Création d emploi dans le modèle d appariement



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Transcription:

Création d emploi dans le modèle d appariement Décisions entrepreneuriales et contraintes de crédit 1 Elie KOLAKEZ Etienne LEHMANN ous étendons le modèle de chômage d appariement de Mortensen et Pissarides pour tenir compte de la décision entrepreneuriale dans une économie avec des contraintes de crédit. Les individus ont des capacités et des richesses hétérogènes. Ils ont la possibilité de créer un nombre maximum d'emplois, qui représente leur capacité entrepreneuriale. En raison des imperfections du marché du crédit, ils ne peuvent emprunter au delà d'un multiple de leur richesse initiale. ous montrons que le choix d occupation dépend non seulement de la capacité entrepreneuriale et de la richesse des entrepreneurs, mais également des conditions sur les marchés du travail et du crédit. JOB CREATION IN THE MATCHING MODEL: ENTREPRENEURHIP DECIION AND CREDIT CONTRAINT We extend the unemployment-matching model of Mortensen and Pissarides to take into account the entrepreneurship decision in a credit-constrained economy. Individuals have heterogeneous abilities and wealth. They have the ability to create only a maximum number of jobs, which represents their entrepreneurial ability. Due to credit market imperfections, they can borrow only up to a fixed proportion of their initial wealth. We show that, in addition to entrepreneurial ability and wealth, occupational choice depends, on labour and credit market conditions. Classification JEL : J63, J64, E24, J24 1 Nous remercions Georges Bresson, Pierre Cahuc, Arnaud Chéron, Bertrand Wigniolle et les participants au congrès de l AFE pour leurs remarques constructives. ERME-TEPP, Université Panthéon-Assas Paris 2, 12 Place du Panthéon, 75230 Paris Cedex 05, Courriel : elie.kolakez@u-paris2.fr ** CRET (INEE), Timbre J360, 15 Boulevard Gabriel Péri 92245 Malakoff Cedex. Courriel : etienne.lehmann@ensae.fr

ITRODUCTIO La théorie du chômage est aujourd'hui dominée par le modèle d'appariement de Mortensen et Pissarides [1999] et Pissarides [2000]. Dans la version la plus simple de ce modèle, le niveau du chômage est déterminé par le comportement de création d'emploi. Les postes vacants sont alors créés jusqu'à ce que le gain espéré d'un emploi pourvu soit égal à son coût de postage. Cette condition de libre entrée repose sur trois hypothèses que nous remettons en question. Premièrement, les individus peuvent ne pas être en mesure de créer autant d'emploi qu'ils ne trouvent rentable de le faire. En particulier, la création d'un emploi nécessite des idées, de l'innovation ou des capacités managériales. Ces "capacités entrepreneuriales" mettent un plafond sur le nombre maximum d'emplois qu'un individu peut créer et gérer en même temps. Deuxièmement, la tâche de créer et de gérer des emplois est souvent incompatible avec le travail salarié. Troisièmement, des études ont montré que les décisions entrepreneuriales dépendent fortement de la richesse initiale des individus 2. Ceci suggère que l'accès au marché du crédit n'est pas parfait pour les entrepreneurs, de sorte que la création d'emplois peut être limitée par la richesse des entrepreneurs. Dans cet article, nous étendons le cadre d'analyse de Mortensen et Pissarides pour y inclure ces caractéristiques du monde réel. Nous considérons une économie, où seuls les entrepreneurs peuvent créer des emplois, les individus ont des capacités entrepreneuriales différentes et, en raison de contraintes de crédit, les entrepreneurs ne peuvent pas emprunter au delà d'un multiple de leur richesse initiale. Nous considérons une version statique à une période du modèle, une simplification qui nous permet de considérer comme exogène la richesse initiale des individus. Nous supposons de plus que l'offre de crédit est infiniment élastique, ce qui implique que le taux d intérêt est exogène. Nous montrons comment les contraintes de crédit modifient les décisions entrepreneuriales. Ces contraintes incitent d une part des individus talentueux mais pauvres à sortir de l entreprenariat, et d autre part incitent des individus riches mais peu talentueux à devenir entrepreneurs. Nous menons également un exercice de statique comparative. Nous montrons en particulier comment la redistribution des richesses peut affecter l équilibre macroéconomique. Cet article est organisé comme suit. Dans la section suivante nous présentons le modèle et nous déterminons la règle de décision du choix d'occupation et l équilibre. Dans la section 3, nous présentons la statique comparative du modèle. Enfin, la section 4 conclut. 2 Par exemple, Evans et Leighton [1989] et Evans et Jovanovic [1989] argumentent que, ceteris paribus, les personnes ayant une plus grande richesse initiale (biens familiaux) sont plus susceptibles de devenir entrepreneurs. Blanchflower et Oswald [1998] rapportent que le capital est la principale difficulté que rencontrent les entrepreneurs potentiels. Leurs estimations impliquent que la probabilité de devenir entrepreneur dépend positivement du fait que l'individu ait reçu ou non un héritage ou une donation. Holtz-Eakin et al. [1994] étudient trouvent que la réception d un legs augmente la probabilité de créer une entreprise. 2

LE MODÈLE Nous développons une version statique du modèle d'appariement de Mortensen and Pissarides [1999] et Pissarides [2000] dans lequel nous rendons endogène le choix d'occupation. Les individus peuvent soit devenir travailleurs et chercher un emploi, soit devenir entrepreneurs et créer des emplois mais pas les deux en même temps. Les individus diffèrent par rapport à deux caractéristiques : leur «capacité entrepreneuriale» notée α et leur richesse initiale notée z. A l'instar de Fonseca et al. [2001], la capacité entrepreneuriale α est exogène et donne le nombre maximum d'emplois qu'un individu, qui souhaite devenir entrepreneur, pourrait créer et gérer en même temps. Cette capacité entrepreneuriale ne joue aucun rôle si l'individu devient salarié. Par souci de simplicité, nous considérons un modèle statique de sorte que la richesse initiale des individus z est exogène. Nous supposons que la distribution jointe de α et de z dans la population est décrite par une loi continue de densité f(α,z) sur (R + )². La population totale est normalisée à 1. La technologie d'appariement oit le nombre d'individus qui cherchent un emploi. Les 1- entrepreneurs vont créer un nombre endogène d'emplois. Les emplois et les demandeurs d'emploi sont engagés dans un processus de recherche dont le résultat est donné par la fonction d appariements Q(,). Nous supposons que cette fonction est différentiable, croissante et concave dans ses deux arguments et qu elle présente des rendements d'échelle constants. oit θ=/ la tension sur le marché du travail. La probabilité qu'un emploi soit pourvu est donnée par Q(,)/=Q(1/θ,1) q(θ). La fonction q(θ) est décroissante et dérivable compte tenue des hypothèses portant sur la fonction d'appariement. La probabilité de sortie du chômage est égale à Q(,)/=θq(θ). C'est une fonction croissante et dérivable de θ. Ainsi, la population active est répartie en trois groupes : les θq(θ) travailleurs employés, les (1-θq(θ)) chômeurs et les 1- entrepreneurs. Les entrepreneurs Chaque individu est doté d'une capacité entrepreneuriale α et d'une richesse initiale z. Un entrepreneur de type (α,z) ne peut créer un nombre υ d emplois vacants qui soit supérieur à sa capacité entrepreneurial υ α. Nous considérons que les entrepreneurs sont suffisamment petits (atomistiques) pour prendre comme donné la tension θ, mais qu ils sont suffisamment grands pour que la loi des grands nombres rende déterministe le nombre d emplois pourvus υq(θ). Chaque emploi pourvu produit une quantité de biens y et coûte un salaire w avec 0<w<y. Ainsi, un entrepreneur retire un profit égal à y-w sur chacun des emplois qu il a réussi à pourvoir. Nous supposons que la création d'un emploi nécessite un investissement k qui n'est pas récupéré à la fin de la période. Nous supposons par ailleurs que le taux 3

d'intérêt r est exogène. Cette hypothèse peut être justifiée dans le cas d'une petite économie ouverte avec parfaite mobilité des capitaux. Un entrepreneur de type (α,z) créant υ postes vacants doit donc emprunter au taux r une somme égale à υ k z. Ajoutés aux profits qu il retire des emplois qu il a pourvu, son gain est égal à : ( θ )( y w) ( + r)( υ k z) υ q 1 (1) où υ q(θ) (y-w) n'est pas une espérance de gain mais un gain certain. Le gain d un entrepreneur (1) peut être réécrit sous la forme : où : ( r) υ J + z 1+ (2) ( θ ) ( ) ( 1 ) J q y w k r = + (3) représente le gain espéré de la création d'un poste vacant. L'équation (2) correspond au profit total de l'entrepreneur de la création de υ nouveaux emplois, plus le rendement de son épargne sur le marché des capitaux. Les travailleurs Ils trouvent un emploi avec la probabilité θq(θ) et reçoivent un salaire négocié lorsqu'ils sont employés. Comme la capacité entrepreneuriale n'affecte pas la productivité de l'individu s'il devient travailleur, le gain espéréwz d'un demandeur d'emploi de type (α,z) est égal à : z ( θ ) ( 1 ) W = θq w + z + r (4) La négociation salariale oit β (0,1) le pouvoir de négociation des travailleurs. Le niveau de salaire β maximise le produit de Nash généralisé ( ) 1 w y w β, ce qui donne w = β y. En insérant ce résultat dans (3), le gain espéré de la création d'un emploi est égal à : ( θ ) ( 1 β ) ( 1 ) J q y k r = + (5) En opérant de la même manière avec l équation (4), le gain espéré demandeur d'emploi de type (α,z) est égal à : z ( ) ( 1 ) Wz d'un W = θq θ β y + z + r (6) Décision entrepreneuriale Un entrepreneur de type (α,z) fait face à deux contraintes. Premièrement, il n'est pas capable de créer plus de α emplois. Deuxièmement, en raison des contraintes de crédit, il peut emprunter seulement jusqu'à un montant égal à un 4

multiple λ de sa richesse initiale avec λ 1. L idée sous jacente est que la richesse initiale de l entrepreneur est utilisée comme garantie au moment d emprunter. i λ = 1, il n'y a pas de marché du crédit et les futurs entrepreneurs doivent compter uniquement sur leur richesse initiale pour financer la création de nouveaux emplois. Le cas polaire où λ=+ correspond au cas où le marché du crédit est parfait. D'après (2), un entrepreneur de type (α,z) résout : ( 1+ r) s.c.: υ α et k υ z E, z = max υ J + z λ (7) α υ Les gains J attendus de la création d'un poste vacant doivent nécessairement être positifs. Dans le cas contraire où J 0, les équations (6) et (7) impliqueraient que Eα, z z ( 1+ r) < Wz, si bien que pour tous les types d'individus, devenir entrepreneur serait moins rentable que devenir travailleur. Aucun emploi ne serait alors créé et les travailleurs ne trouveraient jamais un emploi. Comme J >0, un entrepreneur de type (α,z) trouve rentable de créer autant d emplois que possible. Il peut être limité soit par sa capacité entrepreneuriale, α, soit par le montant de crédit qu'il peut emprunter, µz, où nous définissons µ=λ/k. Le nombre optimal de postes vacants est donc égal à : [ z] υ, z min α, µ (8) α En substituant dans (7), le gain net espéré pour un entrepreneur de type (α,z) est : On définit alors par : [ ] ( ) Eα, z = min α, µ z J + z 1+ r (9) ( 1 ) Wz + r z φ (10) J le rapport entre le gain net espéré d'un travailleur sur le marché du travail et le gain net espéré de la création d'un poste vacant. Proposition 1. Un individu de type (α,z) choisit de devenir entrepreneur si et seulement si min[α,µ z] ϕ. Démonstration. Un individu de type (α,z) choisit l'entrepreneuriat si et seulement le gain net espéré de ce choix dépasse le gain espéré à chercher un emploi, i.e. Eα, z Wz. Cette condition peut être réécrite sous la forme s [, z] J Wz z( 1+ r) [ α µ ] φ. min α µ grâce à (9). L'équation (10) nous donne alors min, z Nous décrivons maintenant les deux relations d'équilibre reliant la tension θ et le ratio ϕ. Tout d'abord, en utilisant (5), (6) et (10), nous obtenons ϕ=φ(θ,β,y,r,k) où la fonction Φ(.) est définie par : (, β, y, r, k ) βθq( θ ) y ( θ )( 1 β ) y k( 1+ r) Φ θ = (11) q Cette relation détermine les incitations à devenir entrepreneur en fonction des conditions sur le marché du travail. Compte tenu des phénomènes de congestions dans le processus d'appariement, une hausse de la tension θ sur le marché du 5

travail facilite la recherche d emploi des travailleurs, mais rend plus difficile le recrutement des travailleurs par les entrepreneurs. Aussi, les incitations à rentrer dans l entreprenariat diminuent, ce qui se traduit par une hausse du ratio ϕ. Cette relation peut être représentée dans un plan (θ,ϕ) par une courbe croissante intitulée CE pour "Choix de l'entrepreneuriat" (voir figure 1). Lorsque la tension θ tend vers 0, la probabilité pour un demandeur d'emploi d'être employé tend vers 0, ce qui rend infinies les incitations à devenir entrepreneur. On note 3 par ailleurs θ P la tension sur le marché du travail pour laquelle la valeur espérée d un emploi vacant devient nulle (voir figure 1). Cette tension est celle qui prévaudrait dans le modèle de Pissarides [2000] où la création d'emploi est déterminée par la condition de libre entrée. Lorsque θ tend vers θ P, les incitations à devenir entrepreneur deviennent nulles, tous les individus deviennent demandeurs d'emploi et ϕ tend vers l'infini. Graphiquement, la courbe CE admet une asymptote verticale en θ P. Figure 1 Choix d'occupation et tension sur le marché du travail à l'équilibre DT Hausse de µ Hausse de y ou baisse de β, k ou r CE P P Quand la productivité y augmente ou que le pouvoir de négociation des travailleurs β, le coût de création d'un nouveau poste vacant k, ou le taux d'intérêt r diminue, la courbe CE se déplace vers le ud-est avec une asymptote verticale se déplaçant vers la droite. Nous déterminons à présent la deuxième relation d'équilibre reliant la tension θ et le ratio ϕ. La proposition 1 indique quels individus deviennent entrepreneurs. Un individu de type (α,z) devient entrepreneur si et seulement si il a une capacité entrepreneuriale suffisante α > ϕ et une richesse initiale z > ϕ/µ suffisante. i l une de ces deux conditions n est pas vérifiée, cet individu ne pourra pas créer suffisamment d emplois pour que l entreprenariat soit rentable. La figure 2 décrit 3 Nous supposons que ( ) limθ 0 q θ > ((k(1+r))/((1-β)y)). Cette hypothèse assure l'existence d'un niveau de tension θ P qui résout la condition de profit nul. i cette condition n est pas vérifiée, le dénominateur de (11) serait toujours négatif pour toutes les valeurs de θ, et un équilibre ne pourrait pas exister. 6

alors la répartition de la population entre l entreprenariat (en zone hachurée) et la recherche d emploi (la zone non hachurée) en fonction de la richesse des individus (en abscisses) et de leur talent entrepreneurial (en ordonnées). Le nombre total d'individus qui choisissent la recherche est donnée par la masse des individus dans la zone non hachurée, et s exprime en fonction de φ selon : (, φ + ) (, + ) z = µ + (, ) φ µ f α z dzd α f α z dzd α (12) α = 0 z= 0 α = φ z= 0 La fonction (.,.) est croissante en φ et décroissante en µ. Lorsque φ augmente, il est plus difficile pour un individu de devenir entrepreneur du fait qu'il a besoin d'une plus grande capacité entrepreneuriale, α, et d'une plus grande richesse initiale, z. Il y a par conséquent plus d'individus qui choisissent de chercher un emploi. Au contraire, lorsque l'économie devient financièrement moins contrainte (µ augmente), il y a moins d'individus qui choisissent de chercher un emploi. φ Figure 2. Le choix d'occupation des individus z Entrepreneurs contraints,z z Entrepreneurs non-contraints,z z Une fois connus les 1- individus qui deviennent entrepreneurs, l'équation (8) permet de déterminer le nombre de postes créés. Les entrepreneurs peuvent être financièrement contraints ou non-contraints. Lorsque φ µz α, les entrepreneurs potentiels sont contraints financièrement et ils vont créer des postes vacants jusqu'au niveau maximum qu'ils peuvent emprunter, µz. Lorsque µz α, les entrepreneurs potentiels ne sont pas contraints financièrement et le nombre total de postes vacants qu'ils vont créer est égal à leur capacité entrepreneuriale α. Le nombre total de postes vacants dans l'économie est donc donné par : α + z= + µ ( φ, µ ) φ µ z f ( α, z) dz α α f ( α, z) dz dα α = φ + z= (13) z= µ µ La fonction (.,.) est décroissante en φ et croissante en µ. Lorsque φ augmente, il y a moins d'individus qui choisissent de devenir entrepreneurs, si bien que le nombre total de postes vacants diminue. Au contraire, lorsque µ augmente, il y a plus d'individus qui sont prêts à devenir entrepreneurs et à créer des emplois. Comme de plus, les entrepreneurs contraints sont alors en mesure d'ouvrir plus de postes vacants, le nombre total de postes vacants augmente lorsque µ augmente. 7

La définition de la tension sur le marché du travail qui est égale au rapport entre le nombre de postes vacants sur le nombre de demandeurs d'emploi Θ(φ,µ) ((φ,µ)/(φ,µ) détermine la seconde relation entre θ et φ. Elle est représentée sur la figure 1 par une courbe décroissante intitulée (DT) pour "Détermination de la Tension". Lorsque φ diminue, plus d'individus préfèreraient l'entrepreneuriat. Ainsi, il y aura plus de postes vacants relativement aux demandeurs d'emploi et il s'ensuit que la tension sur le marché du travail θ augmente. L intersection entre la relation décroissante DT et la relation croissante CE définit de manière unique l équilibre du modèle. L existence de l équilibre est assuré par le fait que la relation CE varie de (0,0) à (θ P,+ ). tatique comparative Nous commençons par explorer les conséquences de la contrainte de crédit sur l équilibre économique. Pour cela, nous comparons deux situations d équilibre : l'une en présence et l'autre en l'absence de contraintes de crédit. Les résultats de l'équilibre en présence de contraintes sont indexés par 1, alors que les résultats de l'équilibre sans contraintes de crédit sont indexés par 2. Lorsque le marché du crédit est parfait, il n'y a plus d'entrepreneurs contraints et les individus sont seulement limités par leurs capacités entrepreneuriales lors de la création de nouveaux postes vacants. Dans ce cas, λ 2 tend vers l'infini, si bien que µ 1 <µ 2 =+. La disparition des contraintes de crédit déplace alors la courbe DT vers le nordest, tandis que la courbe CE reste inchangée. La tension θ sur le marché du travail et le ratio φ augmentent (θ 2 >θ 1 et φ 2 >φ 1 ). Aussi, la présence d'imperfections sur le marché du crédit implique d une part qu il y a des individus doués qui ne peuvent pas devenir entrepreneurs parce qu'ils sont contraints financièrement. D autre part, parce que ces individus sortent de l'entrepreneuriat, la tension sur le marché du travail θ diminue. En conséquence, il devient plus facile pour les entrepreneurs de pourvoir un emploi vacant, alors qu'il est plus difficile pour les travailleurs de trouver un emploi. Il y a donc des individus ayant un talent plus faible que le seuil qui prévaudrait dans l économie non contrainte qui rentre dans l entrepreneuriat. Un allègement des contraintes de crédit (une hausse de λ et ainsi de µ) induit donc un choix d occupation plus efficace en favorisant l accès au capital aux individus qui ont de meilleures capacités entrepreneuriales. Cependant, le nombre d'entrepreneurs 1- évolue de façon ambiguë car le choix entrepreneurial dépend aussi des conditions sur le marché du travail et donc de la forme des courbes CE et DT dans l économie. Par conséquent, les nombres d'emplois θq(θ) et de chômeurs (1-) θq(θ) ne peuvent pas être comparés. Nous pouvons seulement conclure au sujet du taux de chômage parmi les individus qui ne sont pas entrepreneurs, qui est plus élevé dans l'économie avec contraintes de crédit. Nous examinons maintenant les conséquences d'une hausse de la production y, d'une baisse du pouvoir de négociation des travailleurs β ou du taux d'intérêt r. Lorsque la productivité y augmente, la valeur nette d'un entrepreneur augmente proportionnellement. Inversement, la valeur espérée d'un poste vacant est égale à la différence entre un gain (qui est aussi proportionnel à la productivité) et un coût fixe. Donc, la valeur d'un poste vacant augmente plus que proportionnellement de 8

sorte que le ratio φ du gain net espéré d'un travailleur sur le marché du travail sur le gain net espéré de la création d'un poste vacant diminue. Une baisse du pouvoir de négociation des travailleurs β diminue aussi le ratio φ comme la firme peut extraire une plus grande partie du surplus produit. Finalement une baisse du taux d'intérêt r augmente le gain net espéré de la création d'un poste vacant et diminue à nouveau le gain net espéré d'un travailleur sur le marché du travail sur le gain net espéré de la création d'un poste vacant φ. Par conséquent, une hausse de la production y, ou une baisse du pouvoir de négociation des travailleurs β ou du taux d'intérêt r induit un déplacement de la courbe CE vers le sud-est (voir équation 11). Comme la relation de détermination de la tension DT reste inchangée, nous obtenons une hausse de la tension θ et une baisse de φ. Le nombre de demandeurs d'emploi diminue en raison de la baisse de φ (voir équation 12), de même le nombre d'entrepreneurs augmente. Le nombre de chômeurs (1-θq(θ)) diminue en raison de la hausse de la tension sur le marché du travail et de la diminution du nombre de demandeurs d'emploi. Le nombre de travailleurs employés ainsi que le nombre d'entrepreneurs évoluent de façon ambiguë. Enfin, le nombre de postes vacants et donc la demande totale de capital k augmentent en raison de la baisse de φ (voir équation 13). Une baisse du coût de création d'un poste vacant k déplace la courbe CE vers le sud-est car elle réduit le coût fixe de la création d'un post vacant (voir équation 11). En outre, cette baisse assouplit les exigences financières pour avoir accès au marché du crédit. Le rapport µ=λ/k augmente, ce qui déplace la courbe DT vers le nord-est. En conséquence, la tension sur le marché du travail θ augmente, mais toutes les autres variables évoluent de façon ambiguë. Nous terminons notre exercice de statique comparative en analysant comment la répartition des richesses dans l'économie peut affecter l équilibre. Pour cela, nous considérons deux économies qui ne se distinguent que par la distribution des caractéristiques des individus. Les deux économies se caractérisent par ailleurs z f α, z dα dz et par la même distribution par la même richesse initiale totale ( ) inconditionnelle des talents entrepreneuriaux (i.e. f (, z) α dz est identique dans les deux économies pour chaque valeur de α). eule la corrélation entre richesse et talents diffèrent. Plus précisément, dans la deuxième économie, les individus ayant un talent élevé disposent de davantage de richesses, alors que les individus ayant un talent modéré sont moins riches. En ce sens, la deuxième économie se caractérise par une «meilleure corrélation» entre talents α et richesse initiale z. Pour une valeur donnée du ratio φ, la redistribution des richesses vers les individus talentueux que représente le passage à la deuxième économie augmente la masse des individus dans la zone hachurée de la figure 2. Elle implique également que les entrepreneurs seront «globalement» moins contraints financièrement. Il y aura donc davantage d emplois crées et moins de chercheurs d emplois. La deuxième économie se caractérise par conséquent par une courbe DT située plus à droite dans la figure 1 et par conséquent par une tension θ plus élevée sur le marché du travail et une plus faible valeur du ratio φ. Le nombre d'entrepreneurs 1- évolue de façon ambiguë, de même pour le nombre de demandeurs d'emploi, de travailleurs employés et de chômeurs. En revanche, le taux de chômeurs parmi les chercheurs d emplois diminue. 9

COCLUIO Dans cet article, nous étendons le modèle d'appariement de Mortensen et Pissarides pour tenir compte des décisions entrepreneuriales des individus dans une économie avec un marché de crédit imparfait. La présence de contraintes crédit implique non seulement qu un certain nombre d individus ne peuvent pas devenir entrepreneurs car ils sont contraints financièrement alors qu'ils en ont le talent nécessaires, mais également que certains individus disposant de richesses suffisantes deviennent entrepreneurs, alors qu ils ne feraient pas ce choix en l absence de contraintes de crédit. Notre modèle saisit l interaction qui existe entre le choix d occupation et les conditions sur les marchés du travail et du crédit. En cela, il peut constituer une base pour étudier l effet des politiques de l emploi ou des politiques fiscales ou bien l effet de différentes distributions de la richesse, sur la composition de la population active. RÉFÉRECE BIBLIOGRAPHIQUE BLANCHFLOWER D. G. et OWALD A. [1998], «What Makes an Entrepreneur», Journal of Labor Economics, 16(1), 26-60. EAN D.. et JOANOIC B. [1989], «An Estimated Model of Entrepreneurial Choice under Liquidity Constraints», Journal of Political Economy, 97(4), 808-827. EAN D.. et LEIGHTON L.. [1989], «ome Empirical Aspects of Entrepreneurship», American Economic Review, 79(3), 519-535. FONECA R., LOPEZ-GARCIA P., et PIARIDE C. A. [2001], «Entrepreneurship, start-up costs and employment», European Economic Review, 45, p. 692-705. HOLTZ-EAKIN D., JOULFAIAN D. et ROEN H.. [1994], «Entrepreneurial decisions and liquidity constraints», The Rand Journal of Economics, 25(2), 334-347. MORTENEN D. et PIARIDE C. [1999], «Job Reallocation, Employment Fluctuations and Unemployment», in John B. Taylor and Michael Woodford, eds., Handbook of Macroeconomics, 1171-1228. LUCA R. J. [1978], «On the size distribution of business firms», The Bell Journal of Economics, 9 (2), 508-523. PIARIDE C. A. [2000], Equilibrium Unemployment Theory, Cambridge, MIT Press, 2nd edition. 10