1. Notions d'histoire grecque

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1. Notions d'histoire grecque La ligne du temps est une représentation conventionnelle du temps qui s'écoule, permettant de localiser chaque événement historique selon un ordre de succession chronologique. L'histoire grecque commence vers 2000 avant J.-C. et se poursuit jusqu'à la basse Antiquité. L ère chrétienne (anno Domini) commence en l'an 1 ; Il n'existe pas d'année 0 : au 31 décembre de l'an -1 a succédé le 1 er janvier de l'an 1. Les années, les siècles et les millénaires se comptent à rebours avant J.-C. Les Grecs avaient, eux, d'autres systèmes chronologiques, où le point de repère n'était bien entendu pas la naissance du Christ, mais par exemple la date de fondation des Concours olympiques (776/5). Toutes les dates s entendent ici avant J.-C. Âge du bronze Âge du fer Civilisation mycénienne Âges obscurs Cités grecques Arrivée des Grecs en Égée entre 2100 et 1900 Apogée des palais 1600-1250 mycéniens Chute des palais mycéniens vers 1200 Submycénien 1200 1050 Protogéométrique 1050 900 Géométrique 900 720 Orientalisant 720 600 Archaïque 600 480 Classique 480 338 Hellénistique 338 31 Les premiers Grecs s'installent en Grèce aux alentours de 2000 avant J.-C. et inaugurent la brillante civilisation dite «mycénienne» (du site éponyme de Mycènes, fouillé dans les années 1870 par H. Schliemann), qui connaît son apogée entre les XVI e et XIII e siècles. Celle-ci occupe tout le Sud de la péninsule balkanique. La vie s organise principalement autour de palais, citadelles fortifiées et siège du pouvoir central de chacun de ces royaumes. Parmi ces palais, on compte bien entendu Mycènes, mais aussi Pylos, Thèbes et Tirynthe. La société s organise selon une hiérarchie très stricte à structure pyramidale : à la tête de chaque royaume, un monarque (wa-na-ka), accompagné d une administration palatiale très hiérarchisée aux multiples fonctionnaires. Il s'agit d'une civilisation incontestablement grecque : des milliers de tablettes en argile crue ont été découvertes dans les palais de Thèbes et de Pylos ; elles sont rédigées dans un grec primitif, transcrit dans une forme d écriture, le linéaire B, empruntée aux Crétois. La civilisation minoenne (ainsi nommée par Arthur Evans au début du XX e siècle par référence au roi légendaire Minos) qui s est développée en Crète aux 3 e et 2 e millénaires n'est pas, en revanche, une civilisation grecque. Leur langue, transcrite en linéaire A, est toujours nondéchiffrée à ce jour ; il est toutefois certain qu'il ne s'agit pas de grec. Vers 1425, les Grecs conquièrent la Crète et y installent leur civilisation. Vers 1200, la civilisation mycénienne s'écroule et les palais connaissent partout une série de destructions massives. Les causes de cette catastrophe qui ne fut pas aussi brutale et totale qu'on ne la dite restent très discutées. On n'entrera pas dans le débat, pour se contenter de rappeler les conséquences de cette chute des palais. 1

A. De la chute des palais à la fin des âges obscurs (1200-800) On assiste au cours des XII e et surtout du XI e siècle, à une raréfaction des vestiges archéologiques conservés, qui laissent penser à une période de dépeuplement et de replis sur elles-mêmes des populations. La maîtrise de l écriture disparaît. C'est la période que l'on appelait jadis les «Âges obscurs». Leur obscurité a toutefois grandement régressé au cours des dernières décennies grâce aux nombreuses découvertes archéologiques. Celles-ci montrent qu'il s'agit au contraire d'une période de grands changements, qui préparent à l'émergence des cités-états du 1 er millénaire. Peu à peu, à partir du X e siècle, les Grecs et en particulier les Eubéens se tournent à nouveau vers la mer et vers l'orient, puis, à partir du IX e siècle, vers l'occident et l'italie. Les vestiges archéologiques des X e et IX e siècles sont plus nombreux et plus impressionnants. La céramique retrouve une qualité inégalée depuis deux siècles, tandis que des importations orientales font à nouveau leur apparition dans les tombes. Au VIII e siècle, une nouvelle forme d écriture, l alphabet, est empruntée aux Phéniciens (moyennant l ajout des voyelles) pour transcrire à nouveau le grec. Que se passe-t-il au niveau social? La société mycénienne était une société très hiérarchisée, avec à sa tête un monarque (wa-na-ka). Lorsque les palais s'écroulent, la communauté est comme décapitée : toute la hiérarchie palatiale disparaît dans les troubles de la fin du XIII e siècle. Restent alors de petits groupes d'individus, menés par un personnage qui s'appelait en grec mycénien qa-si-re-u et en grec homérique basileus. À la chute des palais, la vie collective se recentre sur ces petits noyaux isolés et autour de ces personnages qui acquièrent peu à peu une grande importance sociale. C'est cette société des «siècles obscurs» que décrivent les poèmes homériques. On regroupe sous ce terme deux poèmes, l'iliade et l'odyssée, respectivement de 15 000 et 12 000 vers, dont la tradition antique attribue la composition à un aède (poète) aveugle du nom d'homère. On pense aujourd'hui qu'il s'agit de deux poèmes transmis au cours des siècles par la tradition orale et dont la composition s'est fixée dans le premier quart du VII e siècle. L'Iliade raconte la colère d'achille, alors que l'armée achéenne assiège la ville de Troie ; l'odyssée raconte le retour d'ulysse dans sa patrie Ithaque. Les poèmes homériques seront mis par écrit pour la première fois à Athènes vers le milieu du VI e siècle. Ces poèmes décrivent une société constituée de petits groupes ; à la tête de chacun de ceux-ci se trouvent un ou plusieurs basileis. Lors de certaines occasions, comme dans le cas d'une expédition militaire lointaine, ces groupes décident, à travers la personne de leur chef, de mettre leur force et leurs ressources en commun. Une place et un rang bien déterminés sont assignés à chacun dans la communauté en fonction de son courage guerrier, de son âge, de sa généalogie, de son éloquence, de sa beauté et de sa force, mais la hiérarchie sociale est souple et la mobilité sociale importante d'une génération à l'autre. B. L'époque archaïque (800-480) Peu à peu, le rapprochement des communautés isolées des «âges obscurs» s'intensifie. Des communautés plus importantes se forment par regroupement (ou synœcisme) et commencent à organiser peu à peu leur vie en commun. Ce processus, qui prit plusieurs siècles, est celui de la formation des cités grecques. 1. La cité (polis) est une forme d'organisation politique, sociale, religieuse et culturelle tout à fait originale dans l'histoire des civilisations. Elle est fondée sur deux principes : celui de la mise en commun des prérogatives précédemment du ressort des petits groupes, afin que la communauté tout entière en assume collectivement la responsabilité ; 2

celui de la répartition de l'autorité politique et du prestige social entre ses membres. La cité est composée d'une ville (asty) et d'un territoire (chôra) ; mais c'était d'abord et avant tout une communauté humaine. La cité a deux caractéristiques essentielles : elle est censée être libre (c'est-à-dire non soumise à une autorité extérieure) et autonome (c'est-à-dire qu'elle se gère par ses propres lois). Au V e siècle, le monde grec se composait d'environ 1 000 cités, bien entendu de dimension et d'importance variable. La cité moyenne couvrait un territoire d'environ 100 km 2. Athènes (2 600 km 2 ) et Syracuse (4 700 km 2 ) sont des cités gigantesques ; en revanche, la petite île de Kéos (173 km 2 ) abritait 4 cités. La population d'une cité se compose de citoyens et de non-citoyens, eux-mêmes répartis entre esclaves et étrangers. La proportion de ces deux ensembles fluctua selon les cités et selon les époques ; elle était le plus souvent de l'ordre de 1/10 9/10. Parmi les citoyens, on distinguait par ailleurs les citoyens actifs (mâles adultes) et les citoyens passifs (femmes, enfants et adolescents). Les principes de mise en commun des prérogatives communautaires et de répartition de l'autorité politique ne concernaient et ne bénéficiaient qu'aux seuls citoyens actifs. Entre cités voisines, périodes de paix et d'hostilité armée se succèdent, en particulier pour le contrôle de certaines parties du territoire. Les cités sont indépendantes et autonomes et il n'y a guère de sentiment d'appartenance commune à une même culture/civilisation. 2. L'une des caractéristiques essentielles de la civilisation grecque est la mobilité. Les Grecs parcourent inlassablement les mers et n'hésitent jamais à s'installer dans de nouvelles contrées. Les Grecs parcourent les eaux de la Méditerranée pour commercer. Il s'agit d'abord, aux X e et IX e siècles, d'un échange (praxis), où les biens acquis possèdent une valeur symbolique importante et servent à établir le prestige de leurs possesseurs au sein de la communauté. Il est pratiqué par des individus qui cherchent à établir leur autorité sur leur communauté. Ces échanges cèdent pour l'essentiel la place, à partir du VIII e siècle, à un véritable commerce spécialisé, qui a pour but le profit matériel. Ce commerce s'appelle l emporia (ἐµπορία). Celui-ci est pratiqué de manière continue par des marins spécialisés, qui vivent de leur activité commerciale. Ces marins peuvent commercer avec les populations méditerranéennes dans des établissements portuaires nommés emporia (pl. ἐµποριά, sg. ἐµποριόν, cf. Emporion = Ampurias). Ce sont des comptoirs commerciaux placés sous l'autorité des populations locales. Exemple : Al-Mina, Naucratis. Ce commerce spécialisé se développe néanmoins considérablement avec la fondation des colonies et de l'intense trafic en hommes et en biens que l'établissement de ces nouvelles communautés génère. À partir du VIII e siècle, les Grecs (Eubéens, Corinthiens, Spartiates, Grecs de l'est) fondent de nombreuses colonies (apoikiai) dans toute la Méditerranée et en Mer Noire. Une colonie est une nouvelle cité, fondée par une ou plusieurs métropoles. À la différence des colonies modernes, les apoikiai grecques étaient des cités libres et autonomes, qui n'entretenaient donc pas de lien de dépendance politique avec leur métropole. Elles gardaient néanmoins généralement avec celle-ci des relations économiques et religieuses privilégiées. Plusieurs raisons, parfois concomitantes, ont pu inciter les Grecs à quitter leur cité pour en fonder une autre : activités commerciales : transformation progressive en colonie d'un point de débarquement des marins commerçant avec les populations locales. famine, surpopulation, manque de terres cultivables : ex. Théra qui fonde vers 640 Cyrène. 3

dissension interne : lorsque l'intégration des différents groupes participant à la cité n'est ni parfaite ni équitable, des dissensions naissent entre le groupe au pouvoir et le groupe lésé. Ces conflits, souvent d'ordre personnel entre grands personnages, ont poussé certains individus à quitter leur cité, en emmenant leurs compagnons, et à tenter leur chance ailleurs, en fondant une nouvelle cité, qu'ils espèrent moins inégale que celle qu'ils quittent. La colonisation grecque concerne de nombreuses régions de Méditerranée septentrionale (mais aussi la Cyrénaïque, sur les côtes africaines) et tout le pourtour de la Mer Noire. Les principales implantations grecques ont lieu, dès le VIII e siècle, en Méditerranée occidentale : en Grande Grèce (le Sud de la péninsule italienne), en Sicile, dans le sud de la France (Marseille est fondée vers 600). À l'occasion de ces circulations, les Grecs rencontrent d'autres peuples et d'autres cultures : phénicienne, égyptienne, ibérique, celte, étrusque, italique. La méditerranée est avant tout un espace de circulation : la mer ne sépare pas les hommes, elle leur permet de se rencontrer. De ces rencontres, les Grecs ont retiré de multiples richesses, matérielles (métaux, céramique, emprunts artistiques) et culturelles (alphabet, cultes orientaux). Les autres peuples leur ont par ailleurs emprunté une partie de leur patrimoine culturel : les Étrusques par exemple se sont montrés particulièrement friands d'objets grecs. C. L'époque classique (480-338) Bien que les Grecs aient rencontré depuis très longtemps aux quatre coins de la Méditerranée des populations étrangères, l'époque classique est très certainement celle où ils ont réellement pris conscience de leur identité de Grecs, où ils ont esquissé véritablement la notion de civilisation grecque. Cette prise de conscience est le résultat d'un traumatisme profond : l affrontement avec les Perses lors des deux guerres médiques (Mèdes = Perses). L'empire achéménide (perse) se forme vers le milieu du VI e siècle à travers les conquêtes de Cyrus le Grand. De leur fief, situé en Iran, les Perses conquièrent rapidement tout le Proche-Orient : l'anatolie (les cités grecques d'asie Mineure tombent sous leur contrôle dans les années 540, à la suite de la prise de la capitale lydienne, Sardes en 547/6), la Phénicie et l'égypte font désormais partie de leur possession. L'extension naturelle de leur empire les pousse à conquérir les îles grecques de l'égée. 1. Première guerre médique : Au cours de l'année 490, les Perses du roi Darius I er poussent leur expédition en Égée jusqu'en Eubée, qu'ils soumettent sans difficulté, et décident d'attaquer Athènes. Les Perses, menés par Datis, débarquent à Marathon ; les Athéniens, menés par Miltiade, appellent les autres Grecs à leur secours et vont à la rencontre des Perses. Seul un contingent de 1 000 Platéens vient leur prêter mains fortes, tandis que les Spartiates arrivent trop tard pour la bataille. Le choc a lieu entre les deux armées. Les Grecs sont très nettement inférieurs en nombre aux Perses. Pourtant, c'est une victoire éclatante : 192 Athéniens tombent au combat, tandis que c'est un désastre pour les Perses, qui sont obligés de fuir et de rembarquer sur leurs navires. Du côté perse, cette défaite devant Athènes n'est en rien désastreuse. Leurs objectifs premiers ont été atteints et la mainmise finale sur Athènes n'était finalement qu'un bonus. Du côté athénien en revanche, ce fut une grande victoire et Athènes se pose désormais en défenseur de la Grèce tout entière. 2. Seconde guerre médique : En Perse, Xerxès succède bientôt à son père et prépare une nouvelle offensive. En 480, il entame une campagne contre les Grecs en passant par le Nord. Il dispose d'une armée de 150 000 hommes et d une flotte de 600 trières. Un contingent de Spartiates, mené par le roi Léonidas, tente de les stopper aux Thermopyles, qui constituent la seule voie de passage entre la Grèce du Nord et la Béotie. Le verrou ne tient pas très longtemps, mais laisse le temps aux Grecs de se réfugier dans le Péloponnèse et de fortifier 4

l'isthme de Corinthe. Athènes est abandonnée et bientôt saccagée par les Perses. C'est un traumatisme. Les Athéniens, menés par Thémistocle, décident de se retrancher sur leurs trières et d'affronter les Perses sur mer. La bataille de Salamine est à nouveau un succès athénien. La flotte perse est en déroute et Xerxès rentre en Asie. Il laisse son général Mardonios en arrière, avec le soin de poursuivre l'offensive terrestre. En 479, l'armée perse est vaincue à Platées et doit se replier définitivement. Les guerres médiques nous sont racontées par Hérodote. 3. Conséquences : (1) Pour la première fois, de très nombreuses cités grecques ont été menacées par un adversaire commun, qui plus est étranger. La notion de barbare s'esquisse progressivement au cours du V e siècle ; réciproquement, c'est aussi la prise de conscience d'une identité grecque commune par-delà la multiplicité des cités grecques. Auparavant chaque Grec était un étranger dans toutes les cités qui n'étaient pas la sienne. Désormais s'esquisse le sentiment d'une appartenance commune à une même civilisation, même si chaque cité demeure un État à part entière. (2) La situation d'athènes se trouve modifiée par rapport au reste du monde grec. Les victoires de Marathon et de Salamine nourrissent chez ses citoyens un orgueil croissant. Malgré sa présence valeureuse aux Thermopyles et à Platées, Sparte n'a pas toujours fourni le soutien que l'on pouvait attendre d'elle. Fort de ses succès, Athènes forme en 478 la ligue de Délos et se place à la tête des cités de l'égée pour prévenir d'un éventuel retour des Perses. 4. On appelle «ligue» une confédération de cités qui se placent sous l'hégémonie de l'une d'entre elles. Les cités sujettes perdent alors leur liberté, mais bien souvent aussi leur autonomie. Athènes impose un tribut aux cités de la ligue pour la construction et l'entretien d'une flotte. Elle leur impose également d'adopter ses lois et son système politique. Les rébellions sont sévèrement matées. La démocratie athénienne est indissociable d'une politique impérialiste. La constitution de ligues n'est pas un fait entièrement nouveau. L'époque archaïque avait déjà connu diverses ligues, mais le phénomène s'accentue à partir du V e siècle. À côté de la ligue de Délos, Sparte se place à la tête des cités péloponnésiennes. La rivalité entre les deux blocs va croissante au cours du V e siècle et l'affrontement finit par avoir lieu. La guerre du Péloponnèse (431-404) marque de dures années de privation pour les Athéniens : l'attique est ravagée périodiquement par l'armée spartiate. Périclès, qui mène alors sa cité, ordonne aux Athéniens de se retrancher à l'intérieur de l'enceinte de la ville. La surpopulation et la famine entraînent rapidement le développement de la peste, dont Périclès fut l'une des premières victimes. La guerre se prolonge, avec diverses trêves, durant près de 30 ans et se termine par la défaite d'athènes en 404. Humiliée par Sparte, elle est obligée d'abattre ses murailles les «Longs murs» qui avaient constitué sa seule défense face aux invasions spartiates. La guerre du Péloponnèse nous est racontée par Thucydide. 5. L'hégémonie construite progressivement par Sparte change pour un moment l'équilibre des forces en Grèce. Les trois premiers quarts du IV e siècle seront marqués par une fluctuation constante des forces en présence et par une dissension croissante entre les Grecs. Les cités ne sont plus les seules à s'opposer. La lutte pour la première place en Grèce se fait entre diverses ligues, elles-mêmes dominées par une cité hégémonique. Peu à peu, Athènes relève la tête, reconstruit ses Longs murs et reconstitue une flotte sous les ordres de Conon. Une seconde confédération maritime est instituée en 377 et regroupe la plupart des cités insulaires et les villes grecques de la côte thrace. Le but de cette alliance 5

était, selon les mots du décret, «de contraindre Sparte à laisser les Grecs vivre en paix dans la liberté et l'autonomie», non plus de s'opposer aux Perses. Athènes promet de ne plus commettre les mêmes erreurs. En réalité, elle reproduit exactement le même schéma que la première ligue de Délos, en assujettissant ses cités alliées. C'est le renouveau d'une politique impérialiste. Dans cette lutte entre superpuissances, Thèbes va jouer pour un moment un rôle décisif. Révoltés contre la tutelle spartiate, les Thébains, menés par Épaminondas, obtiennent une écrasante victoire sur les Spartiates à Leuctres en 371. Dans la foulée, Épaminondas s'empare de la Thessalie. Il libère également la Messénie (fondation de Messène) et l'arcadie (fondation de Mégalopolis) de la tutelle spartiate. Sparte est mise à terre et la rivalité se joue entre Athènes et Thèbes. 6. La dissension constante entre les Grecs profite grandement à Philippe II de Macédoine, qui s'impose progressivement à eux comme le chef d'une puissance dominante. Il intervient d'abord de plus en plus fréquemment dans les affaires de Grèce centrale, en particulier en prenant place dans le conseil amphictyonique qui préside aux intérêts du sanctuaire de Delphes. Entre 346 et 340, les relations se détériorent entre Athènes et la Macédoine. Le grand adversaire de Philippe est à Athènes l'orateur Démosthène, qui comprend le danger que constitue la montée en puissance de la Macédoine. L'affrontement a lieu en 338 à Chéronée (Béotie). Philippe écrase les Athéniens et inflige une sévère défaite aux Thébains. Le reste de la Grèce s'incline devant son nouveau maître. Les relations nouvelles entre le roi de Macédoine et les vaincus sont fixées lors d'un congrès de représentants de tous les États grecs à Corinthe en 338/7. Il s'agit d'une paix commune qui regroupe les Grecs au sein d'une ligue, la Ligue de Corinthe, dont Philippe est choisi pour chef. Les cités contractantes sont déclarées libres et autonomes ; la paix sur terre et sur mer est garantie. C'est donc un coup d'arrêt donné à toute l'agitation revendicatrice qui secouait les cités depuis plusieurs décennies. Bien entendu, la servilité est imposée à l'égard des vœux de l'hégémôn. D. L'époque hellénistique (338-31) Philippe II n eut guère le temps de profiter de sa victoire. En 336, il est assassiné et son fils Alexandre lui succède. Faisant éclater les limites de la civilisation grecque, Alexandre se lance en 333 à la conquête de l Empire perse vacillant. Il bat Darius III et conquiert toutes les provinces perses, de l Anatolie à l Indus en passant par l Égypte. À sa mort en 323 à Babylone, il laisse à ses successeurs les diadoques un vaste territoire, qu ils se partagent bientôt tout en prenant chacun le titre royal. L unité rêvée par Alexandre est consumée dès la fin du IV e siècle et des rivalités naissent pour le partage des dépouilles de son vaste empire. La Macédoine, la Grèce continentale et le Nord de l Asie Mineure reviennent à Antigone le Borgne, qui inaugure la dynastie des Antigonides. La Syrie et toute la partie orientale des conquêtes d Alexandre reviennent à Séleucos, qui inaugure la dynastie des Séleucides. L Égypte revient, quant à elle, à Ptolémée, qui inaugure la dynastie des Lagides, dont la dernière représentante, bien connue, n est autre que Cléopâtre. Quelque temps plus tard, profitant d une latence du pouvoir en Asie Mineure, Philétairos, général de Lysimaque, établit une quatrième entité autour d une nouvelle capitale, Pergame ; ses successeurs formeront la dynastie des Attalides. L histoire politique du monde hellénistique prend la forme d une rivalité constante entre ces quatre royaumes, jusqu à l arrivée des armées romaines dans le bassin égéen. Dès le II e siècle, Rome intervient militairement dans les affaires de Grèce. Par une série de victoires consécutives (Flamininus à Cynoscéphales en 196, Paul Émile à Pydna en 168, Pompée en 6

Orient entre 67 et 62, Octave à Actium en 31) et grâce au don de son royaume à Rome par Attale III en 133, les Romains prennent pieds en Grèce, créent de nouvelles entités administratives (provinces d Achaïe et de Macédoine en 146, d Asie en 129, de Syrie en 64, d Égypte en 30, etc.) et remplacent la tutelle jusqu alors exercée par les royaumes sur les cités grecques, mais ne changeront que très peu de chose à leur organisation. L une des constantes de la période demeure en effet la permanence des vieilles cités grecques et la création, par Alexandre et ses successeurs, de très nombreuses poleis dans les vastes espaces indigènes conquis. Dans tous ces territoires, la pensée grecque, le modèle de la polis, sans compter la langue grecque deviennent la norme, de la côte d Asie Mineure à Aï Khanoun (Afghanistan), en passant par Alexandrie. Bien que la population reste indigène, ces royaumes sont administrés par des Grecs selon des modèles culturels importés de la «mère patrie». Après la vague de colonisation archaïque, l époque hellénistique est certainement celle de la plus vaste extension de la civilisation grecque. Même l arrivée des Romains ne changera que très progressivement la donne, le grec restant la langue parlée et écrite dans la plupart des cités orientales de l Empire romain. Dans ce contexte, de nouveaux centres culturels rivalisent et bien souvent surpassent les anciens cœurs de la civilisation grecque. Athènes perd ainsi son hégémonie culturelle après avoir perdu son hégémonie politique à la faveur d Alexandrie et de Pergame. La première accueille le Musée, institut de recherche pour les érudits de la cour lagide, et met à leur disposition une Bibliothèque, qui met un point d honneur à posséder des copies du plus grand nombre d écrits. C est du reste à la cour attalide qu est inventé le parchemin, qui révolutionne le traditionnel archivage sur papyrus. Au niveau artistique, ces deux capitales, mais aussi un centre comme Rhodes, sont des foyers importants de production statuaire et hébergent, sous le patronage des rois (et non plus seulement des cités), des ateliers réputés à travers toute l Égée et de plus en plus souvent jusqu à Rome. 7