Par courriel Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national CSSS-CN Monsieur le conseiller national Guy Parmelin, président de la commission karin.schatzman@bag.admin.ch dm@bag.admin.ch Zurich, 14 août /BZ 11.418 Initiative parlementaire du CN R. Joder «Reconnaissance légale de la responsabilité infirmière» : consultation sur l'avant-projet de la CSSS-CN relatif à la modification de la loi sur l'assurance maladie LAMal Prise de position de la Conférence des sociétés cantonales de médecine CCM Monsieur le président de la commission, Mesdames et Messieurs les membres de la commission de la sécurité et de la santé publique Nous vous remercions de nous donner la possibilité de donner notre avis sur votre avant-projet de modification de la loi sur l'assurance maladie (LAMal) pour la mise en œuvre de l'initiative parlementaire Joder «reconnaissance légale de la responsabilité infirmière». 1. Introduction L'initiative a pour but d'accorder le statut de personnel médical à d'autres fournisseurs de prestations du segment des professions de la santé et ainsi de les autoriser à exercer sous leur propre responsabilité et à facturer. Concrètement, le personnel infirmier pourrait à l'avenir agir de manière autonome - sans prescription médicale - et donc, selon les auteurs de l'initiative, plus économique dans des situations qui «relèvent spécifiquement des soins infirmiers». La loi sur les professions de la santé LPSan et la présente modification de la LAMal sont censées poser les bases de la prise en charge de traitements médicaux par les professionnels de la santé à la charge de l'assurance obligatoire des soins (AOS). Cependant le fait que ces mesures ne permettent en aucune façon de pallier la pénurie croissante de relève médicale - principalement dans les spécialités médecine interne générale et pédiatrie - est négligé. Les moyens nécessaires à la formation de médecins suisses doivent être impérativement mis à disposition au plan fédéral dans les plus brefs délais. L'initiative est largement soutenue au-delà des frontières politiques et ses partisans attendent de cette orientation une décharge des médecins de premier recours, mais n'accordent pas suffisamment d'attention aux conséquences.
2. Responsabilités et compétences La médecine du futur évolue, notamment avec le changement démographique, toujours plus vers une médecine de proximité, c.-à-d. dans le cadre familial de notre population. Une bonne collaboration entre toutes les parties prenantes est d'une extrême importance. Afin de permettre cette collaboration entre les groupes professionnels, et ainsi des soins optimisés, les fournisseurs de prestations peuvent former davantage d'équipes de soins centrées sur le patient. Dans les structures établies des organisations et entreprises du secteur des soins médicaux ambulatoires des médecins indépendants, ce credo est déjà appliqué au quotidien, par exemple dans la collaboration entre le médecin et l'assistante médicale. Les médecins libres praticiens savent par expérience qu'une planification coordonnée entre le médecin et le personnel infirmier est nécessaire pour les situations complexes, les maladies chroniques ou les soins palliatifs et que l'on doit rechercher une collaboration efficace. Le fait que les assistantes médicales ne puissent dispenser aucune prestation facturable en dehors du cabinet, même sous entière responsabilité du médecin, est dérangeant. Ce serait pourtant un élément très important pour l'optimisation des coûts de la santé. Du point de vue du corps médical, la complexité de la conduite des soins augmente précisément en rapport avec les sorties d'hôpital plus précoces, mais aussi la multimorbidité croissante et l'augmentation du nombre de malades chroniques dans une société vieillissante. Une délimitation de plus en plus floue de la compétence du médecin traitant et le nombre croissant d'interfaces dans le secteur ambulatoire font cependant diminuer la sécurité des soins et des patients. C'est pourquoi la conduite d'une thérapie doit rester entre les mains d'un médecin, même dans le cadre d'une équipe soignante. Les conséquences juridiques elles aussi nous préoccupent fortement. La responsabilité de la prise en charge des patients doit être clairement définie. Ce n'est pas le cas dans le présent projet. Il ne s'agit pas ici seulement de la responsabilité médicale et infirmière, mais aussi des responsabilités au sein des professions infirmières. 2.1. Soins de base et soins de traitement La délimitation des compétences distinguant soins de base et soins de traitement doit être saluée, mais sous certaines réserves. La prise en charge des patients dans le cadre des soins de base est aujourd'hui essentiellement assurée par des assistantes/assistants en soins et santé communautaire ASSC suite à la pénurie de ressources. Le personnel infirmier n'assurerait plus que la surveillance de ces activités - basée sur le diplôme ES en soins infirmiers ou un bachelor HES et sur l'expérience exigée par la loi d'une expérience professionnelle d'activité «autonome». On peut se demander si cela est efficace au sens d'une valorisation de la propre activité et d'un remède à la pénurie de ressources. On doit plutôt craindre une extension des compétences du personnel infirmier vers les soins de traitement. A l'encontre de l'intention du Conseil fédéral de régler les mesures des soins de base seulement au niveau de l'ordonnance à l'aide d'une "liste positive", nous pensons que les notions de "soins de base" et de "soins de traitement" doivent, en raison de leur importance et pour aborder la
problématique évoquée de façon préventive, doivent absolument être déjà ancrée explicitement au niveau de la loi. L'art. 33 al. 1bis let. a et b LAMal doit par conséquent être complété comme suit : a. sont dispensées par des infirmiers sur prescription ou mandat d'un médecin (soins de traitement) b. sont dispensées par des infirmiers sans prescription ou mandat d'un médecin (soins de base) Nous refusons catégoriquement des chevauchements de compétences, qui pourraient exiger l'élaboration de directives interdisciplinaires compliquées et entrainer des questions difficiles de délimitation des responsabilités et des conséquences en matière de responsabilité civile. En conséquence, l'art. 33 al 1bis let.c LAMal doit être purement et simplement biffé, comme le demande la proposition de la minorité Cassis, Bortoluzzi, de Courten, Moret et Stolz : sont prescrites conjointement par un médecin et un infirmier. Nous soutenons également la proposition de la minorité Cassis, Bortoluzzi, de Courten, Moret et Stolz en ce qui concerne l'art. 25 al.2, première phrase LAMal : Les soins aigus et de transition qui se révèlent nécessaires à la suite d'un séjour hospitalier et sont prescrits par un médecin de l'hôpital après consultation d'un infirmier responsable sont rémunérés par l'assurance obligatoire des soins et par le canton de résidence de l'assuré durant deux semaines au plus conformément à la réglementation du financement hospitalier (art. 49a). 3. Réduction des coûts, pas d'augmentation de volume : contrôle des coûts La CCM approuve les mesures qui ont également pour objectif, à qualité au moins égale, l'économicité et l'optimisation des soins de santé. Dans l'optique du coût économique total, la définition de compétences et de responsabilités claires doit respecter le principe de subsidiarité. En réalité, il est cependant fort probable que le volume, et donc les coûts, augmente, du fait que dans certains domaines, deux postes accompliront des choses semblables. Par exemple l'hémodilution et la mesure de la tension artérielle font partie de l'évaluation cardiovasculaire et du soin des plaies. «Les spécialistes du soin des plaies» et autres personnels infirmiers ayant suivi une formation complémentaire sont aujourd'hui très réceptifs à des matériaux et thérapies toujours plus nouveaux et souvent plus onéreux, sans valeur médicale ajoutée clairement prouvée. D'une part la politique de la santé tend à réduire de plus en plus l'accès aux médecins spécialistes et d'autre part, avec cette initiative, l'accès direct à des traitements dispensés par un personnel non médical sans contrôle médical de l'indication devrait être élargi. Davantage de fausses incitations pourraient être créées de cette manière. A notre avis, il ne fait aucun doute que les conséquences financières du projet seront très importantes. A ce sujet, nous nous permettons de faire référence au graphique suivant tiré de l'étude KOF de l'automne 2014 et à l'explosion des coûts des soins à domicile.
Il faut s'attendre à ce que le monde politique oppose à la hausse des coûts l'argument des prestations de substitution, c.-à-d. qu'il est à craindre que les prestations de soins affectent le budget des prestations médicales. Cependant nous rejetons fermement la proposition de la minorité Bortoluzzi, de Courten et Parmelin relative à l'art. 40a LAMal qui demande l'introduction de la liberté de contracter en relation avec l'admission du personnel infirmier à exercer à la charge de la LAMal. Cette solution ne peut permettre d'atteindre les objectifs de garantie de qualité, d'économicité et d'optimisation des coûts dans les soins de santé. 4. Conclusion Les compétences professionnelles du personnel infirmier sont vitales pour le corps médical et l'exercice de notre profession et il est indispensable de les promouvoir. C'est pourquoi la CCM, comme la délégation de négociation de la FMH, approuve les deux principes selon lesquels la définition des prestations pouvant être dispensées par le personnel infirmier sans prescription médicale et les qualifications professionnelles que doit posséder un infirmier/une infirmière pour pouvoir fournir ces prestations doivent être réglées au niveau de la loi. Par contre la CCM rejette catégoriquement la réglementation prévue dans la loi relative à une disposition commune comme dans l'art. 33 al. 1bis let. c LAMal. Les effets du projet sont très difficiles à évaluer, mais sa mise en œuvre engendrera des conséquences importantes pour tous les acteurs et fournisseurs de prestations. Avec les délimitations prévues et les responsabilités, auparavant du domaine de responsabilité des médecins, conférées finalement au personnel infirmier, des conflits sont inévitables et l'encouragement des modèles de soins intégrés prôné par la politique incertain. Selon la CCM, les modifications de loi prévues comportent
en outre le risque d'un contrôle et d'une régulation accrus de l'état du fait que des instances politiques définissent des mesures médicales et infirmières dans les conditions d'exécution. Nous vous saurions gré de prendre nos arguments en compte dans la suite de vos discussions. Avec nos meilleures salutations Peter Wiedersheim, Co-Präsident KKA Fiorenzo Caranzano, coprésident CCM Copies à : Société suisse pour la politique de la santé, président du Conseil national François Steiert Président de la FMH, Dr. med. J. Schlup Présidents et présidentes des sociétés cantonales de médecine