive 10 000 ha de poireau dans les champs commerciaux et autant dans les potagers familiaux. En contrepartie, l oignon n y occupe que 7500 ha. La présence de ces importantes superficies en poireau favorise certainement un accroissement rapide des populations de teigne d une génération à l autre d autant plus que les potagers font rarement l objet d un suivi phytosanitaire rigoureux. Nos hivers plus froids pourraient aussi favoriser une plus forte mortalité hivernale de l insecte. Par contre, il faut noter qu en France comme dans plusieurs autres pays au climat comparable, le thrips est aussi un ravageur prépondérant dans l oignon et, dans une moindre mesure, dans le poireau. Sa répression nécessite l utilisation fréquente d insecticides qui, du même coup, détruisent les teignes présentes. Au Québec, où il arrive peu fréquemment que nous aillions à intervenir contre le thrips, la teigne pourrait bénéficier indirectement de la situation en étant en mesure de se multiplier davantage notamment dans l oignon. Méthodes de lutte En Europe, dans les pays ou la teigne est abondante, on doit avoir recours aux pulvérisations insecticides. En France, plusieurs matières actives sont homologuées, principalement des produits de la famille des pyréthrinoïdes et quelques organophosphorés. Un insecticide à base de Bt (Bacillus thuringiensis) est aussi permis. La principale difficulté avec la teigne consiste à déterminer le bon moment pour traiter. Selon nos cousins français, idéalement, l insecticide devrait être appliqué au stade «baladeur» (voir la section sur la biologie) avant que la jeune chenille ne s enfonce trop profondément dans le fût. Ceci implique qu il faut connaître le plus précisément possible le moment de la ponte et intervenir peu de temps après l éclosion des œufs. 6

Pour déterminer les périodes de ponte, les Français utilisent simultanément plusieurs outils : les températures moyennes, les pièges à phéromone et les cages d élevage. Les températures moyennes sont utilisées pour calculer les degrés-jours (base 6) et ainsi suivre le développement de la teigne (voir le tableau 1). Le développement complet de l insecte de l œuf à l adulte nécessiterait 450 degrés-jours base 6 incluant une période d incubation de l œuf de 90 degrés-jours. Les pièges à phéromones permettent d évaluer l intensité et la durée des périodes de ponte des papillons. Ces pièges sont appâtés avec une substance chimique qui imite celle produite par les femelles pour attirer les mâles. À partir du nombre de papillons mâles capturés, on peut donc suivre l évolution de l activité des papillons à chacune des générations. Les cages d élevages sont des cages grillagées suffisamment grandes pour qu on y cultive quelques plants de poireau et dans lesquelles on introduit des pupes ou des adultes recueillis en champ. L émergence des adultes et la ponte (comptage des œufs) y sont suivi de près. C est la méthode qui permet de déterminer le plus précisément la période de ponte de chacune des générations. En utilisant ces outils, nos cousins européens seraient en mesure de réduire à un ou deux, selon l étalement de la période de capture des papillons, le nombre de traitements insecticides requis par génération. Le moment idéal pour traiter se situerait de 3 à 10 jours après l éclosion des premiers œufs. Compte tenu de l état cireux du feuillage, on recommande également d ajouter un agent mouillant et d utiliser beaucoup d eau (1000 litres / ha). Diverses mesures préventives peuvent aussi être appliquées afin de réduire les risques d infestation par la teigne. On peut citer entre autre : la rotation des cultures, l enfouissement rapide des débris de culture et des résidus de parage et la tonte fréquente des zones enherbées en bordure des champs. Les repousses printanières d oignons et de poireaux oubliés l automne précédent devraient aussi être éliminées le plus rapidement possible. À petite échelle, la récolte manuelle des pupes peut aussi être envisagée. Pour les producteurs biologiques, l installation de filets sur les parcelles non infestées lors des périodes d activité des papillons pourrait également être utile. Nos observations de l été 2003 ont aussi permis de faire la constatation suivante : les plants de poireau les plus gros et les plus vigoureux supportent mieux l attaque des teignes que les plants plus petits ou dont la croissance est plus lente. Sur les gros plants, les dommages se retrouvent surtout sur les feuilles extérieures qui peuvent facilement être éliminées lors du parage tandis que sur les petits plants le point de croissance est souvent fortement endommagé. Le fait de s assurer d une croissance vigoureuse tout au long de la saison pourrait donc aussi contribuer à limiter les pertes. À cet effet, une fertilisation et une irrigation adéquates des champs pourraient donc jouer un rôle majeur. 7

Conclusion Bien que nous n aillions recueilli que peu d information concernant la biologie de la teigne sous nos conditions, la comparaison de nos observations avec les données disponibles en France indique que les teigne françaises seraient très semblables aux nôtres. À première vue, il semble même que la plupart des données biologiques pourraient être utilisées ici. En terme de dommages potentiels aux cultures, le portrait est par contre beaucoup moins clair. Même si les données européennes nous fournissent quelques pistes, le contexte climatique et agronomique québécois est différent de celui que l on retrouve en Europe. S il est à peu près certain que nos poireaux seront la cible favorite des teignes, la fréquence des dommages, leur répartition dans les champs et l intensité des pertes sont des éléments que nous devrons découvrir de nous même au cours des prochaines années. L impact qu aura la teigne sur les autres cultures alliacées et sur nos oignons en particulier est encore moins évident à évaluer puisque peu de références traitent de ce sujet. La plupart de celles-ci indiquent que nos oignons ne seraient pas vraiment menacés, d autres par contre laissent planer certaines inquiétudes. Du côté des méthodes de lutte, nous avons aussi beaucoup de chemin à parcourir. L établissement rapide d un réseau de dépistage de la teigne utilisant les pièges à phéromone serait souhaitable. Ce réseau pourrait permettre de suivre l évolution de la teigne dans les différentes régions tout en fournissant les informations de base permettant d orienter les traitements. À court terme, nous devrons également voir à l homologation d insecticides contre ce nouveau ravageur. Même si dans l oignon, plusieurs des produits déjà homologués devraient être efficaces contre la teigne, dans le poireau, la situation est tout autre puisqu on ne dispose que d un seul insecticide. Ministère de l Agriculture, des Pêcheries et de l Alimentation 118, rue Lemieux, Saint-Rémi, J0L 2L0 Téléphone : (450) 454-2210, poste 229 Télécopieur : (450) 454-7959 Courriel : mario.leblanc@mapaq.gouv.qc.ca 8