Effet du travail en horaires atypiques : mécanismes chronobiologiques et pistes de prévention Laurence Weibel neurobiologiste - chronobiologiste
Les faits Une sinistralité augmentée
Sécurité au travail: les faits... Chernobyl Challenger Three-Mile Island Bhopal David X. Swenson Ph.D., Licensed Psychologist
AT: revue récente (2011) des études épidémiologiques (6889 ref 14 ref) - le risque d'at après 12h de travail est le double par rapport à 8h de travail - shift work (avec travail de nuit) est plus à risque en terme d'at alors que le travail de nuit permanent semble protecteur (Smith et al., Ergonomics, 1982, 25:133-144; Fransen et al., Occup Environ Med, 2006, 63:352-358.)
30% des accidents de la route mortels sont dus à la somnolence
Les faits Une morbidité augmentée
adapté de P.Tassi, 2010
2007 2009
Pourquoi travailler la nuit pose problème?
L homme est rythmique L homme est diurne
Les rythmes circadiens circa = environ dies = jour rythmes dont la période est d environ 24h et qui sont de nature endogène
E Challet
L'être humain est rythmique et diurne
Evolution circadienne de nos niveaux de vigilance 24h
Voies afférentes Horloge circadienne Voies efférentes L/D Rétine Cycle veille-sommeil NSC Température FACTEURS NON PHOTIQUES Facteurs comportementaux (activité, cycles V/S) Facteurs sociaux Facteurs métaboliques Hormones
Effets du travail de nuit?
TRAVAILLEURS POSTES conflit NSC? Message circadien FACTEURS NON PHOTIQUES
(dé)synchronization interne LD cycle sommeil Mélatonine Température synchronisation interne désynchronisation interne Mélatonine
150 M E L A T O N I N ( pg.ml -1 ) 125 100 75 50 25 0 S L E E P T I M E Mélatonine et température Sujets témoins 19 23 3 7 11 15 19 23 R E C T A L T E M P E R A T U R E ( C ) 37.5 37.0 36.5 36.0 S L E E P T I M E 19 23 3 7 11 15 19 23 selon Weibel, 1996 C L O C K T I M E
Melatonine et température (4 travailleurs de nuit) 200 38.0 200 38.0 150 S L E E P T I M E 37.5 150 S L E E P T I M E 37.5 M E L A T O N I N ( p g.m l -1 ) 100 50 0 200 150 100 37.0 36.5 36.0 35.5 20 23 2 5 8 11 14 17 20 23 38.0 S L E E P T I M E 37.5 37.0 36.5 100 50 0 200 150 100 20 23 2 5 8 11 14 17 20 23 S L E E P T I M E 37.0 36.5 36.0 35.5 38.0 37.5 37.0 36.5 R E C T A L T E M P E R A T U R E ( C ) 50 36.0 50 36.0 0 35.5 0 35.5 20 23 2 5 8 11 14 17 20 23 20 23 2 5 8 11 14 17 20 23 C L O C K T I M E C L O C K T I M E selon Weibel, 1996
2007 Le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe le travail de nuit comme cancérigène probable (2A) Mécanisme suspecté: les désynchronisations
P Tassi Vigilance et travail de nuit
Température centrale Amplitude (A) La vigilance suit le rythme de la température interne Période Acrophase Mésor Batyphase 00:00 03:00 06:00 09:00 12:00 15:00 18:00 21:00 00:00 P Tassi
La vigilance et les performances s abaissent progressivement durant la nuit Forme subjective : 0h TR : 2h Coordination visuo-motrice : 2h (Petrilli et al, 2005) C est entre 0h et 2h que les performances commencent à chuter. Adapté de P Tassi
Les facteurs importants à prendre en compte 1. Facteurs liés au poste - La durée des postes (8h/12h) Postes de 8h : moins de fatigue. Postes de 12h : plus de temps de récupération et de loisir hors du lieu de travail. Pas d évidence pour un bonus clair pour l un ou l autre système. Dépend plus de la charge de travail (charge physique, mentale et stress) que de la durée. - La durée de la rotation (longue : 1 semaine ou courte 2j/2j/2j/repos) Dépend de la variable considérée : - Point de vue subjectif, les rotations longues préférées mais déficits de sommeil importants - Point du vue physiologique (qualité du sommeil), les rotations courtes plus bénéfiques car ancrage des rythmes biologiques et limitation de la dette de sommeil résultant d un sommeil de jour. - Le sens de rotation (sens horaire ou anti-horaire) Les postes dans le sens horaire (M/S/N) semblent moins nocifs que dans le sens anti-horaire : qualité et quantité du sommeil car coucher se fait toujours dans le sens plus tardif que le poste précédent. Mais controversé. Pour certains auteurs, pas de différence. P Tassi
2. Facteurs liés à la personne - L âge Au-delà de 40 ans, les effets nocifs du travail posté sont plus difficiles à surmonter : sommeil moins récupérateur (plus léger et plus fragmenté), fatigabilité accrue (moindre résistance pendant le poste). Mais controversé, car certaines études témoignent du contraire peut-être en raison d un effet «travailleur sain». - Le sexe Les femmes subissent un double handicap lié à la fois à des contraintes sociales et domestiques supérieures à celles des hommes. De plus, leur sommeil est généralement plus fragile et moins récupérateur que celui des hommes. - Le chronotype Vespéralité associée à une meilleure tolérance au travail posté et en particulier au travail de nuit en raison du retard de phase de la température centrale chez ces sujets. Matinalité associée à plus d intolérance au travail posté et de nuit car plus grande rigidité pour s adapter aux fluctuations du rythme veille-sommeil. 28 P Tassi
Focus sur les stratégies pour limiter les baisses de vigilance
Ou comment maintenir les salariés éveillés? Les facteurs environnementaux : - Lumière : effet éveillant immédiat ( performance, somnolence, sommeil consécutif) mais rend plus difficile la réadaptation aux postes de jour et parfois inconfortable! - Bruit et musique : effet éveillant mais aussi fatiguant du bruit. Mais un fond musical d intensité modérée effets positifs sur les performances à condition de varier les programmes! Et de toute façon, dépend des tâches et des individus. - Température : T >28 favorable aux performances et à la vigilance car T interne, mais effets délétères en fin de nuit (aggrave la somnolence) et parfois inconfortable! P Tassi
La prise de substances : - Naturelles : manger ou boire effet stimulant. Mais usage répété de caféine tremblements, stress, tachycardie, anxiété, trouble digestifs - Nicotine : concentration, mémoire et vigilance. Mais effets néfastes de l addiction! - Psychostimulants : Modafinil effet + chez sujet sain. Peu d effets secondaires, mais reste une substance pharmacologique! Pauses et activités secondaires : - Pauses (au moins 20 mn) : brise la monotonie du travail, vigilance, fatigue, productivité. Si + courtes, alors + fréquentes. Plus efficaces quand préventives que curatives. Activités physiques modérées. De préférence, changement spatial. - Variation des tâches : presque aussi efficace que les pauses (toutes les 90 à 120 mn). Dépend du type de tâche, mais introduction d une ou plusieurs tâches secondaires très différentes de la tâche principale (ex : jeux mentaux) vigilance et performance. Mais risque de détournement attentionnel de la tâche principale! P Tassi
Mais la meilleure stratégie, c est la sieste! Faites le plein de sommeil avant de prendre le travail ou au travail
variable modulatrice Le pattern de break est une variable modulatrice importante (Tucker et al., Lancet, 2003, 361:280.) Exemple d'une étude chez des policiers en 3*8 : sieste prophylactique avant le poste de nuit réduit d'environ 40% le nombre d'accident de la route (Garbarino et al., sleep, 2004, 27:1295-1302.)
Travail de nuit / posté quelques réponses de la chronobiologie en entreprise
L intervention 1. AGIR SUR L ORGANISATION DU TRAVAIL -privilégier les rotations à vitesse rapide (tous les 2 jours) - ou proposer une équipe de nuit permanente en condition contrôlée et transitoire - organiser les rotations dans le sens horaire (matin, après midi, nuit) - repousser au maximum l heure de prise de poste du matin -prévoir 11 heures d intervalle (repos) entre les postes - insérer des pauses appropriées pour les repas -insérer si possible des pauses appropriées pour le repos - adapter l environnement lumineux - aménager des systèmes de roulement réguliers et flexibles.
L intervention 2. ACCOMPAGNER LE SALARIE
Quelle prévention pour les travailleurs en horaires atypiques? plaquette téléchargeable sur http://www.carsat-am.fr
http://eric.mullens.free.fr/
CONTACT Laurence Weibel Carsat Alsace-Moselle 14 rue seyboth-bp 392 67010 Strasbourg cedex 03 88 14 33 76 laurence.weibel@carsat-am.fr