Objet de la Réunion : «Oui au Bio dans ma cantine» Réunion organisée par : WWF Lieu et Horaires de la Réunion : 101 rue de l université, immeuble Jacques Chaban Delmas, Salle Victor Hugo. Participants : Jean-Marie LE GUEN, André CICOLELLA, Marie-Christine FAVROT, Paul FRANCOIS, Cécile OSTRIA, Jean-Paul JAUD, Isabelle SAPORTA, Jacques PELISSARD, Julien LABRIET, Claude GRUFFAT, Sjoerd WARTENA, Marc DUFUMIER, Gilles PELURSON, Elisabeth DERANCOURT, François VEILLERETTE, Jean- Jacques HAZAN, Anny POURSINOFF. Diffusion du relevé de décisions aux adhérents. SYNTHESE DES DEBATS Le, le WWF a organisé un colloque autour du thème du développement de la consommation de produits biologiques dans les cantines, et ce en relation avec les lois Grenelle 1 et 2 qui ont pour objectif de porter à 20% la part minimum de bio dans les repas des cantines d ici 2012. Il convient de noter que le présent compte rendu n est pas représentatif de l opinion du Synabio mais bien des intervenants de ce colloque, ayant eu lieu sous forme de débat. I- Table ronde n 1 : le bio, un investissement d avenir Dans un premier temps, les participants ont présenté les différences entre les modes de production biologique et conventionnelle, ainsi que les impacts potentiels sur la santé des êtres humains et en particulier des enfants. Marie Christine FAVROT, directrice de l évaluation des risques nutritionnels et sanitaires à l Agence Nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a présenté les études réalisées autour de la problématique suivante : y a-t-il une différence sur le plan nutritionnel, des risques microbiologiques et des risques chimiques entre des produits bio et des produits non bio? Le résultat global de ces études est qu il n y a pas de différence entre les produits bio et les produits non bio aux vues des risques mentionnés ci-dessus. L explication la plus simple pour justifier cette absence d écart, est en premier lieu le facteur nutritionnel d un produit, qui est plus influencé par sa composition que par son mode de production (biologique ou conventionnel). En effet beaucoup d autres facteurs tels que la variété de l espèce, la race de l animal, l âge auquel on l abat, le climat, le stade de maturation ou encore les modes de stockage des aliments, font varier la qualité nutritionnelle du produit. Aujourd hui on constate que si l animal est élevé en plein air et en pâture, son taux de lipides est plus faible et les acides gras polysaturés augmentent, par rapport aux autres animaux. L étude montre par ailleurs que si on lave, que l on épluche et que l on cuit bien nos aliments, on retrouve encore moins de résidus de pesticides. Même si on sait que dans les produits issus de l agriculture biologique il y a moins de résidus de pesticides que dans les autres, il n est pas prouvé, toujours selon l ANSES, que ces faibles taux de pesticides ont un effet négatif sur la santé humaine. Page 1 sur 5
Pour Monsieur CICOLELLA, porte-parole du Réseau Santé Environnement, les résultats de ces études sont à nuancer, notamment parce que l on ne peut pas répondre à la situation actuelle avec une grille d analyse des années 70, et parce que l on manque d indicateurs plus généraux, plus globaux. En effet on sait aujourd hui, et grâce à une étude réalisée par des Danois, que si l on mélange deux pesticides et un médicament on obtient une réaction que l on n obtiendra pas si on recherche les effets des produits en les isolant. C est le cocktail de ces produits chimiques qui peut être désastreux. On doit donc, face à ces lacunes, appliquer le principe de précaution. Claude AUBERT, souligne aussi le fait que pendant longtemps la teneur en Oméga 3 n a pas été calculée dans les aliments alors qu elle est beaucoup plus élevée dans les produits issus de l agriculture biologique tout comme le taux de polyphénols, qui est aussi généralement plus élevé. Mais Madame FAVROT rappelle que le polyphénol, qui est en effet proportionnellement plus présent dans les produits bio grâce au fait que la plante le sécrète pour répondre à un stress, ne fait l objet d aucune preuve scientifique démontrant qu il a un rôle essentiel dans la santé humaine. Pour le député Jean Marie LE GUEN, la société est face à un modèle économique dont on voit de plus en plus les limites et qu il faut abandonner pour passer à une autre forme d économie. Le problème est que dans un premier temps, cela va coûter plus cher. Il faut reconvertir l agriculture pour des raisons de santé, d emploi et d environnement. En Ile de France, ce qui manque le plus ce sont les personnes prêtes à se lancer dans ce mode de production, car les esprits ne sont pas encore familiarisés avec l idée d un tel changement. Il faut donc un réel changement dans les cultures, pour que les jeunes puissent s implanter. Alors que peut faire une collectivité locale (comme notamment l Ile de France)? Il lui faut prendre des décisions politiques pour imposer aux cantines de proposer une partie de leurs repas en Bio. Il faut aussi dans cette consommation bio fixer des priorités, par exemple les fruits et légumes doivent être privilégiés, puisque de prime abord ils semblent plus importants que des produits comme de la viande. Elle doit, par ailleurs, aider les jeunes à investir, participer à l amorçage des marchés ou encore à la création des circuits courts. La collectivité doit aussi créer un débat avec les parents d élèves, et si ces derniers veulent du bio dans les cantines de leurs enfants, il leur faudra accepter un certain prix. En effet, l alimentation ne doit pas être le dernier résidu de la consommation des français même si on ne peut pas demander les mêmes efforts à tout le monde. Il y a de grandes inégalités sociales devant ces questions, inégalités qui doivent être compensées par les pouvoirs publics. C est un projet de société qu il faut soutenir sur le long terme, afin de re-ruraliser les populations urbaines. La directrice générale de la Fondation pour la Nature et l Homme (FNH), Madame Cécile OSTRIA, ajoute que si les collectivités locales s engagent à favoriser le bio dans la restauration collective, il faut aussi qu elles s engagent sur le foncier au niveau local. Les objectifs et les priorités sont la qualité, la saisonnalité et la proximité des produits, qui peuvent aider les territoires à mieux vivre. Pour elle, le lien entre la santé des hommes et des écosystèmes est primordial, puisqu on ne peut pas polluer son écosystème sans avoir de répercussions néfastes sur sa santé, et le bio c est avant tout limiter l aggravation de cette pollution. Le ministère de l agriculture œuvre quant à lui, par le biais des gestionnaires de risques, pour limiter le plus possible les contaminations par les pesticides. Sa mission est de définir la politique sanitaire, d assurer une exposition minimale de la population aux pesticides ou encore de développer la connaissance scientifique des Page 2 sur 5
risques sur la santé des pesticides. Ces mesures passent par des plans de surveillance, des outils qui fixent un taux maximum qui agit pour limiter l exposition des consommateurs ou encore par des recommandations aux consommateurs et aux utilisateurs. On constate par exemple, que le plan d action en faveur du retrait des PCB et de l arrêt de l utilisation des PCB se traduit par une diminution de l exposition des populations à ceux-ci. Du côté de l éducation, il faut travailler sur l assiette, ce qui est plus facile en France puisqu on est sensible au contenu de son assiette. La FNH a par exemple lancé le programme «des fraises au printemps» pour apprendre aux gens, et plus particulièrement aux enfants ce qu est un légume, comment il est produit et quand. L introduction d une nourriture bio n est pas le seul moyen pour apprendre aux enfants à bien manger, il est aussi très important de leur montrer comment poussent les légumes, et notamment qu une tomate ne pousse pas en janvier dans nos régions. Certaines personnes dans le public proposent que ces potagers éducatifs ne soient pas entretenus par un jardinier, mais par des personnes à la retraite, qui ont du temps et qui aiment l utiliser pour les enfants, ce qui permet en plus de créer du lien social et de favoriser les échanges intergénérationnels. Comment on apprend à ne pas gaspiller dans les cantines? Selon l expérience pratique, quand on sert les déjeuners à la table, les cantinières apprennent aux enfants à apprécier la nourriture, ce qui passe notamment par la création d un jardin pédagogique. II- Table ronde n 2 : comment les collectivités et la filière agricole peuvent-elles s organiser? Le bio est un mouvement qui a vraiment commencé dans les années 90 et qui a pris une bonne dizaine d années pour mûrir dans l esprit des gens. C est une démarche sur le long terme. Par le biais des SCIC (les sociétés coopératives d intérêt collectif) on peut intégrer les opérateurs autour d un projet commun. Si aujourd hui l agriculture bio ne représente que 3% des terres cultivées c est parce qu il y a un vrai manque de moyens. Notamment dans la recherche où l aspect biologique est trop souvent ignoré. Il faut donc organiser prioritairement la formation, la recherche et l accès à la terre. Pour Monsieur WARTENA président de l association «Terre de liens», la demande en terre est très importante et c est le point le plus problématique pour le développement de l agriculture biologique. Monsieur GRUFFAT, président fondateur de BIOCOOP, témoigne de l organisation de BIOCOOP en un réseau coopératif qui rassemble les producteurs. Aujourd hui, la majorité des producteurs individuels se sont constitués en groupement professionnel car il est trop dangereux d être seul, d autant plus qu une entreprise bio n a pas les mêmes modalités ni les mêmes qualités à gérer qu une entreprise conventionnelle. La restauration scolaire apparait comme un secteur qui doit faire la jonction entre les marchés publics et la pérennité des filières. Le problème du surcoût qu occasionne le passage à la restauration bio est largement abordé par les intervenants. Pour certains il faut que les collectivités locales prennent en charge ce surcoût, comme par exemple Monsieur PELISSARD député-maire de Lons-le-Saunier le fait dans sa collectivité, et organiser régionalement la production pour permettre une complémentarité des offres. En effet le système des circuits courts permet de répondre à la problématique des surcoûts en même temps qu il favorise les relations humaines. En France, si l agriculture biologique est plus chère c est en partie dû à l éparpillement des productions. En Autriche par exemple, les prix sont plus bas car la collecte est mieux organisée. Alors que chez nous la spécialisation des terres agricoles est Page 3 sur 5
beaucoup trop poussée, et par conséquent, les régions les moins spécialisées sont celles où les conversions sont les plus faciles (ce qui est le cas de la région Rhône-Alpes). Mais le code des marchés publics apparait pour beaucoup comme un frein au circuit court. En effet, lorsqu une offre est mise sur le marché, une entreprise française de proximité peut être évincée par une entreprise qui, provenant de l autre bout de l Europe, propose le même service pour un prix moins élevé. Pourtant il ne s agit pas d un producteur local et il va engendrer une émission de carbone beaucoup plus importante. Pour la DRAFT de Rhône-Alpes néanmoins, ce problème est uniquement dû à la substance du cahier des charges qui doit être adapté aux objectifs des circuits courts. Mr LABRIET de la Fédération Nationale de l Agriculture Biologique (FNAB) indique que celle-ci a créé un cahier des charges pour les cantines qui souhaitent favoriser le bio et les circuits courts. Il faut par ailleurs recréer des ceintures maraichères autour des villes, manger moins de viande et encourager les producteurs de viande à réserver des superficies de leurs exploitations à des cultures de légumes (exemple sur 100 hectares : prévoir 10 hectares de carottes en pleins champs). La création de lieux de production et de stockage des légumes (légumerie) participe à cette dynamique et doit aussi être encouragée. Quant au grand public, il est dans une demande constante d outils fiables et d informations, il faut donc lui fournir plus de visibilité et de transparence sur les produits bio ainsi que sur les modes d approvisionnement. Enfin le fait de savoir si les cantines sont autogérées ou pas, est un point important. Si elles le sont, elles réalisent leurs repas sur place avec des cuisiniers employés, sinon elles sous-traitent à des sociétés extérieures qui préparent les repas qui n auront plus qu à être réchauffés. Les cantines autogérées ont donc une marge de manœuvre plus grande puisqu il leur suffit de changer de fournisseur, tandis qu il est plus difficile de demander à leurs sous-traitants de changer de fournisseur, quand celui-ci réalise les mêmes repas pour plusieurs cantines différentes. III- Table ronde n 3 : le défi du bio dans la cantine Lors de cette ultime table ronde des problèmes plus techniques ont été mis en avant. Monsieur PELURSON, directeur régional de l Alimentation, de l Agriculture et de la forêt de la région Rhône- Alpes, témoigne des questionnements qu a fait naître chez les responsables concernés l adoption des lois Grenelle 1 et 2 fixant un objectif de 20% de bio dans les cantines. En effet, comment comptabilise-t-on ces 20%? Monsieur HAZAN, président de la FCPE, explique qu il peut très bien mettre tout le pain de sa cantine et les yaourts en bio pour atteindre les 20%, tout en constatant que ce n est pas là le véritable objectif de la loi, qui est plutôt de favoriser une évolution de la consommation bio en commençant par un approvisionnement à hauteur de 20% auprès des fournisseurs bio pour atteindre un approvisionnement de 100%. Globalement, les participants présents autour de cette table ronde se refusent à parler avec des chiffres pour éviter de tomber dans ce travers, qui à leurs sens ne veut rien dire. Pour Monsieur HAZAN, un problème de logistique apparait fréquemment face à la volonté de fournir les cantines en nourriture Bio. Dans un premier temps, la fiabilité des producteurs est remise en cause, puisqu il est difficile pour eux de livrer seulement 350 kilos à la fois (par exemple). En effet, si on veut mettre en place un système de circuit court, pour une petite cantine, mais avec des producteurs qui sont parfois éloignés (le circuit court ne peut Page 4 sur 5
pas toujours se traduire par un producteur dans les 20km autour du village) alors celui-ci ne peut livrer toutes les semaines. C est donc au responsable de la cantine de s occuper de la logistique. Mais un agriculteur Bio dans la salle soulève, en réponse, les difficultés des producteurs qui, face à des évènements type «la quinzaine du Bio» ou «la journée du Bio», créent des pics de demande chez les producteurs qui ont des conséquences négatives sur leur production. En effet, ils doivent organiser leur production pour répondre à une demande forte mais éphémère, et lorsque la demande redescend, les producteurs sont face à des produits qu ils ne peuvent plus commercialiser, et souffrent de pertes. Il faut, pour régler ce problème, instaurer des relations sur le long terme avec les producteurs et les fournisseurs, pour que la production de ceux-ci se stabilise en fonction des besoins des cantines. En conclusion, et même si pour certains il y a une situation d extrême urgence à agir pour remplacer l agriculture conventionnelle, pour d autres, cette urgence ne doit pas se traduire par de la précipitation. Cette évolution nécessite de s ancrer sur le long terme et d être réalisée en harmonie avec tous les acteurs, elle doit donc être bien pensée. Page 5 sur 5