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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 8 ARRÊT DU 26 Septembre 2013 (n, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11246 - MAC Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Octobre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section encadrement RG n 09/11975 APPELANTE SA DE VENTES VOLONTAIRES agréée PIASA 5, Rue Drouot 75009 PARIS représentée par Me Jean-Pierre SPITZER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0218 INTIME Monsieur Pierre Emmanuel AUDAP 6, Rue Masseran 75007 PARIS comparant en personne, assisté de Me Véronique JOBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R195 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Catherine METADIEU, Présidente Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats ARRET : 1

- CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ DU LITIGE : M. Pierre Emmanuel Audap, commissaire-priseur judiciaire, a, avec des confrères, fondé en 1996 une société en participation dénommée PIASA, Picard, Audap, Solanet et associés. Fin 2001, Me Picard, Me Audap, Me Solanet et Me Velliet, ont créé une société anonyme PIASA à laquelle a été affectée l'activité de ventes volontaires aux enchères publiques. Les documents sociaux et brochures de vente conçus et agréés par la direction générale étaient libellés de la façon suivante : «PIASA, vente aux enchères ' expertise ' Picard, Audap, Solanet, Viellet.» Les quatre associés ont vendu leur participation au groupe Pinault, devenu l'associé unique de la SA PIASA. Les quatre ex-associés sont devenus directeurs salariés, au sein de la SA PIASA. Le contrat de travail à durée indéterminée de M. Audap a été signé le 27 décembre 2001 à effet à compter du 1er septembre 2001. Parallèlement, Me Picard, Me Audap, Me Solanet et Me Velliet, étaient également associés au sein d'une SEP pour leur activité libérale de commissaires-priseurs judiciaires. Consécutivement aux départs de Me Solanet, puis de Me Picard, respectivement remplacés par Me Tesseidre et Me de Courtry, la SEP Picard Audap et Solanet, en charge de l'activité judiciaire a été dissoute et les documents sociaux et brochures de vente de la SA PIASA ont été, à partir de 2006, libellés de la manière suivante : «PIASA, Vente aux enchères ' expertise ' Pierre Emmanuel Audap, Alexis Velliet, Henri Pierre Teissedre, Delphine de Courtry». Me Audap a sollicité et obtenu de la société PIASA l'autorisation d'exercer son activité libérale de commissaire-priseur judiciaire dans les locaux de PIASA et de bénéficier d'un soutien logistique pour son secrétariat et sa comptabilité. Me Teissedre et Me de Courtry ont également été nommés à titre individuel en qualité de commissaires-priseurs judiciaires. Le 7 juillet 2009, Me Audap a mis en demeure la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA de cesser d'utiliser son patronyme sur les documents sociaux de la société. Il a réitéré cette défense le 22 juillet 2009. À défaut pour la société de respecter cette demande, M. Audap a, par lettre du 17 août 2009, pris acte 2

de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et a, dès le 18 septembre 2009 saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir des indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des dommages-intérêts pour le préjudice moral subi. À titre reconventionnel, la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA a sollicité le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ainsi que de dommages et intérêts. Par un jugement du 21 octobre 1011, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en départage, a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail était justifiée par les manquements suffisamment graves de la part de l'employeur et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le conseil de prud'hommes a condamné la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA à verser à M. Audap les sommes suivantes : - 41 161,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 4116,12 euros au titre des congés payés afférents, - 21 623,37 euros à titre d'indemnité de licenciement, - 82 322,46 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le conseil de prud'hommes a dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, a débouté M. Audap du surplus de ses prétentions et rejeté les demandes reconventionnelles de la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA. Appelante de ce jugement, la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA demande à la cour de l'infirmer, sauf en ce qu'il a débouté M. Audap de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral. Elle soutient que la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 17 août 2009 doit produire les effets d'une démission et conclut en conséquence au débouté de M. Audap de l'ensemble de ses prétentions. Elle sollicite au contraire sa condamnation à lui verser les sommes suivantes : - 41 616,23 euros à titre d'indemnité de préavis, - 200 000 euros à titre de dommages-intérêts, - 8000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - 4816,35 euros indûment perçus dans le cadre du solde de tout compte. M. Audap conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ces dispositions et y ajoutant, demande à la cour de condamner la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA à lui verser une somme de 5000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile. En tout état de cause, il s'oppose aux prétentions formulées par la société et demande sa condamnation aux entiers dépens en cela inclus les éventuels frais d'exécution. 3

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience. MOTIFS : Sur la prise d'acte de la rupture et ses effets : Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission. Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent être non seulement établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur. La lettre de prise d'acte de la rupture est ainsi libellée : «Je suis proprement stupéfié par les termes de votre courrier daté du 23 juillet 2009 et qui ne m'a été remis que le 28 juillet 2009 en main propre par Mme Dussart. Cette lettre, qui se veut une réponse à mon courrier du 7 juillet 2009, outre les plus expresses protestations et réserves de tous mes droits et actions, appelle les observations suivantes : vous avez un art consommé d'éluder ou de dévoyer les vrais débats, alors que je vous ai fait défense d'utiliser mon nom sur l'ensemble des documents commerciaux de la société, vous m'annoncez avec aplomb que quoi que n'y étant pas autorisé, vous allez perpétuer cette utilisation abusive en y accolant le titre de «directeur», ce qui exclurait pour un lecteur d'attention moyenne la qualité d'associé. Cette façon d'agir est proprement stupéfiante. Somme toute, alors que je vous ai fait défense d'utiliser mon patronyme, vous m'indiquez votre intention de passer outre. Estimant après quoi que la meilleure défense réside dans l'attaque, vous me demandez, -ce qui est un comble-, de retirer mes accusations à l'égard de PIASA, et persistez à vous ériger en paragon d'éthique alors que, selon moi, vous foulez aux pieds la réglementation. C'est précisément l'une des raisons supplémentaires qui me conduit à ne plus voir mon nom associé à vos pratiques. Je vous demande de vous référer expressément aux termes de mon courrier du 7 juillet 2009. Comme illustration du manquement manifeste que vous commettez à mon préjudice dans le cadre du contrat de travail qui nous lie, je constate que la brochure PIASA actualités du mois de juillet 2009 pour laquelle le bon à tirer a été donné postérieurement à mon courrier du 7 juillet 2009 continue à mentionner mon nom. L'usage de mon nom et la notoriété y attachée n'a d'autre objet que de créer dans l'esprit d'une clientèle d'attention moyenne une équivoque, laissant accroire à l'existence d'une association entre plusieurs commissaires-priseurs. Il n'en est rien et la tromperie est ainsi manifeste. De plus, malgré ma défense expresse, vous avez donné pour instruction de porter mon nom dans les pages jaunes de l'annuaire avec la qualité de directeur. Je n'accepte plus cette façon d'en user. Dans ces conditions et pour les motifs visés tant dans ma lettre du 7 juillet 2009 que dans ce courrier, votre persistance dans l'usage de mon nom sans autorisation caractérise une faute 4

m'autorisant à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.[...]. Par ailleurs, je vous enjoins de faire cesser le trouble procédant de l'utilisation de mon nom malgré la défense qui vous en a été faite sur tous les supports de la société ( papier à en-tête, brochures, catalogues, lettres, mails, circulaires, enseigne etc.) je n'hésiterai pas à saisir le juge des référés civils pour vous faire respecter cette interdiction[...]». Préalablement à la lettre de prise d'acte de la rupture, M. Audap avait adressé à la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA une lettre le 7 juillet 2009 indiquant : «A partir de 2007, le directeur général de la société se crut autorisé à faire figurer sur tous les documents de la société ( papier à lettres, publicité, annonce, site Internet, annuaire téléphonique) les quatre noms Audap Velliet, Teissedre, Courtry). Aucune demande d'utilisation de mon patronyme n'a été formulée et, partant, aucun accord n'a été donné par mes soins. À maintes reprises, verbalement, soit en réunion organisée par la direction de PIASA, et en ma présence, soit lors de rendez-vous sollicités par moi-même pour ce motif, j'ai instamment demandé que l'on retire mon nom ne voulant pas être associé aux autres noms notamment parce que je ne les avais pas choisis. En ces circonstances, j'ai toujours indiqué que je n'acceptais pas la confusion créée et entretenue par PIASA SA car je n'y avais pas le statut d'associé quoique présenté comme tel aux yeux d'un observateur extérieur d'attention moyenne. L'actionnaire trouvait évidemment un intérêt à voir figurer mon nom actif dans la profession depuis 1935 sans interruption et dont la notoriété est reconnue. Par ailleurs, chacun d'entre nous étant titulaire de son propre office de commissaires-priseurs judiciaires indépendants les uns des autres, le fait de voir figurer sur tous les documents de la société PIASA, les quatre noms réunis, induit volontairement les clients en erreur en laissant croire que nous serions associés dans notre activité de commissaires-priseurs judiciaires ce qui n'a pas manqué de se produire. Il se trouve qu'à ce jour, je suis le seul à faire des ventes judiciaires assez régulièrement et que l'image et la façon de pratiquer, voire de se comporter de certains d'entre eux, portent atteinte à ma propre image par cette confusion quant à l'existence de cette association qui n'a aucune consistance. Au demeurant et à l'aide de cette fausse présentation, certains de ces directeurs et néanmoins confrères essaient de récupérer les dossiers qui me sont destinés. J'ai fait preuve de patience et mes réclamations quoique consignées sur le procès-verbal des réunions hebdomadaires depuis plusieurs années n'ont jamais été suivies d'effet.[...]. L'examen des documents et des écritures respectives des parties montre que depuis 2001, date de la création de la SA PIASA par les quatre fondateurs, Me Picard, Me Audap, Me Solanet, les documents commerciaux de la société portent les mentions suivantes : de 2001 à 2004 «PIASA vente aux enchères ' expertises- Picard, Audap, Solanet, Velliet» de 2004 à 2006 «PIASA Ventes aux enchères ' expertises ' Picard, Audap, Teissedre, Velliet», de 2006 à Aout 2009 «PIASA Ventes aux enchères ' expertises ' Pierre-Emmanuel Audap, Alexis Velliet, Henri Pierre Teissedre, Delphine de Courtry». M. Audap a donc, en qualité d'actionnaire fondateur de la société anonyme PIASA, à l'instar de ses collègues inclus son nom et ses initiales dans la dénomination de la société. L'utilisation de son nom accolé à celui de PIASA s'est poursuivie après la cession de la société au groupe Pinault et alors qu'il est devenu directeur salarié au sein de la société. Il résulte des écritures mêmes de M. Audap qu'il n'a jamais contesté, avant 2007, l'utilisation de son patronyme par la société PIASA, ni postérieurement à la cession au profit du groupe Pinault, ni lors de la cession de la société par le groupe Pinault, et ce, alors même qu'il était salarié de la société depuis la signature du contrat de travail. 5

Pour autant, c'est avec pertinence que les premiers juges ont recherché si la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA était en droit de continuer à faire apparaître le nom du salarié sur ses documents commerciaux alors que celui-ci s'y opposait formellement depuis l'envoi de la lettre du 7 juillet 2009. L'examen de l'extrait de l'inpi montre que la marque déposée était exclusivement PIASA, que par suite le patronyme de M. Audap n'était pas un élément indissociable de la dite marque. Par ailleurs, l'article L.321-8 du code de commerce se borne à faire obligation aux sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques de comprendre parmi leurs dirigeants, associé ou salarié, au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente et l'article 27 du décret du 19 juillet 2001 ajoute que «la publicité [ des ventes...] précise... le nom de la personne habilitée qui dirigera la vente». Ce texte n'induit pas la nécessité de faire figurer le nom de toutes les personnes habilitées à opérer des ventes sur les documents sociaux de l'entreprise. C'est aussi à juste titre que les premiers juges ont considéré que la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA n'apporte pas la preuve de l'usage dont elle se prévaut et qui lui permettrait d'utiliser le patronyme de ses directeurs salariés habilités à diriger des ventes. La circulaire du 18 juin 2010 prise par la société Drouot Holding est relative aux écrans placés à l'entrée des salles de ventes et les factures et extraits de catalogue émanant d'autres sociétés de ventes volontaires n'établissent pas que les commissaires-priseurs cités étaient salariés. Par ailleurs, dès lors que le nom patronymique constitue un élément de la personnalité qui ne peut être utilisé par autrui sans l'autorisation de son titulaire, le refus clairement exprimé par la société de cesser de faire usage du nom de son directeur salarié, M. Audap, dans tous ses documents commerciaux malgré son opposition formelle à compter du 7 juillet 2009 constitue effectivement un manquement d'une gravité suffisante de nature à justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes. Dans ces conditions, la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA ne peut voir ses demandes au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts prospérer. C'est à bon escient que les premiers juges l'ont déboutée de ses demandes. Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions. Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. Audap une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 3000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel. La SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens. Statuant contradictoirement et publiquement, Confirme le jugement déféré. PAR CES MOTIFS, 6

Y ajoutant, Condamne la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA à verser à M. Audap une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Déboute la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la SA de Ventes Volontaires Agréée PIASA aux entiers dépens, sans qu'il soit expressément jugé dès à présent qu'ils comprendront les frais éventuels d'exécution forcée. LE GREFFIER, LA PRESIDENTE, 7