Audience publique du 20 décembre 2016

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Transcription:

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 38366C du rôle Inscrit le 19 août 2016 Audience publique du 20 décembre 2016 Appel formé par Madame...,, contre un jugement du tribunal administratif du 11 juillet 2016 (n 36900 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre un arrêté grand-ducal du 30 avril 2015 en matière de changement de nom patronymique Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 38366C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 19 août 2016 par Maître Laurent LENERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame..., née le à (Allemagne), demeurant à L-, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand- Duché de Luxembourg du 11 juillet 2016 (n o 36900 du rôle) l ayant déboutée de son recours tendant principalement à l annulation et subsidiairement à la réformation d un arrêté grand-ducal du 30 avril 2015, attribué au ministre de la Justice, refusant de faire droit à sa demande tendant à changer son patronyme de en ; Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 12 octobre 2016 ; Vu le mémoire en réplique déposé le 9 novembre 2016 au greffe de la Cour administrative par Maître Laurent LENERT au nom de l appelante ; Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 10 novembre 2016 ; Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ; Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Laurent LENERT et Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en leurs plaidoiries respectives à l audience publique du 13 décembre 2016. 1

Par courrier de son conseil du 16 octobre 2014, Madame... adressa au ministère de la Justice une demande tendant à ce qu elle soit autorisée à remplacer son patronyme par celui de. Par avis respectifs des 15 novembre et 15 décembre 2014, le Procureur d Etat et le Procureur général d Etat avisèrent défavorablement la demande de changement de nom présentée par Madame. Le 6 février 2015, le Conseil d Etat émit à son tour un avis défavorable. Suite à ces avis négatifs, la demande de changement de nom fut rejetée par un arrêté grand-ducal du 30 avril 2015, transmis à l intéressée par un courrier du ministre de la Justice du 3 juin 2015. Cet arrêté est motivé comme suit : «Vu la demande présentée le 16 octobre 2014 par Maître Laurent Lenert, avocat à la Cour, sollicitant, au nom de Madame..., née le à (Allemagne), de nationalité luxembourgeoise et demeurant à L-, l autorisation de changer son nom patronymique actuel en celui de ; Vu le titre II de la loi du 11-21 germinal an XI relative aux prénoms et changements de noms, telle que modifiée par la loi du 18 mars 1982 relative aux changements de noms et de prénoms ; Vu les avis négatifs rendus par le Procureur d'état de Luxembourg le 15 novembre 2014 et par le Procureur général d'état le 15 décembre 2014 ; Vu l avis négatif rendu par le Conseil d'état en date du 6 février 2014 ; Considérant que le mandataire de la requérante expose que celle-ci souhaite porter le nom de sa mère biologique, Madame, et que «depuis son plus jeune âge elle n a jamais eu une relation père-fille saine avec l adoptant», à savoir Monsieur ; Considérant que le principe de la fixité du nom patronymique constitue une règle d'ordre public et social ; Considérant qu'un changement de nom patronymique ne peut être autorisé qu'en présence de circonstances exceptionnelles et pour des raisons importantes ; Considérant que la requérante n a pas fait état de griefs à l égard du père adoptif dans le cadre de sa procédure en changement de prénom lors de laquelle elle a été autorisée, par arrêté grand-ducal du 13 février 2014, à changer son prénom en ceux de ; Considérant que le Procureur d État de Luxembourg estime que «les motifs actuellement invoqués par la requérante ne constituent pas des motifs d une gravité exceptionnelle telle qu ils justifieraient de déroger au principe de la pérennité du nom» ; 2

Sur le rapport de Notre Ministre de la Justice et après délibération du Gouvernement en Conseil; Arrêtons : Art. 1 er. - L'autorisation sollicitée est refusée. Art. 2. - Notre Ministre de la Justice est chargé de l'exécution du présent arrêté.». Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 septembre 2015, Madame fit introduire un recours tendant à l annulation, sinon à la réformation de l arrêté grand-ducal précité du 30 avril 2015. Par jugement du 11 juillet 2016, le tribunal administratif reçut le recours principal en annulation en la forme, mais au fond le déclara non justifié et en débouta Madame..., tout en disant qu il n y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation, rejeta sa demande en allocation d une indemnité de procédure et la condamna aux frais de l instance. Le tribunal rappela tout d abord le principe d immutabilité du nom qui est d ordre public et que ce n est qu en présence de circonstances exceptionnelles et pour des raisons importantes qu un changement de nom pourrait être accordé. Il rappela ensuite qu il était amené dans le cadre d un recours en annulation à analyser la légalité d une décision administrative en considération de la situation de fait et de droit au jour où elle a été prise, mais également en tenant compte des spécificités des dispositions légales régissant le changement de nom, pour en conclure que seuls les éléments étayés dès la demande de changement de nom, tels que soumis successivement aux instances d avis puis à l autorité de décision, seraient à prendre en considération. Il écarta par conséquent les pièces produites par la demanderesse qui avaient été établies postérieurement à la prise de l arrêté grand-ducal litigieux, et plus précisément deux certificats médicaux datant des 24 juin 2015 et 4 janvier 2016. Quant aux deux attestations testimoniales établies en date du 25 juin 2015 par Madame... et sa mère, le tribunal constata que leur contenu était identique à celles communiquées à l appui de la demande de changement de nom, de sorte à avoir été soumises à la connaissance des instances consultatives et de l autorité de décision et en déduit que ces attestations pouvaient être prises en considération par lui. Le tribunal estima ensuite que les raisons invoquées par Madame... pour solliciter le changement de nom, à savoir l absence de liens affectifs ressentis à l égard de son père adoptif, voire des relations difficiles entretenues avec celui-ci, à défaut d autres éléments, n étaient pas de nature à constituer des circonstances exceptionnelles justifiant un changement de nom, ce d autant plus qu il n avait pas été fait état de manquements graves par le père adoptif à ses devoirs parentaux qui auraient pu avoir un véritable impact psychologique et/ou physique sur la personne de la demanderesse. Il déclara en conséquence le recours comme non fondé. Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 19 août 2016, Madame... a régulièrement relevé appel du jugement du 11 juillet 2016. A l appui de son appel, elle rappelle les faits et rétroactes de l affaire. Elle fait valoir en substance qu elle serait née en Allemagne sous le nom de d une liaison extra-conjugale de 3

sa mère biologique, alors mariée, avec le sieur. Après le divorce de sa mère et de Monsieur, sa mère aurait épousé en 1979 Monsieur... Elle aurait fait l objet d une adoption plénière le 1981 par Monsieur..., par l effet de laquelle elle aurait acquis les prénom et nom de «...». Elle indique n avoir jamais eu de «relation père-fille saine» avec son père adoptif. Elle fait ainsi état de conséquences psychologiques graves auxquelles elle aimerait remédier en substituant au nom de son père adoptif celui de sa mère. Elle précise qu elle aurait projeté de rompre avec son père adoptif depuis de nombreuses années, mais ne voulant pas perturber sa mère, elle n aurait osé franchir le pas qu après le décès de son père adoptif. Suite au décès de Monsieur..., elle aurait tout d abord demandé à être autorisée à porter les prénoms de qui lui avaient été donnés à sa naissance. Cette demande de changement de prénom aurait été accueillie par le ministère de la Justice. Elle souhaiterait également changer son nom en, patronyme de sa mère, afin de mettre sa situation juridique en concordance avec la réalité psychologique. En droit l appelante reproche en premier lieu au tribunal de ne pas avoir pris en considération les certificats médicaux des 24 juin 2015 et 4 janvier 2016 pour ne pas avoir été joints à la demande de changement de nom, en faisant valoir que ces certificats ne feraient qu illustrer son état d esprit profondément marqué par les relations douloureuses entretenues avec son père adoptif et ne changeraient pas fondamentalement la situation en droit et en fait pour en déduire que la situation factuelle décrite par lesdits certificats aurait dû être prise en compte par les premiers juges. Elle fait ensuite valoir que ce serait à tort que les premiers juges auraient retenu qu «il ne ressortirait pas des éléments en cause que, d un point de vue objectif, le port du nom patronymique actuel de la demanderesse ne correspondrait plus à sa finalité sociale de rattachement à une famille, ni que du point de vue subjectif, le port de ce nom pourrait à juste titre être ressenti comme intolérable». En effet, il ressortirait des pièces produites que le seul lien familial qu elle aurait connu serait celui qui la lierait à sa mère biologique. Elle souhaite ainsi confirmer le lien qui la lie à sa mère et se libérer du patronyme de son père adoptif qui ne ferait que «ressusciter une relation malsaine dépourvue d affectation familiale quelconque». Elle estime ainsi avoir justifié de circonstances exceptionnelles et de raisons importantes de nature à justifier le changement de nom. En guise de conclusion, elle soutient qu en n appréciant pas à leur juste valeur les faits motivant sa demande de changement de nom, l autorité de décision aurait commis une erreur d appréciation, de sorte qu il conviendrait de réformer le jugement entrepris et d annuler en conséquence l arrêté grand-ducal litigieux. L Etat sollicite la confirmation du jugement entrepris. L article 1 er de la loi du 6 fructidor an II, en disposant qu «aucun citoyen ne peut porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance», consacre le principe de la fixité du nom patronymique. L article 4 de la loi du 11-21 germinal an XI relative aux prénoms et changements de noms permet toutefois de déroger à ce principe en prévoyant que «toute personne qui aura quelque raison de changer de nom ou de prénoms en adressera la demande motivée au Gouvernement». 4

Il résulte de ces dispositions que le principe de fixité du nom patronymique est une règle d ordre public et social. Ce n est qu en présence de circonstances exceptionnelles et pour des raisons importantes qu un changement de nom peut être accordé. Les premiers juges ont rappelé à bon droit qu en vertu du principe d immutabilité et de fixité du nom patronymique, les raisons justifiant le changement du patronyme sont appelées à s'analyser en des circonstances exceptionnelles à énoncer dès la demande adressée au gouvernement, laquelle doit être dûment motivée. Cette exigence d'une motivation spécifique dès la demande de changement de nom formulée auprès du gouvernement se justifie, d'une part, en raison des circonstances exceptionnelles pouvant seules sous-tendre valablement un changement de nom patronymique et, d'autre part, par le caractère nécessairement éclairé non seulement de l'autorité de décision à travers les avis rendus à son intention par le Conseil d'etat, le procureur d Etat compétent ainsi que le procureur général d'etat, mais encore dans le chef de ces derniers mêmes. Les premiers juges ont également rappelé à bon droit que, de manière générale, dans le cadre de l analyse d un recours en annulation, le tribunal est amené à analyser la légalité d une décision administrative en considération non seulement de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, mais encore dans les circonstances spécifiques se dégageant des dispositions légales régissant les demandes de changement de nom patronymique, et notamment celles de l article 4 de la loi modifiée du 11-21 germinal an XI, seuls les faits dûment étayés dès la demande de changement de nom patronymique, tels que soumis successivement aux instances d avis, puis à l autorité de décision, sont à prendre utilement en considération pour apprécier la légalité de la décision prise. En ce qui concerne la question des certificats médicaux des 24 juin 2015 et 4 janvier 2016 qui ont été versés par Madame... à l appui de son recours devant les premiers juges, il n est pas contesté que ceux-ci ont été établis postérieurement à l arrêté grand-ducal du 30 avril 2015. Il s ensuit que ces pièces, par la force des choses, n ont été ni jointes à la demande de changement de nom, ni portés à la connaissance des instances consultatives ou à celle de l autorité de décision. Dans ces conditions, c est dès lors à bon droit que les premiers juges n ont pas pris en considération ces certificats médicaux. Quant à la légalité interne de la décision refusant le changement de nom, l appelante a motivé sa demande de changement de nom en faisant état d une relation difficile avec son père adoptif et de conséquences psychologiques que lui causerait le port du nom..., patronyme de son père adoptif, et dont elle ne pourrait guérir qu en abandonnant son nom patronymique au profit de celui de sa mère avec laquelle elle aurait toujours entretenu une bonne relation. La Cour partage toutefois entièrement la conclusion des premiers juges que l absence de liens affectifs ressentis par l appelante à l égard de son père adoptif, respectivement les prétendues relations difficiles entretenues avec celui-ci, à défaut d autres éléments, se résument à des motifs d ordre affectif qui, en l espèce, ne sauraient caractériser des circonstances exceptionnelles ou des raisons importantes permettant de déroger au principe de fixité du nom. S y ajoute que les souffrances psychologiques mises en avant par l appelante, que lui causerait le port du nom de son père adoptif, ne sont point établies. 5

L appelante n est dès lors pas fondée à soutenir que l autorité compétente a commis une erreur d appréciation en refusant le changement de nom demandé. Il suit de l ensemble des considérations qui précèdent que l appel n est pas fondé et que le jugement entrepris est à confirmer dans toute sa teneur. Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l égard de toutes les parties en cause ; reçoit l appel en la forme ; au fond, le déclare non justifié et en déboute l appelante ; partant confirme le jugement entrepris du 11 juillet 2016 ; condamne l appelante aux dépens de l instance d appel. Ainsi délibéré et jugé par: Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour André WEBER. WEBER CAMPILL 6