Page 1 Document 1 de 1 Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 9 28 Juin 2012 Infirmation N 11/13890 Madame Martine DIEULESAINT SCP PUZIO Contentieux Judiciaire Numéro JurisData : 2012-014787 Résumé Il résulte des dispositions combinées de l article 14 de la loi n 66-879 du 29 novembre 1966 et de l article 31 du décret n 67-868 du 2 octobre 1967 applicables à la société civile professionnelle notariale en vertu de ses statuts que l'associé de la SCP qui exerce son droit de retrait conserve son droit aux bénéfices tant qu'il reste titulaire de ses parts soit, en l'espèce, jusqu'à la date à laquelle le jugement ayant ordonné le rachat forcé des parts de l'associée retrayante est passé en force de chose jugée. Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 9 ARRET DU 28 JUIN 2012 (n, 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13890 Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2011 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - 1ère Chambre Section A RG n 10/01707 APPELANTE ET INTIMEE:
Madame Martine DIEULESAINT née le 07 mai 1958 à Tours (37) demeurant [...] représentée et assistée de la SCP RIBAUT (Maître Vincent RIBAUT), avocat au barreau de PARIS (toque : L0051) et de Maître Armelle TASSY, avocat au barreau de PARIS Toque : E 1298 INTIMEE et APPELANTE: SCP PUZIO société civile professionnelle titulaire d'un office notarial ayant son siège social [...] prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège représentée et assistée de Maître Rémi PAMART, avocat au barreau de PARIS (toque : C1917) et de Maître Olivier JESSEL, avocat au barreau de PARIS Toque : B0811 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président Monsieur Edouard LOOS, Conseiller Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller qui en ont délibéré, Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Gérard PICQUE dans les conditions prévues par l article 785 du Code de procédure civile, Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel COULON, ARRET : - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l article 450 du code de procédure civile, - signé par Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président, et par Monsieur Daniel COULON, Greffier présent lors du prononcé. Associée à part égale avec Monsieur Didier PUZIO dans la SCP notariale de Villeneuve Saint Georges, Madame Martine DIEULESAINT a exercé son droit de retrait, lequel a été constaté par arrêté du 21 juin 2006 du Garde des Sceaux, publié le 29 juin suivant au Journal officiel.
Par jugement du 28 novembre 2007, aujourd'hui définitif et exécuté, le tribunal de grande instance de Paris a essentiellement condamné Monsieur PUZIO à payer à Madame DIEULESAINT 336.683 euro, majorés des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 8 août 2007, au titre du prix de rachat de ses 551 parts sociales. Après versement d'un acompte en octobre 2008, le prix n'a été intégralement réglé que le 1er avril 2009. Le 6 avril 2009, Madame DIEULESAINT a vainement mis en demeure la SCP de lui payer 145.110,63 euro au titre de la part des bénéfices lui revenant pour les années 2006 (solde), 2007 et 2008. Le 8 juin suivant, elle a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil qui, par ordonnance du 12 août 2009, a essentiellement : - donné acte à Didier PUZIO de ce qu'il accepte de verser à Martine DIEULESAINT la somme de 18.816,33 euro pour 2006 et 76.663,27 euro pour 2007, et de mettre la comptabilité des années 2006 et 2007 à disposition de cette dernière, - condamné Didier PUZIO à payer une provision de 3.799 euro pour la période du 1er au 28 janvier 2008 outre des frais irrépétibles, - accordé à Didier PUZIO la faculté de se libérer de sa dette en 12 mensualités égales et consécutives le 10 de chaque mois avec déchéance du terme à défaut de règlement d'une échéance, et a dit n'y avoir lieu à référé pour les autres demandes concernant les périodes du 29 juin au 31 décembre 2006 (solde de la demande) et du 29 janvier au 31 décembre 2008, lesquelles étaient l'objet de contestations. Il n'est pas contesté que l'ordonnance de référé a été exécutée. Le 8 janvier 2010, Madame DIEULESAINT a attrait la SCP PUZIO devant le tribunal de grande instance de Créteil qui, par jugement contradictoire du 21 juin 2011, assorti de l'exécution provisoire, a : - constaté que la SCP PUZIO a réglé à Madame DIEULESAINT 18.816,33 euro pour l'année 2006 et 76.663,27 euro pour l'année 2007, - condamné la SCP PUZIO à verser à Madame DIEULESAINT :. 22.089,03 euro au titre de l'année 2008 et de la période du 1er janvier au 31 mars 2009, majorés des intérêts au taux légal à compter de la décision, en ayant initialement fixé le montant dû à hauteur de 65.732,03 euro, mais en ayant déduit les intérêts de retard, à hauteur de 43.643 euro, payés par Monsieur PUZIO du fait du règlement tardif du prix de rachat des parts sociales, au motifs [jugement page 6] que 'Madame DIEULESAINT ne peut pas percevoir à la fois des rémunérations afférentes à ses apports en capital, dues jusqu'au paiement du prix de ses parts sociales et bénéficier des intérêts de retard sur le paiement du prix de ces mêmes parts sociale',. les documents comptables sollicités, soit le bilan de la SCP, le compte de résultat, les états CSN et DASS et le dernier tableau de bord au 31 décembre 2009, - ordonné la capitalisation des intérêts dans un délai d'un an à compter de la décision. Madame DIEULESAINT a interjeté appel le 22 juillet 2011 et la SCP PUZIO a fait de même le 5 août suivant. Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 25 novembre 2011 du conseiller de la mise en état. Vu les ultimes écritures signifiées le 10 mai 2012, par Madame DIEULESAINT réclamant 15.000 euro de frais irrépétibles et poursuivant la réformation du jugement en priant la cour de : - fixer à hauteur globale de 184.026,96 euro le montant de la rémunération de son capital du 29 juin 2006 au 1er avril 2009, sous déduction des sommes versées en exécution de l'ordonnance de référé du 12 août 2009, - dire qu'il n'y a pas lieu d'en déduire les intérêts (43.643 euro) versés par Monsieur PUZIO personnellement en exécution du jugement du 27 novembre 2007 du tribunal de grande instance de Paris au titre des intérêts sur le prix de rachat des parts sociales, en faisant essentiellement valoir 'qu'une telle compensation est impossible, les débiteurs n'étant pas les mêmes',
- condamner la SCP PUZIO à lui payer en outre, au titre de sa part (25 %) des bénéfices complémentaires qui auraient été réalisés en 2007 et 2008 si Maître PUZIO n'avait pas accordé des remises injustifiées d'honoraires et augmenté de 27 % en un an le loyer de l'immeuble abritant l'étude notariale, dont il est personnellement devenu propriétaire, - d'accorder :. les intérêts moratoire du jour de l'exigibilité contractuelle des sommes dues (et non à compter de la décision comme l'a ordonné le tribunal),. l'anatocisme à partir de chaque 1er janvier sur le montant principal dû depuis un an. Vu les dernières conclusions signifiées le 10 avril 2012, par la SCP PUZIO réclamant 10.000 euro de frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation complète du jugement en sollicitant 3.000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive; SUR CE, la cour : Considérant, liminairement, que, l'instance de référé ayant été liée entre Madame DIEULESAINT et la SCP PUZIO, en condamnant Didier PUZIO à payer diverses sommes, l ordonnance du 12 août 2009a implicitement, mais nécessairement, condamné l'intéressé en sa qualité de représentant de la SCP de sorte que les sommes concernées ont été mises à la charge de la SCP PUZIO ; Considérant qu'invoquant les articles 23 des statuts de la SCP et 31 du décret du 2 octobre 1967, Madame DIEU- LESAINT s'estime créancière de la SCP au titre de la rémunération de son capital pour la période du 29 juin 2006 [date de la publication de l'arrêté du Garde des sceaux constatant son retrait de la SCP notariale] au 1er avril 2009 [date du paiement intégral du prix du rachat de ses parts par son co-associé personnellement] ; Qu'en revanche, pour estimer qu'elle n'est pas débitrice de Madame DIEULESAINT, la SCP PUZIO soutient désormais devant la cour que 'les modalités de calcul de la rémunération du capital ne sont prévues par aucune stipulation contractuelle ou statutaire en cas de retrait d'un associé' et que 'l'article 23 des statuts est inapplicable en l'espèce', Madame DIEULESAINT, ayant exercé un retrait volontaire, n'a pas été 'empêchée' pour des motifs indépendants de sa volonté ; Considérant que l'article 1er des statuts de la SCP alors dénommée 'Martine DIEULESAINT et Didier PUZIO' (acte notarié du 29 octobre 1991) stipule que la société civile professionnelle sera régie par les dispositions de la loi n 66-879 du 29 novembre 1966 [relatives aux sociétés civiles professionnelles] et celles du décret n 67-868 du 2 octobre 1967 [portant règlement d'administration publique pour l'application à la profession de notaire de la loi n 66-879 du 29 novembre1966] ; Qu'il résulte : - de l'article 14 de ladite loi : qu'en l'absence de clause statutaire, chaque associé a droit à la même part dans les bénéfices, - de l'article 31 dudit décret: que, si l'associé titulaire de parts sociales perd, à compter de la publication de l'arrêté constatant son retrait, les droits attachés à sa qualité d'associé, l'intéressé conserve toutefois les rémunérations afférentes à ses apports en capital, - de l'article 23 des statuts de la SCP : que 50 % des bénéfices sont répartis par tête entre les notaires associés, le surplus étant réparti entre les associés (et leurs éventuels ayants droits) au prorata des parts sociales possédées par chacun d'eux; Qu'il s'en déduit que, tant qu'il est titulaire de ses parts, le retrayant a droit à sa quote part dans les bénéfices distribués, étant observé qu'en l'espèce les deux seuls associés de la SCP étant également notaires, la distinction faite par l'article 23 (paragraphe 2) des statuts répartissant la moitié des bénéfices entre les seuls notaires associés et l'autre moitié entre tous les associés était inopérante ;
Considérant aussi qu'en exerçant son droit de retrait, Madame DIEULESAINT n'est pas 'empêchée' au sens des stipulations des paragraphes 3 et 4 de l'article 23 des statuts de la SCP et qu'elle tient ses droits aux bénéfices distribués des seuls articles 31 du décret sus-visé et 23 (paragraphe 2) des statuts, étant observé que ces dispositions ne prévoient pas d'abattement, de sorte que le retrayant a droit à la totalité de sa part de bénéfice tant qu'il est associé ; Que l'instance devant le tribunal de grande instance de Paris, issue de l'assignation à jour fixe du 8 août 2007, avait essentiellement trait au rachat forcé des parts sociales de Madame DIEULESAINT dans la SCP notariale, suite à l'exercice de son retrait, et que ce rachat résulte du jugement subséquent du 28 novembre 2007 qui en a fixé le prix ; Qu'il n'est pas contesté qu'aucune voie de recours n'a été exercée à l'encontre du jugement précité du 28 novembre 2007 et que Madame DIEULESAINT n'a pas démenti la SCP PUZIO qui estime que ladite décision est devenue définitive le 28 janvier 2008, de sorte que Madame DIEULESAINT a cessé d'être associée de la SCP notariale à compter de cette dernière date au plus tard en étant devenue créancière du prix de rachat et des intérêts y afférents mais qu'elle n'est pas fondée à percevoir une part des bénéfices pour les périodes postérieures ; Considérant que, dans ses dernières conclusions devant la cour, Madame DIEULESAINT limite ses demandes [conclusions page 13], concernant les années : - 2006 : à hauteur de 37.832,66 euro, - 2007 : à hauteur de 76.663,27 euro, - 2008 : à hauteur de 49.531,03 euro, soit pour 1/12ème (jusqu'au 28 janvier) 410,92 euro ; Qu'en se bornant à commenter les déclarations d'activité professionnelle de la SCP auprès du Conseil supérieur du Notariat [conclusions page 5], la SCP PUZIO n'en a pas pour autant véritablement contesté les calculs de Madame DIEU- LESAINT concernant les années considérées, les montants retenus par l'intimée étant supérieurs ; Qu'en conséquence, compte tenu des paiements antérieurement intervenus, notamment en exécution de l'ordonnance de référés du 12 août 2009, la SCP PUZIO sera condamnée à payer, en deniers ou quittances valables, à Madame DIEU- LESAINT, la somme globale de 114.906,85 euro (37.832,66 + 76.663,27 + 410,92) majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 avril 2009 et capitalisation annuelle desdits intérêts dans les conditions de l' article 1154 du code civil à partir de la demande formulée judiciairement pour la première fois dans l'assignation introductive d'instance du 8 janvier 2010, les parties étant invitées à déduire les règlements déjà intervenus ; Considérant que Madame DIEULESAINT réclame encore la condamnation de la SCP PUZIO à lui payer en outre, au titre de sa part des bénéfices complémentaires qui auraient été réalisés en 2007 et 2008 si Maître PUZIO n'avait pas accordé des remises d'honoraires qu'elle estime 'injustifiées' et n'avait augmenté de 27 % en un an le loyer de l'immeuble, dont il est personnellement devenu propriétaire, abritant l'étude notariale; Mais considérant que ces décisions relèvent du pouvoir de gestion du gérant en exercice de la SCP notariale et que l'appelante ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que l'augmentation du loyer de l'étude ne serait pas en adéquation avec le marché local des immeubles de bureaux ni que les remises d'honoraires ne seraient pas conformes aux règles et usages de la profession en la matière, étant au surplus observé qu'il n'a pas été allégué que l'ordre des notaires les auraient critiquées ; Considérant que les documents comptables antérieurement sollicités en première instance ne le sont plus en cause d'appel et que l'équité ne commande pas l'allocation d'indemnités au titre de l article 700 du code de procédure civile, les dépens devant être partagés à parts égales entre les parties ;
PAR CES MOTIFS: Infirme le jugement et statuant à nouveau, Condamne la SCP PUZIO à payer, en deniers ou quittances valables, à Madame DIEULESAINT, la somme globale de 114.906,85 euro majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2009 et capitalisation annuelle desdits intérêts, dans les conditions de l article 1154 du code civil, à partir du 8 janvier 2010, Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles, Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les met à la charge des parties, chacune pour moitié, Admet les avocats postulants de la cause, chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, D. COULON P. MONIN-HERSANT Décision Antérieure Tribunal de grande instance Créteil Chambre 1, section A du 21 juin 2011 n 10/01707 La rédaction JurisData vous signale : Législation : L. n 66-879, 29 nov. 1966, art. 14 Note de la Rédaction : Critère(s) de sélection : décision très motivée Abstract Profession, notaire, SCP de notaires, retrait d'un associé, conséquence du retrait volontaire de l'associé, rachat forcé des droits sociaux, droits de l'associé, mise en distribution des bénéfices, droit aux dividendes de l'associé retrayant, maintien des droits de l'associé, qualité d'associé, conservation de la qualité d'associé jusqu'au rachat des parts sociales. LexisNexis SA