CPAS : des précisions apportées à l enquête sociale par deux arrêtés royaux et une circulaire* Fiche juridique Aide sociale 1 I. Introduction Lorsqu une personne introduit une demande de revenu d intégration sociale ou d aide sociale, elle doit se présenter au CPAS de la commune où elle se trouve. La loi prévoit qu un accusé de réception doit lui être délivré. Actuellement, le délai d attente entre le moment où la personne s est présentée à l accueil du CPAS et * - Arrêté royal relatif aux conditions minimales de l enquête sociale établie conformément à l article 9bis de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les CPAS paru au moniteur belge du 1 er décembre 2013. - Arrêté royal relatif aux conditions minimales de l enquête sociale établie conformément à l article 19, 1 er, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l intégration sociale paru au moniteur belge du 1 er décembre 2013. - Circulaire du 14 mars 2014 portant sur les conditions minimales de l enquête sociale exigée dans le cadre de la loi du 26 mai 2002 relative au droit à l intégration sociale et dans le cadre de l aide sociale accordée par les CPAS et remboursée par l Etat conformément aux dispositions de la loi du 2 avril 1965.
le rendez-vous avec l assistant social en charge du dossier varie en moyenne de une à trois semaines selon la taille du CPAS. La loi prévoit un délai de 30 jours à dater de la demande pour statuer sur le dossier. Face à l augmentation du nombre de demandes, certains CPAS mettent cependant entre un et quatre mois pour statuer sur une demande. Suite à la demande d aide, l assistant social va faire une enquête sociale accompagnée d une visite à domicile. Cette enquête doit être basée sur des éléments concrets et non sur des rumeurs. A ce propos, on notera qu avant l entrée en vigueur des deux arrêtés royaux que nous développons dans cette fiche, la visite à domicile n était pas du tout réglementée. L enquête sociale était une obligation en matière de revenu d intégration mais une faculté en ce qui concernait l aide sociale. L assistant social doit ensuite faire un rapport social qu il soumettra au Conseil de l aide sociale. Ce dernier, composé d élus politiques locaux, prendra la décision d octroyer ou non l aide sollicitée par la personne, en fonction des éléments mis en avant dans le rapport élaboré par le travailleur social. C est le tribunal du travail qui est compétent pour annuler la décision d un CPAS prise sur base d une enquête sociale défaillante. Le tribunal est en mesure d imposer au CPAS une enquête sociale complémentaire et un octroi provisionnel de l aide dans l attente du jugement définitif. Le CPAS ne peut nullement faire appel à la police afin de l aider à mener l enquête sociale, ce qui est confirmé par la jurisprudence. 2
II. Articles de loi faisant référence à l enquête sociale dans les différentes lois relatives au CPAS 2 Avant ces précisions, on retrouvait les informations concernant l enquête sociale à : L article 9bis de la loi relative à la prise en charge des secours : lorsque les frais sont à charge de l État conformément aux articles 4 ou 5, une enquête sociale constate l existence et l étendue du besoin d aide. L article 19, 1 er de la loi DIS : le centre (à savoir le CPAS) procède à une enquête sociale en vue de l octroi de l intégration sociale sous la forme d un revenu d intégration ou d un emploi, en vue de la révision ou du retrait d une décision y afférente ou en vue d une décision de suspension de paiement du revenu d intégration. Le centre doit recourir pour l enquête sociale à des travailleurs sociaux, selon les conditions de qualification fixées par un arrêté royal. L article 5 de l arrêté royal d exécution de la loi DIS : les personnes visées à l article 19, 1 er alinéa 2 doivent être porteuses du diplôme d assistant social, d infirmier social gradué spécialisé en santé communautaire, ou d infirmier social, reconnu par les communautés. L article 60 de la loi organique : l intervention du centre est, s il est nécessaire, précédée d une enquête sociale, se terminant par un diagnostic précis sur l existence et l étendue du besoin d aide et proposant les moyens les plus appropriés d y faire face. 3 2 Loi du 08 juillet 1976 organique des centres publics d action sociale ; Loi du 02 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les centres publics d action sociale ; Loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l intégration sociale (loi DIS dans le texte) ; AR du 11 juillet 2002 portant règlement général en matière de droit à l intégration sociale (arrêté royal d exécution de la loi DIS dans le texte). 3 Article 60 1 er de la loi organique du 8 juillet 1976. 3
L intéressé est tenu de fournir tout renseignement utile sur sa situation et d informer le centre de tout élément nouveau susceptible d avoir une répercussion sur l aide qui lui est octroyée. 4 Le rapport social de l enquête sociale établi par un travailleur social visé à l article 44 fait foi jusqu à preuve contraire pour ce qui concerne les constatations de faits qui y sont consignées contradictoirement. 5 Le centre fournit tous les conseils et renseignements utiles et effectue les démarches de nature à procurer aux intéressés tous les droits et avantages auxquels ils peuvent prétendre dans le cadre de la législation belge ou étrangère. 6 Le centre prend toutes les initiatives nécessaires en vue d informer le public sur les différentes formes d aide qu il octroie et en fait rapport annuellement dans la note de gestion. 7 Il assure, en respectant le libre choix de l intéressé, la guidance psychosociale, morale ou éducative nécessaire à la personne aidée pour lui permettre de vaincre elle-même progressivement ses difficultés. 8 Il tient compte de la guidance déjà effectuée et de la possibilité de faire continuer celle-ci par l autre centre ou service auquel l intéressé à déjà fait confiance. 4 Article 60 1 er alinéa 2 de la loi organique du 8 juillet 1976. 5 Article 60 1 er alinéa 3 de la loi organique du 8 juillet 1976. 6 Article 60 2 de la loi organique du 8 juillet 1976. 7 Article 60bis de la loi organique du 8 juillet 1976. 8 Article 60 4 de la loi organique du 8 juillet 1976. 4
III. Les nouvelles dispositions instaurées par les deux arrêtés royaux et la circulaire La ministre Maggy De Block a reprécisé dans ces deux arrêtés royaux et la circulaire les conditions minimales de l enquête sociale prévue dans la loi du 26 mai 2002 relative au droit au revenu d intégration sociale et à l aide sociale accordés par les CPAS et remboursés par l État conformément aux dispositions de la loi du 2 avril 1965. Pour les dossiers qui engendrent un remboursement de l État, la ministre exige des travailleurs sociaux un minimum lors des enquêtes sociales. Le remboursement ne se fera pas si les travailleurs sociaux ne respectent pas toute la procédure énumérée dans la circulaire. Il faut distinguer deux parties dans la circulaire. La première concerne les éléments communs au revenu d intégration sociale et à l aide sociale. La deuxième partie aborde les différences entre les deux aides. A. Les points communs des deux arrêtés royaux 1. L enquête sociale est définie comme l enquête individuelle permettant au CPAS de récolter les informations nécessaires permettant d aboutir à un diagnostic précis sur l existence et l étendue du besoin d aide et proposant les moyens les plus appropriés d y faire face. Le demandeur d aide est la personne pour laquelle le centre procède à une enquête sociale. 2. Les conditions minimales de l enquête sociale 2.1. Les données relatives à l identification et au séjour du demandeur Elles permettent un récapitulatif des éléments qui ont permis de constater l existence et l étendue du besoin d aide. Elles comprennent les éléments d identification du demandeur : son nom et prénom, son numéro d identification de sécurité sociale (NISS), sa nationalité, son état civil, sa 5
composition de ménage, sa résidence effective. Si nécessaire, ce point est applicable au cohabitant. Le CPAS consulte les données du registre national via le flux de la Banque carrefour de la sécurité sociale. Il devra vérifier que la situation de fait du demandeur d aide (composition de ménage) correspond à la situation légale. Dans le cas contraire, ces données seront mentionnées dans l enquête sociale. 2.2. Le rapport social C est un document reprenant les données essentielles qui ont été collectées lors de l enquête sociale. Il peut être sous format papier ou électronique. Il se terminera par une proposition concrète de décision qui sera soumise au Conseil de l action sociale. La ministre rappelle que le rapport social fait foi jusqu à preuve du contraire pour les éléments qui y sont mentionnés et qui sont des constatations de faits. Pour qu ils aient force probante, ces éléments de faits doivent être consignés contradictoirement. Cela veut dire que le demandeur doit être entendu et que le CPAS doit l avoir informé des arguments qui ont été développés dans le rapport social. 2.3. La visite à domicile Elle doit se faire dans le respect de la vie privée du demandeur d aide et dans le cadre d une relation de confiance entre le demandeur et le travailleur social mais elle a une fonction de contrôle afin de vérifier si le demandeur remplit toutes les conditions prévues par la loi. Elle est devenue obligatoire, alors qu elle était auparavant facultative en matière d aide sociale. En outre, elle doit avoir lieu «au moment de l ouverture du dossier et chaque fois que le CPAS l estime nécessaire mais au minimum une fois par an» 9. 9 Articles 4 des deux arrêtés. 6
Actuellement, nous constatons déjà de nombreuses difficultés au niveau de l application de certaines pratiques et de la mise en œuvre de l enquête sociale : abus de pouvoir, immixtions dans la vie privée, etc. On peut se demander si toutes ces précisions auront à l avenir un impact positif sur le déroulement de l enquête sociale. Petite nouveauté, le CPAS pourra dorénavant effectuer la visite à domicile à l improviste. De plus, un avis de passage ne sera plus indispensable avant la réalisation de l enquête sociale. Ceci ne va-t-il pas à la fois entrainer des difficultés de stress supplémentaire pour ces personnes déjà fragilisées et un sentiment d assignation à résidence tant que le travailleur social n est pas passé? Qu en sera-t-il des dossiers pour lesquels certains CPAS mettent de un à quatre mois avant de prendre une décision? Cela veut-il dire que la personne doit rester chez elle pendant toute cette période? Toutes ces nouvelles contraintes pour les CPAS seront contrôlées par le SPP Intégration Sociale qui vérifiera si le CPAS les applique bien. Situations particulières : Concernant les factures d aide médicale : l enquête sociale se fera si le CPAS l estime nécessaire. Dans les situations suivantes, le travailleur social doit préciser, dans son rapport social, les raisons qui rendent la visite impossible ou non opportune : - lorsqu un étudiant n habite plus dans la commune dans laquelle il est inscrit au registre de la population ; - lorsqu une personne est hébergée dans une maison d accueil éloignée de la commune dans laquelle elle est inscrite dans les registres de la population ; - quand la sécurité du travailleur social n est pas garantie ; - si le demandeur refuse la visite. 7
3. L état des lieux des ressources doit être réalisé. Le CPAS doit établir un relevé de toutes les ressources du demandeur, ainsi que celles du partenaire de vie et celles des ascendants et/ou des descendants du premier degré afin de déterminer son état de besoin. Pour cela, le CPAS peut réclamer les fiches de paie, les extraits de comptes, les contrats,... En matière de revenu d intégration sociale, la prise en compte des ressources des ascendants et/ou des descendants du premier degré devient obligatoire, alors qu elle était, jusqu alors, facultative. Afin de mener à bien cette enquête sociale, la ministre a investi dans la mise à disposition d informations supplémentaires via les flux électroniques de la Banque carrefour de sécurité sociale (BCSS) pour permettre au CPAS d éviter les fraudes. Le SPP Intégration sociale vérifiera que le CPAS applique bien la consultation de ces flux pour la réalisation de l enquête sociale. Le dossier social doit comporter l ensemble des documents qui ont abouti ou qui permettront d aboutir à la décision : accusé de réception, formulaire de demande, rapport de l enquête sociale, décisions, notifications, pièces justificatives. Il peut être sous format papier ou électronique. Dans le formulaire de demande, le CPAS peut demander l autorisation de vérifier auprès de différents services (administration des contributions, organismes publics, organismes financiers, etc.) les ressources des personnes. Cette possibilité existait déjà dans la circulaire du 18 février 2004. Précédemment, le CPAS demandait les extraits de compte des trois derniers mois. A ce sujet, des personnes nous ont fait part du fait que certains CPAS demandent directement la carte bancaire des demandeurs lors des entretiens et vérifient directement via Home Banking, les informations concernant le relevé de leurs comptes. La notification de la décision doit se faire dans un langage simple et accessible au demandeur et doit être motivée de manière adéquate (tant pour les éléments matériels que juridiques). Elle doit mentionner les montants, les modes de calculs, les références du dossier, du service et de l assistant social. Elle doit également préciser que le recours n est pas suspensif. 8
B. Spécificité des arrêtés royaux 1. En matière de revenu d intégration sociale La notion de «cohabitant» est définie dans cet arrêté royal en plus des autres définitions. 1.1 Cohabitant : il s agit de la personne qui est en cohabitation telle que définie par l article 14 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l intégration sociale. Il faut entendre par cohabitation le fait que des personnes vivent sous le même toit et règlent principalement en commun les questions ménagères. 1.2. Les ressources : les informations concernant les ressources des éventuels débiteurs d aliments du demandeur d aide doivent être examinées afin de déterminer l état de ressources du demandeur. Les débiteurs d aliments sont 10 : le conjoint ou l ex-conjoint séparé du demandeur, pour autant qu il n ait pas déjà été condamné à payer une pension alimentaire au demandeur ; les ascendants au premier degré (ou adoptants) lorsque le revenu d intégration est accordé à un jeune qui ne vit plus avec ceux-ci et qui est toujours bénéficiaire d allocations familiales ; les descendants au premier degré s il est prouvé que le demandeur a dilapidé son patrimoine dans les cinq années qui précèdent la demande du revenu d intégration. L examen des ressources des débiteurs d aliments devient une obligation pour les ascendants (parents) et descendants du 1 er degré (enfants). 10 Article 26 de la loi du 26 mai 2002 de la loi DIS. 9
1.3. La disposition au travail : elle fait partie intégrante des conditions d octroi du revenu d intégration sociale et devra se trouver dans le rapport d enquête sociale. La recherche active d emploi devra être démontrée par des indications concrètes et une analyse des efforts fournis par le demandeur. La disposition au travail pourra être empêchée pour : - des raisons de santé (les personnes malades) : les motifs invoqués devront se trouver dans le rapport social et seront confirmés par un certificat médical ; - des raisons d équité : il peut par exemple s agir des étudiants, pour lesquels la disposition au travail tiendra également compte du contexte de suivi des études. 2. En matière d aide sociale 2.1. Droit de séjour : pour le demandeur de nationalité étrangère, le rapport social indiquera la date présumée de son entrée en Belgique et sur quelle base il séjourne en Belgique. Le CPAS devra vérifier dans quel registre il est inscrit, quel est son titre de séjour, si un garant a signé une attestation de prise en charge, etc. Pour les demandes de prise en charge de frais médicaux, le travailleur doit toujours vérifier l assurabilité (assurance maladie) du demandeur. Pour le demandeur qui séjourne en Belgique : depuis plus d un an, seule l assurabilité en Belgique sera contrôlée ; depuis moins d un an (même illégal), le travailleur social devra vérifier si le demandeur est originaire d un pays ou le visa est obligatoire, s il vient d un pays avec un organe de liaison ou s il doit être couvert par la carte d assurance européenne. En fonction des informations obtenues, le CPAS décidera de la prise en charge ou renverra vers l assurance reconnue ; sur la base d un visa. Ce dernier sera vérifié, de même que la disposition de ressources suffisantes pour faire face aux besoins ou l existence d un 10
garant ayant signé une attestation de prise en charge (valable deux ans). Pour connaître l existence et les références du garant, le CPAS doit interroger l'office des Étrangers. En fonction des informations obtenues, le CPAS décidera de la prise en charge ou renverra vers le garant. Si dans le délai imparti pour réaliser l enquête sociale, le CPAS n a pas obtenu les informations recherchées concernant cette assurabilité ou l existence du garant, il décidera de la prise en charge des frais et se fera rembourser par le SPP Intégration sociale (pour autant que les autres conditions soient remplies). Le CPAS révisera sa décision dès que les informations sur l assurabilité ou le garant seront connues et prendra une décision de retrait d aide sans effet rétroactif. Le CPAS effectuera cependant les démarches pour essayer de récupérer l aide auprès de l organisme assureur ou du garant, s il y a lieu, et remboursera le subside à l Etat si la démarche aboutit. Nursen Gunduz Mai 2014 11
Pour toute question, contactez le service Aide sociale de l Atelier des Droits Sociaux 4 rue de la Porte rouge 1000 Bruxelles Tel. : 02/512.71.57 ou 02/512.02.90 www.atelierdroitssociaux.be 12