Analyse sur le Dumping social

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Transcription:

Les Analyses du Centre Jean Gol Analyse sur le Dumping social Décembre 2014 Administrateur délégué : Richard Miller Directrice : Laurence Glautier Directeur scientifique : Corentin de Salle Les analyses du Centre Jean Gol sont réalisées chaque année par une équipe de chercheurs dans le cadre de diverses thématiques correspondant aux interrogations, interpellations et suggestions de son public. Consacrées à des sujets pointus ou à des problèmes d actualité, elles se veulent des outils de réflexion et d information mais également des pistes de solution permettant à son public de mener à bien ses actions sur le terrain. Avenue de la Toison d Or 84-86 1060 Bruxelles Tél. : 02.500.50.40 cjg@cjg.be

2 Analyse sur le Dumping social Cette année, l'office national de la Sécurité sociale (ONSS) en a dénombré 452.111, selon des chiffres arrêtés au 6 novembre. Cela représente une hausse de 19% par rapport à 2012. La lutte contre le dumping social est une priorité du gouvernement, de sorte que l occupation de travailleurs salariés et indépendants se fasse dans le respect du droit du travail et de la sécurité sociale et pour lutter contre la concurrence déloyale à l égard des entreprises qui agissent de bonne foi. Il est inacceptable qu'il y ait une concurrence déloyale et un dumping organisé La Belgique ne remet pas en cause la libre circulation des travailleurs, bien entendu, mais il faut que le détachement soit honnête. Dans bien des cas, il est établi que les salaires versés sont trop bas, en-dessous du salaire minimum en Belgique. Le détachement peut s'opérer à condition de respecter certaines règles telles que le salaire minimum, la sécurité des travailleurs, la convention collective de travail si elle existe. Ces abus frauduleux met également en péril l'économie belge, estime le gouvernement. Il est source de concurrence déloyale qui entraîne la fermeture de PME, des cessations d'activités de travailleurs indépendants et une hausse importante du chômage. Le Conseil des ministres du 5 décembre 2014 a approuvé un Plan de lutte contre le dumping social. 1. L Accord de Gouvernement fédéral La lutte contre le dumping social est une priorité du gouvernement, de sorte que l occupation de travailleurs salariés et indépendants se fasse dans le respect du droit du travail et de la sécurité sociale et pour lutter contre la concurrence déloyale à l égard des entreprises qui agissent de bonne foi. Le gouvernement organisera une table ronde visant à combattre le dumping social et la concurrence déloyale dans des secteurs à risque afin de responsabiliser ces secteurs, en respectant les règles européennes en la matière. Le gouvernement veillera au respect des conditions de salaire et de travail dans ces secteurs. L application du principe européen de libre prestation de services met le secteur de la construction belge sous pression. Le détachement de travailleurs peut conduire en effet à des situations de distorsion de concurrence et de fraude sociale. La libre prestation de services est un élément essentiel du marché intérieur européen, mais ne doit pas entraver une concurrence saine au niveau national et international. Le gouvernement évaluera les amendes dans le secteur des transports afin d'éviter la concurrence déloyale. D autres secteurs à risque feront également l'objet d une attention particulière du gouvernement pour y décourager le dumping social et la concurrence déloyale.

3 2. Ce qui a déjà été réalisé par l actuel gouvernement en la matière Le Conseil des ministres du 5 décembre 2014 a approuvé un Plan de lutte contre le dumping social. Les lignes de force du plan d action sont les suivantes. une approche intégrée ciblée sur la prévention, la détection, le contrôle et la sanction. Il sera demandé au SIRS de définir un nombre minimum de contrôles dans le plan d action lutte contre la fraude sociale 2015. A cet effet, il sera recouru davantage au datamining/datamatching. En outre, la politique en matière de poursuites sera harmonisée avec ces actions en étroite concertation avec le Collège des procureurs généraux. une approche pertinente: outre une approche nationale, une approche à l échelon européen sera proposée, avec une affectation maximale des moyens disponibles. une approche politique: tant au niveau national qu au niveau européen, plusieurs initiatives seront prises afin de parvenir à des mesures effectives dans le courant de l année prochaine, en concertation avec les partenaires sociaux et les instances politiques et publiques concernées. Politiques concrètes : Au niveau national : o Lutte contre le détachement par le biais de sociétés «boites aux lettres». o Défense au niveau européen d un salaire minimum européen de référence dans chaque Etat membre. o Lutte contre les détachements frauduleux. o Actions ciblée sur base de datamining/datamatching. o Accord de partenariats avec les secteurs exposés à la fraude. o Lutte contre les faux indépendants. o Mise à l agenda européen de la lutte contre le dumping social comme point prioritaire. o Collaboration structurelle entre les services et les institutions. o Organisation de tables rondes avec les secteurs à risque (construction, nettoyage, transport, viande, Horeca, gardiennage, ). o Transposition de la nouvelle directive européenne d exécution relative aux droits du travail. o Collaboration transfrontalière entre les services d inspection sociale. o Activation des conventions bilatérales de lutte contre la fraude sociale. Au niveau européen : o Rôle pionnier de la Belgique pour lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale. o Déploiement au niveau supranational du système LIMOSA. o Participation maximale à la task force fraude sociale du Benelux. o Optimalisation de l exécution transfrontalière de sanctions imposées en Belgique. o Contact avec la Commissaire européenne belge désignée à l Emploi et aux Affaires sociales, Marianne Thyssen, qui a la tutelle sur ces matières.

4 3. Ce qui a été fait par le précédent gouvernement Plan d'action anti-dumping social a amélioré la collaboration entre les divers services d'inspection compétents et élevé le dumping social au rang de priorité en matière de poursuites auprès des auditorats de travail. Constitution d une équipe multidisciplinaire de 55 personnes qui sera chargée de lutter plus efficacement contre le dumping social. L'objectif de cette équipe est de lutter plus fermement contre ce phénomène notamment dans les secteurs de la construction, du nettoyage et des transports. Le gouvernement EDR a pris une série de mesures durant sa législature : o l'instauration de l'enregistrement des présences sur les chantiers, o l'instauration d'une disposition anti-abus en droit social, o l'instauration et ensuite l'élargissement d'une responsabilité solidaire pour les dettes salariales, o l'adaptation de la législation sur les faux indépendants et l'alourdissement des sanctions pénales, 4. Deux exemples concrets Les secteurs les plus touchés par le "dumping social" sont la construction, le transport, l'alimentation, le nettoyage, et dans une moindre mesure le gardiennage. La concurrence vient principalement des pays de l'est en ce qui concerne la main d'œuvre "low cost", mais aussi de la Chine en ce qui concerne des produits exportés à des prix défiant toute concurrence. Secteur du transport o Près de 4.000 chauffeurs ont été licenciés en Belgique depuis 2008. o Les sociétés engagent des travailleurs venus de pays de l'est, considérés moins exigeants et plus flexibles (travail le week-end ou jours fériés, heures supplémentaires non payées, pas de menace de grève, etc...). o Pour faire encore plus d'économies, ou plutôt pour rester concurrentielles et garder leurs clients qui n'hésiteront pas à faire appel à des sociétés étrangères pour le transport, les sociétés créent bien souvent un siège social fictif dans un pays où les charges sociales et patronales sont nettement moins élevées. Dans ces conditions, ils peuvent rémunérer un ouvrier des pays de l'est encore moins cher, de la même manière que dans son pays d'origine, vu que la filiale du groupe est basée dans ce pays. o Les salaires bruts varient entre 1.700 et 2.200 euros pour un chauffeur slovaque contre 4.500 euros pour un chauffeur belge. Secteur de la construction o Près de neuf chantiers de construction sur dix contrôlés en février 2014 sur le plan du dumping social n'étaient pas en ordre. 155 chantiers, 405 travailleurs détachés et 62 indépendants étrangers ont été contrôlés. 135 chantiers n étaient pas en ordre. o 132 travailleurs -essentiellement des Polonais, des Roumains et des Portugais- étaient occupés dans le cadre d un dumping social. o 123 travailleurs n'étaient pas déclarés. o 231 cas d'utilisation frauduleuse d'attestations ont été relevés.

5 o 6 infractions sur le temps de travail. 5. Comparaison avec autres pays européens (quand la matière le permet). Chiffres récents Les travailleurs étrangers sont de plus en plus nombreux. Cette année, l'office national de la Sécurité sociale (ONSS) en a dénombré 452.111, selon des chiffres arrêtés au 6 novembre. Cela représente une hausse de 19% par rapport à 2012. Si les Néerlandais (en réalité, des travailleurs issus de pays de l Europe de l Est bénéficiant des règles permissives d installation de sociétés fictives en droit néerlandais) sont encore les plus nombreux à travailler temporairement chez nous, ils sont rattrapés par les Polonais qui sont 90.225, soit 20.638 de plus qu'il y a deux ans. La plus forte augmentation entre ces deux années ne vient pas de l'est. Elle arrive du Portugal qui est en crise économique. La hausse est de 85%. La balance entre le nombre de travailleurs détachés de la Belgique vers l étranger et le nombre de travailleurs étrangers venant prester en Belgique est largement négative de -88%. A titre de comparaison, la balance est de : -29% pour l Allemagne (170.345 détachés contre 221.222 détachements reçus) : l Allemagne reçoit 29% de travailleurs détachés au regard de ses propres détachements) +9,6% pour la France (160.774 détachés contre 155.601 détachements reçus) : la France détache plus de travailleurs qu elle n en accueille. +1389% pour la Pologne (204.374 détachés contre 14.704 détachements reçus) : la Pologne détache près de 14 fois plus de travailleurs qu elle n en accueille!. A ces détachements de travailleurs s ajoutent : Les travailleurs non déclarés étrangers qui exercent en Belgique illégalement (par définition, non recensés), Les travailleurs indépendants inscrits régulièrement en Belgique et sous-facturant, sans que cela soit illégal, leurs prestations. o Fin 2011, l INASTI a enregistré 93.668 travailleurs indépendants et aidants affiliés de nationalité non belge. Par rapport à 2009, on note même la forte augmentation de + 11,48 %. o Près de 1 indépendant sur 10 dans notre pays est donc de nationalité étrangère. Plus de 80 % d entre eux sont originaires de l Union européenne.