P LACE DE LA PHONETIQUE DANS L' ENSEIGNEMENT DU F.L.E. L'apprentissage de la prononciation doit s'intégrer à la classe de F.L.E. Cet apprentissage conditionne l'acquisition linguistique de deux aspects essentiels : - la compréhension orale (écouter) - l'expression orale (parler) I MPORTANCE DE L' ANALYSE DES CARACTERISTIQUES DU PHONETISME DU FRANÇAIS. On ne peut faire de phonétique corrective efficace sans un minimum de connaissances phonétiques de la langue enseignée. Un enseignement théorique est donc nécessaire. Le français comme les autres langues, est une réalité observable et analysable. Les techniques de correction qu'utilise le professeur s'appuient sur les découvertes de la phonétique expérimentale. Pour l'apprenant, les règles d'usage, la transcription, la description précise des articulations, des phénomènes accentuels, rythmiques et intonatifs sont souvent d'une grande utilité. Mais il ne faut pas que le souci du détail entrave l'étude pratique et empêche de voir l'essentiel du système phonique, c'est à dire sa structure. Les sons ont une valeur fonctionnelle avant tout. R EMARQUES EN CE QUI CONCERNE LA CORRECTION PHONETIQUE. Il n'y a pas de méthode unique (ou "passe partout"). Les "recettes" ou "trucs" que l'on peut être amené à donner ne seront pas forcément efficaces. L'élimination des interférences suppose de la part des apprenants des efforts d'audition et de reproduction. Il y aura autant de méthodes de correction que de groupes linguistiques en présence. D'où l'utilité de faire une analyse des interférences entre la langue maternelle et la langue seconde. Par exemple, travailler l'opposition sourde / sonore est indispensable pour un apprenant germanique mais inutile pour un étudiant de langue romane. PROBLEMATIQUE DE L APPRENANT DE F.L.E. Comment reconnaître et puis comment reproduire les différents éléments du système phonique? Ou en d autres termes : apprendre à écouter et apprendre à prononcer. La tâche de l'enseignant consiste : - d'une part à apprendre à reconnaître et à produire les différents sons entendus par l'élève. - d'autre part, elle consiste aussi à apprendre à reconnaître et à produire les différents sons lorsqu'ils sont présentés sous forme écrite à l apprenant. J.Clarenc Page 1
Linguistique, phonétique, phonologie et prosodie: QUELQUES DEFINITIONS 1. LES SECTEURS FONDAMENTAUX DE LA PHONETIQUE 2. LES DIFFERENTS CHAMPS D'INVESTIGATION DE LA PHONETIQUE 3. L'INTERDISCIPLINARITE DE LA PHONETIQUE 4. PHONETIQUE ET PHONOLOGIE 5. LA PROSODIE Si l'objet de la linguistique est l'étude des sons du langage en tant que moyen de communication et d'expression, on définit généralement la phonétique comme la science des sons du langage. La phonétique est une discipline qui analyse et décrit la composante orale de la langue. Elle en est la discipline fondamentale mais ne recouvre pas à elle seule l'étude de l'oral. Dans l'apprentissage de l'oral, l'important ce n'est pas d'apprendre un mot ou un groupe de mots, ou une structure syntaxique (c'est l'écrit qui s'en charge! ), mais de distinguer, de s'approprier leur oralisation, la forme sonore dans laquelle se coulent ces mots et groupes de mots. Les didacticiens de l'oral doivent savoir interpréter les marques prosodiques qui permettent aux éléments de la langue d'avoir une existence et de constituer un message. J.Clarenc Page 2
1. LES SECTEURS FONDAMENTAUX DE LA PHONETIQUE 1 La phonétique se subdivise en trois secteurs fondamentaux : - la phonétique physiologique : elle s'attache plus particulièrement aux mécanismes de la phonation (émission) et de l'audition (réception). Elle s'appuie sur l'anatomie et la neurologie. Elle étudie les mécanismes audiophonatoires (audition - phonation). - la phonétique acoustique : elle étudie le support physique du langage, c'est à dire les sons. Elle s'est largement développée grâce à l'électronique et à l'informatique. - la phonétique perceptive : elle s'intéresse à la réception et à l'intégration du langage. Elle se réfère aux théories acoustiques de l'audition, à la psychologie sensorielle et expérimentale, à la psychophysique. L analyse phonétique nous permet donc de connaître : - les processus physiologiques de la parole, - les organes phonatoires, - les composantes acoustiques des sons. 2. LES DIFFERENTS CHAMPS D'INVESTIGATION DE LA PHONETIQUE Les objectifs de la phonétique peuvent être divers : - l'histoire, l'évolution des sons >c'est la phonétique diachronique : elle envisage l'évolution du système. - la description d'une langue ou la comparaison de langues > c'est la phonétique synchronique : elle envisage la langue à un moment donné. - la norme de la prononciation > c'est la phonétique normative. L orthoépie est définie comme étant «l ensemble des règles qui déterminent la «bonne» prononciation d une langue. (L orthoépie suppose l existence d une norme de prononciation, valable à l intérieur d un groupement linguistique)» (MALMBERG, 1971) la correction de la prononciation > c'est la phonétique corrective. L orthophonie recouvre l ensemble des principes, des procédés et des techniques mis en œuvre pour le traitement et la correction des difficultés de prononciation et d élocution 1 cf. LANDERCY/RENARD, 1977, pp. 17-23 J.Clarenc Page 3
d origine pathologique. L orthophonie est une méthode de rééducation qui enseigne la réalisation correcte des articulations, la manière correcte de former les sons dans une langue donnée. La correction phonétique s applique dans apprentissage des langues vivantes. Elle recouvre l ensemble des procédés et des techniques pratiquées soit en classe, soit au laboratoire de langues pour corriger et faire acquérir la prononciation correcte d une langue étrangère. Elle s appuie sur les données de phonétique expérimentale et sur la phonétique combinatoire. Cette dernière étudie les modifications que subissent les phonèmes lors de leur insertion dans la chaîne sonore ainsi que les influences qu ils exercent les uns sur les autres selon le contexte. La phonétique peut aussi être appliquée ; elle intervient alors en télécommunication, pédagogie, pathologie du langage. Parmi les objectifs de la phonétique, la pédagogie a donc sa place. 3. L'INTERDISCIPLINARITE DE LA PHONETIQUE La phonétique fait appel à des disciplines comme la physique, la physiologie, la psychologie, la sociologie etc....elle a aussi des implications dans de nombreux domaines dont la didactique des langues, la psycho-acoustique de la parole, l audiométrie, la pathologie du langage, les télécommunications... 4. PHONETIQUE ET PHONOLOGIE 2 La phonétique étudie les sons de la parole sans se soucier de leur rôle dans la langue à laquelle ils appartiennent. La phonologie étudie les sons en fonction de leur rôle dans cette langue. Le phonème est donc un concept, une unité de langue et non de parole. Il concerne la forme et non la substance. C'est la plus petite unité phonique fonctionnelle (distinctive, pertinente). Concrètement, un phonème peut donc se réaliser en des sons différents (appelés variantes, réalisations phonétiques, allophones). Le système phonologique doit toujours être envisagé comme un ensemble structuré où chaque phonème n'a de valeur que par opposition aux autres. Il varie selon les langues. 2 cf. LANDERCY/RENARD, 1977, pp. 17-23 J.Clarenc Page 4
C'est l'épreuve de commutation qui contribue à déterminer le système phonologique. Des sons différents sont considérés comme des phonèmes différents si et seulement si, dans le même contexte phonique, leur substitution change le sens du message. La phonétique étudie la nature, la production et la perception des sons. La phonologie étudie le fonctionnement des sons. La linguistique étudie les moyens d expression qui peuvent être oraux, écrits ou divers. QUELQUES DEFINITIONS DE LA PHONOLOGIE: MARTINET «La phonologie est une phonétique fonctionnelle et structurelle: elle classe les sons de chaque langue selon le rôle de chacun dans cette langue et en fonction de leurs rapports avec les autres sons de la langue.» LEON (1992, p 6) «La phonologie ou phonétique fonctionnelle (nommée aussi phonémique) est la discipline qui étudie la forme de l'expression, c'est à dire l'arrangement selon lequel s'établit la fonction distinctive des phonèmes, dans la structure de la langue.» Dans notre travail d'enseignant de F.L.E, il nous faudra mettre en regard le français et la langue maternelle de l'apprenant. C'est en comparant les deux systèmes phonologiques que l'on pourra préciser les phonèmes absents ou existants et déterminer ceux qui sur le plan de l'enseignement/apprentissage demanderont une mention particulière. J.Clarenc Page 5
L A NOTION D' ALLOPHONE OU VARIANTE Les allophones ou sons différents réalisant un même phonème sont très nombreux. On distingue : - les variantes individuelles (ou libres) qui dépendent du locuteur; elles permettent sa personnalisation (ex. les différentes réalisations du [R] français). - les variantes combinatoires qui sont dues à l'environnement (ex. [pe ] \ [pe e] \ [pe e]). Dans les deux cas, ces variantes ne sont pas considérées comme fonctionnelles car elle n'ont aucune incidence sur le contenu du message (fréquemment, le locuteur n'en a même pas conscience ). Mais l'enseignement du FLE ne peut ignorer les variantes. Les phonèmes subissent des modifications lors de leur insertion dans la chaîne sonore et selon les contextes, ils exercent des influences les uns sur les autres. C'est l'étude de ces variantes qui débouche sur la phonostylistique qui selon TROUBETZKOY étudie «les valeurs expressives de la langue exprimées par les sons de la parole». COMMENT ANALYSER LES FAUTES? En phonétique corrective on sera amené à faire la distinction entre deux types de fautes : - les fautes phonémiques : un phonème est remplacé par un autre phonème et il en résulte un changement de sens : [ d 'sy ] ---> [ d 'su ] - les fautes phonétiques : les sons réalisés sont considérés comme des variantes par rapport à la norme; il n'y a ni incompréhension ni changement de sens. Ces écarts permettent le plus souvent de situer le locuteur géographiquement. [ 'poz ] ---> [ po'z ] J.Clarenc Page 6
5. LA PROSODIE La substance sonore du langage est constituée de deux aspects qui peuvent se mêler étroitement : - l' aspect segmental - l' organisation supra-segmentale. En organisant la substance sonore, la prosodie se superpose aux phonèmes. Le locuteur et les auditeurs d'une langue vont pouvoir organiser, structurer la chaîne sonore en unités de sens, grâce aux différents indices acoustiques ou paramètres que sont la durée, l'intensité et la hauteur. La prosodie est l'étude des faits relatifs à l'accentuation, à l'intonation, au rythme et à la durée. En segmentant l'énoncé et à travers la courbe mélodique, le locuteur produit des effets particuliers. C'est à ce niveau que nous nous questionnerons sur les moyens que possède la langue pour nous fournir des informations sur le contenu du message, sur les différents procédés utilisés pour transmettre une information, en-dehors et au-delà des mots mêmes. Tout comme LANDERCY et RENARD (1977), nous insistons sur le fait que «la phonétique, science des sons et de la parole occupe une position clé dans l'analyse du langage». C'est sans nul doute une " science de pointe " qui a connu ces dernières décennies un profond renouvellement, mais elle n'est pas le domaine réservé des spécialistes. Elle s'avère particulièrement indispensable aux enseignants dont la tâche consiste à apprendre, perfectionner, rééduquer le langage ou encore enseigner une langue vivante étrangère. Elle intéresse aussi tous ceux qui s'interrogent sur la nature et le fonctionnement de la parole. Il est certain que la phonétique fait appel à des concepts physico- acoustiques et mathématiques, qu'elle use d'une terminologie linguistique qui opacifie son langage, mais elle reste toutefois un domaine accessible à tous. La phonétique n'est pas aussi compliquée qu'on pourrait se l'imaginer, il faut " démystifier " la phonétique. J.Clarenc Page 7
Parmi la masse d'informations, la terminologie confuse, les nombreuses découvertes et interrogations, une sélection est nécessaire. Les rapports entre didactique et phonétique ont toujours été particuliers et nous empruntons à L.PORCHER l'analyse qui traduit parfaitement l'image qu'en ont les nonspécialistes. «La phonétique [...] est une science ardue, vaguement intimidante par sa technicité même. On espère apprendre à l'utiliser, on n'envisage pas sérieusement de chercher à la connaître.[...] Discipline vécue à la fois comme difficile et indispensable, la phonétique a tenu, dans la didactique, une place toujours singulière: tantôt éminente, tantôt subalterne, jamais anodine. Redoutée, fascinante, elle s'incarne pédagogiquement et sociologiquement pour l'apprenant comme pour le béotien, dans l'une des valeurs les plus hautes de la pratique langagière : la prononciation.» (cf. " Simples propos d'un usager", in Etudes de linguistique appliquée, n 66, Didier-Erudition, p.135). Notre premier objectif sera de penser en didacticien, c est à dire «d'une part, effectuer une sélection des données et mettre en relation des éléments qui peuvent faire l'objet, pour des spécialistes, de recherches distinctes; c'est, d'autre part, rendre abordable une discipline par-delà la barrière de son jargon, c'est donc expliquer, définir, rapprocher les termes identiques mais surtout faire en sorte que chaque terme utilisé le soit dans sa véritable acception.» (cf. E. GUIMBRETIÈRE, 1994, p.13). J.Clarenc Page 8