Dr Anne-Laurence Le Faou, MCU-PH en santé publique Monique BAHA, Dr en santé publique

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Transcription:

CDTnet Dr Anne-Laurence Le Faou, MCU-PH en santé publique Monique BAHA, Dr en santé publique Centre de Tabacologie, Hôpital Européen Georges Pompidou CDTnet réseau national informatisé des consultations de tabacologie

Contexte de l étude Les fumeurs précaires ont du mal à arrêter de fumer : Prévalence en hausse depuis 2005 (Baromètre Santé 2010). Moins de succès au sevrage chez les fumeurs au chômage ou sans diplôme que chez les fumeurs actifs ou éduqués. (données à 1 mois de suivi des consultants CDT 2006 2007). Pas d effet dissuasif des hausses progressives du prix du tabac : Sacrifice de besoins essentiels pour acheter du tabac : Jusqu à 20% de leur revenu est consacré au tabac. Le coût du tabac n est pas un thème prédictif de l arrêt. Aggravation des inégalités sociales dans la consommation du tabac. Constance J, Peretti-Watel P. Ethnologie française 2010. Peretti-Watel P, Constance J, Seror V, Beck F. Addiction 2009. Baha M, Le Faou, A-L. Public Health 2010. 2

Contexte de l étude Les fumeurs précaires ont une vision particulière de leur tabagisme : Mise à distance du risque pour la santé. «Pas motivé : la cigarette me contente, j'ai pas la tête à penser à ma santé et au coût du tabac». (étude sur les motifs d arrêt des fumeurs CDT entre 2006 2007). La cigarette représente pour eux le seul plaisir dans une vie de privations. Le sevrage n a de sens qu en parallèle avec une amélioration du quotidien (trouver du travail, un logement, etc.). Constance J, Peretti-Watel P. Ethnologie française 2010. Baha M, Le Faou, A-L. Public Health 2010. 3

Cadre théorique de la prise en charge En accord avec les pistes actuelles de recherche en tabacologie : Améliorer l observance thérapeutique. Tester des modes de prise en charge novateurs. Stratégies pour «faire passer» les messages préventifs. L apport de la théorie du soutien social de Cohen et coll. : Soutien émotionnel. Soutien instrumental ou aide matérielle. Soutien informatif ou éducatif. Fiore M, et al. Treating tobacco use and dependence: 2008 update. www.surgeongeneral.gov Westmaas JL, et al. Social support in smoking cessation: reconciling theory and evidence. Nicotine Tob Res 2010 4

Objectifs Améliorer l observance thérapeutique. Faire participer le fumeur à une démarche qui renforce sa capacité à modifier son comportement. Prendre en compte les facteurs qui influent sur le tabagisme. stress, difficultés financières. Stratégies pour «faire passer» les messages préventifs. Venir à bout des fausses croyances : exemple du «jeu de la santé» Tester un mode de prise en charge novateur. Soutien social et interaction en groupe 5

Méthodes : Etude comparative Groupe 1 : Substituts nicotiniques gratuits Suivi «classique» en individuel conformément aux recommandations en vigueur. Groupe 2 : Substituts nicotiniques gratuits Suivi hebdomadaire en groupe, basé sur la théorie du soutien social Consultations hebdomadaires sur 6 semaines organisées sous forme d ateliers à thème, en groupe de 5 fumeurs. Possibilité de poursuite de la prise en charge en individuel. 6

Méthodes : Evaluation Critère d inclusion Score EPICES 30,17 indiquant la précarité Rendez-vous avec l assistante sociale si nécessaire Critères d évaluation : Statut tabagique en fin de cycle et à 6 mois Validé par la mesure du monoxyde de carbone dans l air expiré 7

Méthodes : Ateliers à thème Suivi hebdomadaire en groupe : agenda de consommation et suivi hebdomadaire de la consommation avec mesure du CO expiré ; traitement pharmacologique sur mesure La dépendance au tabac Le jeu de la santé Les envies de fumer Le stress et la cigarette, la prévention de la rechute Le jeu du juste prix Bilan et témoignages d anciens fumeurs 8

Tonus et endurance physique Phrases mystères Quand on fume, le cœur a besoin pour fonctionner normalement. Le dans la fumée l oxygène de dans le sang. Dans de cigarette, le shoot de nicotine élève la et le travail du cœur. Points 200 300 500 La du tabac les artères. 200

Méthodes :Mise en place à l hôpital Pompidou Procédure de délivrance des traitement pharmacologiques Organisation d un circuit dans le cadre de la Permanence d Accès aux Soins et à la Prévention (PASS) Équipe sociale, directions, pharmacie Recrutement : Patients adressés par d autres services de l hôpital. Affiches dans les lieux de passage de l hôpital. Patients adressés par les services sociaux dont le Samu Social. Allocation : Difficulté de mettre en place une randomisation aléatoire dans cette population. Les 2 méthodes sont donc présentées au fumeur qui en choisit une. 10

11

Résultats : caractéristiques de la population Suivi individuel uniquement Séances en groupe Hommes 37 (55,2%) 20 (60,6%) Chômage 18 (26,9%) 11 (33,3%) Allocation Adulte Handicapé 26 (38,8%) 13 (39,4%) Age moyen 47,5 (et 10,0) 51,4 (et 9,5) Fagerström moyen 6,2 (et 2,5) 5,6 (et 2,6) Deux tentatives antérieures d arrêt 15 (22,4%) 12 (36,4%)* Score de Fagerström moyen (DS) 6,2 (2,5) 5,6 (2,,6) Symptômes dépression 25 (37,3%) 13 (39,4%) Effectifs 67 33 * Différence significative à p=0,01 12

Résultats Caractéristiques similaires des fumeurs ayant choisi le groupe par rapport aux fumeurs suivis en individuel Mis à part un nombre significativement plus important de tentatives d arrêt antérieures dans les fumeurs du groupe par rapport aux fumeurs suivis en individuel (p=0,01) 13

Résultats Patients en arrêt 6 semaines après la 1 ère consultation 24,2% (n=8) parmi les patients vus en groupe versus 11,9% (n=8) parmi les patients en suivi individuel (p=0,115) Patients en réduction de moitié 6 semaines après la 1 ère consultation (soit en fin de cycle de séances en groupe) 36,4% (n=12) parmi les patients vus en groupe versus 19,4% (n=11) parmi les patients en suivi individuel (p=0,125) En tenant compte des caractéristiques initiales des deux groupes, exclusion des fumeurs ayant effectué 2 tentatives d arrêt 47,6% (n=10) avaient réduit de moitié leur consommation parmi les patients vus en groupe versus 15,4% (n=8) parmi les patients en suivi individuel (p=0,007) 14

Résultats Patients en arrêt 6 mois après la 1 ère consultation 15,5% (n=5) parmi les patients vus en groupe versus 4,5% (n=3) parmi les patients en suivi individuel (p=0,111) Meilleure adhésion au suivi parmi les patients vus en groupe 6,1% (n=2) avaient arrêté le suivi après la première consultation versus 31,3% (n=21) parmi les patients en suivi individuel (p=0,005) Au terme de 6 mois, les patients du groupe avaient suivi plus de visites que les patients suivis en individuel 10,2 (DS = 5,6) versus 7,4 (DS=5,4) parmi les patients en suivi individuel (p=0,027) Résultats toujours significatifs en excluant les fumeurs 2 tentatives d arrêt antérieures 15

Conclusions et perspectives Difficultés de recrutement Sur 50 personnes ayant souhaité initialement participer au groupe, 33 ont suivi les séances Manque de puissance statistique dans l interprétation des résultats Tendance plutôt en faveur de la prise en groupe dans le succès de la réduction de la consommation tabagique Prise en charge intensive a eu pour effet significatif de favoriser la participation aux consultations de tabacologie Pertinent de tester cette prise en charge au niveau multicentrique. Les substituts nicotiniques proposés à tous les fumeurs précaires. Le contenu seul des réunions permettait de réduire la consommation. 16