Victimes du nord-est III Les visages de la violence armée au Nigeria: Swyiman et María Sanusi Swyiman Sanusi a un seul rêve: retrouver sa vie de professeur dans son village natal Gulak, dans l état d Adamawa, avec son épouse et ses cinq enfants. C est à la fin de 2014 que Swyiman, de 42 ans, s est uni à un groupe d hommes qui, comme lui, ont été obligés de fuir pendant les attaques à Gulak. Il y eu beaucoup de coups de fusil, de bombes et de missiles partout. Face à la crainte d un assassinat général des hommes, les femmes ont demandé à leurs maris de fuir. "J ai dû fuir pour rester en vie", se souvient Swyiman. "Je n avais pas le moral et je ne pensais pas que je reverrais un jour ma famille, je ne pensais pas y arriver. J ai du manger de l herbe pour survivre. Après avoir marché pendant 15 kilomètres, à mi-chemin de la ville de Michika, Swyimana ressenti le besoin de rentrer chez lui. "J étais fatigué et j ai commencé à me demander si je faisais bien de fuir. Je ne savais pas où j allais ni ce que je pouvais trouver sur mon chemin, j ai donc décidé de rentrer à Gulak», explique Swyiman. Cependant, à ce moment-là Swyiman a reçu un appel de sa femme, María. Il pouvait entendre les coups de fusil lorsqu il disait à sa femme qu il allait rentrer. Mais María ne le lui a pas permis. "Je l ai encouragé à continuer et je lui ai dit que nous serions bientôt ensemble», se rappelle María. «Nous étions prêts à fuir aussitôt que possible».
Et il en fut ainsi. Swyiman a repris son chemin à travers la forêt, au milieu de la nuit, sous une forte pluie. L appel téléphonique lui avait donné l énergie suffisante pour continuer de l avant pendant plusieurs jours, jusqu à ce qu il arrive à la ville de Mubi, à environ 50 kilomètres de Michika. C est alors que Swyiman reçut un nouvel appel de María lui disant qu elle et ses trois enfants avaient réussi à s échapper. Elle a marché avec ses trois enfants pendant trois jours jusqu à ce qu ils arrivent sur une route principale et qu ils puissent monter dans une camionnette à destination de Mubi. "Nous étions inquiets parce que nos deux autres enfants n étaient pas avec nous. Nous ne savions pas où ils étaient, ajoute María. Pendant le voyage, María et ses enfants ont reçu de la nourriture de gens des communautés par lesquelles ils passaient. Lorsqu ils sont arrivés à Mubi, ils ont été reçus par d autres personnes qui étaient aussi déplacées à cause de la violence Ils partageaient tous les quelques ressources qu ils possédaient. À Mubi María a retrouvé son mari Swyiman et peu après ils ont retrouvé leurs enfants disparus pendant la fuite. Un homme avait rencontré les enfants en larmes au milieu de la route et les avait emmenés à Mubi, où habite leur grand-mère, la mère de Swyiman. Quelques jours après Mubi fut attaqué et la famille Sanusi dut fuir de nouveau pour échapper à la mort. "Nous sommes allés chercher refuge au Cameroun, dit Swyiman. "Cette fois-ci j ai fui avec ma famille. Mais nous avons été obligés de laisser ma mère parce qu elle était trop âgée pour courir».
Swyiman et María, avec leurs cinq enfants, ont marché plus de 400 kilomètres, sans à peine d eau ni de nourriture. "Nous avons dû manger des céréales, des fruits secs et des goyaves en pleine forêt et boire l eau de la rivière, explique Swyiman. Les Sanusi sont arrivés dans la ville de Dumo au Cameroun, où le gouvernement avait installé un camp de déplacés. Ils se sont installés dans une zone avec plus de 400.000 personnes affectées par la violence armée du conflit entre Boko Haram et l armée nigériane. Les autorités leur ont fourni de l eau, de quoi manger et un endroit pour dormir. Après deux nuits passées sur le camp, les autorités du Nigeria et du Cameroun ont loué un camion pour transférer les affectés à Yola, parmi lesquels se trouvait la famille Sanusi. "Depuis notre arrivée à Yola, nous nous en sommes sortis parce que je reçois encore mon salaire du Gouvernement, même si je ne travaille pas en ce moment, raconte Swyiman. "C est une aide pour les personnes déplacées par la violence». "Mon salaire est uniquement de 20.000 nairas (91 euros), et n est pas suffisant pour offrir une vie confortable à ma famille ici, ajoute Swyiman. "J essaie de faire des extras pour aider mieux ma famille et le plus grand nombre possible de personnes sur ce camp». Pour augmenter ses revenus, Swyiman achète des insecticides et aide les communautés locales de Yola à faire la fumigation de leurs maisons. Avec l argent qu il gagne, il aide sa mère à Mubi et un frère à Kaduna.
"Nous devons remercier la Croix Rouge de toute l assistance qu elle nous fournit, dit Swyiman. "Le personnel de la Croix Rouge assiste les personnes les plus démunies affectées par la violence avec des aliments et des articles de première nécessité, comme de l eau, du riz, des moustiquaires, des couvertures et de l huile». Tous les jours Swyiman rêve qu un jour sa famille pourra retourner à Gulak. Malgré cela, ils n ont pas d autre choix que de rester à Yola jusqu à ce qu ils soient sûrs que la situation au nord-est du Nigeria ait retrouvé la normalité. "Nous ne nous sentons pas sûrs de retourner pour l instant parce que nous craignons qu il reste encore des munitions sans exploser dans notre zone, dit María. Malgré les extrêmes difficultés que Swyiman et sa famille ont vécues, ils n ont jamais perdu l espoir que leur rêve devienne une réalité. «Je suis optimiste», il ajoute. Je veux une meilleure vie pour les gens du Nigeria. Je crois fermement que où il y a la vie, il y a de l espoir. "Je souhaite un Nigeria qui vive en paix et j encourage les plus jeunes à dire non à la violence, quelles que soient les circonstances auxquelles nous soyons confrontés dans l avenir», dit Swyiman. Jesús Serrano Redondo Projet de divulgation sur la situation humanitaire dans le nord-est du Nigeria et dans les pays avoisinants, promu par l Ambassade d Espagne au Nigeria avec le Comité International de la Croix Rouge (CICR) et en collaboration avec Jesús Serrano.
Toutes les histoires de ce projet ont été recueillies en 2015.