La nouvelle terminologie de Bethesda 2001 Laurent ZERAT «La classification de Papanicolaou est universellement abandonnée car obsolète. Le système de Bethesda doit être utilisé pour formuler les résultats du frottis». Cette recommandation de l ANAES datant de 1998 suit les recommandations élaborées à Bethesda par des pathologistes anglo-saxons en 1988(1) et 1991(2). En 2001(3), la terminologie de Bethesda est revue pour la troisième fois. Il s agit d une classification cytologique des lésions du col utérin accompagnée de recommandations en matière de qualité du frottis. Cette terminologie a plusieurs rôles : parler le même langage avec une terminologie internationale simple, reproductible, et utile pour la pratique quotidienne. Toutes les publications internationales sur le sujet utilisent cette terminologie, ce qui permet les comparaisons. La terminologie de Bethesda ne s applique qu à la cytologie dont le rôle, faut-il le rappeler, est de dépister les lésions précancéreuses du col utérin. Cette cytologie dépiste et oriente le diagnostic qui ne sera définitivement établi qu après des biopsies sous contrôle colposcopique. L histologie est le seul élément qui permet un diagnostic de certitude à condition que les biopsies soient bien dirigées sur la lésion. RAPPEL HISTOLOGIQUE DES LESIONS PRECANCEREUSES DU COL UTERIN Avant les classifications de Richart et de l OMS, de nombreuses appellations furent utilisées pour décrire les lésions précancéreuses du col utérin : condylome plan, condylome atypique, verrue atypique, infection subclinique à Papillomavirus, atypie koïlocytaire, condylomatose atypique. Cette diversité entraînait la confusion. Au début des années 1960, l OMS proposa la classification en dysplasie légère, dysplasie moyenne, dysplasie sévère et carcinome in situ. Plus tard, Richart proposa la terminologie de CIN avec une séparation en CIN1, CIN2, et CIN3. Cette terminologie, la plus utilisée, ne semblait plus adaptée aux données actuelles sur l infection à HPV. En effet, il existe deux types bien distincts de lésion. L une, variablement appelée dysplasie légère, CIN1 ou condylome plan, est productive de particules virales infectantes et plus volontiers liées aux types viraux HPV à bas risque évolutif : 6, 11, 42, 43 et 44, le plus souvent ADN-diploide, de densité cellulaire et à activité mitotique faible en histologie, peu évolutive. L autre, appelée dysplasie moyenne, dysplasie sévère, CIN2, CIN3 ou carcinome in situ, est peu ou pas productive de particules virales infectantes, plus souvent liée aux types viraux HPV à haut risque évolutif : 16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59 et 68, plus souvent ADN-aneuploïde, de densité cellulaire élevée, avec une activité mitotique intense en histologie et est évolutive. C est pour cette distinction que Richart proposa plus récemment une séparation entre CIN de bas grade regroupant les CIN1 et CIN de haut grade regroupant les CIN2 et CIN3.
LA TERMINOLOGIE DE BETHESDA Type d échantillon cellulaire Frottis conventionnel ou frottis en suspension liquide : Qualité de l échantillon Satisfaisant pour évaluation Insatisfaisant pour évaluation Interprétation/Résultats Frottis négatif pour la recherche d une lésion intra-épithéliale ou maligne Organismes Trichomonas vaginalis Filaments mycéliens évoquant du Candida Flore évoquant une cervico-vaginose bactérienne Actinomycose Altérations cellulaires en rapport avec l Herpes virus Autre Altérations réactionnelles en rapport avec : Inflammation (incluant les réparations) Radiation DIU Cellules glandulaires après hystérectomie Atrophie Cellules endométriales cytologiquement bénignes chez une patiente de plus de 40 ans Anomalies des cellules épithéliales Cellules malpighiennes Cellules malpighiennes atypiques ASC..de signification indéterminée ASC-US..ne pouvant exclure une HSIL ASC-H Lésion malpighienne intra-épithéliale de bas grade LSIL Lésion malpighienne intra-épithéliale de haut grade HSIL HSIL avec suspicion d invasion Carcinome épidermoide Cellules glandulaires Atypiques (sans spécification ou avec un commentaire) Endocervicale, endométriale, glandulaire Atypiques, en faveur d une néoplasie Endocervicale, endométriale, glandulaire Adénocarcinome in situ endocervical Adénocarcinome endocervical, endométrial, extra-utérin, non spécifié Autres néoplasies malignes
III. COMMENTAIRES Type d échantillon cellulaire Le développement de la pratique du frottis en suspension liquide est suffisamment important pour que TBS III en tienne compte. Le compte - rendu doit spécifier le type de technique utilisée : frottis conventionnel ou frottis en suspension liquide. Qualité de l échantillon Un frottis est soit de qualité satisfaisante soit de qualité insatisfaisante, sur des critères assez bien référencés mais présentant un minimum de subjectivité. La qualité du frottis doit être exprimée sur le compte - rendu. La cause d un frottis insatisfaisant doit clairement apparaître dans la conclusion. Le frottis en suspension liquide diminue le nombre de frottis de qualité insatisfaisante (4,5 ). Frottis non techniqué :. non identification du patient sur la demande d examen. lame d un frottis conventionnel arrivé cassée au laboratoire Frottis techniqué et examiné :. Absence de cellule endocervicale ou en métaplasie malpighienne. Paucicellularité en cellules malpighiennes : une appréciation du nombre de cellules malpighiennes doit être effectuée. Il faut 8000 cellules malpighiennes pour un frottis conventionnel et 5000 cellules malpighiennes pour un frottis en suspension liquide.. trop inflammatoire,. trop hémorragique,. mauvaise fixation, liée uniquement au frottis conventionnel. bulles de montage Le frottis sans cellule d origine endocervicale (cylindrique ou en métaplasie malpighienne) est la principale cause de frottis insatisfaisant. Le pourcentage varie de 1,5 à 16% selon les méthodes de prélèvement et les différentes techniques d étalement utilisées. Les frottis à l écouvillon porte-coton sont responsables d un très grand nombre de frottis sans cellules endocervicales et ne devraient plus être utilisés (6,7 ). Frottis négatif pour la recherche de lésion intra-épithéliale ou maligne Cette réponse est claire pour un médecin mais l est moins pour la patiente. En pratique, la femme peut se demander si elle n a pas autre chose qu une lésion intra-épithéliale ou maligne. Il est préférable de garder la conclusion «Frottis normal, de qualité optimale» et de mettre entre parenthèses l autre terminologie. Les organismes (Inflammations spécifiques) Le rôle du frottis est de dépister des lésions précancéreuses d origine virale à HPV. Mais le frottis peut, dans certains cas, mettre en évidence des agents spécifiques d une inflammation, ce qui peut d une part rendre un service de plus à la patiente et d autre part être responsable d altération pouvant passer, à tort, pour une lésion virale à HPV. Un nouveau contrôle après traitement de l inflammation pourra être parfois nécessaire. Il faut rappeler que le Chlamydiae Trachomatis ne présente pas de signe cytologique spécifique et que la cytologie n est pas un moyen diagnostique pour l infection à Chlamydiae. La PCR constitue la méthode de choix.
Présence de cellules glandulaires après hystérectomie Lorsqu un frottis vaginal après hystérectomie présente des cellules glandulaires bénignes (de types métaplasique malpighienne like, endocervical ou sans spécificité) : les données de la littérature montrent que ces cellules peuvent provenir d un prolapsus utérin, d une endométriose vaginale, d une fistule, d une adénose vaginale sans rapport avec une exposition au DES ou d une métaplasie glandulaire associée à une radiothérapie ou à une chimiothérapie préalable. Présence de cellules endométriales cytologiquement bénignes La présence de cellules endométriales normales dans un frottis du col utérin doit être mentionnée dans le compte-rendu. La limite est à 40 ans. En effet, avant 40 ans, la présence de cellules endométriales dans un frottis cervical, n est pas associé, de façon significative, à une pathologie. Après 40 ans, les éléments cliniques sont rarement connus (ménopause, hormonothérapie, partie du cycle, facteurs de risque) et la présence de cellules endométriales peut être liée à une pathologie endométriale. Une observation peut être ajoutée à la conclusion du frottis : «La présence de cellules endométriales, après l âge de 40 ans peut être associé à un endomètre normal, à une altération hormonale ou plus rarement à une anomalie endométriale et/ ou utérine. Des corrélations avec la clinique sont recommandées.» Evaluation Hormonale L évaluation hormonale sur frottis n est pas reproductible et n est pas corrélée avec les symptômes et les dosages sanguins. L appréciation oestrogénique à partir d un frottis cervical ou vaginal ne doit pas être utilisée. Les ASCUS Les ASC-H correspondent aux ASCUS versus HSIL. Il existe des anomalies cytonucléaires dont l aspect ne peut éliminer formellement une HSIL. Ce sont des cellules malpighiennes peu matures qui pourraient correspondre histologiquement à des métaplasies malpighiennes immatures, des phénomènes de régénération, de réparation ou encore une CIN de haut grade. Les ASC-US correspondent aux ASCUS versus LSIL. Il existe des anomalies cyto-nucléaires faisant douter d une LSIL mais éliminant une HSIL. Il s agit surtout, en pratique courante, de remaniements inflammatoires ou dystrophiques qui peuvent, dans certains cas, ressembler à une LSIL. Les termes d ASC-US ( jeux de mots en Anglais «demandez nous, ask us») et d ASC-H, sont difficiles à distinguer et peuvent prêter à confusion. Nous préférons utiliser et garder la distinction entre ASCUS versus LSIL et ASCUS versus HSIL, terminologie maintenant largement employée et bien comprise. Distinguer les ASCUS en 2 groupes distincts a un intérêt dans la prise en charge diagnostique. Les ASCUS versus HSIL devraient nécessiter systématiquement d une biopsie et uniquement sous contrôle colposcopique pour confirmer la nature histologique des cellules immatures atypiques retrouvées sur le frottis. Un ASCUS versus LSIL ne peut être utilisé que si l on écarte cytologiquement la possibilité d une HSIL. Les ASCUS versus LSIL devraient nécessiter un contrôle colposcopique avec d éventuelles biopsies si la colposcopie est anormale. Une colposcopie normale pour un ASCUS versus LSIL ne doit pas étonner le colposcopiste car un bon nombre de ces ASCUS versus LSIL correspondent à de simples
altérations réactionnelles qui ne parlent que cytologiquement. Dans ces cas, un contrôle cytologique à 6 mois est souhaitable. Les atypies glandulaires Il n y a pas de grand changement ici si ce n est que l on élimine le terme «AGUS» pour le remplacer par «atypie glandulaire», l origine endocervicale ou endométriale doit, lorsque cela est possible, être précisée. Ce changement ne va pas bouleverser la pratique quotidienne et ne rendra certainement pas plus simple la prise en charge de la patiente. Les atypies glandulaires posent un problème diagnostique important car il est difficile d identifier et de biopsier des lésions du canal endocervical où se développent principalement les néoplasies d origine glandulaire. Elles peuvent naturellement se développer à partir d une adénose ou d une ectopie, sur l exocol, mais dans ce cas, les biopsies seront accessibles. C est l adénocarcinome, qu il soit in situ ou infiltrant, que redoute le cytologiste. Dans certains cas, il peut affirmer un adénocarcinome au moins in situ, car la cytologie semble bien documentée dans ce domaine. Mais le plus souvent, il s agit d atypies dont la nature est difficile, voire impossible à préciser et les diagnostics différentiels sont nombreux (polype muqueux endocervical, hyperplasie micro-glandulaire endocervicale, endocervicite, endométriose, métaplasie tubaire, polype d origine endométriale, hyperplasie endométriale). La recherche de virus HPV dits à risque peut être utile car la plupart des adénocarcinomes in situ de l endocol sont associés à un virus HPV à risque. LEXIQUE CIN : néoplasie intra épithéliale, de l Anglais cervical intraepithelial neoplasia, terminologie histologique de Richart Dysplasie : terme équivalent pour dénommer les lésions précancéreuses intra-épithéliale. Par définition, un cancer est le stade après le franchissement de la membrane basale qui sépare l épithélium du chorion. SIL : lésion malpighienne intra-épithéliale, de l Anglais squamous intraepithelial lesion, terminologie de Bethesda, pour appeler les lésions intra-épithéliales en cytologie. LSIL : lésion malpighienne intra-épithéliale de bas grade (Low). HSIL : lésion malpighienne intra-épithéliale de haut grade (High) ASCUS, de l Anglais Atypical Squamous Cell of Undetermined Significance soit atypies malpighiennes d origine indéterminée. HPV : Human Papilloma Virus, responsable du développement des néoplasies intraépithéliales du col utérin, virus sexuellement transmissible. Tableau comparatif des terminologies les plus employées Richart (histologie) Richart (histologie) OMS (histologie) Condylome plan Condylome plan CIN de bas grade CIN 1 Dysplasie légère Bethesda (cytologie) LSIL CIN de haut grade CIN 2 CIN 3 Dysplasie moyenne Dysplasie sévère Carcinome in situ HSIL
Références 1. The 1988 Bethesda system for reporting cervical/vaginal cytological diagnoses. J Am Med ASS-262,5.931-934,1889 2. The Bethesda system for reporting cervical/vaginal cytologic diagnoses. Acta Cytol- 37,2,1993 3. The Bethesda system for reporting cervical/vaginal cytologic diagnoses. D. Solomon et col. JAMA 2002 ; 387 : 2114-2119 4.Bernstein SJ et coll: liquid- based cervical cytologic smear study and conventional Papanicolaou smears: a metaanalysis of prospective studies comparing cytologic diagnosis and sample adequacy. American Journal of Obstetrics and gynecology. 185, 2, 2001. 5.Austin RM. Implementing liquid-based gynecologic cytology. Cancer Cytopathol 1998 ; 84,4. 6.Germain M, Heaton R, Erickson D et al. A comparison of the three most common Papanicolaou smear collection techniques. Obstet Gynecol 1994 ; 84 (2) : 168-73. 7.Altermatt HJ, Wyler K, Fravi R et al. Cervix cytology : Cervex brush versus conventional cotton swab. Schweiz Rundsch Med Prax 1997 ; 86 (24) : 1029-33.