LES ARRETS DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L HOMME CLEFS DE LECTURE ARRET DUCEAU C. FRANCE (req. n 29151/11), le 30 juin 2016 http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-164204 ARTICLE 6 1 Droit à un procès équitable Dans l affaire Duceau c. France, le requérant allègue une violation de l article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l Homme et des libertés fondamentales (la Convention) car il se plaint du formalisme excessif dont il a fait l objet lors de la désignation de son nouvel avocat au cours de la procédure, ce qui a conduit à l irrecevabilité de sa requête. La Cour conclut à une violation de l article 6 1 de la Convention car elle estime que le juste équilibre a été rompu entre le respect des conditions formelles pour désigner un nouvel avocat et le droit d accès à un juge.
Le requérant souhaite faire constater LES FAITS par huissier de justice les difficultés qu il rencontre dans l exercice d un droit de visite et d hébergement de son fils. Insatisfait par les conclusions de l huissier de justice saisi, le requérant porte plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux et d usage de faux contre personne non dénommée. Au cours de cette procédure, le requérant décide de changer d avocat, cependant la procédure visant à désigner son nouveau conseil n a pas été respectée, ce qui invalide la représentation du requérant et donc les procédures intentées. Dans le cadre de sa plainte avec LA PROCEDURE SUIVIE constitution de partie civile des chefs DEVANT LES JURIDICTIONS de faux et usage de faux contre personne non dénommée, le FRANÇAISES requérant décide de changer d avocat. Ce dernier adresse une lettre au juge d instruction et au procureur de la République dans laquelle il déclare avoir qualité pour agir au nom du requérant. Or le juge d instruction refusa, par ordonnance, une mesure d instruction complémentaire pour cause d irrecevabilité de la constitution de l avocat. En effet, il considéra que les exigences procédurales de l article 115 du code de procédure pénale n avaient pas été respectées et qu ainsi l avocat du requérant n avait pas qualité à agir. Dès notification de l ordonnance, le requérant informa le juge d instruction et son greffier par lettre recommandée avec accusé de réception de son changement d avocat. Par la suite, il interjeta appel de l ordonnance en question par l intermédiaire de son avocat. Le président de la chambre d instruction de la cour d appel de Reims estime la requête irrecevable pour défaut de qualité à agir de l avocat du requérant. Par une nouvelle ordonnance, le juge d instruction dit n y avoir lieu à suivre la plainte, tout en déclarant irrecevables les observations présentées par l avocat, en reconnaissant néanmoins la désignation tardive de celui-ci par le requérant. Le requérant interjeta appel de cette ordonnance, cependant, la chambre de l instruction déclara l appel irrecevable. En effet, elle nota que la désignation
de l avocat était irrégulière et que «cette irrégularité ne saurait être couverte par les motifs erronés de l ordonnance critiquée ; qu il ne s agit pas là d une nullité susceptible d être couverte par un acte ultérieur, mais de la validité intrinsèque de l acte lui-même» ( 16). Enfin, le requérant forma un pourvoi en cassation en faisant valoir que la chambre d instruction saisie de l appel d une ordonnance ne pouvait relever d office l irrecevabilité de l appel sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations. De plus, il soutient que la méconnaissance des règles gouvernant la désignation d un avocat pouvait être régularisée par un acte ultérieur. Cependant, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. En effet, elle estime que l avocat n a pas fait l objet d une désignation régulière, le requérant «ayant porté cette information à la connaissance du juge d instruction par lettre recommandée avec accusé de réception et non par déclaration au greffier, ainsi que l exige l article 115 du code de procédure pénale» ( 19). Ainsi, elle rappelle qu au titre de cette disposition, l avocat qui fait une déclaration d appel ne peut exercer ce recours au stade de l instruction que si la partie concernée a préalablement fait choix de cet avocat et en a régulièrement informé la juridiction d instruction, ce qui n a pas été le cas en l espèce. SUR LE FOND Sur la violation alléguée de l article 6 1 de la Convention Le requérant allègue devant la Cour une violation du principe du contradictoire ainsi que de son droit d accès à un tribunal, et invoque à cet titre l article 6 1 de la Convention. Sur le respect du contradictoire, la Cour note tout d abord que le ministère public avait pris note des réquisitions écrites concluant à l irrecevabilité de l appel tenant au débat de qualité pour agir de l avocat du requérant. Par ailleurs, elle note que ces réquisitions ont effectivement été versées au dossier de la procédure, et qu elles étaient à la disposition des conseils des parties. Ainsi, la Cour estime que le requérant a été mis en mesure de s exprimer dans des conditions satisfaisantes, et qu ainsi le principe du contradictoire n a pas été méconnu. Sur le droit d accès à un tribunal, la Cour constate avant tout que le requérant fonde sa requête sur le fait que la décision d irrecevabilité de son appel, en lien avec la désignation de son nouvel avocat, souffre d un formalisme excessif.
En l espèce, la Cour note que la décision d irrecevabilité est fondée sur l article 115 du code de procédure pénale qui prévoit les modalités imposées pour porter à la connaissance des autorités judiciaires la désignation d un nouvel avocat durant l instruction en fonction du lieu de résidence de la partie qui procède à cette formalité. Or la Cour constate tout d abord que l application de l article 115 du code de procédure pénale n est pas systématique. De plus, elle note que le juge d instruction était parfaitement informé du changement d avocat. En effet, après avoir jugé la désignation irrecevable, ce magistrat l a ensuite validée dans son ordonnance. A ce titre, la Cour note que «dans son avis sur le pourvoi formé par le requérant, l avocat général à la Cour de cassation a également souligné le fait que l avocat du requérant était fondé à considérer que sa désignation était régulière, le juge d instruction n ayant rien trouve à redire à la notification de sa désignation alors qu il l avait critiquée une première fois» ( 40). Ainsi, la Cour estime que la décision d irrecevabilité a été de nature à entraver l exercice des droits de la défense, et que le requérant a été privé d un examen au fond de son recours. Elle conclut par conséquent que dans la mesure «où il avait notifié l identité de son nouvel avocat au juge d instruction et à son greffier, il [le requérant] s est vu imposer une charge disproportionnée qui rompt le juste équilibre entre, d une part, le souci légitime d assurer le respect des conditions formelles pour désigner un nouvel avocat durant l instruction et, d autre part, le droit d accès au juge» ( 42).
SOLUTION APPORTEE PAR LA COUR droit d accès à un tribunal. La Cour conclut à l unanimité à une violation de l article 6 1 de la Convention européenne des droits de l homme s agissant du grief tiré du Avertissement Ce document a été écrit par le Secrétariat général de la Commission nationale consultative des droits de l homme, et n est pas un document officiel de la Cour européenne des droits de l homme. Il s inscrit dans les missions de la CNCDH d éducation et de suivi du respect de ses engagements internationaux par la France.