Dans quelle situation se trouve l enseignant dans sa classe, sachant que nous restons là, à un degré de généralités?



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L autonomie de l enseignant dans sa classe : quelles compétences? INTRODUCTION L autonomie, finalité qui avec la socialisation, la responsabilité, sont revenues sur le devant de la scène dans les discours généraux sur l enseignement (rapport Bourdieu-Gros,, loi d orientation 1989, charte des programmes 1992, le lycée du XXI siècle d Allègre etc ) et certains programmes d enseignement. Personne ne sera contre. Mais contribuer à former «des citoyens autonomes» restera une belle maxime comme celle de «mettre l élève au centre» et bien d autres encore, si les formateurs ne s interrogent pas sur les compétences qu elles nécessites des enseignants et surtout sur la démarche et les contenus de formation à mettre en œuvre pour leur permettre de se les approprier. Etre autonome, n est-ce pas, à un premier niveau, pouvoir se sortir d une situation seul en, en tirant les bénéfices possibles, c est-à-dire sans être pénalisé au plan affectif? N est-ce pas disposer des savoirs et des pouvoirs qui permettent d être maître de la situation et de jouir des satisfactions de la réussite et du sentiment de liberté qui en découle? La réflexion proposée ici se focalise sur l autonomie ou le degré d autonomie de l enseignant, eu égard au champ des possibles que ses compétences lui permettent dans la phase interactive du métier c est-à-dire quand il rentre dans sa classe et retrouve ses élèves pour une ou deux heures de cours. Que signifie alors être maître de la situation pour lui? Dans quelle situation se trouve l enseignant dans sa classe, sachant que nous restons là, à un degré de généralités? I. LA SITUATION D ENSEIGNEMENT : UN ENSEMBLE D EXIGENCES ET DE CONTRAINTES Quelle que soit la discipline enseignée, la situation d enseignement est une situation complexe, mouvante, remplie d incertitude, paradoxale et toujours singulière 1. I.1 Une situation de relations dissymétriques Les acteurs sont répartis selon deux statuts différents. - Celui de l enseignant qui est à la fois adulte, enseignant, éducateur. Il est responsable du groupe qui lui est confié. Il dispose du savoir disciplinaire et a le devoir de faire progresser tous ses élèves dans sa discipline selon un programme d étude préétabli. - Celui des élèves qui doivent s impliquer, répondre aux sollicitations de l enseignant pour apprendre, en respectant l apprentissage de leurs camarades. La dissymétrie des rôles se double d une dissymétrie en sens inverse au plan numérique, puisque l enseignant est seul face à un groupe plus ou moins important d élèves. L enseignant doté de pouvoirs importants se retrouve minoritaire et doit donc trouver sa façon de s imposer au groupe, de se faire accepter et reconnaître dans ses compétences d enseignant. Les élèves eux, peuvent gêner le déroulement de la séance. De par leur nombre, ils peuvent exercer des pressions sur l enseignant et jouer avec les règles institutionnelles. Cette dissymétrie dans les rôles et au plan numérique est source de pression affective pour l un comme pour les autres. De plus le souci de l enseignant de répondre à sa mission d enseigner, de 1 Cf. Les travaux de D. Schön, plus précisément Le praticien réflexif 1983 1

faire le programme, installe une pression temporelle permanente. D où l importance de la nature des rapports qui vont s établir entre l enseignant et ses élèves. I.2 Une situation complexe, mouvante, incertaine. La situation est très complexe, car l enseignant doit assurer plusieurs fonctions en même temps.. «DIRIGER» 2 : sous ce vocable se résume toutes les actions et procédures utilisées par l enseignant pour permettre à tous les élèves de travailler de façon optimale (capter leur écoute, se faire comprendre, les organiser entre eux, avec du matériel etc ). Il lui faut aussi contrôler le groupe pour que l activité de chacun soit compatible avec celle des autres et gérer les relations entre eux (régler la discipline) etc. Enseigner ou «FAIRE APPRENDRE» : quelle situation de travail, quel matériau proposer, quelle progression, quel objectif intermédiaire, quels critères leur donner? L enseignant propose des contenus d enseignement adaptés et régule en fonction des réactions de la classe et de certains élèves. Une situation mouvante et incertaine. Ces fonctions se déroulent dans le temps avec une succession de tâches emboîtées pour chacune d elle. Si une analyse de ce qu est un cours avec les différentes tâches et sous-tâches auxquelles l enseignant doit pouvoir répondre, est théoriquement possible, il n en reste pas moins que l enseignant ne peut les dérouler de façon systématique, il lui faut en permanence une lecture de ce qui se passe pour agir. En ce sens, l expert dispose de routines capitalisées dans lesquelles il peut choisir, mais il doit aussi pouvoir inventer en situation, car il y a toujours de l imprévu qui surgit. I.3 Une situation paradoxale. L enseignant doit pouvoir à la fois user de son autorité d enseignant (c est lui, qui a l initiative, organise, qui détient un certain savoir) pour être suivi de ses élèves et en même temps, il doit pouvoir s effacer pour les laisser agir, les observer, se mettre à leur écoute afin d adapter son activité à la leur. Cela peut se traduire par l impression de lâcher momentanément le pouvoir, d en confier un peu aux élèves et donc de leur faire confiance. Cela suppose une certaine bascule sur le pôle de l activité des élèves qui, donc nous verrons plus loin n est pas évidente et correspond à une véritable révolution copernicienne. Un climat de confiance mutuelle est nécessaire donc incompatible avec des relations de défense ou de protection qui se traduisent souvent par de l opposition. Par exemple, lorsqu un enseignant questionne un élève, cherche t il vraiment à recueillir son point de vue, son vécu subjectif ou bien n attend-t il pas certaines réponses précises normées (questionnement socratique) ou ne projette-t il pas son propre point de vue d enseignant? «Etre maître de la situation» n est donc pas quelque chose de spontané et qui va de soi. I.4 La situation d enseignement : un système. Quelle que soit les possibilités de l enseignant comme des élèves, la situation d enseignement va tendre vers un certain équilibre pour pouvoir fonctionner et durer sinon c est la crise. 2 Cf. Microgénèse de la compétence pédagogique chez des étudiants en STAPS. Thèse non publiée. Montpellier I, 1993. 2

Entre quoi s établit cet équilibre? D une part entre la façon dont l enseignant remplit les fonctions exigées par la situation et les effets produits chez les élèves tels qu ils sont à ce moment là. La fonction «DIRIGER» est nécessaire à celle de FAIRE APPRENDRE et vice versa. Mais «DIRIGER» a des effets contraignants sur les élèves. Il faut qu ils soient attentifs, qu ils écoutent, suivent les consignes d organisation sans toujours comprendre le sens de l ensemble. Suivant le degré de compétence de l enseignant et certaines variables relatives aux élèves, la fonction «FAIRE APPRENDRE» va les intéresser ou les ennuyer à des degrés divers. Pour tenir la classe tout au long de la séance, l enseignant navigue pour établir un équilibre entre le degré de contraintes accepté par les élèves et le degré d intérêt, de plaisir qu ils éprouvent. Nous avons traduit cela dans le couple «CONTRAINDRE», «INTERESSER» L équilibre optimal du système est réalisé quand dans une séance, les fonctions FAIRE APPRENDRE et INTERESSER sont au maximum tandis que les deux autres sont réduites au niveau minimum nécessaire au bon fonctionnement des deux précédentes. A chaque degré de compétences de l enseignant, bien sûr aussi, en fonction des conditions réunies (lieu, population, contenu, période dans l année, objectifs de l enseignant etc. ) correspond une organisation possible de ces quatre fonctions présentant un certain degré de stabilité. Cette organisation se traduit par un type de relation entre les quatre fonctions. Ainsi, le type de contenus enseignés va se répercuter sur «DIRIGER» et sur les deux autres. La stabilité de l équilibre établi est d autant plus grande que l enseignant est plus expert ou que les conditions d enseignement sont faciles. Par exemple, si les contenus enseignés sont très fastidieux pour les élèves, ils n y trouvent pas d intérêt, l enseignant introduira un interlude ludique, ou une séquence qui relancera l intérêt des élèves, sinon, il sera obligé de forcer sur les contraintes (menaces, sanctions). Un système très instable se traduit par des difficultés dans la classe, soit pour l enseignant soit pour les élèves. Quand l enseignant sort de classe en disant «ça a marché!» c est qu il a une perception globale que ses élèves comme lui sont satisfaits et donc que ces différents paramètres sont en équilibre dans les conditions du moment. Pour passer à un niveau plus pertinent d équilibre (plus stable), cela semble passer par une remise en cause de l enseignant (prise de conscience) et par l acquisition de nouvelles compétences augmentant son champ des possibles et par là même celui des élèves. FAIRE APPRENDRE DIRIGER INTERESSER CONTRAINDRE deux couples ago-antagonistes 3 à maintenir en équilibre 3 Il s agit là d un modèle systémique que propose le docteur E. Bernard-Weil, 1988, pour dire que les deux pôles sont en interaction et qu en même temps, s ils sont nécessaires l un à l autre, ils s opposent. Ici, quand c est la fonction «DIRIGER», l élève n est pas en train d apprendre et inversement. Mais pour que les élèves apprennent, il faut bien que cette fonction soit exercée. 3

. II. DES PASSAGES DECISIFS. L étude diachronique et synchronique de plusieurs cas de jeunes en formation, dans un dispositif qui leur permettaient de faire leurs expériences et d avancer par rapport à ce qui faisait sens pour eux a fait ressortir dans la microgénèse identifiée, des passages qualitatifs clés, décisifs dans la construction de leur compétences à enseigner à une classe. Ces passages clés ou «passages obligés» traduisent la transformation d un système dans un autre. Les changements qui ne font pas sortir le novice du système dans lequel il fonctionne, sont assez faciles à provoquer. Il n en est pas de même pour ceux qui obligent à un changement de système. Nous retrouvons les changements de premier et de deuxième ordre de Watzlawick, (1975). On peut émettre l hypothèse que si ces changements de deuxième ordre n ont pas été réalisés, l enseignant s installe dans le système qui lui est familier, permis par son niveau de compétence et qui se traduit par un scénario qui permet un certain équilibre à sa situation de classe avec, en plus, une série de parades pour les moments de déséquilibre; soit des parades au niveau des contenus, soit au niveau de procédés pédagogiques (interrogation écrite, sanction ). II.1 Les compétences pour opérer des changements de deuxième ordre? 1. Un degré d assurance suffisant dans le rôle Ce point est capital pour tout le reste. Il touche à la personne, à son identité professionnelle. Nous avons pu observer que certains novices assez timides, qui manquaient de confiance en eux, n osaient pas comme on le dit, «passer de l autre côté de la barrière». Ils n osent pas parler fort devant un groupe, hésitent à rassembler les élèves Pour d autres, ce sont des croyances, des données idéologiques qui font barrière, les empêchent d exercer leur autorité, de s imposer quand les relations le nécessitent: pour l un se servir d un sifflet, c est l armée, pour un autre donner une consigne verbale c est être prescriptif. Ce sont souvent de faux débats comme «directif-non directif» ou bien des confusions comme «autorité et autoritaire» Dans d autres cas, c est une condition particulière qui change subitement et désarçonne l enseignant. Dans tous ces cas, l émotion prend le pas et court-circuite l activité rationnelle habituelle, empêchant les prises d informations. L enseignant qui dispose déjà de routines va dérouler sa séance. Le novice est dans l impossibilité de s adapter à la situation présente et de pouvoir ensuite revenir sur ce qui s est passé 4.pour l analyser (analyse de pratique). Le plus souvent il se raccroche à sa préparation de séance et fait dérouler le film, tel qu il l a prévu, sans rien voir vraiment ce qui se passe sur le terrain : - le match de basket se déroule alors que l un des paniers manque, - l enseignant passe au relais suivant alors que deux élèves d une équipe ne sont pas passés. - Il fait faire un exercice qui supposait le précédent réussi, alors que la moitié du groupe ne l a pas réussi etc Quand l émotion est trop forte, le sujet est incapable de s adapter, il est totalement centré sur luimême. Il est alors difficile de parler d interactions avec les élèves. Soit il fonctionne de façon frontale avec tout le groupe, soit il prend une autre stratégie et va de groupe en groupe. Dans cette dynamique où l affectivité de l enseignant est très mobilisée, il discerne peu de choses sur le terrain. Son attention est orientée par tout ce qui renvoie à une valence affective, les élèves qui dérangent, ceux qui sortent de l activité (qui ne veulent pas faire). Il ne voit pas les réponses motrices. Réussir 4 Cf. les travaux d Henri Wallon sur l émotion dans les origines du caractères. 4

une séance pour lui, c est réussir à impliquer tous les élèves (ils font quelque chose) et qu il n y ait pas de conflits entre les élèves.. Leur problème dominant est celui d entrer dans le rôle, de trouver les formes, les procédures de gestion et d animation du groupe qui correspondent à leur personnalité. Il est essentiel de diminuer l insécurité en jouant sur les variables de la situation (effectif, durée, APS support ). Travailler sur ce qui fait obstacle ou encore par des détours les mettre en situation de réussite et les amener à analyser ce qui s est passer..quand cette position de l enseignant n est pas accidentelle, il est essentiel de leur permettre de franchir rapidement cette étape. Plus les conditions sont difficiles, comme dans les ZEP, plus l enseignant a besoin d avoir construit fortement son identité professionnelle et être clair dans sa tête sur les procédures et techniques qu il emploie. En général, ce type de comportement ne dure pas chez le novice, s il est aidé à découvrir les différentes ficelles pour gérer et animer son groupe de façon rapide et efficace. Qu en est-il dans les stages où le jeune enseignant qui réagit ainsi n est pas accompagné? 2. Dépasser la seule confrontation au groupe-classe pour entrer en communication avec des élèves individuellement. 3. Une certaine attitude. 4.D une pédagogie de l écart vers l évaluation formatrice Des contenus ayant les élèves comme point de départ D un fonctionnement formel, normatif vers un fonctionnement créatif. L activité de l enseignant en classe s organise à partir de ce qu il connaît déjà (reconnaissance) et des contenus préparés. Ses observations, régulations, ajustements etc sont dictés par les comportements attendus. Ils ne voient que ce qui manque et reste aveugle à ce qui est sous ses yeux. Le créatif Suffisamment installé dans son rôle, reconnu dans ses compétences, il peut se décentrer, se mettre du point de vue des élèves. Il exploite ses acquis, par l exploitation de routines, de savoir-faire déjà expérimentés pour gérer sa classe afin de permettre aux élèves des expériences intéressantes pour eux. Dans quel «jeu relationnel», l enseignant va t il réussir à s intaller? Va t il être réellement acteur ou bien va t il subir les pressions et les réactions de groupe d élèves, dans les conditions de la situation? N étant pas seul dans cette situation, être maître de celle-ci n est pas donné d avance même avec toutes les compétences didactiques possibles. En ce sens l autonomie pour un enseignant est une quête jamais achevée. 5

REFERENCES Bernard-Weil, E. (1988). Précis de systémique ago-antagoniste, Lyon: l Interdisciplinaire. Cotin Martinez, C. (1993). Microgénèse de la compétence pédagogique. Thèse, Doctorat STAPS, Montpellier 1 (non publiée). Perrenoud, P. (1994). La formation des maîtres entre théorie et pratique. Paris : l Harmattan. Saint Arnaud, Y. (1992). Connaître par l action. Montréal : PUF. Schön, D. (1983). Le praticien réflexif. Montréal : Editions Logiques, traduction 1994. Tochon, F.V. (1993). L enseignant expert. Paris : Nathan. Wallon, H. (1949). Les origines du caractère chez l enfant, PUF, collection SUP, Vendôme. Watzlawick, P.(1981). Changements : paradoxes et psychothérapie, Editions du Seuil, coll. «Points Essais», Paris. 6