Comment améliorer la qualité de l enseignement en FWB? L apport des enquêtes internationales D. Lafontaine, Professeure Université de Liège Département Education et formation Analyse des systèmes et des pratiques d enseignement
Plan de la présentation Le dispositif d évaluation Quelques informations générales Ce que PISA évalue De PISA 2000 à PISA 2012 : évolutions marquantes Quelles années d étude fréquentent les jeunes de 15 ans? Tendances dans les trois domaines Zoom sur le 1 er degré Améliorer la qualité du système éducatif : pistes et enjeux
PISA : quelques informations générales 65 pays (34 Ocdé, 31 partenaires) 510 000 élèves de 15 ans Fédération Wallonie-Bruxelles : échantillon représentatif des élèves de 15 ans (3 457 élèves -110 établissements) Tous les trois ans, trois domaines évalués
Vu dans la presse
Qu évalue PISA? Les savoirs et compétences que devraient posséder les jeunes en lecture, mathématiques et sciences au moment où ils s apprêtent à quitter l enseignement obligatoire. La population d élèves testée = les élèves de 15 ans, où qu ils en soient dans leur scolarité ( fort impact du retard scolaire).
A quoi sert PISA? À comparer les performances de notre système éducatif à d autres À se comparer à nous-mêmes dans le temps : nos élèves progressent-ils? Qui progresse le plus? À mesurer l impact de certaines réformes
Les années fréquentées en 2003 et en 2012 par les élèves de 15 ans 45 40 41 39 2003 2012 35 30 25 21 20 15 12 17 16 13 18 10 5 0 7 5 4 4 1 1 Autres 1er degré 3e TQ/P 4e TQ/P 3e G/TT 4e G/TT 3e degré
Performances moyennes en mathématiques Italie Espagne Fédération russe République slovaque Shangai - Chine 613 Etats-Unis Singapour 573 Lituanie Hong-kong - Chine 561 Suède Taïpei chinois 560 Hongrie Corée 554 Croatie Macao - Chine 538 Israël Japon 536 Grèce Liechtenstein 535 République tchèque 499 Serbie Suisse 531 France 495 Turquie Communauté flamande 529 Moyenne Ocdé 494 Roumanie Pays-Bas 523 Royaume-Uni 494 Chypre Estonie 521 Fédération Wallonie-Bruxelles 493 Bulgarie Finlande 519 Islande 493 Emirats arabes unis Canada 518 Lettonie 491 Kazakhstan Pologne 518 Luxembourg 490 Thailande Allemagne 514 Union européenne 490 Chili Vietnam 511 Norvège 489 Malaisie Communauté germanophone 511 Portugal 487 Mexique Autriche 506 Monténégro Australie 504 Uruguay Irlande 501 Costa Rica Slovénie 501 Albanie Danemark 500 Brésil Nouvelle-Zélande 500 Argentine Tunisie Jordanie Colombie Qatar Indonésie Pérou En mathématiques, des résultats comparables à la moyenne des pays de l Ocdé
Performances moyennes en lecture et en sciences Lecture Japon 538 Corée 536 Finlande 524 Irlande 523 Communauté flamande 518 Pologne 518 Estonie 516 Pays-Bas 511 Suisse 509 Allemagne 508 France 505 Norvège 504 Communauté germanophone 499 Royaume-Uni 499 Féd. Wallonie-Bruxelles 497 Ocdé 496 Danemark 496 République tchèque 493 Union européenne 491 Italie 490 Autriche 490 Hongrie 488 Espagne 488 Luxembourg 488 Portugal 488 Suède 483 Islande 483 Slovénie 481 Grèce 477 Turquie 475 République slovaque 463 En lecture, des résultats comparables à la moyenne des pays de l Ocdé ou de l Union européenne En sciences, des résultats inférieurs à la moyenne des pays de l Ocdé ou de l Union européenne Sciences Japon 547 Finlande 545 Estonie 541 Corée 538 Pologne 526 Allemagne 524 Pays-Bas 522 Irlande 522 Communauté flamande 519 Suisse 515 Slovénie 514 Royaume-Uni 514 Communauté germanophone 508 République tchèque 508 Autriche 506 Ocdé 501 Union européenne 499 France 499 Danemark 498 Espagne 496 Norvège 495 Hongrie 494 Italie 494 Luxembourg 491 Portugal 489 Féd. Wallonie-Bruxelles 487 Suède 485 Islande 478 République slovaque 471 Grèce 467 Turquie 463
L évolution dans les trois disciplines Mathématiques Lecture Sciences 560 560 560 530 500 Ocdé 530 500 Ocdé 530 500 Ocdé 470 FWB 470 FWB 470 FWB 440 440 440 410 410 410 380 2000 2003 2006 2009 2012 380 2000 2003 2006 2009 2012 380 2000 2003 2006 2009 2012 En mathématiques, la FWB rejoint la moyenne de l Ocdé, tandis qu en lecture le progrès esquissé en 2009 se confirme et qu en sciences l évolution est parallèle à celle de l Ocdé.
Tendances en lecture selon les niveaux de compétences 80% 70% 60% 70,8% 67,1% 64,4% 50% 40% 30% 20% 10% 28,2% 23,3% 19,2% 9,6% 10,0% 7,5% 2000 2009 2012 0% Faibles Moyens Forts La diminution de la proportion d élèves faibles se poursuit, au profit de l augmentation de la proportion d élèves moyens. La proportion d élèves forts se stabilise.
Par quoi peuvent s expliquer les progrès en lecture? Des changements de pratiques? Mais enquête Pirls (P4) Quand intervient le changement? Quels élèves sont concernés? Réforme du 1 er degré + évaluations externes + ajout d une heure de français
Le 1 er degré différencié Est une avancée dans la direction du tronc commun Objectif commun, précis : obtenir le CEB Parcours différencié (et renforcé) pour y parvenir Moins d orientations précoces par défaut vers le qualifiant Diminution de la proportion d élèves aux compétences de base fragiles
Différences selon le niveau socio-économique Une différence de 112 points entre le quart des élèves les plus favorisés et le quart des élèves les moins favorisés, c est nettement plus que dans la plupart des autres pays.
Disparités importantes entre les pays, mais aussi entre les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles 620 600 Shanghai - Chine 613 580 560 Corée 554 Favorisés 553 A l'heure 545 4G/TT 565 540 520 500 480 Cté flamande 529 Cté germanophone 511 Danemark 500 FWB 493 Espagne 484 Garçons 498 Filles 488 Natifs 508 Moyenne Ocdé 494 3G/TT 492 4TQ/P 485 460 440 420 Grèce 453 Mexique 413 Immigrés 459 Défavorisés 442 En retard 439 3TQ/P 429 400 Sexe Origine Niveau socio-économique Retard scolaire Degré Baye et al. (2013). Les mathématiques à 15 ans - Résultats de PISA 2012
Les écarts entre les résultats des écoles les plus fortes et les plus faibles 750 700 650 600 550 500 450 400 350 300 100 points 112 points 113 points 25% les plus faibles 161 points 181 points 183 points 192 points 209 points
Et ailleurs, comment ça marche? Le monde est un laboratoire de pédagogie
De l intérêt de se comparer à d autres Même si tout n est pas transposable, l expérience d autres systèmes éducatifs est instructive En reliant les performances aux tests à des informations de contexte, on peut tenter de répondre à la question de savoir ce qui fait qu un système est plus efficace et/ou plus équitable
D autres choix : les structures
% d élèves ayant redoublé au moins une fois à 15 ans (Pisa 2009) Féd. Wallonie - Bruxelles 46,6 40% 30% 20% 10% France 36,9 Luxembourg 36,5 Spain 35,3 Portugal 35,0 Belgium 34,9 Netherlands 26,7 Chile 23,4 Switzerland 22,8 Mexico 21,5 Germany 21,4 Italy 16,0 United States 14,2 Turkey 13,0 Austria 12,6 Ireland 12,0 Hungary 11,1 Canada 8,4 Australia 8,4 Israel 7,5 Greece 5,7 Estonia 5,6 Poland 5,3 New Zealand 5,1 Sweden 4,6 Denmark 4,4 Czech Republic 4,0 Slovak Republic 3,8 Finland 2,8 United Kingdom 2,2 Slovenia 1,5 Iceland 0,9 Japan 0,0 Korea 0,0 Norway 0,0 10% 18 pays sur 34 Moyenne OCDE : 13% 0%
Coût du redoublement en FWB 51,3 millions d euros dans le primaire; 365,3 millions dans le secondaire Soit 10,9 % du budget de l enseignement ordinaire à ces deux niveaux.
Quel impact a l organisation sur l efficacité et l équité du système? A l aide des données PISA, on peut examiner dans quelle mesure la manière dont un système est organisé agit : 1. Sur l efficacité du système (performances moyennes des élèves de 15 ans dans différentes disciplines) 2. Sur la dispersion des performances (écarts entre les élèves les moins et les plus performants); sur la proportion d élèves très performants ou en grande difficulté 3. Sur l équité du système : sur les écarts de performances entre les élèves d origine socialement favorisée ou défavorisée
Effets des filières et du redoublement Dans les pays avec filières, orientation précoce, redoublement, Les performances moyennes dans PISA sont un peu moins élevées Les écarts entre les élèves les plus et les moins favorisés socialement sont nettement plus importants Les écarts entre les élèves les plus et les moins performants sont nettement plus importants Regrouper les élèves dans des classes ou des écoles en fonction de leur niveau accentue indubitablement les écarts
Effets du tronc commun Le «niveau» n est pas plus bas lorsqu il existe un tronc commun jusqu à 15 ans et pas de redoublement, au contraire.
L exemple de la Pologne La Pologne, entre 2000 et 2003, a décidé d adopter un tronc commun au moins jusqu à 15 ans (auparavant, 50% d E dans le professionnel, 20% au lycée général)
Performances en lecture en Pologne 530 520 518 510 500 490 497 508 500 480 479 470 2000 2003 2006 2009 2012
L enseignement à tirer du cas polonais Allonger d un an le tronc commun dans un même système éducatif produit très rapidement une amélioration spectaculaire de l équité N entraine pas une baisse de niveau, au contraire, le niveau moyen a monté. La proportion d élèves peu performants a diminué et la proportion d élèves très performants a augmenté Instauration d épreuves externes certificatives et attentes élevées pour tous (cf. 1 er degré)
Le tronc commun: clés du succès Ouverture sur d autres compétences sociales, civiques, techniques et professionnelles, qui sont valables pour tous et préparent une orientation positive pour la fin du secondaire (fin de l orientation par l échec ou relégation). Par ex. Finlande : couture et cuisine sont obligatoires pour les garçons, menuiserie, électricité, mécanique sont obligatoires pour les filles.; cours sur orientation, projet personnel, sens des apprentissages scolaires Il serait préférable que ce tronc commun soit organisé dans des établissements distincts (cf. 1 ers degrés autonomes).
Le tronc commun: clés du succès Tronc commun = visée commune, attentes élevées pour tous Epreuve certificative à enjeux à l issue du tronc commun
Comment améliorer la qualité? Pistes et enjeux Figure 1 - Une typologie de la gouvernance en éducation (Fend, 2006)
Orientations Il faut œuvrer simultanément au niveau du système, au niveau des pratiques d enseignement.
Orientations : le pilotage du système Des avancées considérables depuis les années 2000 Référentiels de compétences communs Evaluations externes Indicateurs Commission et service général du pilotage => Vision commune, davantage d égalité de traitement
Orientations : soutenir les enseignants et les classes Certaines avancées Création de l IFC Chantier de la formation initiale Actions-projets du type Décôlage Actions de grande ampleur pour améliorer les pratiques d enseignement et le fonctionnement des équipes éducatives? => Des avancées significatives s imposent pour une gestion intégrée de la qualité
Un exemple d action de grande ampleur En Allemagne : le programme SINUS lancé en 1998 suite à TIMSS 1995 (voir http://www.sinus-transfer.eu/). Plus de 1800 écoles organisées en réseaux dans pas moins de 13 des Länder ont été impliquées par vagues successives. Tous les aspects relatifs à l enseignement des sciences et des mathématiques sont couverts par le programme (didactique proprement dite, évaluation formative, aspects motivationnels, apprentissage coopératif, autorégulation des apprentissages, interdisciplinarité ). Suite à l implantation de ce programme, les résultats des élèves allemands en mathématiques et en sciences se sont significativement améliorés, alors qu en lecture domaine où aucun investissement particulier n a été consenti les résultats stagnent.
Deux objectifs majeurs Réduction de la proportion de jeunes qui ne possèdent pas les acquis de base. Réduction des inégalités sociales de réussite scolaire, lutte contre la dualisation.
Agir sur les structures ne suffit pas Monseur et Lafontaine (2009) ont montré que les différences de performances entre écoles dans PISA s expliquent moins par un effet direct de la composition sociale que par les parcours scolaires (redoublement, filières). Donc agir directement pour tenter d augmenter la mixité sociale des établissements ne permet pas de réduire substantiellement les mécanismes de ségrégation ; il faut s attaquer aux canaux par lesquels les inégalités sociales se sédimentent (le redoublement et les filières précoces). Renoncer au redoublement et à l orientation précoce passe par un indispensable changement des pratiques pédagogiques et de la gestion des différences de rythme, d aptitudes et de la progression dans les apprentissages il faut soutenir les enseignants et les écoles
Décréter ne suffit pas Il faut changer la culture. Il faut d abord changer les pratiques d enseignement pour changer la culture ou les représentations (cf Décôlage). 70% des enseignants de 4P disent ne pas savoir comment remédier aux difficultés en lecture et 40% se sentent mal formés en lecture.
L indispensable réforme de la formation initiale Les enseignants sont en demande : enquête participative organisée par les FUSL depuis l arrêté du 14 mars 2009, augmentation substantielle des enseignants dans les masters en éducation en horaire décalé
Fixer des standards et définir de manière programmatique le soutien et les moyens nécessaires pour y parvenir Définir des standards ou objectifs mobilisateurs Programmer des actions cohérentes et de longue durée permettant de parvenir aux objectifs fixés.
Fixer des standards et définir de manière programmatique le soutien et les moyens nécessaires pour y parvenir Par exemple : le taux de redoublement en dessous de 5 % à l issue de l enseignement primaire à l horizon 2020 ; le pourcentage d élèves en dessous du niveau 2 dans PISA autour de 15 % en 2018 ; le lien entre l origine sociale et les performances dans PISA à la hauteur de ce qu il est dans la moyenne des pays OCDE ou de systèmes éducatifs comme les Pays- Bas, la Suisse (pays avec filières, mais dont l équité est plus satisfaisante) ;
Investir dans la R & D en éducation Alors que l éducation est la compétence principale de la FWB, celle-ci consacre très peu de moyens à la recherche en éducation et ceux-ci sont souvent affectés à court terme à des équipes de recherche qui éprouvent beaucoup de difficultés à élaborer et maintenir des programmes de recherche cohérents. Les crédits non affectés dans le cadre du financement des manuels scolaires dépassent largement les moyens dévolus par la FWB à la recherche en éducation et la recherche en pédagogie
Investir dans la R & D en éducation En FWB, la recherche continue de se faire «à la demande», malgré le Décret de 2006 instaurant un plan pluriannuel de recherche en éducation soumis à la Commission de pilotage. L Allemagne, par exemple, pour faire face au choc PISA 2000, a réagi en augmentant de façon sensible les moyens consacrés à la recherche en éducation.
Oser toucher aux tabous : taux d encadrement Ratio élèves/enseignant Belgique Moyenne Ocdé Maternel 16 13 Primaire 13 16 Secondaire inférieur 9 13 Secondaire supérieur 9 13 Supérieur 21 14! Attention, il ne s agit pas du nombre moyen d élèves par classe, mais d un ratio élèves par enseignant.
Oser toucher aux tabous : où sont les priorités? La FWB «privilégie» de facto l enseignement secondaire. Les filières sont précoces, l enseignement technique ou professionnel coûte plus cher que l enseignement général, cet enseignement «qualifie»-t-il les élèves dans le 2 e degré? Réseaux et options multiples, cours philosophiques Les classes peuvent être nombreuses dans les cours généraux, options peu fréquentées La FWB poursuit une politique de l offre éducative «à la carte», chaque école offrant un éventail le plus large possible dans un contexte de vive concurrence entre écoles (financement au nombre d élèves) En termes d efficience, politique très questionnable.
En guise de conclusion Tous les systèmes éducatifs qui se sont lancés dans un changement de structure sont passés par les mêmes débats et les mêmes questionnements. Ils ont dû basculer d une logique de différenciation, qui gère les difficultés d apprentissage en séparant les publics d élèves et en les orientant sur des voies différentes vers une logique d intégration qui implique une gestion plus directement pédagogique des difficultés d apprentissage et de l inévitable hétérogénéité des acquis, des rythmes et des aptitudes. La révolution pédagogique qu appelle le changement de structure rend d autant plus indispensables et urgents une refonte des dispositifs de formation initiale et continue et des dispositifs d accompagnement des équipes pédagogiques
En guise de conclusion On ne peut pas laisser les enseignants seuls et en partie désarmés face à un tel changement Il faut agir simultanément au niveau des structures et au niveau des pratiques enseignantes
Merci pour votre attention!