Signature d un accord de coopération avec l ENA à Strasbourg Allocution de Son Excellence Monsieur Abdou DIOUF Secrétaire général de la Francophonie Strasbourg, le 2 octobre 2007 Seul le texte prononcé fait foi www.francophonie.org
Je voudrais tout d abord vous dire tout le plaisir que j éprouve à retrouver la ville de Strasbourg, ville européenne par excellence dont le passé riche et diversifié s offre à nous à chacun de nos pas et dont la modernité s exprime parfaitement par la présence en cette salle de celles et ceux qui seront les dirigeants de la France ou de l Europe de demain. Je me réjouis également de venir à l ENA, cette prestigieuse école avec laquelle l OIF collabore depuis quelques années. Si notre collaboration se développe, c est en grande partie parce que nos intérêts européens se rencontrent et se complètent. Je voudrais en fait profiter de cette occasion pour rappeler brièvement les raisons de cet intérêt commun. La Francophonie prend corps dans les années soixante, en très bonne partie grâce à ce qu il est maintenant convenu d appeler la société civile. Les universitaires, les maires, les journalistes, les parlementaires, se regroupent pour échanger sur leurs métiers respectifs et s enrichir mutuellement. Léopold Sedar Senghor de son côté, esquisse dès 1948, les contours de l Organisation politique francophone en parlant d un Commonwealth à la française. Son idée connaîtra un début de mise en œuvre à Niamey, au Niger, en 1970 lors de la signature du Traité fondateur de la Francophonie par 21 pays. Vingt-six ans plus tard, la dimension politique de la Francophonie s enracine par la convocation du premier Sommet des chefs d Etat et de gouvernement à Versailles en 1986. Cette évolution se poursuit par l adoption de la Charte de la Francophonie et la désignation du premier Secrétaire général à Hanoï au Vietnam en 1997, mon prédécesseur, Monsieur Boutros Boutros Ghali. L autre versant de cette évolution très originale de la Francophonie se révèle dans l augmentation et la diversification de ses Etats et gouvernements membres. L OIF compte aujourd hui 68 Etats et gouvernements dont 13 sont des observateurs. En examinant la composition actuelle de la Francophonie, vous constaterez qu elle n est pas une organisation universelle et qu on ne peut non plus la qualifier de régionale. En fait, elle est une organisation internationale intercontinentale dans la mesure où elle compte des Etats et gouvernements membres sur les cinq continents. Cela me ramène 2
à l intérêt commun pour l Europe que j évoquais précédemment. Vingt-quatre de nos membres appartiennent au continent européen alors qu à l origine de la Francophonie institutionnelle en 1970, il n y avait que quatre pays européens signataires du traité. Historiquement les pays fondateurs ont été majoritairement africains. La décolonisation a en effet conduit à la nécessité de réinventer de nouveaux rapports entre les pays du Nord et du Sud et l idée francophone est née de ce besoin. L Afrique reste encore aujourd hui le continent le plus représenté au sein de la Francophonie. Cependant l évolution politique en Europe a conduit de nombreux pays nouvellement indépendants, à rejoindre les rangs de notre Organisation pour y trouver un lieu de dialogue, d échanges et de solidarité. L arrivée de ces nouveaux membres a forcément amené de nouvelles idées et des préoccupations différentes. La Francophonie s est adaptée à ces réalités et continue de le faire tout en bénéficiant de l expérience multilatérale européenne qu amènent avec eux ces nouveaux adhérents européens. Quatorze des vingt-sept pays de l Union Européenne sont aussi membres de la Francophonie et six des sept candidats à l entrée au sein de l Union Européenne sont déjà membres de l OIF. Puisque la promotion de la langue française et de la diversité culturelle est un axe majeur de l action de la Francophonie, cela se traduit par des programmes concrets et je vous rappellerai que, dès janvier 2002, la Francophonie signait un accord politique avec la France, le Luxembourg et la Communauté française de Belgique en vue de promouvoir le français et le savoir-faire francophone dans le vaste projet de la construction européenne. Ma visite dans votre institution s inscrit précisément dans cette perspective car je signerai, dans quelques instants, une Convention avec le Directeur de l ENA, Monsieur Bernard Boucault. Notre projet commun est une partie du vaste programme que nous appelons le «français dans l Union Européenne» et pour lequel nous sommes partenaires au sein de dix Ecoles nationales d administration et Instituts diplomatiques en Europe. Cette 3
opération se déploie dans vingt-quatre pays européens et a touché plus de 12 000 diplomates, fonctionnaires et journalistes depuis son démarrage en 2002. Je ne m attarderai pas davantage sur les données chiffrées du programme car vous pouvez trouver toutes ces informations dans nos différentes publications imprimées et électroniques. Je voudrais cependant insister sur l impact politique pour la Francophonie d une action de coopération de cette envergure. Plusieurs s inquiètent, avec raison, de la disparition progressive du plurilinguisme au sein de l Union Européenne au profit d une langue unique, pour des raisons de facilité et d économie. L Union Européenne elle-même a réagi à cette problématique en nommant un Commissaire au plurilinguisme, Monsieur Léonard Orban, roumain d origine, que j ai eu le plaisir de rencontrer en juillet dernier et avec lequel la Francophonie entend collaborer activement. Notre stratégie est simple car nous souhaitons que le français cohabite harmonieusement avec les autres langues au sein des institutions européennes. Pour ce faire, nous voulons mobiliser tous les Etats et gouvernements européens de l OIF pour qu ils soutiennent cet objectif. Nous ne souhaitons pas nous substituer aux efforts bilatéraux de nos trois partenaires historiques, la France, le Luxembourg et la Communauté française de Belgique. Notre désir est de compléter efficacement leur action tout en mobilisant les autres membres de la Francophonie ainsi que les acteurs de la société civile afin qu ils participent à ce chantier commun. La place qu occupe la langue française au sein de l espace européen est déterminante pour l avenir de notre langue commune et son rayonnement international. Je n ai pas à expliquer aux élèves et stagiaires de l ENA le poids politique de l Europe dans la géopolitique mondiale du 21 ème siècle. En conséquence, nous ne ménagerons pas nos efforts pour que le français, aux côtés de l allemand, de l italien, de l espagnol et 4
de l anglais, pour n en citer que quelques unes, reste une langue de travail et de communication fréquemment utilisée en Europe et sur les cinq continents. Je voudrais souligner que nous conduisons une action similaire en Afrique auprès de l Union Africaine et de quelques autres organisations régionales du continent. L Afrique représente à la fois le socle historique de la Francophonie et son avenir grâce à la croissance continue du nombre de locuteurs francophones. Nous voulons que le français y reste une langue majeure de communication. Enfin, je terminerai en vous disant que nous faisons des efforts importants pour que le français reste une langue olympique visible. Les Jeux Olympiques constituent un des événements internationaux les plus médiatisés et le français, en raison de l action historique de Pierre de Coubertin, y bénéficie d un statut de langue officielle. Nous devons défendre ce statut et donner au français une place qui aille au-delà des strictes obligations statutaires. Nous avons amorcé une coopération avec les autorités chinoises grâce au travail du Grand Témoin de la Francophonie, Son Excellence Monsieur Jean- Pierre Raffarin, et j ai bon espoir que nous pourrons faire des progrès visibles dans la présence du français aux Jeux de Beijing. Voilà, résumé à grands traits, une partie de notre action en faveur du rayonnement international de la langue française auquel je crois profondément car je suis convaincu qu en menant ce combat nous aidons aussi d autres langues à s exprimer sur la scène mondiale et nous contribuons à promouvoir et défendre la diversité des expressions culturelles, essentielle à un monde plus ouvert et plus juste. 5