Traitement par voie basse des lésions villeuses du rectum : traitement chirurgical

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Traitement par voie basse des lésions villeuses du rectum : traitement chirurgical S. Benoist Service de Chirurgie Digestive et Oncologique CHU Bicêtre

Conflits d intérêt Aucun conflit d intérêt à déclarer

Objectifs Pédagogiques Définir une tumeur villeuse rectale et les critères histologiques et topographiques guidant le choix du traitement Quelles sont les bonnes indications d'un traitement chirurgical par voie basse? Type de résection et résultats Connaître les complications et les séquelles fonctionnelles des traitements chirurgicaux

Définition tumeur villeuse rectale Définition Tumeur dont la surface reproduit les villosités intestinales : aspect framboisé Volumineuse et sessile Problématique Risque élevé de récidive après résection Risque élevé de transformation maligne 20 40% en fonction de la taille Dégénérescence difficile à affirmer en pré-op 20-25% de cancer invasif malgré biopsies multiples négatives Worrel S, Am J Surg 2004

Principal inconvénient traitement voie basse : Impasse sur les métastases ganglionnaires Risque ganglions envahis en cas de tumeur villeuse dégénérée T2 Tis T1 muqueuse musc. muq sous muqueuse musculeuse Gg+ <1% 3-23% Nancy, Ann Surg 2007; Bachet JB, J Chir 2008 12-28%

Tumeur villeuse T1 : risque de ganglion envahi Sm1 Sm2 Sm3 3% 8% 23% muqueuse musc. muq sous muqueuse musculeuse Gg+ Nascimbeni R, Dis Colon Rectum 2002

Bilan avant traitement voie basse Recherche envahissement en profondeur Toucher rectal : mobilité de la lésion Endoscopie avec multiple biopsies Aspect de la lésion : ulcération, ombilication, taille, circonférence Soulèvement ou non soulèvement de la lésion Corrélation avec envahissement de la sous muqueuse : 85-95% Echoendoscopie Différentiation N0 vs N+ : précision diagnostic de 60-70% Différentiation T1 vs T2 : précision Dg de 85-95% Avec mini-sonde : différentiation T1sm1 vs T1sm2-3 : 70-90% IRM rarement utile : mauvaise différentiation T1 vs T2 Ishiguro, Gastrointest Endosc 2002; Schaffzin Clin Colorect Cancer 2004; Stark Colorect dis 2005, Salinas Arch Surg 2011; Layahe Semin ultrasound CT MRI 2005

Indication d un traitement chirurgical par voie basse Toucher rectal : tumeur mobile Endoscopie : tumeur non ulcérée, non indurée d une taille 7-8 cm occupant moins des ¾ circonférence Située sur rectum sous douglassien Echo-endoscopie : ut1n0 ou ut1sm1 si mini-sonde Mauvaise indication d une éxérèse endoscopique Taille > 5 cm ou très basse venant dans canal anal Absence soulèvement Exérèse mono-bloc impossible RPC 2005, Gastroenterol Clin Biol 2006

Indication d un traitement chirurgical par voie basse 2 principes à respecter Le traitement de référence du cancer du rectum invasif est la proctectomie Si critères pré-op non respectés Si exérèse est incomplète l exérèse trans-anale peut compromettre le pronostic carcinologique la prise en charge définitive ne pourra être décidée qu après analyse histologique définitive de la pièce de résection locale en RCP RPC 2005, Gastroenterol Clin Biol 2006; Hahnloser D, Dis Colon Rectum 2005; Piessen G, Colorectal Dis 2012.

Décision en fonction examen histologique définitif TR, endo et échoendoscopie Tis ou T1N0 exérèse locale critères favorables : Tis,T1sm1, exérèse complète bien ou moyennement différenciée pas d'embole, pas de budding surveillance T1sm2 et autres critères respectés discussion en RCP : surveillance ou exérèse rectale complémentaire RPC 2005, Gastroenterol Clin Biol 2006 Ramirez JM, Int J Colorectal Dis 2011; Nakagoe T, Br J Surg 2002 1 critères défavorable : exérèse incomplète T1sm3 ou T2, indifférencié Embole, budding exérèse rectale complémentaire

Quelle technique? Objectifs du traitement par voie basse Réaliser une exérèse en totalité de la lésion avec limite de résection en zone saine Monobloc : en 1 seul fragment Ne pas compromettre une résection rectale ultérieure en cas de cancer invasif Permettre la réalisation d un examen histologique complet de la lésion et des marges de résection Pièce résection épinglée et fixée sur un support fixe Orientée Envoyée en pièce fraîche

Exérèse trans-anale «classique» Règle carcinologique : monobloc, 1 cm de marge, exérèse jusqu à la graisse périrectale Tumeur basse Tumeur haute Bistouri électrique Parachute Lambeau tracteur

Exérèse trans-anale classique C est la technique la plus pratiquée Mais Tumeur : petite taille (<3cm) et pôle inférieur à 8 cm de la marge Technique : difficulté exposition (aide), pas toujours monobloc, hémostase difficile Résultats carcinologiques : 12-20% récidive in situ Taylor (1998) Marge moyenne (mm) 2,5 Résection R1 25 % Varma (1999) 3 12 % Garcia (2000) - 11 % Endreseth (2005) 3 17 % Chen (2005) 3 0% Pigot (2005) - 15 %

Exérèse trans-anale par microchirurgie endoscopique (TEM) Technique peu connue et peu développée en France : coelioscopie endo-rectale Même indication que exérèse trans-anale classique Mais Permet l exérèse de lésion plus haut située du moyen et haut rectum Permet l exérèse de lésion plus volumineuse (7-8 cm) 3/4 circonférence voir circonférentielle (risque de sténose) Permet résection dans les différents plans de la paroi rectale : sous muqueuse, musculeuse ou graisse péri-rectale

Technique TEM

Technique TEM

Technique TEM

Résultats TEM Benoist (2001) Marge Résection moyenne (mm) R1 5 2% Récidive in situ 3% Nakagoe (2002) 6 0% 1% De Graaf (2002) 5 9% 3% Araki (2003) - 1% 0,9 % Tsai (2010) 6 7% 5% Allaix (2012) 6 11% 5,5% Scala (2012) - 9% 7% Les résultas de la TEM semblent meilleurs

Comparaison TEM EL classique Résection R1 Moore (DCR 2008) TEM 10% Récidive in situ EL TEM 29% 5% EL 27% Christoforidis (Ann Surg 2009) 2% 16% 2% 12% De Graaf (Colorectal Dis 2011) 12 % 50% 6% 28% Meilleurs résultas de la TEM par rapport à exérèse trans-anale

Alternative moins chère à la TEM Monotrocart de coelioscopie Plus souple que rectoscope TEM : moins de trauma sphincter Plus court que rectoscope TEM : tumeur moins haute Etanchéité moins bonne Faisabilité : 87 % dans une série de 15 malades conversion TEM Barendse, Ann Surg 2012

Complication techniques chirurgicales Perforation péritonéale Mortalité Morbidité - Hémorragie Exérese trans- anale < 1% TEM < 1% < 1% 10-20% 4-5% 5% - Urinaire (rétention) - Fièvre Réintervention 5% < 1% 5% 5-20% 5-10% (grave et retardée) 5% 10% 7-10% Durée hospitalisation 2-4 j 2-4 j Morbi-Mortalité moindres qu une proctectomie sous coelioscopie Middleton (05), Cataldo (05), Allaix (09), Bach (09), Benoist (10), Seman (10), Tsai (10), Lezoche (11), Pigot 2003, Endreseth 2005, Nastro 2005, Chen 2005

Séquelles techniques chirurgicales Exérese trans- anale 3-7% 5-8% Incontinence transitoire < 1% 1-3% Incontinence définitive < 0,5 % < 0,5 % Suintement 2-3% 1-2% - 0,5-1 % sténose Douleur chronique TEM Séquelles bien moindres qu après proctectomie Middleton (05), Cataldo (05), Allaix (09), Bach (09), Benoist (10), Seman (10), Tsai (10), Lezoche (11), Pigot 2003, Endreseth 2005, Nastro 2005, Chen 2005

Conclusions En cas de tumeur villeuse volumineuse du rectum l exérèse locale chirurgicale est une alternative fiable à la proctectomie d emblée Morbi-mortalité et séquelles digestives moindres indications propres Si transgression : résultats oncologiques à long terme compromis La TEM : technique qui offre les meilleurs résultats Le traitement définitif : décision qu après analyse histologique définitive de la pièce de résection locale.

Points Forts 1. Les tumeurs villeuses du rectum ont un risque élevé de transformation maligne et ce risque augmente avec leur taille 2. Une exérèse locale chirurgicale ne peut être envisagé que pour une tumeur classée utis-t1n0 en échoendoscopie, de moins de 8 cm de diamètre et occupant au maximum les 3/4 de la circonférence 3. Avant d envisager une exérèse locale chirurgicale d une tumeur villeuse, il faut toujours prévenir le malade que la prise en charge définitive ne pourra être décidée qu en RCP en fonction de l examen anatomopathologique de la lésion réséquée 4. La TEM est supérieure aux techniques chirurgicales conventionnelles pour les lésions situées au dessus du sphincter anal en terme de taux de résection complète. 5. La morbidité des exérèses locales chirurgicales est inférieure à 20% et leurs séquelles à long terme sont inférieures à 5%.