LES GUERRES AU XX ème SIECLE ; LE NAZISME



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Transcription:

LES GUERRES AU XX ème SIECLE ; LE NAZISME D après les documents d application des programmes de l école primaire, cette question des guerres contemporaines doit considérer tout le siècle : la Première Guerre mondiale, fondatrice en terme de violence et d idéologie ; la Seconde Guerre mondiale, consacrant la «guerre totale» ; mais également les guerres de décolonisation de la deuxième moitié du siècle (Indochine et Algérie) ainsi que les «massacres» des Balkans et en Afrique. Il est bien évident qu au regard de la thématique abordée et des programmes de l école primaire, tous ces événements n ont pas le même intérêt. Les réalités de l enseignement de l histoire des guerres à l école et le temps qui doit y être imparti restreignent l investigation. D autant que le programme du concours ajoute à cela une attention particulière au nazisme et donc à la Shoah. Il n est donc ici pas question de tout traiter dans le détail, mais de donner de solides informations sur les deux guerres mondiales, à propos du nazisme et de l extermination des Juifs par les nazis. Comme le soulignent encore les documents d application, il s agit d aborder le XX ème siècle sous l angle de son «extrême violence», qui compte parmi les conséquences principales des progrès accomplis par l homme ; jusqu à la planification d une destruction méthodique d une part de l humanité, pour des raisons ethniques et/ou religieuses. I. La Première Guerre mondiale Considérée à juste titre comme une «boucherie», la «Grande Guerre» dure d août 1914 à novembre 1918, faisant près de neuf millions de morts parmi lesquels deux millions d Allemands et un million et demi de Français. Même si le théâtre des opérations est principalement européen, c est également la première fois où la plupart des nations du monde se trouvent impliquées, directement ou indirectement, dans une même guerre. a. Aux origines du conflit Au début du XX ème, l Europe domine le monde, politiquement, culturellement et économiquement. Le Vieux Continent sert encore de modèle aux jeunes Etats-Unis et les deux grands empires coloniaux français et britannique se partagent la maîtrise des mers et l exploitation commerciale de contrées «exotiques». Pourtant l exacerbation des nationalismes en Europe et au sein notamment des empires Ottomans et Austro-hongrois devait provoquer de nombreuses tensions sur le plan international et mener inéluctablement à la guerre. En même temps, chaque pays allait se constituer une armée à la mesure de ses ambitions, puis tenter de se positionner dans un système d alliance : la Tri- 1

ple-alliance ou Triplice regroupe ainsi dès la fin du XIX ème siècle, l Allemagne, l Italie et l Autriche-Hongrie ; la Triple-Entente réunit la France, la Grande- Bretagne et la Russie. Des rivalités économiques, notamment entre la Grande- Bretagne et l Allemagne, président à la constitution de ces alliances. Du côté français, la question de l Alsace-Lorraine et d une «revanche» à prendre sur les Allemands reste présente dans toutes les consciences. Pour autant, c est dans la «poudrière balkanique» que la situation va définitivement dégénérer. La région est en effet primordiale pour les «empires centraux» (Allemagne, Autriche- Hongrie, Russie), car elle est un débouché aisé sur la Méditerranée. Le nationalisme serbe s y développe peu à peu, visant à faire l union de l ensemble de ces «slaves du sud», alors qu ils vivent sous domination ottomane ou austrohongroise. Mais ce réveil des nationalités est de mauvais augure : il signerait la fin des empires. Le 28 juin 1914, l archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d Autriche-Hongrie et neveu de l Empereur, était assassiné à Sarajevo par Gavrilo Princip, membre d une société secrète, la «main noire». Un mois plus tard, l Autriche-Hongrie déclarait la guerre à la Serbie et le jeu des alliances fit le reste : la Russie s en mêla, l Allemagne lui déclara la guerre, puis à la France ; la Grande-Bretagne entrant dans le conflit au moment où fut violée la neutralité Belge. D austro-serbe, la guerre était en quelques semaines devenue austrorusse, puis européenne et mondiale. La ferveur patriotique fait accepter l impensable à l ensemble des belligérants. En France, l assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet 1914 sonne l échec du pacifisme et le début de la guerre voit, sous l égide du président de la République Raymond Poincaré, un gouvernement d Union Sacrée arriver au pouvoir, révélant la profondeur du patriotisme (Alsace-Lorraine) et la stabilité du régime républicain. b. De la guerre en mouvement à la guerre de tranchées De part et d autre de la ligne de front, on a dès le départ voulu et imaginé une issue rapide. Dans ce but, l attaque allemande est conçue comme un déferlement de troupes sur la France, passant par la frontière nord-est et la Belgique (plan Schlieffen). Cette offensive est stoppée sur la Marne en septembre 1914 par le général Joffre. Les belligérants se lancent alors dans une course effrénée jusqu à la mer afin de déborder l ennemi. Aucun n y parvint et un front de 800 km, allant de Dunkerque à la Suisse s établit. Les armées sont alors «enterrées» dans des tranchées, chacun essayant de percer le front adverse (1915). Le 21 février 1916 débute la bataille de Verdun, offensive menée par les troupes allemandes sous le commandement du général von Falkenhayn. Le général Pétain dirige alors les opérations du côté français et parvient à contenir la percée ennemie tandis que le général Foch déclenche la bataille de la Somme (1 er 2

juillet 18 novembre 1916) ce qui a pour effet de «soulager» l enfer de Verdun où 250 000 soldats français et autant d Allemands périrent en à peine dix mois (21 février 15 décembre 1916). Cette année 1916 marque une transition importante dans le déroulement et l évolution du conflit. Dès le début de l année, et même dès 1915, la guerre d usure, de tranchées, a dépassé la guerre courte, en mouvement. Le conflit se modernise, les soldats se terrent, adoptent la tenue de camouflage, utilisent l artillerie, les grenades, les gaz asphyxiants, puis à partir de 1916, les chars d assaut. Ainsi l «effort de guerre» devient-il également industriel, alors que les économies de chacun des belligérants peinent à organiser la fabrication des équipements et leur acheminement sur le théâtre des opérations. Cet «effort» porte également sur les populations civiles et leur ravitaillement, le blocus de l ennemi étant également un important moyen de pression. En même temps, les Etats renforcent leur exécutif ainsi que leur emprise sur l économie : il fallait à tout prix galvaniser le moral des troupes sans oublier celui du peuple. La propagande ne parvint cependant pas à faire oublier la réalité de la vie quotidienne et l âpreté des combats. L année 1917 voit le conflit s élargir, avec notamment l entrée en guerre des Etats-Unis d Amérique dont la marine marchande est menacée par les sousmarins allemands. L Amérique mettait sa puissance industrielle et financière au service de la Triple-Entente, en même temps qu elle lui apportait un soutien en hommes non-négligeable. Le moment est opportun car les armées sont épuisées par trois années de conflit sans qu aucun belligérant n ait véritablement pris l avantage. Fort de cela, le général Nivelle lance en avril 1917 l offensive du Chemin des Dames, lequel se solde par un cuisant et sanglant échec (30 000 tués et 100 000 blessés en 10 jours). Mais surtout, ce sont les quelques 200 mutineries qui inquiètent l état-major. Nouvellement nommé à la tête des armées, le général Pétain répond tout à la fois par l amélioration des conditions matérielles pour les soldats, mais également par la condamnation à mort : plus de 500 soldats en feront les frais, une cinquantaine seront exécutés. En même temps, une grave crise sociale touche les sociétés françaises et allemandes ; les grèves se multiplient, l Internationale socialiste se réorganise. En France, l Union Sacrée est rompue et Poincaré est obligé d appeler à la présidence du Conseil son vieil ennemi Georges Clémenceau, plus énergique et futur «Père la victoire». En Russie, la révolution bolchevique d octobre 1917 et dirigée par Lénine s impose. Le nouveau pouvoir demande à l Allemagne la signature d une paix séparée (Brest-Litovsk, 3 mars 1918). c. 1918, la victoire et la paix Avec le retrait de l Empire russe, l équilibre des fronts est rompu et l Allemagne peut concentrer toutes ses forces sur le front ouest. Mais la Triple- Entente s est renforcée du soutien américain et de la détermination de son pré- 3

sident, Wilson, qui définit en janvier 1918 ses fameux quatorze points, programme de paix dans lequel il introduit la notion de «guerre du droit» en même qu il renoue avec les principes de liberté des peuples. Dès lors, la guerre oppose les garants de la démocratie aux empires autoritaires. Et les événements allaient se précipiter. En mars 1918, le général Ludendorff tente une dernière offensive dans la Marne et en Picardie qui se casse sur une armée alliée supérieure en nombre et en équipement. Progressivement, le nord de la France était libéré tandis que partout ailleurs en Europe, les «Empires» se délitaient sous les coups alliés et indépendantistes : la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et la Hongrie se proclamaient indépendantes. Début novembre, les empires austro-hongrois et allemands éclataient dans une ambiance insurrectionnelle. Charles 1 er demande un armistice sans conditions le 3 novembre et abdique le 4 ; Guillaume 1 er abdique le 9 novembre et c est un gouvernement provisoire qui signe le 11 novembre l armistice de Rethondes. La conférence de la paix s ouvre à Paris l année suivante : les traités de Versailles (1919, avec l Allemagne), de Saint-Germain (1919, avec l Autriche), de Sèvres (1920, avec la Turquie), de Neuilly (1919, avec la Bulgarie) et du Trianon (1920, avec la Hongrie) viennent clore la Première Guerre mondiale, consacrant ainsi le démembrement des empires allemands, austro-hongrois et ottoman ; la France récupère l Alsace et la Lorraine. De là émergent de nouveaux pays mais aucune paix durable n est assurée. Car le règlement du conflit instaure en même temps les conditions de l explosion à venir : l Allemagne est humiliée par ce qu elle considère déjà comme un diktat et l Italie, entrée en guerre au côté des alliés pour récupérer l Istrie et le Trentin n a vu satisfaire son vœu ; le nazisme et le fascisme allaient pour une part naître de ces frustrations. Le bilan du conflit est enfin très lourd sur le plan humain avec près de dix millions de morts : Allemagne et Russie, deux millions, France et Autriche- Hongrie, un million et demi, Grande-Bretagne et Italie, 500 000 ; à cela s ajoutent quelques six millions de blessés. L Europe est durement touchée par ces quatre années de conflit, les pays en guerre se sont appauvris, endettés ; ils doivent reconvertir leur économie de guerre, leurs industries, réinsérer les démobilisés valides. Surtout, 1918 signe la fin de l hégémonie européenne sur le reste du monde : les Etats-Unis allaient s imposer, tandis qu en Asie, le Japon récupère les anciennes colonies allemandes. Les pays européens perdaient ainsi de leur prestige auprès notamment des régions colonisées, par leurs divisions et leur vulnérabilité. II. Le nazisme Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) est né d une part de la frustration causée par le traité de Versailles, en réaction à 4

l effervescence régnant alors en Allemagne, d autre part. L éclosion puis l évolution du mouvement national-socialiste est par ailleurs intimement liée à l histoire personnelle d Adolf Hitler. a. La volonté d un homme En 1919, le jeune Adolf Hitler, ancien combattant décoré de la croix de guerre, est chargé par l armée de surveiller et d infiltrer un nouveau parti au nom évocateur, le DAP (Parti social allemand). Celui-ci est alors dirigé par Anton Drexler, serrurier de son état, mais écrivain à ses heures. Dans l arrière-salle d une brasserie où les partisans ont coutume de se réunir, Hitler trouve des personnes partageant ses idées, mais surtout un auditoire tout dévoué à suivre sa fougue. Les harangues d Hitler sont de plus en plus populaires, l homme prend du poids dans ce qui est désormais le NSDAP (1921). Il fait adopter par la direction du parti un programme centralisateur, anticapitaliste, expansionniste et raciste avant d en prendre la tête et de faire triompher le Fuhrerprinzip (le principe du guide) : un chef unique, des pouvoirs complets, la fin de la direction en comité. En outre, celui qui se fait désormais appeler le Führer dote son parti d une organisation structurée, s appuyant sur des sections paramilitaires, les S.A. (sturm abteilung, sections d'assaut). Hitler attire de riches mécènes, achète un journal pour diffuser ses messages, et fait adopter la croix gammée noire cerclée de blanc sur fond rouge pour insigne du parti. Fort de cette popularité et de cette organisation, Adolf Hitler organise un putch en 1923 : avec les S.A. et ses partisans dont Ludendorff, il tente de prendre le pouvoir à Munich, mais se heurte à un barrage de police qui tire sur la foule. Hitler est arrêté. Si jusque-là lui et ses S.A. jouissaient d une relative impunité de la part de l Etat, ce malgré l agitation qu ils entretiennent, Hitler est pourtant jugé et condamné à cinq années de forteresse. La couverture de son procès par la presse a fait de lui un héros de la cause nationale. A la prison de Landsberg, il continue son activisme et dicte à Rudolf Hess ce qui allait devenir Mein Kampf. A sa sortie de prison à la noël 1924, Hitler décide qu il parviendra au pouvoir par la voie légale : par le jeu du parlementarisme qu il méprise pourtant, tout en poursuivant les opérations d intimidation menées par les S.A. Mais le mouvement s essouffle. La prospérité économique retrouvée, la reconnaissance internationale (entrée à la SDN en 1926), renforcent de la jeune démocratie allemande. Au sein même du NSDAP, Hitler est contesté, notamment par les frères Strasser qui «tiennent» le parti dans la capitale. Hitler renforce alors la propagande avec l aide de Goebbels puis inaugure en 1927 à Nuremberg le gigantisme de réunions politiques militarisées où le salut fasciste est adopté en signe de ralliement à la personne du Führer. Mais en 1928, le résultat n est toujours pas dans les urnes et Hitler est à nouveau contesté par les partisans de 5

l action violente ; l intervention de sa garde rapprochée les S.S. (schutzstaffel, groupes de protection fondés en 1926), permet de mater les révoltés. La crise économique du début des années 1930, allait donner au parti nazi l occasion d obtenir des succès électoraux ; la propagande du parti se fait alors volontiers antiparlementarisme, anticommuniste et antisémite. C est ainsi qu aux élections de 1932, Adolf Hitler devient le chef du parti majoritaire au Reichstag ; le président Hindenburg est alors obligé de l appeler à la Chancellerie. Le 30 janvier 1933, Hitler arrive donc au pouvoir par la voie légale. En quelque mois, il va anéantir la démocratie tout en maintenant l illusion d une action essentiellement patriotique de «redressement national» : les partis d oppositions sont dissous à commencer par les communistes, le Reichstag est incendié en mars 1933, les structures fédérales sont supprimées au profit d une centralisation directe. Enfin, Hitler règle ses comptes avec des S.A. devenus incontrôlables (nuit des longs couteaux, 30 juin 1934). Lorsque le maréchal Hindenburg s éteint en août 1934, Hitler obtient les pleins pouvoirs. b. La marche à la guerre A la fin de 1934, une fois les oppositions annihilées à l intérieur du pays puis dans son propre camp, Hitler se consacre au volet expansionniste de son programme tel qu on peut le lire dans Mein Kampf. Après avoir restauré la vitalité démographique de son pays ainsi que sa puissance militaire, il s attache à la conquête de «l espace vital», soit un territoire suffisant pour accueillir un peuple de plus en plus nombreux ainsi qu'une zone de drainage de ressources de toute nature. Par référendum, les Sarrois décident de leur rattachement à l Allemagne en janvier 1935 ; c est une première revanche sur le «diktat» de Versailles. Puis il créé à partir de mars 1935 deux corps d armée, la Wehrmacht et la Luftwaffe (550 000 hommes). Ce réarmement s accompagne l année suivante d une remilitarisation de la Rhénanie qui reste un pari sur la faiblesse de la réaction démocratique en Europe. Toujours en 1936, Hitler vient en aide au général Franco dans la guerre d Espagne au nom d un anti-bolchevisme qui par ailleurs permet de constituer l axe Rome-Berlin avec un autre dictateur, Benito Mussolini, également engagé en Espagne. A partir de 1937, Hitler est sûr de sa puissance et peut envisager sa politique d expansion. Depuis 1934, il s est également persuadé de la passivité des puissances démocratiques et de la SDN. C est ainsi qu il réalise l annexion de l Autriche en mars 1938 (Anschluss) et y obtient 99% d avis favorable lors d un plébiscite organisé un mois plus tard. Puis il s attaque à la région des Sudètes de Tchécoslovaquie, contrée peuplée de germanophones. La réaction internationale 6

se matérialise alors dans la conférence de Munich où les démocraties occidentales finissent par accepter les annexions menées par Hitler, croyant avoir évité le déclenchement d un conflit de plus grande ampleur (30 septembre 1938). Un an plus tard, après s être assuré de la non-agression de l URSS en cas d attaque à l ouest (pacte germano-soviétique d avril 1939), les troupes allemandes pénétraient en Pologne (1 er septembre) ce qui allait déclencher la Seconde Guerre mondiale c. L essence du nazisme Dans son texte doctrinal, Mein Kampf, Adolf Hitler déroule plus qu un programme d action politique. Au centre se situe l existence d une race allemande, constituée à partir d un sang, d une langue et d une culture commune (idéologie volkisch). Supérieure à toutes les autres, cette race aryenne doit affirmer sa domination sur le reste du monde, par la création d un Etat et d une société hiérarchisés, guidés par un chef, le Führer. Ainsi devient-il nécessaire d agrandir l espace vital (lebensraum) et de préserver la pureté aryenne par la guerre et la ségrégation. Le discours est brutal, le verbe simple ; il faut toucher les masses. Pour Hitler, il s agit de se faire l écho d un peuple blessé par le «diktat» de Versailles, nostalgique de la grandeur passée, las de la division politique des partis, désireux d appartenir à une nation «régénérée». Adolf Hitler fait également la synthèse d idéologies pangermanistes et antisémites circulant en Allemagne depuis le XIX ème siècle (Fichte, Wagner) ; il se réapproprie également les théories du darwinisme social selon lesquelles l Histoire, la vie, seraient une compétition de telle sorte que les hiérarchies qui se créent résultent d'une sélection sociale permettant aux meilleurs de l'emporter. Hitler ajoute à cela la confusion et le populisme : il associe la haine du «juif» à celle des «internationales», financières et marxistes, et vulgarise ce discours afin que les masses elles-mêmes participent à l institution de sa pensée politique. Au-delà de la doctrine sociale, Hitler est conscient qu il faut façonner l avenir pour voir ses principes pérennisés. Dès 1926 est ainsi fondée la Jeunesse Hitlérienne où sport et endoctrinement doivent façonner un homme nouveau. Dix ans plus tard, tous les jeunes allemands sont obligés d y adhérer, et en 1938 le mouvement compte 7,7 millions de membres. Peu à peu, l Etat totalitaire se met en place notamment par la censure, les individus deviennent indifférenciables, strictement encadrés par le Parti et la Gestapo et tout autre forme de contrôle social et privé. Enfin, conformément à un élément fondamental de doctrine développé dans Mein Kampf, les nazis mettent en place une politique raciale et antisémite, affirmant la pureté aryenne et marginalisant la communauté juive. Les lois de Nuremberg (1935) privent les juifs de droits politiques tout en les excluant de la 7

vie économique, sociale et culturelle. En novembre 1938, la Nuit de Cristal est un immense pogrom, des synagogues sont détruites, des magasins juifs pillés. Les juifs sont regroupés dans des camps de concentration jusque-là réservés aux seuls opposants politiques. III. La Seconde Guerre mondiale L extrême violence du siècle, augurée par la Première Guerre mondiale, s incarne dans cette longue guerre totale : c est en effet sans précédent que les populations civiles ont été massacrées, alors que les nazis se lançaient en même temps dans l extermination des populations juives et tziganes d Europe. De fait, le déclenchement du second conflit mondial renvoie à l existence de dictatures militaristes, fortement tournées vers la guerre, mais pas seulement. Les années 1930 sont jalonnées de crises politiques nationales et de tensions internationales qui rappellent combien la paix de 1918 est fragile et surtout à quel point ce compromis constitue le ferment d une nouvelle explosion. A cela s ajoutent une crise économique durement ressentie en Europe et l affirmation de prétentions coloniales par trois pays à régime autoritaire : l Allemagne de Hitler, l Italie de Mussolini et le Japon de Hiro Hito. Devant l absence de réaction de la SDN et des démocraties occupées à entretenir des rivalités bilatérales (Etats-Unis/URSS ; France/Grande-Bretagne) ces dictatures allaient se montrer de plus en plus agressives, chacune dans leur aire d influence : le Japon en Chine dès 1931, l Italie en Ethiopie (1935), l Allemagne sur ses frontières, et ces deux dernières durant la guerre d Espagne. L invasion de la Pologne, le 1 er septembre 1939, est à l origine du déclenchement du conflit. Deux jours plus tard, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l Allemagne. Dans un premier temps, la guerre oppose les puissances de l Axe (Allemagne nazie et Italie fasciste) au couple francobritannique ; le conflit allait rapidement s étendre à toute la Méditerranée, puis à l Asie et au Pacifique. a. La puissance de l Axe (1939-1942) Première victime de la guerre, la Pologne est anéantie en moins d un mois, prise en étau entre les Russes à l est et l Allemagne à l ouest. La stratégie des alliés n est pour l heure que défensive ; la ligne Maginot en est un exemple. Les nazis adoptent quant à eux la technique de la guerre éclair (Blitzkrieg) qui leur permet de remporter des victoires rapides sur le Danemark et la Norvège. Le 10 mai 1940, ils lancent une grande offensive sur le front ouest, envahissent les Pays-Bas et la Belgique malgré leur neutralité déclarée, franchissent la Meuse à Sedan pour finalement encercler les alliés dans la poche de Dunkerque. L armée britannique se retire et partout en France, les civils fuient massivement la partie nord du pays ; c est la débâcle. L aviation allemande n hésite pas 8

à bombarder les colonnes que forment la population en fuite, tandis que les troupes au sol entrent dans Paris le 14 juin. Le 22 juin, le dernier gouvernement de la Troisième République que dirige le Maréchal Pétain demande un armistice et l arrêt des combats. Ratifié en forêt de Compiègne dans le wagon même où l armée allemande avait signé sa reddition en 1918, le texte prévoit notamment l occupation des trois-quarts du territoire national et l entretien de l armée d occupation ; il n est en outre pas question de libérer les 1,5 millions de prisonniers. L Europe dominée par l Axe Source : Manuel de troisième, Nathan, 1998. Après coup, seule la Grande-Bretagne continue à affronter l Allemagne nazie malgré les nombreuses attaques aériennes sur des villes telles Londres, Birmingham, Southampton, Bristol, Plymouth ou Liverpool ; le 14 novembre 1940, Coventry est totalement détruite par une vague de 500 bombardiers. C est l époque des discours galvanisants du premier ministre Winston Churchill dont celui prononcé le 13 mai 1940 à la chambre des Communes dans lequel il emprunte une formule de Garibaldi : «Vous croyez pouvoir éviter la guerre avec des com- 9

promissions. Vous récolterez la honte en plus de la guerre. [ ] Je n ai à vous offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur». Ne pouvant s imposer durant la bataille d Angleterre, l Allemagne décide d attaquer l empire colonial britannique notamment en Méditerranée où les troupes de l axe contrôlent la Yougoslavie, la Grèce. De l autre côté de la Méditerranée, Rommel et l Afrikakorps affrontent Montgomery en Libye. L année 1941 allait se révéler décisive dans l évolution du conflit. Sur le front est, les Allemands déclenchent le 22 juin, l opération Barberousse, application de la stratégie éclair à l URSS. Dans un premier temps, l armée russe s effondre, du fait de la très grande mobilité des troupes nazies et de la désorganisation d un état-major considérablement affecté par les purges staliniennes. Si l Ukraine et la Crimée sont rapidement occupées, Leningrad et Moscou ne sont pas prises avant l hiver. En cette fin d année 1941, le conflit prend également de l ampleur en Asie du sud-est où l aviation japonaise bombarde la base américaine de Pearl Harbor (Hawaï) le 7 décembre. Les nippons achèvent de dominer la région, entre la Birmanie et l Indonésie, du nord de la Nouvelle-Guinée à l île de Sakhaline. La domination japonaise s avère brutale et dirigée contre les puissances européennes coloniales. A la moitié du conflit, en Europe, seules la Grande-Bretagne et une partie de l URSS échappent à l influence des puissances de l axe. L Allemagne pouvait compter sur des alliés déclarés comme la Roumanie et la Bulgarie ou encore collaborant comme le gouvernement de Vichy en France. Au contraire, des hommes politiques refusèrent la situation et durent s installer à Londres qui devint peu à peu une ville refuge : gouvernements belge, polonais, France libre du Général de Gaulle. b. Résistance, guerre totale et victoire finale (1943-1945) Rapidement, la majorité des populations européennes était passée sous la domination d une puissance de l Axe. Parmi cette masse silencieuse ou résignée, une petite minorité refusa l impensable et entra en résistance (renseignement, sabotage), tandis qu une autre minorité se lançait dans le soutien actif à l Allemagne nazie. Les Alliés parviennent quant à eux à s organiser et à imposer à leurs pays respectifs un effort de guerre sans précédent. A la fin de l année 1942, le rapport de force commence à s inverser, les Américains débarquent en Afrique du Nord et occupent le Maroc et l Algérie. Lors de la deuxième campagne de Russie, l échec de la bataille de Stalingrad voit une armée allemande capituler pour la première fois (février 1943). En Méditerranée, après avoir reconquis le Maghreb, les Alliés débarquent en Sicile (juillet 1943) avant de pénétrer en Italie du sud. Mussolini est révoqué par le roi et le nouveau gouvernement italien déclare la guerre à l Allemagne. Les nazis sont attaqués de toutes parts tant sur les 10

frontières de leurs conquêtes, qu à l intérieur des zones d occupation où la résistance s arme peu à peu et mène des opérations de plus en plus efficaces. Le Pacifique est également le théâtre de combats victorieux pour les Alliés : les troupes américaines emmenées par le général Mac Arthur reprennent une à une les îles conquises par les Japonais. Forts de ces premiers succès, les Alliés mettent en place l opération Overlord : dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les troupes débarquent sur les côtes normandes. En même temps, l armée rouge lance une offensive à l est. Le 19 avril, Berlin est occupée par Joukov mais les troupes allemandes résistent ailleurs pour ne capituler que le 8 mai 1945, soit une semaine après le suicide de Hitler (30 avril). Dans le Pacifique, les kamikazes japonais continuent de harceler l armée américaine jusqu à ce que le président Truman, nouvellement élu, ne recoure à la bombe atomique à deux reprises : le 6 août à Hiroshima, le 9 à Nagasaki. L empereur Hiro-Hito capitule sans conditions le 19 août. Au total, le conflit a fait plus de cinquante millions de victimes, civiles et militaires. Les destructions sont très importantes et la reconstruction va être longue même si elle facilitée par les fonds du plan Marshall. Les Alliés avaient triomphé du fascisme et du nazisme, mais leur entente ne dura qu un temps (conférences de Yalta, de Postdam). Très vite, les zones libérées et quelques peu désorganisées se transformèrent en autant de points d influence pour les deux grandes puissances mondiales qu étaient désormais l URSS et les Etats-Unis, plongeant le monde dans la guerre froide. c. La France de 1940 à 1944 La Seconde Guerre mondiale est une étape fondamentale de l histoire de France. Le conflit a certes durablement éprouvé le pays mais surtout ses institutions, son économie et sa position internationale s en sont trouvées bouleversées. La défaite militaire qui suivit la «drôle de guerre» puis la facilité avec laquelle les troupes allemandes envahirent le pays provoquèrent l effondrement de la III ème République. Son dernier Président du Conseil, Philippe Pétain signa l armistice le 22 juin 1940 et se fit remettre les pleins pouvoirs le 10 juillet : ceci marque le début du gouvernement de Vichy. Séparée en deux zones jusqu en novembre 1942, la France est alors l Etat français, un régime traditionaliste, contre-révolutionnaire et autoritaire dont la devise «Travail, Famille, Patrie» traduit la volonté d établir une France corporatiste. Ce gouvernement collabore ouvertement avec l Allemagne et fait des communistes, francs-maçons, tziganes et surtout juifs, les responsables de la déroute de 1940 : les premières lois portant statut des juifs datent d octobre 1940. Le régime apportera ensuite un sou- 11

tien non-négligable à la «solution finale» entreprise par les nazis à partir de 1942. Dès 1941, des mouvements de résistance intérieure s organisèrent peu à peu pratiquant des opérations de sabotage des installations allemandes. De Londres, le général de Gaulle allait unifier ces réseaux très disparates et créer en mai 1943 le Conseil National de la Résistance, avant de présider un Gouvernement Provisoire de la République Française à Alger en 1944. Après le débarquement allié du 6 juin 1944, la Résistance participa à l insurrection intérieure et par là même à la Libération progressive du pays. La France avait subit une occupation dure, matériellement et moralement, alors qu un million et demi de ses hommes étaient restés prisonniers. Les Français restèrent certes attachés à la personne du maréchal Pétain, ils n en demeurent pas moins fidèles à la République dans leur grande majorité. La France de De Gaulle est ainsi une puissance victorieuse aux côtés des Alliés. La France occupée (1940-1944) IV. L extermination des juifs par les nazis : un crime contre l humanité Pour l historienne Annette Wieviorka, il s agit de «l épisode le plus violent, le plus barbare et le plus européen du XX ème siècle», le plus difficile à envisager également du fait qu il se situe entre la mémoire et l histoire. L extermination des juifs par les nazis est un entreprise industrielle et programmée d environ six millions d individus pour l unique raison que ceux-ci appartenaient à une religion ou à une culture considérée comme une race à éliminer. Dès lors, se pose la ou les 12

questions de la possibilité d une telle réalisation et de l explication historique de l impensable. Il est clair que la question est difficile à traiter à l école. Les faits sont peu évidents à aborder avec des enfants, mais il ne faut pas occulter ce qui reste une étape importante de l histoire de l humanité et de l histoire de France, l administration française ayant largement participé à la déportation des juifs et des tziganes du territoire. Si le thème n est entré dans les programmes de terminale qu en 1962, il faut attendre 2002 pour qu il soit introduit de façon explicite à l école primaire ; il s agit même d un «point fort» desdits programmes. Entre temps, le sujet est abordé de façon plus ou moins aboutie au détour d un chapitre portant sur la Seconde Guerre mondiale ou la politique de collaboration. Je renverrai pour ma part un l article que Dominique Borne a fait paraître dans le premier numéro des Cahiers de la Shoah : «Faire connaître la Shoah à l école» (Les cahiers de la Shoah, n 1, 1994 ; http://www.antirev.org/textes/borne94a/). a. Les ferments du génocide Pour mettre en place une telle entreprise, les nazis eurent besoin de l ensemble des moyens techniques et bureaucratiques dont ils s étaient faits les champions : éliminer des individus sur une si grande échelle supposait en effet une organisation sans faille. Surtout, il fallut qu il préexiste à l Allemagne nazie un sentiment antisémite suffisamment important pour nourrir l idéologie hitlérienne. A cela s ajoute un contexte de crise économique et sociale en Allemagne, au lendemain du Traité de Versailles et dans les années 1930. Dans Mein Kampf, Adolf Hitler étaye son antisémitisme en avançant que le «juif» représente le mal, qu il est d une race encline à la destruction des autres, qu il est une «peste». Mais ce discours n aurait pu être reçu favorablement s il n avait été tenu dans un contexte antisémite dépassant largement le parti nazi et ses dirigeants. La doctrine de la hiérarchie des races théorisée au XIX ème siècle avait transformé l antisémitisme religieux, qui faisait des juifs un peuple déicide, en antisémitisme biologique : les juifs incarnaient le mal par essence et non par religion, les convertis et autre assimilés ne seraient donc pas épargnés. Preuve en est le rejet politique et social dont ils sont les victimes : s ils sont grands patrons, on les identifie aux capitalistes profiteurs de guerre ; s ils appartiennent aux mouvements marxistes ou internationalistes, ils sont des révolutionnaires attentant aux valeurs de la nation. Dès la République de Weimar (1919-1933), ce «complot juif international» est dénoncé ; Walter Rathenau, ministre des affaires étrangères juif, socialiste et grand industriel est assassiné en 1922. 13

b. La mise en place de la Solution finale Si les historiens de la Seconde Guerre mondiale ont très vite acquis des certitudes quant à la réalité du génocide et de son ampleur, la question de la programmation intentionnelle de l entreprise a longtemps suscité débats et controverses. On constate cependant que l arrivée des nazis au pouvoir s accompagne d assassinats de juifs, déjà victimes de violences et vexations diverses. La suite résulte d un enchaînement de décisions politiques prises entre septembre et décembre 1941 ; les premières chambres à gaz entrent en action à Chelmno en décembre 1941, rapidement suivies par celles d Auschwitz. La volonté d exterminer les populations juives d Europe entre tout d abord dans la théorie du Lebensraum ; libérer l espace vital de cette «gangrène». Les juifs sont donc dans un premier temps encouragés à émigrer, puis expulsés jusqu en 1941. Les conquêtes nazies s étendant, les dirigeants ont l idée de les rassembler dans une sorte de «réserve» européenne ou extra-européenne (Pologne, Madagascar) ; c est la théorie du ghetto appliquée sur une plus grande échelle. Mais pointe déjà dans l idée des dignitaires nazis à commencer par leur chef, l idée d une extermination : Hitler l évoque dans un discours de 1939 en cas «d agression juive» ; le régime a déjà fait exterminer des catégories indésirables comme les 70 000 malades mentaux assassinés entre 1939 et 1941 ; le projet trouve sa place dans le vœu d un Reich racialement pur, débarrassés des «impuretés» slaves (polonais, russes) et donc juives. Dès le début de l été 1941, à l arrière de l opération Barberousse, des hommes sont massivement fusillés par des commandos S.S. (Einsatzgruppen) Des familles entières sont également massacrées en Russie par la Wehrmacht. Peu à peu apparaît l idée d une solution «finale» ou «définitive» (endlösung) dans les correspondances échangées au plus haut sommet de l Etat, comme le «Rapport Jäger» du 1 er décembre 1941. Au même moment apparaissent les premiers centres de gazage en Pologne, alors que les Einsatzgruppen commencent à utiliser les camions à gaz. Le 20 janvier 1942, dans la banlieue de Berlin, se tient la conférence de Wannsee qui va décider de l extermination de tous les juifs d Europe. Surtout cette réunion met en relation les différents acteurs du génocide afin qu ils coordonnent leur action. Dans le procès-verbal qu il rédige, Adolf Eichmann note «une élimination physique», «une mise au travail jusqu à la mort». Sans nul doute est-ce cette rencontre de Wannsee qui marque le début réel du génocide. Le Reich décide ici d une politique de pureté raciale qui devait «débarrasser» l Europe de tout sang juif. En même temps, l Allemagne commence à s enliser sur le front russe, les Etats-Unis entrent en guerre, il leur faut donc accélérer le processus d extermination pour éviter que les juifs ne survivent au conflit. La conférence de Wannsee marque donc l accélération, la systématisation d un processus engagé dès 1941. 14

c. Les lieux du génocide Dans le système répressif nazi, on recense deux types de camps : les camps de concentration et les camps d extermination ; dans les premiers, la mort n est pas systématique mais courante, les seconds sont une machine à tuer. Dès l arrivée au pouvoir des nazis, le pouvoir créé des camps de concentration, d abord en Allemagne puis dans les pays occupés. Ils sont tout d abord destinés à recevoir tous les opposants du régime, auxquels s adjoignent rapidement l ensemble des «asociaux» comme les homosexuels ; les juifs sont déjà la cible de ses premières mesures d internement. A chacun de ces camps est associé un camp de travail forcé où les prisonniers soutiennent l effort de guerre nazi dans des conditions épouvantables : outre le dur labeur, ils y subissent de nombreux sévices corporels et sont décimés par de nombreuses épidémies dues essentiellement aux mauvaises conditions sanitaires. Le camp de Dachau, créé en 1933 à côté de Munich est de ceux-ci. Les camps d extermination répondent quant à eux au protocole décidé à Wannsee même si certains d entre eux sont en place dès 1941. Par la déportation, l ensemble des juifs d Europe occupée sont acheminés vers ces camps tous situés en dehors des frontières allemandes. A l arrivée, le tri sépare les hommes jeunes et valides des femmes, enfants, malades et vieillards : les premiers sont envoyés dans la partie «camp de travail» de la structure, les seconds sont immédiatement assassinés d abord par fusillade puis par gazage (camions et chambres à gaz). Six camps répondent à cette configuration : Auschwitz-Birkenau, Maïdanek, Chelmno, Treblinka, Sobibor, Belzec. 15

Au total, ces événements font le constat d une extrême violence pour le siècle passé. C est avec des moyens sans précédents que les nations se sont affrontées faisant de nombreuses victimes civiles. La Seconde Guerre mondiale avec l expansion du Reich et le génocide, perpétré contre des individus aux appartenances culturelles et religieuses bannies par les nazis, marque une étape dans l horreur. Si l impensable est difficilement dicible, il reste qu il s agit d une période essentielle à la compréhension du monde contemporain, dont les programmes de l école sont parmi les moyens. 16