Qualité de l air intérieur dans les bureaux et impacts sur la santé et/ou le confort des occupants : une relation difficile à quantifier



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Transcription:

Qualité de l air intérieur dans les bureaux et impacts sur la santé et/ou le confort des occupants : une relation difficile à quantifier Période : septembre 2009 à décembre 2009 Luc MOSQUERON Veolia Environnement Recherche et Innovation Pôle Évaluation et Veille Sanitaire Rueil-Malmaison Mots clés : Bureaux, Productivité, Qualité de l air intérieur, Syndrome des bâtiments malsains Si la littérature internationale sur la relation entre qualité de l environnement intérieur dans les bureaux (luminosité, air intérieur, bruit ) et santé, confort et/ou productivité de leurs occupants est de plus en plus riche, l impact réel de la qualité de l air intérieur (QAI (1) ) reste aujourd hui difficile à estimer. Au regard de la richesse de cette littérature, il a été choisi dans la présente note de cibler l analyse sur les articles traitant plus particulièrement de la pollution chimique dans les bureaux et son impact sur l état de santé de leurs occupants (les articles centrés plus spécifiquement sur la contamination biologique par exemple : moisissures, endotoxines - n ont pas été retenus). Association entre qualité de l air intérieur et prévalence des symptômes associés au syndrome des bâtiments malsains chez des employés de bureaux À Rio de Janeiro (Brésil), Rios et al. (2009) ont comparé la prévalence de symptômes associés au Syndrome des Bâtiments Malsains (SBS (2) ) parmi des employés de bureau travaillant soit dans un immeuble ventilé naturellement (n = 491), soit dans un immeuble équipé d un système de chauffage, ventilation et climatisation (n = 967). Ils ont ensuite analysé l association entre la QAI (mesures des concentrations intérieures en PM 10 (3), composés organiques volatils totaux ou COVT (4), COV (5) aromatiques dont benzène et toluène, température et humidité relative) et les prévalences rapportées. Au regard des concentrations mesurées, 2 ou 3 catégories d exposition ont été proposées selon les polluants en vue des analyses statistiques. Les deux immeubles étudiés sont localisés dans une même rue à fort trafic automobile du centre-ville. Le premier, ventilé mécaniquement, est un bâtiment des années 1970 de 42 étages équipé d un système HVAC (6) ; le second, ventilé naturellement, a été construit dans les années 1950. Dans chaque bâtiment, des mesurages de la QAI ont été réalisés sur une demi-douzaine d étages, avec deux points de prélèvements par étage. Les symptômes ressentis durant les 12 mois précédant l enquête, l amélioration de ces symptômes en dehors du bâtiment et leur fréquence hebdomadaire, ainsi que les sensations de confort et de bien-être, ont été renseignés par questionnaire par les occupants des bureaux. Les résultats indiquent que la prévalence de certains symptômes oculaires (sécheresse), respiratoires (écoulement nasal, gorge sèche) ou généraux (état de fatigue) est significativement plus élevée parmi le personnel du bâtiment HVAC, alors que, paradoxalement, les concentrations en particules, COV (composés aromatiques et benzène en particulier), ainsi que le taux d humidité relative, sont plus élevés dans le bâtiment ventilé naturellement ; seul le toluène est retrouvé en plus fortes concentrations dans les bureaux à ventilation mécanique. Selon les auteurs, si les résultats n indiquent pas d association significative entre les concentrations mesurées pour les polluants étudiés (les COV en particulier) et la prévalence des symptômes de SBS, la plus forte prévalence observée dans les bureaux à ventilation mécanique pourrait être liée à la présence d agents biologiques (moisissures, acariens, endotoxines) ou chimiques non recherchés dans l étude. Si les résultats de cette étude semblent surprenants, avec une plus forte prévalence des symptômes chez les employés travaillant dans les bureaux ventilés mécaniquement où les teneurs intérieures sont pourtant plus faibles que dans des bureaux à ventilation naturelle, des conclusions analogues ont déjà été rapportées (Graudenz et al., 2005), ce qui témoigne bien que l influence sur la santé des différents paramètres gouvernant la QAI demeure difficile à discerner. Diverses hypothèses peuvent être avancées pour tenter de mieux comprendre le paradoxe des résultats : quelle est la part respective de la pollution microbiologique et de la pollution chimique dans les symptômes observés? Une estimation de la prévalence des symptômes cliniques par auto-questionnaire induit-elle une subjectivité dans les réponses qui biaise les 78

Qualité de l air intérieur dans les bureaux et impacts sur la santé et/ou le confort des occupants : Milieux résultats? Une mesure objective des symptômes inflammatoires doit-elle être systématiquement préconisée dans ce genre d étude? À noter aussi que si les deux immeubles investigués ont été choisis a priori selon leurs systèmes de ventilation (naturelle ou mécanique), on peut regretter que les auteurs n aient pas renseigné précisément les conditions réelles de ventilation durant l enquête (pas de mesures des débits de ventilation, absence d information sur l ouverture des ouvrants ), ce qui limite la portée de l interprétation des résultats quant à l influence du système de ventilation. Ainsi, comme le suggèrent d ailleurs brièvement les auteurs eux-mêmes, l ouverture des fenêtres dans l immeuble ventilé naturellement, moins étanche, pourrait expliquer les plus fortes concentrations en benzène en raison du fort trafic de proximité. Un cas de pollution de l air intérieur par l ammoniac dans des bureaux neufs en Chine Suite à des plaintes chez le personnel d une compagnie aérienne travaillant dans des bureaux de l agence de Pékin (odeurs ammoniacales, symptômes irritatifs), Lindgren (2010) a mis en œuvre une étude visant à comparer l exposition et les plaintes et symptômes ressentis de ce personnel (n = 14) avec ceux d employés témoins travaillant dans des bureaux d une agence de Stockholm (n = 189). Les mesures d ammoniac ont été complétées par des mesures de température, d humidité relative, de formaldéhyde (tubes passifs pendant 7 jours), de composés organiques volatils (COV) (prélèvement actif sur 4 heures), de dioxyde de carbone (CO 2 ), de bactéries et de moisissures (uniquement pour Pékin concernant ces deux derniers paramètres). Les employés ont également renseigné, à l aide d un questionnaire standardisé, leur perception de l environnement intérieur, les signes cliniques ressentis et l environnement psychosocial de leur lieu de travail. Les résultats montrent, malgré de bonnes conditions de ventilation dans les deux cas, des concentrations en ammoniac et benzène plus fortes dans les bureaux chinois (respectivement 2,2-4,3 µg/m 3 et 26,8 µg/m 3 ) que dans les suédois (< 0,1 µg/m 3 - limite de détection - et 0,4 µg/m 3 ). Ils indiquent également une plus forte perception de mauvaises odeurs et une augmentation significative du taux de déclaration de symptômes d irritation des muqueuses parmi le personnel de l agence de Pékin. L enquête confirme l hypothèse initiale d une pollution ammoniacale dans les bureaux de Pékin ; les teneurs mesurées, qui sont un à deux ordres de grandeurs supérieures à celles décrites aux États-Unis et en Chine dans des logements «non pollués», sont du même ordre de grandeur que celles rapportées dans une autre étude chinoise où des problèmes similaires de mauvaises odeurs avaient également été décrits (Bai et al., 2006). Selon l auteur, la pollution intérieure à l ammoniac dans les locaux neufs en Chine serait liée à la présence d adjuvants dans le béton utilisé localement. Des problèmes analogues ont également été décrits récemment au Japon (émissions d ammoniac à partir d additifs aminés). En conclusion, il est probable que les émissions d ammoniac dans ces bureaux neufs soient à l origine des symptômes observés, mais il ne peut toutefois être exclu, selon les auteurs, que la température intérieure (26 C à Pékin versus 23 C en Suède), ou les teneurs élevées en benzène (indicateur du trafic routier de proximité) contribuent aux effets rapportés. Les résultats de cette étude, bien que fondés sur de faibles effectifs, sont intéressants dans la mesure où ils pointent une pollution intérieure à l ammoniac, ce qui est rarement rapporté dans la littérature. L origine des émissions d ammoniac serait liée à la présence d additifs dans certains bétons utilisés en Asie. De telles émissions spécifiques ne semblent pas avoir été rapportées en France ou en Europe. Si les bureaux investigués à Pékin sont qualifiés de «récents», l article ne précise toutefois pas leur âge exact au moment de la campagne de mesures, ce qui ne permet pas de savoir si ces émissions d ammoniac à partir du béton sont fugaces ou relativement persistantes. Par ailleurs, les auteurs discutent finalement assez peu l influence de l ammoniac et des autres facteurs de risque identifiés (benzène, température) sur les symptômes sanitaires observés et il reste donc difficile de conclure si ces effets sont directement liés à l ammoniac ou à l action conjointe des différents facteurs de risque. Pollution chimique de l air et perception des odeurs dans des bureaux À Taiwan, suite à des plaintes persistantes pour mauvaises odeurs et inconfort rapportés par des employés d un immeuble de bureaux, Peng et al. (2009) ont caractérisé la qualité de l air dans les zones de travail concernées à l aide d une campagne de mesures de la pollution chimique complétée par une classification de la perception des odeurs réalisée par un panel de 8 «nez». Le schéma d étude visait à comparer l étage où les plaintes ont été signalées (4 e ) avec deux étages du même immeuble où aucune nuisance olfactive n a été rapportée (3 e et 5 e étages). Les paramètres mesurés sont : température, humidité relative, CO 2, COV (C 4 -C 20 ) et composés carbonylés (C 1 -C 6 ). Les prélèvements ont été réalisés uniquement les après-midi, en distinguant les jours de semaine et les week-ends. Les résultats montrent que les teneurs en composés carbonylés à chaîne courte (majoritairement formaldéhyde, acétaldéhyde et acétone) ne diffèrent pas significativement entre les étages (de l ordre de 70 à 100 µg/m 3 ), indiquant que ces composés ne sont vraisemblablement pas à l origine des problèmes d odeurs. En revanche, il existe une différence significative (p < 0,1) entre le 4 e étage et les autres étages pour 3 COV : nonanal, décanal et dodécane. En particulier, les concentrations en nonanal et décanal au 4 e peuvent dépasser les seuils olfactifs de chacun de ces deux COV ; les concentrations moyennes de ces deux aldéhydes au 4 e étage s élèvent respectivement à 13,3 µg/m 3 79

Qualité de l air intérieur dans les bureaux et impacts sur la santé et/ou le confort des occupants : et 14,0 µg/m 3. De plus, si les odeurs perçues par les «nez» à chacun des trois étages ont des caractéristiques différentes, un coefficient de corrélation significatif est décrit entre les teneurs en polluants dans l air et les fréquences de perception des odeurs uniquement pour le nonanal et le décanal. La convergence de ces observations indique, selon les auteurs, que le nonanal et le décanal pourraient être à l origine des épisodes de plaintes pour mauvaises odeurs. L origine de la contamination en nonanal et décanal dans les bureaux pourrait être liée à des phénomènes de dégradation (oxydation) des acides gras (acide linoléique et acide oléique) entrant dans la constitution de nombreux produits d intérieurs comme les linoléums ou certains revêtements de surface contenant des résines alkydes ou naturelles. Le design de cette étude, associant des mesures chimiques et le recours à des «nez» pour caractériser la qualité de l air, est relativement original. Les résultats sont intéressants car ils mettent en évidence l influence possible de deux aldéhydes, le nonanal et le décanal, assez rarement recherchés dans les problématiques d air intérieur et dont les propriétés toxicologiques restent peu connues. Si l hypothèse posée par les auteurs sur l origine de ces composés est une piste qui reste à explorer (oxydation d acides gras retrouvés dans des revêtements intérieurs), on peut cependant regretter qu ils n aient pas analysé plus profondément pourquoi, dans ce cas précis, ce phénomène serait spécifiquement observé au 4 e étage de l immeuble investigué et non dans les autres étages. Conclusion générale En France, comme dans l ensemble des pays industrialisés, une fraction importante de la population active travaille dans des immeubles de bureaux. S il est généralement admis que les polluants rencontrés dans les bureaux du tertiaire sont globalement les mêmes que ceux trouvés dans l habitat, il existe néanmoins quelques différences connues avec par exemple de plus fortes concentrations en ozone ou biocontaminants dans les bureaux ; au contraire, en lien avec les sources présentes, des problématiques de monoxyde de carbone ou de contamination par les moisissures sont beaucoup plus rares dans les bureaux que dans les logements (faible présence d appareils à combustion, sources d humidité moins fréquentes) (Destaillats et al., 2008). Les résultats des travaux de Lindgren (2010) et Peng et al. (2009) montrent toutefois que la pollution de l air dans les bureaux peut, dans certains contextes, présenter des spécificités liées aux caractéristiques du bâtiment, aux équipements intérieurs, voire aux activités humaines L origine des polluants est parfois assez surprenante. Ainsi, selon Lindgren (2010), la présence d ammoniac pourrait être liée à la présence d additifs dans certains bétons. À noter que la présence d ammoniac a également été rapportée récemment dans des bureaux finlandais (Salonen et al., 2009), à des concentrations moyennes (14 µg/m 3 ) 3 à 4 fois plus fortes que celles rapportées dans les bureaux taïwanais. L autre exemple, rapporté par Peng et al. (2009), avec la présence de nonanal et de décanal en lien possible avec des phénomènes de dégradation de revêtements d intérieur (linoléum), montre également bien que les sources de contamination peuvent être de natures très diverses et parfois assez inattendues. Si le nonanal et le décanal sont des aldéhydes peu recherchés, les travaux de Salonen et al. (2009), dans les bureaux scandinaves ont montré aussi par exemple que le nonanal est parmi les plus abondants des COV retrouvés dans les bureaux (Salonen et al., 2009). Si finalement les travaux convergent pour montrer qu il existe parfois des contaminations assez «spécifiques», en revanche les sources à l origine de ces pollutions ou les interactions entre ces sources et les différents paramètres qui gouvernent la QAI restent souvent assez difficiles à mettre en évidence. L exemple peut être le plus caractéristique est celui de l influence que peuvent jouer les systèmes de ventilation. Si de manière assez récurrente, de nombreux protocoles d études ont pour objectif de comparer la QAI dans des bureaux ventilés naturellement et des bureaux ventilés mécaniquement, leurs résultats sont parfois divergents. Par exemple, l étude de Rios et al. (2009) montre que de manière générale les bureaux ventilés mécaniquement ont des niveaux de pollution chimique plus faibles que 80

Qualité de l air intérieur dans les bureaux et impacts sur la santé et/ou le confort des occupants : Milieux les bureaux naturellement ventilés. Toutefois, la relation qui existe sur la pollution chimique peut parfois s inverser si l on considère la pollution microbiologique par exemple! Tout ceci montre donc la complexité de la situation lorsque l on cherche à connaître les déterminants d une contamination. Mais, comme en attestent les résultats de Rios et al. (2009) et de Peng et al. (2009), on atteint un niveau de difficulté peut-être encore plus élevé lorsque l on cherche à étudier la relation entre la QAI dans les bureaux et la santé et/ou le confort des occupants. Comme assez souvent dans des contextes de plaintes (pour des raisons sanitaires), leurs résultats montrent que les concentrations mesurées pour les polluants chimiques n expliquent pas clairement l origine des troubles. En effet, il est rare que l on puisse prouver que certains symptômes non spécifiques (maux de tête, toux, nausées ) associés au Sick Building Syndrom soient liés à un contaminant particulier de l air intérieur (Epstein, 2008 ; Gomzi et Bobic, 2009). Par ailleurs, ces études posent également question sur les limites des outils utilisés, en particulier sur l utilisation de questionnaires dont la subjectivité apportée dans les réponses peut modifier le ressenti des occupants des bureaux, selon par exemple qu ils occupent un bureau ventilé naturellement ou mécaniquement. Notons enfin que les travaux ciblés sur l influence du génotype dans les mécanismes de réponse au SBS pourraient à terme aider à mieux comprendre le SBS (Matsuzaka et al., 2010). De manière identique à ce qui vient d être discuté sur la relation entre la QAI et l état de santé des employés de bureau, il reste aussi difficile d établir de manière nette un lien entre la QAI et le confort thermique (Andreasi et al., 2010 ; Lu et al., 2009) et/ou la productivité ou l absentéisme des salariés de bureaux (Lan et Lian, 2009) malgré un nombre croissant de publications ces dernières années. En conclusion, la QAI dans les bureaux reste aujourd hui à mieux connaître tant en termes de spécificités, que de qualité sanitaire et/ou de confort des occupants. En France, les résultats de la campagne de mesures dans les immeubles à usage de bureaux qui va être engagée par l Observatoire de la Qualité de l Air Intérieur devraient apporter de précieuses informations. Lexique (1) QAI : qualité de l air intérieur. (2) SBS (Sick Buildings Syndrom ou Syndrome des Bâtiments Malsains) : l Organisation Mondiale de la Santé a défini le SBS comme une réaction de la majorité des occupants d un bâtiment à leur environnement intérieur, réaction qui ne peut pas être directement reliée à des causes évidentes telles qu une exposition à une concentration excessive d un contaminant connu ou à une défectuosité d un système de ventilation. D étiologie donc indéterminée, le SBS se caractérise par des symptômes variés et bénins (inconfort, irritation des muqueuses nasales et oculaires, toux, oppression thoracique, fatigue et maux de tête, etc.) qui disparaissent généralement lorsque les personnes quittent l immeuble incriminé. Le syndrome du bâtiment malsain met donc l accent sur une multiplicité de facteurs possibles mais incertains, environnementaux et psycho-sociaux, ayant des effets variés. (3) PM 10 : particules de diamètre aérodynamique moyen < 10 µm. (4) COVT : composés organiques volatils totaux. (5) COV : composés organiques volatils. (6) HVAC : chauffage, ventilation et air conditionné (Heating, ventilation and air conditioning). Publications analysées Lindgren T. A case of indoor air pollution of ammonia emitted from concrete in a newly built office in Beijing. Building Environ. 2010 ; 45(3):596-600.Sous presse en 2009. Peng CY, Lan CH, Wu TJ. Investigation of indoor chemical pollutants and perceived odor in an area with complaints of unpleasant odors. Building Environ. 2009 ; 44(10):2106-13. Rios JL, Boechat JL, Gioda A et al. Symptoms prevalence among office workers of a sealed versus a non-sealed building: associations to indoor air quality. Environ. Int. 2009 ; 35(8):1136-41. Publications de référence Bai Z, Dong Y, Wang Z et al. Emission of ammonia from indoor concrete wall and assessment of human exposure. Environ. Int. 2006 ; 32(3):303-11. Graudenz G, Oliveira C, Tribess A et al. Association of air-conditioning with respiratory symptoms in office workers in tropical climate. Indoor Air. 2005 ; 15:62-6. Lu T, Knuutila A, Viljanen M, Lu X. A novel methodology for estimating space air change rates and occupant CO 2 generation rates from measurements in mechanically-ventilated buildings. Building Environ. 2010 ; 45(5),1161-72. Salonen HJ, Pasanen AL, Lappalainen SK et al. Airborne concentrations of volatile organic compounds, formaldehyde and ammonia in Finnish office buildings with suspected indoor air problems. Occup. Environ. Hyg. 2009 ; 6(3):200-9. 81

Qualité de l air intérieur dans les bureaux et impacts sur la santé et/ou le confort des occupants : Revues de la littérature Destaillats H, Maddalena RL, Singer BC et al. Indoor pollutants emitted by office equipment: A review of reported data and information needs. Atmos. Environ. 2008 ; 42 (7):1371-88. http://www.scopus.com/inward/record.url?eid=2-s2.0-39149 102833&partnerID=40 Epstein Y. [Sick building syndrome]. Harefuah. 2008 ; 147(7):607-8, 662. http://www.scopus.com/inward/record.url?eid=2-s2.0-53849140127&partnerid=40 Gomzi M, Bobić J. Sick building syndrome: Do we live and work in unhealthy environment?. Periodicum Biologorum. 2009 ; 111(1):79-84. Publications non sélectionnées Andreasi WA, Lamberts R, Cândido C. Thermal acceptability assessment in buildings located in hot and humid regions in Brazil. Building Environ. 2010 ; 45(5):1225-32. Sous presse en 2009. Article comparant par questionnaire l acceptabilité thermique dans des bureaux ventilés naturellement et des bureaux à air conditionné. Pas de métrologie, ni d évaluation des effets sanitaires. Lan L, Lian Z. Use of neurobehavioral tests to evaluate the effects of indoor environment quality on productivity. Building Environ. 2009 ; 44(11):2208-17. Étude expérimentale simulant des conditions de bureau (évaluation de l influence de la QAI sur la productivité des occupants dans des conditions non réelles). Matsuzaka Y, Kikuti YY, Mizutani A et al. Association study between sick building syndrome and polymorphisms of seven human detoxification genes in the Japanese. Environ. Toxicol. Pharmacol. 2010 ; 29(2):190-4. Sous presse en 2009. Article comparant les polymorphismes génétiques parmi des sujets atteints du SBS et des témoins. Pas de données métrologiques dans les bureaux. Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique Indoor air (pollution), Indoor air (quality), Office building, Office environment. 82