PRODUCTION DE RAISINS BIOLOGIQUES



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Transcription:

PRODUCTION DE RAISINS BIOLOGIQUES Ce guide est une initiative du Comité agriculture biologique du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ). Sa rédaction a été rendue possible grâce au Programme de soutien au développement de l agriculture biologique du ministère de l Agriculture, des Pêcheries et de l Alimentation (MAPAQ) et au Fonds végétal du CRAAQ. Ce document est disponible avec photos en couleurs sous version papier reliée

Remerciements L équipe de rédaction et d édition tient à remercier toutes les personnes ayant contribué de près ou de loin à la réalisation de ce document. Merci aussi aux partenaires ayant offert leur appui financier au projet : Le ministère de l Agriculture, des Pêcheries et de l Alimentation La Financière agricole du Québec Agriculture et Agroalimentaire Canada La Fédération d agriculture biologique du Québec Bio-bulle Avertissements Au moment de sa rédaction, l information contenue dans ce document était jugée représentative du secteur de l agriculture biologique au Québec. Son utilisation demeure sous l entière responsabilité du lecteur. Les renseignements relatifs au secteur, aux techniques ou aux produits décrits pouvant avoir évolué de manière significative depuis la rédaction de cet ouvrage, le lecteur est invité à en vérifier l exactitude avant de les utiliser ou de les mettre en application. Les marques de commerce mentionnées dans ce guide le sont à titre indicatif seulement et ne constituent nullement une recommandation de la part de l auteur ou de l éditeur. Il est interdit, sauf pour usage personnel, de reproduire, éditer, imprimer, traduire ou adapter cet ouvrage, en totalité ou en partie, sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, incluant la photocopie, sans l autorisation écrite du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec. Dans le présent fascicule, le masculin englobe le féminin et est utilisé uniquement pour alléger le texte. Pour information ou commentaires Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec 2875, boul. Laurier, 9e étage Sainte-Foy (Québec) G1V 2M2 Téléphone : (418) 523-5411 Télécopieur : (418) 644-5944 Courriel : client@craaq.qc.ca Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec Dépôt légal Bibliothèque nationale du Canada, 2003 Bibliothèque nationale du Québec, 2003 ISBN 2-7649-0114-3 2

Rédaction Jean Duval, agronome, conseiller en agriculture biologique Club agroenvironnemental Bio-action, Sainte-Justine-de-Newton Révision Alain Breault, d.t.a. Viticulture A et M inc., Brigham Jacques Lasnier, directeur Co-Lab R & D, div. Institut de gestion intégrée AG-CORD inc., Granby Richard Lauzier, agronome, conseiller en viticulture MAPAQ, Bedford Édition Lyne Lauzon, biologiste Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec, Sainte-Foy Coordination de la production graphique Marie Caron, conceptrice-graphiste Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec, Sainte-Foy Graphisme Opus communication desing Photos Réjean Bacon, AAC-CRDH Jacques Lasnier, Co-Lab R & D Martin Trudeau, AAC-CRDH 3

Le CRAAQ remercie les membres du Groupe corporatif Partenaires Associés Association des fabricants d engrais du Québec Association des technologues en agroalimentaire Centre d insémination artificielle du Québec Centre d insémination porcine du Québec Fédération des caisses Desjardins du Québec Financement agricole Canada Ordre des agronomes du Québec

Avant-propos En ce début de millénaire, l agriculture biologique est en plein essor partout dans le monde. L engouement des consommateurs pour les produits issus de cette agriculture fait en sorte que la demande dépasse souvent l offre dans plusieurs productions. Au Québec, la plupart des fruits et légumes biologiques sont importés. Dans ce contexte, la production biologique de petits fruits représente un créneau prometteur, d autant plus que les petits fruits sont très périssables et donc, moins faciles à importer que d autres denrées. La production de raisins sous conduite biologique représente toutefois un défi technique, bien qu elle demeure plus facile à réussir que d autres cultures, telle la pomiculture. Ce guide a pour but de fournir l information pratique qui aidera le producteur potentiel autant que le producteur expérimenté à réaliser avec succès la production de raisins biologiques. Cet ouvrage reflète les connaissances actuelles dans le domaine, mais ne prétend pas apporter une solution à tous les problèmes rencontrés. En effet, il reste encore beaucoup à faire pour raffiner les méthodes de production biologique, particulièrement sur le plan de la lutte contre les insectes ravageurs, les maladies et les mauvaises herbes. Il revient à chacun de bien s entourer (conseillers, dépisteurs, etc.), de se renseigner continuellement (colloques, Réseau d avertissements phytosanitaires (RAP) 1, etc.) et de faire ses propres expériences afin de parfaire ses cultures en fonction de son contexte de production. Il y a, en ce moment, très peu d entreprises au Québec qui tirent l ensemble de leurs revenus de la seule culture de raisins biologiques. La plupart des producteurs ont un revenu hors ferme en complément ou encore, ils pratiquent aussi d autres formes de culture. Ceci dit, avec le développement de la demande pour les produits biologiques et le raffinement des méthodes de production, les années qui viennent verront sans doute apparaître plus d entreprises spécialisées dans le domaine. Pour mieux situer la production de raisins sous conduite biologique et mettre en lumière ce qui la distingue du mode de production conventionnelle, il est pertinent de rappeler quelques grands principes de la production biologique et de donner un aperçu de la certification biologique. Grands principes de la production biologique L agriculture biologique implique beaucoup plus que le non-emploi de substances chimiques. Comme son nom l indique, il s agit d un type d agriculture qui met l emphase sur la vie (bio = vie, en grec). Elle s appuie donc sur des principes biologiques, plutôt que physiques ou chimiques, pour produire des denrées agricoles. À la base de toute agriculture se trouve le sol. Un des principes fondamentaux de l agriculture biologique est de NOURRIR LE SOL POUR NOURRIR LA PLANTE. Cette démarche contraste avec l approche conventionnelle qui consiste à fournir des éléments minéraux très facilement disponibles aux plantes par l intermédiaire d engrais solubles. Les matières fertilisantes utilisées en production biologique doivent transiter par les organismes vivants du sol pour que les minéraux qu elles contiennent soient disponibles aux plantes. Ce respect des processus naturels de nutrition des plantes amènerait des bénéfices tant pour la santé des sols que celle des plantes et des gens qui s en nourrissent. En pratique, dans la fertilisation, le producteur tient compte des besoins variés des plantes en utilisant des engrais organiques tels que les composts et les minéraux non transformés. Le recyclage des éléments grâce à la rotation et à l utilisation d engrais verts, même s il concerne moins la culture des raisins, favorise les processus vivants du sol. Un autre principe de l agriculture biologique est de FAVORISER LA BIODIVERSITÉ dans la mesure du possible. Les agroécosystèmes simplifiés ont tendance à être plus fragiles face aux aléas de la production que ceux bénéficiant d une grande diversité. Dans la culture de plantes vivaces telles les raisins (où il n y a pas de rotation), l application du principe de biodiversité implique 1) de conserver des refuges pour accroître la lutte biologique 1 Pour plus d information, consulter le http://www.agr.gouv.qc.ca/dgpar/rap/titre.htm CRAAQ 4

naturelle, 2) d implanter des couvre-sols permanents ou temporaires et 3) de limiter le plus possible l utilisation de pesticides, même naturels, s ils nuisent aux organismes bénéfiques. Le développement de systèmes de production suffisamment en équilibre avec le milieu pour prévenir les problèmes demeure un idéal à atteindre. En pratique, les interventions phytosanitaires demeurent encore inévitables contre certains insectes ravageurs et certaines maladies. Concernant la certification biologique Pour qu un produit agricole du Québec soit vendu sous l appellation «biologique», il doit provenir d une entreprise certifiée par un organisme de certification accrédité par le Conseil d accréditation du Québec (CAQ). Le site Internet du CAQ 2 fournit une liste d organismes présentement accrédités et leurs coordonnées. Au Québec, la plupart des entreprises agricoles et horticoles biologiques sont certifiées par les organismes Québec-Vrai (OCQV) et Garantie-Bio, lesquels sont basés ici même. La certification est accordée à une entreprise seulement si elle respecte le cahier des charges d un organisme de certification. Au Québec, il existe des normes de base communes définies par le CAQ. Les organismes de certification peuvent cependant se doter de normes plus strictes. Les normes du CAQ sont disponibles sur son site Internet. Pour connaître les différents cahiers de charge, il suffit de contacter les organismes concernés. Avant d être certifiées, les parcelles d une entreprise ne doivent pas avoir reçu, pendant un certain temps, d intrants non permis par les cahiers de charge. Dans le cas d une entreprise qui pratique l agriculture conventionnelle, la période de transition sans produit interdit est de trois ans jusqu à la première récolte certifiée. Pour des terres en friche ou n ayant jamais reçu d intrants chimiques, la période de transition peut être moindre. Dans tous les cas, il doit y avoir une année dite de pré-certification (avant la première récolte à certifier) au cours de laquelle un inspecteur est appelé à se présenter sur les lieux de l entreprise. Il faut contacter un organisme de certification dès qu on envisage la production biologique afin d obtenir une copie de ses normes et exigences. L inscription pour la pré-certification n est cependant requise qu en fonction de la première année de récolte biologique prévue. Dans le cas de nouvelles plantations de raisins, l inscription aura lieu, au plus tard, au début de l année précédant la première récolte. Pour les plantations existantes, elle devra se tenir au début de la dernière année de transition. Dans les deux cas, il faut pouvoir démontrer à l organisme de certification qu aucune substance proscrite n a été employée. Des registres doivent être maintenus pour faire foi des opérations réalisées dans les années qui précèdent le suivi de l entreprise par l organisme de certification. Le présent guide tient compte des normes biologiques du CAQ. Dans le cas de certains intrants de production, comme l utilisation de paille en provenance de fermes conventionnelles, les organismes de certification peuvent avoir différentes opinions. En cas de doute, il vaut toujours mieux vérifier l acceptabilité d un intrant AVANT de l utiliser. Bonne exploration dans le monde fascinant de la production de raisins sous conduite biologique. 2 www.caqbio.org CRAAQ 5

Table des matières Introduction Choix du site Systèmes culturaux Espacement Palissage Plantation Taille Choix des cultivars Fertilisation Irrigation Désherbage Couvre-sol permanent Couvre-sol temporaire Insectes nuisibles Altises Cicadelles Tordeuse de la vigne Punaise terne Phylloxéra Autres ravageurs Maladies Mildiou Oïdium Pourriture grise Autres maladies Économie CRAAQ 6

Introduction Il existe trois grands types de vignes : les vignes européennes (Vitis vinifera), les vignes américaines (Vitis labrusca, Vitis riparia et d autres espèces) et les croisements de ces deux types de vignes qui sont appelés hybrides franco-américains. La culture de la vigne au Québec est limitée par la rusticité des cultivars. Les cépages de Vitis vinifera (cabernet, pinot, merlot, par exemple), les vignes à vin classiques, ne sont pas assez rustiques pour notre climat froid. Par contre, la vigne américaine (le cultivar Concord, notamment) peut être rustique. Plusieurs cultivars hybrides sont aussi semi-rustiques ou rustiques. Les plantations de vignes effectuées au Québec dans les années 1980 et 1990 comportent essentiellement des cultivars non rustiques ou semi-rustiques qui doivent être protégés l hiver par buttage. Une nouvelle classe d hybrides créés par un groupe d hybrideurs de l université du Minnesotta est en train de donner un second souffle à la viticulture du Québec. Ces nouveaux cépages de climats froids sont de qualité similaire à des V. vinifera, tout en étant relativement rustiques. Choix du site Il est important de choisir un site qui va permettre la circulation des courants d air froid pour éviter que ce dernier ne s accumule. Les sites en pente sont préférables. Le producteur localisera le vignoble aux trois-quarts supérieurs de la pente. Une pente orientée vers le sud-est ou, selon le site, vers une autre direction bien exposée au soleil mais à l abri des vents dominants est idéale. Si la pente est forte, il faudra orienter les rangées en contre-pente pour prévenir l érosion du sol par l eau. La vigne aime les sols bien drainés, plutôt maigres, chauds et même caillouteux. La qualité du drainage est primordiale plus que tout autre facteur, dont la texture ou le ph du sol, par exemple. L absence de cuvettes où l eau pourrait s accumuler est aussi très importante pour écarter les dommages dus aux gels hivernaux et printaniers et la propagation de maladies telles que le mildiou de la vigne. Ces cuvettes devraient être évitées, drainées ou remblayées. Le type de sol aura une influence directe sur la qualité du raisin et donc, du vin produit. Les sols riches en fer ou en phosphore sont à déconseiller, car ils peuvent amener des problèmes lors de la vinification. En Europe, où sont principalement utilisés les V. vinifera, les viticulteurs considèrent souvent que les sols calcaires et alcalins (ph > 7,0) sont favorables à la production des meilleurs vins. Avec les vignes américaines ou les hybrides, cette adéquation est moins vraie, mais il faut quand même viser un sol ayant un ph près de la neutralité ou peu acide. Comme la vigne exploite le sol en profondeur, il est également bon de s informer de la composition du sous-sol en consultant les études pédologiques de la région où l implantation d un vignoble est envisagée. Un loam graveleux est sans doute la texture idéale. Un site avec des roches, surtout de couleur foncée, va accroître la température à la surface du sol. Tout excès est nuisible à la vigne. Un sol trop argileux va manquer d aération. Un sol trop riche en matière organique va produire un excès de croissance végétative et entraîner potentiellement beaucoup de problèmes d aoûtement, ce qui réduit la résistance au froid des parties ligneuses de la vigne et favorise les ravageurs. Le sol doit avoir au moins 1 m de profondeur sans couche indurée ou lit de roche. Plus le sol est profond (jusqu à 1,75 m idéalement), mieux ce sera pour la vigne. C est pourquoi il est recommandé de «défoncer» le sol avant la plantation d un vignoble, en passant une sous-soleuse en profondeur ou en brassant le sous-sol autrement. Une pratique intensive parfois recommandée consiste à enlever le sol sur le rang avec une pelle mécanique sur 1 m de profondeur et 1 m de largeur, puis à le replacer, question d obtenir un sol profond et meuble. Il est très important de séparer la terre du dessus (humus) du reste de la terre lors de l excavation. La terre de surface est replacée sur le dessus lors de la dernière opération. Le producteur laisse ensuite le sol se tasser pendant l hiver avant de planter au printemps suivant, en s assurant de ne pas compacter la zone travaillée entre temps. Si le ph doit être corrigé, le producteur en profite lors du brassage du sol. Tout ce brassage est un peu contraire au respect habituel du sol en production biologique, mais il semble que ce soit préférable pour la vigne. CRAAQ 7

Systèmes culturaux Deux systèmes sont principalement utilisés dans la culture de la vigne au Québec : le système à rangs buttés pour les cultivars non rustiques et le système à rangs non buttés pour les vignes rustiques (photo 1). Ces deux systèmes diffèrent beaucoup sur plusieurs aspects : travail du sol, présence ou non d un couvre-sol permanent, systèmes de taille à adopter, lutte contre les ravageurs et les mauvaises herbes, espacements, etc. Les deux systèmes peuvent être exploités en conduite biologique. Le système avec buttage exige de rechausser les ceps avec la terre de l entre-rang jusqu à une hauteur d environ 20 à 45 cm vers la fin d octobre. Cette pratique vise à protéger les vignes contre les basses températures hivernales, la terre servant d isolant. Au printemps suivant, dès que le sol peut être travaillé et avant la taille, les vignes sont déchaussées. La plupart des parties non protégées de la vigne seront mortes pendant l hiver. Les cultivars non rustiques tels les Chancellor, Seyval, Vidal, de Chaunac et Geisenheim 322 sont bien adaptés à cette façon de conduire la vigne, car ils ont une grande vigueur et des entre-nœuds courts, ce qui assure une récolte à partir des parties protégées, peu importe la rigueur de l hiver. Les autres cultivars non rustiques (voir tableau 2), bien qu ils aient des caractéristiques intéressantes, sont moins bien adaptés à cette conduite. Les vignes rustiques, qui ne nécessitent pas de protection hivernale, peuvent être plantées à plat ou sur des billons, selon la qualité du drainage. Elles ne nécessitent aucun travail annuel de sol autre que le sarclage. Avec les vignes rustiques, il est possible d adopter un système de taille élevée qui sera maintenu pendant toute la vie de la vigne. Si la vigne est buttée, le producteur se retrouve cependant avec une courte tige et un nœud d où partent les branches fructifères menées en gobelet. La taille des vignes buttées produit des plants compacts à travers lesquels la circulation de l air n est pas toujours optimale, surtout si les cultivars produisent du feuillage en abondance. Le système de vignes buttées est plus exigeant en main-d œuvre et moins confortable que celui de vignes rustiques, car tout se retrouve plus près du sol. Selon une étude réalisée dans des vignobles du sud du Québec par une équipe de chercheurs d Agriculture et Agroalimentaire Canada à Saint-Jean-sur-Richelieu, il présenterait toutefois un avantage face à certains ravageurs. Ainsi, le cycle de la tordeuse de la vigne serait perturbé par les travaux de sol. Enfin, le buttage aide à la lutte contre les mauvaises herbes sur le rang. Espacement L espacement des vignes, que ce soit entre les rangs ou sur le rang, peut varier selon le cépage, le climat, le système cultural et l équipement utilisé. Dans plusieurs régions du monde, les rangs sont espacés de 3 m ou plus. Dans un climat nordique comme au Québec, il serait toutefois préférable de rapprocher les rangs pour que les vignes captent le plus de soleil possible et augmentent ainsi le contenu en sucre de leurs raisins. Des recherches américaines ont établi que des rangs de 2,2 m orientés nord-sud sur un site en pente étaient idéaux pour la vigne en climat nordique. En production biologique, il peut être avantageux de garder les rangs plus espacés pour les variétés sensibles au mildiou et à l oïdium afin de faciliter la circulation de l air, ce qui aidera à réduire l intensité de ces maladies. En pratique, la largeur de la machinerie détermine souvent l espacement entre les rangs. Au Québec, des rangs de 3,1 m (10 pi) sont couramment utilisés pour la vigne buttée, ce qui permet de ramener assez de terre sur le rang pour la protection hivernale. Pour les vignes rustiques, un espacement de 2,7 m (9 pi) suffit, tout en permettant le passage d un tracteur. L espacement sur le rang détermine la densité de plantation. En Californie, la densité est d environ 1 500 vignes à l hectare. En France, les densités peuvent aller jusqu à 7 500 ceps à l hectare, selon les régions. Deux écoles s affrontent ici, l une prétendant comme l autre que les densités utilisées permettent le meilleur rapport quantitéqualité. Il est bon de rappeler que la densité et la méthode de taille sont étroitement reliées. Un faible espacement va donc nécessairement exiger une taille plus sévère chaque année. Dans les vignobles situés en climat nordique, la tendance est d avoir un grand nombre de plants à l hectare qui, grâce aux opérations de taille, auront chacun peu de grappes mais une meilleure qualité et une maturité plus hâtive. Ainsi, plusieurs vignobles de cultivars non rustiques au Québec ont des densités intermédiaires de 3 000 à 4 000 ceps par hectare, ce qui correspond pour des rangs de 3,1 m (10 pi) à un espacement de plus ou moins 1 m sur le rang (à ajuster selon la vigueur de la variété). Dans les plantations de vignes rustiques, les densités peuvent être plus faibles (environ 1,5 à 1,8 m entre les plants), mais le producteur évite les grands espacements de 2 m sur le rang comme il s en voit dans les régions CRAAQ 8

chaudes. Il n y a pas de mauvais espacements. Il faut toutefois retenir que le choix fait à ce sujet va affecter le reste de la conduite du vignoble. Palissage La vigne étant une plante grimpante, le palissage est incontournable. Il doit être très solide, car la vigne et la récolte exercent une grande pression sur les fils et les poteaux. Idéalement, le producteur doit installer les poteaux de support avant même de planter la vigne. Le palissage est relié à la taille. Les systèmes à deux ou trois fils (doublés ou non) ainsi que le système Geneva en T à trois fils sont les plus courants pour la vigne à vin, ce dernier étant le plus recommandable en région nordique pour les vignes rustiques. Pour la vigne à raisins de table, le palissage à un fil peut suffire. Pour des rangs de plus de 30 m de longueur, les poteaux d ancrage à chaque bout du rang auront 2,4 m (8 pi) de long et 15 à 20 cm (6 à 8 po) de diamètre. Pour les poteaux à l intérieur du rang, des poteaux de métal fort ou de cèdre de 12 à 15 cm (5 à 6 po) de diamètre suffiront. En production biologique, le bois traité ne doit pas être utilisé. L espacement entre les poteaux peut varier de 5 à 6 m. La broche à palissage sera de grosseur 12 à 13. En climat nordique, il est recommandé de garder les grappes près du sol pour que celles-ci bénéficient de la chaleur qui s en dégage (photo 2). Avec la vigne rustique, le premier fil est à environ 40 ou 50 cm de hauteur, le deuxième fil, double celui-là, 30 cm plus haut et le troisième encore 30 cm plus haut. Il faut s ajuster selon le type de croissance du cépage. Avec des vignes buttées, les fils doivent être plus bas. Plantation Deux types de plants sont vendus sur le marché : des plants en pots produits en serre à partir de bouture et des plants à racines nues d un an. Le viticulteur commande les plants au début de l hiver précédant la plantation. Les plants en pots ne peuvent être plantés avant juin, car auparavant leurs racines sont trop fragiles. Si le producteur opte pour des plants à racines nues et qu il peut procéder à leur plantation dès leur réception, il doit d abord les tremper pendant 6 à 12 heures dans une solution d eau et d argile avant de les planter. Si la plantation ne peut être réalisée dès la réception des plants, ceux-ci doivent être gardés dans un sol sableux et humide jusqu'à la plantation. Au fur et à mesure de la plantation, le viticulteur coupe les tiges, de façon à ne laisser que deux ou trois bourgeons par cep. L un de ces bourgeons sera choisi comme tige principale l année suivante. S il s agit de plants à racines nues, le producteur peut aussi couper les racines de sorte qu elles ne mesurent que 15 à 20 cm de long, mais pas moins pour ne pas épuiser les réserves. Les racines superficielles sont, quant à elles, complètement coupées. Si le viticulteur opte pour des vignes greffées, il doit choisir des porte-greffes adaptés au type de conduite choisi et à la densité de plantation. Le point de greffe doit être au moins 5 à 8 cm au-dessus du sol. Les bourgeons qui se trouvent sous la terre doivent être enlevés. Dans tous les cas, il faut s assurer que les jeunes vignes ne manquent pas d eau après la plantation. Taille La taille est la principale opération à effectuer dans les vignes et, sans doute, la plus difficile à maîtriser. D elle dépend le rendement, la stabilité des rendements avec les années, la vitesse de maturation des grappes et, dans une bonne mesure, la qualité de la récolte. La taille a pour objectif d équilibrer la vigne. L équilibre consiste à permettre que la plante mette assez d énergie pour préparer la récolte de l année suivante, tout en assurant à l année en cours une bonne récolte en quantité et en qualité. Seule l expérience permet d évaluer si la taille est excessive ou non par rapport au site, aux cultivars, à la qualité recherchée, à l espacement des ceps, etc. Le système de taille Guyot est le plus connu mondialement. Il sera expliqué dans les paragraphes qui suivent. À part quelques exceptions comme le cultivar DeChaunac, les fruits des cultivars utilisés au Québec ne sont produits que sur du bois de deuxième année, rarement sur du bois plus vieux. Comme les deux ou trois premiers bourgeons d une tige fructifère ne produisent pas de fruits sur plusieurs variétés, il faut généralement laisser six bourgeons pour avoir une production fruitière. Ce n est pas le cas avec les variétés à fertilité excessive, comme le Seyval, qui peuvent produire des fruits à partir des premiers bourgeons d une tige. CRAAQ 9

Avec la taille Guyot, il faut toujours laisser sur chaque plant des tiges qui serviront à produire la récolte de l année suivante, soit des tiges de deuxième année, desquelles le viticulteur ne gardera que les deux premiers bourgeons, et des tiges fructifères qu il gardera à six bourgeons et plus selon la variété (figure 1). Figure1. Début de la 1 re année de production (A), taille après une année de production (B) et vigne prête pour une 2 e année de production (C) Tige de remplacement (deux bourgeons sur une tige de 1 an) Tige fructifère (plus de six bourgeons sur une tige de 1 an) Le pointillé indique où tailler Tige de remplacement devenue tige fructifère Tige fructifère devenue tige de remplacement Cordon (bois plus âgé) Tige de 2 ans Selon la vigueur et l espacement des vignes, le producteur gardera une série «tige fructifère tige de remplacement» (Guyot simple) ou deux par ceps (Guyot double), ce qui est plus épuisant pour la vigne. Pour un maximum de production et de qualité, la tige fructifère a avantage à être arquée de façon à ce que les bourgeons du milieu soient plus hauts que ceux du bout, ce qui se fera lors de l attache aux fils. Pour les vignes rustiques, le viticulteur ne gardera en deuxième année qu une tige sur les trois qui auront été produites à la suite de la taille à la plantation. De plus, il ne gardera que les cinq bourgeons terminaux, en prenant soin d enlever les autres. Quand la tige gardée dépasse le fil du haut, le producteur la coupe à la hauteur du fil et l attache. En zone froide, il est recommandé de préserver quelques tiges de remplacement, au cas où adviendrait un froid intense qui fasse mourir la tige principale. Les vignes buttées sont taillées en gobelet sans vraiment de système de formation, l essentiel des points de croissance devant être gardés bas sur le plant où ils peuvent être protégés par le buttage. Le viticulteur peut quand même s inspirer des grands principes ayant été donnés pour la taille Guyot, en retenant toutefois qu avec des cépages comme le Seyval, il y a souvent abondance de repousses à partir du pied de la vigne, ce qui fait qu il est moins important de garder des tiges de remplacement. Par contre, il faut savoir qu il sera difficile de garder six bourgeons ou plus sur les tiges au port dressé qui auront été exposées au froid, d où le peu d intérêt à cultiver des variétés non rustiques autres que les variétés à fertilité excessive et à entre-nœuds courts comme les Seyval, Vidal et Chancellor. Les trois premières années suivant la plantation, le producteur doit enlever les inflorescences, de façon à ce que la vigne se fasse un bon système racinaire avant de produire du raisin. Au cours des années subséquentes, il peut être nécessaire d enlever une partie des grappes de fleurs sur les vignes très vigoureuses (par exemple, les ES-4-7-25) afin d obtenir une récolte de qualité. Une trop grande charge de fruits ferait en sorte que les raisins arriveraient à maturité plus tard. Pour réduire la vigueur d une vigne, il vaut mieux combiner cet éclaircissement à une taille modérée plutôt que de miser seulement sur la taille, car une taille sévère affaiblit la vigne pendant quelques années. CRAAQ 10

Choix des cultivars Il existe un grand nombre de cultivars de vignes non rustiques, semi-rustiques et rustiques. Certains ont fait leurs preuves au Québec, d autres ont été délaissés, de nouveaux continuent d apparaître puisqu il y a présentement beaucoup de développement et d essais de nouveaux cépages. Les résultats de ces essais pourront être consultés sur le site Petits fruits d Agri-Réseau au fur et à mesure de leur disponibilité. Si le but de la plantation est la production de vin, il importe de se familiariser avec les différents cultivars en discutant avec des vignerons. Pour la vinification, les cépages dont les fruits ont un goût foxé (comme le jus de raisins Welch) devraient être exclus. Les tableaux 1, 2 et 3 présentent des cultivars pouvant être cultivés sous le climat québécois. Tableau 1. Caractéristiques des cultivars* de vignes non rustiques pour le Québec Cultivar Usage Particularités Sensibilité aux maladies Baco noir Vin rouge Vigueur excessive, très tardif Peu sensible au mildiou et à l excoriose, moyennement sensible à l oïdium et à la Cayuga Vin blanc Entre-nœuds très longs, très productif si bien protégé Chancellor (Seibel) Vin rouge Tolère mal le cuivre et le soufre DeChaunac Vin rouge Tolère mal le soufre, pourriture grise Moyennement sensible au mildiou et peu sensible aux autres maladies Sensible à l oïdium et au mildiou, peu sensible à l excoriose et au botrytis Moyennement sensible au mildiou et à l oïdium, très sensible à l excoriose port retombant Geisenheim 318 Vin blanc Port érigé Très sensible à l oïdium Geisenheim 322 Vin blanc Très fruité Moins sensible aux maladies que le 318 Seyval Vin blanc Idéal pour buttage Très sensible à l oïdium et à la pourriture grise, moyennement sensible au mildiou et à l excoriose Vidal Vin blanc, de glace Idéal pour buttage Sensible à l oïdium et moyennement sensible au mildiou * Note : Plusieurs autres cultivars non rustiques ont été essayés au Québec pour le système avec buttage mais se sont avéré peu intéressants. Parmi eux, figurent les Chambaudière, Chambourcin, Chardonel, Cynthiana, Delaware, Melody, Niagara, Steuben, Traminette et Vignoles. Les cultivars sensibles aux traitements fongicides à base de soufre ou de cuivre utilisés en production biologique (par exemple, le Chancellor) sont à déconseiller pour le moment, compte tenu de l absence d autres produits de traitements. Tableau 2. Caractéristiques des cultivars de vignes semi-rustiques pour le Québec Cultivar Usage Particularités Sensibilité aux maladies Léon Millot Vin rouge, jus Hâtif, petites Résistant au mildiou et botrytis, sensible à grappes Lucy Kuhlman Vin rouge, jus Hâtif, petites grappes, peu recommandable Maréchal Foch* Vin rouge Hâtif, petites grappes, tolère mal le soufre l oïdium Peu sensible au mildiou et au botrytis, sensible à l oïdium Résistant au mildiou et botrytis, sensible à l oïdium Concord Jus, table Tolère mal le soufre Moyennement sensible au mildiou et à l oïdium, sensible à l excoriose et à la pourriture maculée («Black Rot») Swenson Red Vin rouge, table Très sensible à l oïdium * La majorité des vignes de ce cépage ont été très affectées par l hiver 2002-2003. La plupart des vignerons les ont simplement arrachées au début de l été 2003. CRAAQ 11

Les variétés rustiques peu sensibles aux maladies devraient être privilégiées dans toute nouvelle plantation. Les cultivars non rustiques gèlent à 25 ºC et doivent absolument être buttés avant l hiver. Les variétés dites semirustiques gèlent à 30 ºC et doivent aussi être buttés normalement, du moins en production commerciale. Tableau 3. Caractéristiques des cultivars* de vignes rustiques pour le Québec Cultivar Usage Particularités Sensibilité aux maladies Delisle Vin blanc Hâtif, peu productif Peu sensible aux maladies ES-4-7-25 Vin rouge, jus Résistant aux maladies* ES-5-17 Vin rouge Fertilité excessive Sensible à oïdium* Esprit Vin blanc, jus, À évaluer au Québec Sensible au mildiou raisin de table Fredonia Jus, raisin de table Vigueur excessive Sensible au mildiou et moyennement sensible à l oïdium et l excoriose Frontenac Vin rouge Mi-saison, très acide Moyennement sensible à l oïdium Kay Gray Raisin de table vert Peu sensible aux maladies sauf à l oïdium Lacrosse Vin blanc Hâtif, à évaluer au Québec Sensible à l oïdium* Louise Vin blanc Très productif Résistant aux maladies* Swenson Petits joyaux Raisin de table Résistant aux maladies* rouge sans pépins Michurinez Pas recommandé au Québec Très sensible au virus du court noué Prairie Star Vin blanc Sensible aux carences en bore. Rusticité à confirmer. Peu sensible aux maladies sauf à l oïdium Saint-Pépin Vin blanc, raisin de Exige autre cultivar pour Relativement résistant aux maladies* table pollinisation Sainte-Croix Vin rouge, raisin de table Hâtif, sensible à la coulure, vigueur excessive Sensible au mildiou et à l excoriose, peu sensible à l oïdium 6447 (Montreal Raisin bleu de table Fertilité excessive, tardif (zone Résistant aux maladies Blues) sans pépins, jus 5 seulement) Sabrevois Vin rouge, raisin de Peu sensible aux maladies table, jus Trollhaugen Raisin bleu de table sans pépins Hâtif Un peu sensible à l oïdium et au mildiou Vandal Cliche Vin blanc Fertilité excessive Moyennement sensible au mildiou, à l anthracnose et l excoriose DM-8521-1 Vin rouge Hâtif Résistant aux maladies* Es-6-16-30 Vin blanc, de glace À évaluer au Québec* Résistant aux maladies* Swenson White Vin blanc, de glace, raisin de table À évaluer au Québec* Résistant aux maladies* Notes : * L astérisque indique que l information est peu connue dans le contexte québécois en 2003 ou qu elle provient de l observation d un petit nombre de sites. Certains cultivars rustiques se sont avéré peu intéressants pour les conditions québécoises : Edelweiss, Eona, Ventura. Fertilisation La vigne est frugale. Une fertilisation excessive va seulement produire plus de bois et de feuilles, pas plus de raisins ni de meilleure qualité. Par ailleurs, la fertilisation azotée rend les plants plus sensibles au mildiou en provoquant l allongement rapide des rameaux et un feuillage dense. Toute fertilisation devra donc être prudente. En procédant à l analyse du sol une ou deux années avant la plantation, le viticulteur se laisse le temps de corriger toute carence importante du sol par l apport de compost et de substances minérales autorisées en production biologique; par exemple, de la chaux, du phosphate de roche, etc. C est d ailleurs le seul moment dans la vie de la vigne où l apport de phosphore peut être justifié. CRAAQ 12

Dans les années qui suivent, l observation de la croissance de la vigne fournit la meilleure indication du besoin ou non d une fertilisation de base avec du compost. L analyse de sol aux trois ans permet, quant à elle, de suivre l évolution de la matière organique, du ph et des éléments principaux. Pour une récolte de 8 000 kg/ha de raisins, la vigne exporte en nutriments principaux environ 40 kg d azote, 10 kg de phosphore (P 2 O 5 ) et 55 kg de potassium (K 2 O), ce qui inclut aussi les résidus de taille. La plupart des sols peuvent combler ces besoins en azote et en phosphore seulement par la minéralisation annuelle de la matière organique, surtout si la vigne est sarclée. L élément principal à surveiller et qui nécessitera des apports occasionnels est donc le potassium. Parmi les oligo-éléments, c est le bore qui doit être surveillé. En sol léger, un apport de 100 à 200 kg/ha de potassium est recommandé aux 3 ans, soit 450 à 900 kg/ha (100 à 200 g par plant) de sulfate de potassium et de magnésium. Si le producteur veut apporter ce potassium sous forme de compost, il faudra qu il en applique 20 tonnes ou plus à l hectare et qu il utilise un compost qui aura été protégé des intempéries, car le potassium est facilement lessivé. Si le sol contient un pourcentage appréciable d argile, les apports de potassium pourront être moindres. La vigne est considérée comme une plante exigeante en bore. Une carence en bore se reconnaît sur les feuilles à des plages décolorées (blanc jaune sur les vignes à raisins blancs, rougeâtres sur les vignes à raisins rouges) munies d une bordure jaune et de taches noires (nécroses) en leur centre, surtout près du bord des feuilles. La feuille devient épaisse, boursouflée, puis elle s enroule. Lors d une carence en bore, les feuilles de l extrémité des sarments sont affectées en premier. Les inflorescences peuvent se dessécher complètement avant la floraison. Sur les grappes, le viticulteur observe du millerandage (avortement des grains de raisins), quelques raisins en forme de citrouille et une coulure parfois totale. Les raisins sont bosselés, vert sale et les tissus brunis. Finalement, les rameaux ont une apparence de balai de sorcière et aoûtent mal. Au contraire, un excès de bore se manifeste par la disparition des dents de la feuille. Le bord de la feuille se nécrose et il y a dessèchement entre les nervures. Comme avec la plupart des oligo-éléments, il y a peu de marge entre une carence et un excès en bore. Il faut donc être prudent. L analyse foliaire révèle mieux que l analyse de sol si la plante peut combler ses besoins en bore, car la plante exploite autant le sol que le sous-sol. Le moment idéal pour une analyse foliaire est en pleine floraison. Il suffit de prendre seulement les pétioles (base de la feuille) des feuilles opposées aux grappes à la base de la tige. Idéalement, des analyses distinctes sont réalisées pour les différents cépages et les différents sols. Il faut prendre entre 60 à 80 pétioles par échantillon. Un niveau normal de bore devrait se situer entre 30 et 80 ppm. Pour apporter du bore, le producteur peut soit l appliquer au sol à la volée à raison 7 kg/ha de borate, soit le pulvériser au sol à raison de 2 à 3 kg/ha de SOLUBOR (1 kg dans 350 L d eau maximum) ou encore effectuer avant la nouaison deux ou trois applications foliaires d une solution de 1 kg de SOLUBOR dans 1000 L d eau. L application foliaire est la plus facile à réaliser et peut se combiner à une application fongicide. Cependant, l application au sol est préférable s il faut remonter de beaucoup le niveau de bore. Une petite dose chaque année est préférable à de grosses doses espacées de plusieurs années, surtout en climat humide et sur un sol léger où le bore est facilement lessivé. Irrigation Comme la vigne a un système racinaire profond, il est rarement conseillé d irriguer, sauf l année de la plantation ou si le but est de produire du raisin de table en abondance. Les meilleurs vins sont produits à partir de raisins venant de vignes qui ont un peu de misère! Désherbage Il est important d effectuer une bonne lutte contre le chiendent et les autres mauvaises herbes vivaces pendant une ou deux saisons avant d implanter la vigne. Dans ce but, le viticulteur pratique une jachère pour faire sécher les rhizomes de chiendent, suivie de cultures d engrais verts en succession. Le désherbage différera selon que le producteur opte pour un système de vignes buttées ou non. Un paillis de plastique peut être utilisé pendant les premières années avec les vignes rustiques, ce qui facilite beaucoup le désherbage. Une toile de paillage tissée de qualité peut aussi être employée. CRAAQ 13

Le système avec buttage offre l avantage de bien lutter contre les mauvaises herbes vivaces sur le rang puisque, chaque année, le viticulteur bouleverse la terre près du rang et dans l entre-rang. Ce brassage va, par contre, favoriser la germination de mauvaises herbes annuelles. Pour le désherbage sur le rang, il existe des sarcloirs spécialement conçus pour la vigne, notamment le sarcloir Weed Badger 3 ou les lames vibrantes à vignes Bezzerides 4. Sur les jeunes vignes, certains producteurs ontariens utilisent les lames vibrantes pour plantes maraîchères. Ces appareils désherbent non seulement près des plants mais aussi entre les plants, ce qui évite d avoir à faire un sarclage manuel par la suite. Des sarcloirs maison peuvent aussi être bricolés. Un rotoculteur de tracteur passé à peu de profondeur peut être utilisé, mais il faudra finir le travail à la main entre les plants. Pour l entre-rang, si le sol est maintenu à nu toute la saison ou une partie de la saison avant le semis d un couvresol temporaire, un vibroculteur ou une herse à disque peuvent permettre d exercer une lutte convenable contre les adventices. Couvre-sol permanent L utilisation d un couvre-sol permanent n est envisageable que pour les vignes rustiques (tableau 4). En production conventionnelle, les mélanges composés uniquement de graminées sont recommandés parce qu ils seraient moins en compétition pour l eau que les légumineuses, ce dont il n est pas si sûr selon des recherches réalisées dans l état de New York. Il faut aussi leur apporter de l azote de temps en temps. En production biologique, les producteurs préfèrent mettre un peu de légumineuses dans les mélanges afin d éviter la compétition pour l azote avec la vigne. Tableau 4. Principales espèces recommandées comme couvre-sol permanent avec les vignes rustiques Espèce Taux de semis (kg/ha) Fétuque rouge 70-80 Raygrass vivace 25 Trèfle blanc 2 Trèfle rouge 8 La fétuque rouge a l avantage de passer en dormance en été, ce qui fait qu elle compétitionne peu pour l eau avec la vigne. Comme elle est longue à s établir, il vaut mieux la semer en mélange. Le producteur peut aussi ajouter du pâturin du Kentucky, qui reste court. Le mil et le dactyle poussent plus haut et offrent trop de compétition pour l eau. Le raygrass vivace est un peu plus agressif que la fétuque : il s établit plus vite. Par contre, il est peu persistant. Le trèfle blanc peut être introduit dans le mélange, mais il faudra l empêcher d envahir les rangs. Le trèfle rouge peut également convenir. Il sera toutefois peu persistant à moins de le laisser se ressemer. Il est mieux de semer le mélange choisi en août alors que la compétition offerte par les mauvaises herbes est faible. Couvre-sol temporaire Dans la culture de la vigne, le producteur recherche une disponibilité maximale de l eau en début de saison, de façon à ce que la plante ait un fort développement qui va se traduire en un rendement élevé en fruits. Par contre, quand les fruits terminent leur formation, la disponibilité de l eau doit au contraire être limitée, de façon à ce que les sucres se concentrent dans les fruits. Le viticulteur peut obtenir cet équilibre idéal en utilisant la technique du couvre-sol temporaire, autant avec des vignes rustiques non buttées que des vignes non rustiques buttées. Avec cette technique, le sarclage effectué en début de saison est suivi, au milieu de l été (début août), du semis d un engrais vert comme le raygrass annuel qui va compétitionner avec la vigne pour l eau. Le raygrass meurt à l hiver et laisse un couvert de chaume qui va protéger le sol. Les mauvaises herbes vont quand même se développer au printemps mais moins rapidement que sur un sol nu. Le producteur sème le raygrass à raison de 25 kg/ha à 1 cm de profondeur. Il vaut mieux passer un rouleau après le semis pour favoriser la germination. Le raygrass italien reste plus court que celui de type Westerwold qui fait des tiges plus fortes. 3 Pour plus d information, consulter le site Internet www.weedbadger.com 4 Voir le site www.bezzerides.com CRAAQ 14

Insectes nuisibles Les insectes ravageurs de la vigne sont mieux connus au Québec depuis qu une équipe du Centre de recherche et de développement en horticulture d Agriculture et Agroalimentaire Canada, à Saint-Jean-sur-Richelieu, en collaboration avec le secteur privé, s est penchée sur la question. Dans les paragraphes qui suivent, est présenté l essentiel de l information sur ces arthropodes ravageurs retrouvés au Québec. Aucun ne semble causer de dommages économiques importants pour le moment sous nos conditions. Altises Les altises sont de petits coléoptères qui sautent lorsqu ils sont dérangés. Elles grignotent des trous dans le feuillage, sans s attaquer aux raisins. Elles sont un problème surtout les premières années, le temps que les plants prennent de la vigueur et qu un équilibre écologique se développe dans le vignoble. Au Québec, trois espèces d altises peuvent être trouvées dans les vignes : l altise de la vigne (Altica chalybea), la petite altise de la vigne (Altica woodsi) (photo 3) et l altise à tête rouge (Sytena frontalis). Les deux premières espèces apparaissent tôt au printemps dans les vignes. Elles sont au stade adulte lorsqu elles arrivent de leur site d hibernation (boisés, friches, etc.) pour grignoter les bourgeons des vignes avant et pendant le débourrement, puis s'alimenter de jeunes feuilles, ce qui peut causer des dommages importants. Les infestations surviennent de façon périodique lorsque les conditions météorologiques sont propices à leur migration. L altise à tête rouge (photo 4) est généraliste et se retrouve sur plusieurs plantes, dont le maïs. La ponte de l altise a lieu sur la vigne. Elle ne produit qu'une génération complète par année. La seconde génération d adultes qui passera l hiver sous cette forme fait moins de dommages que la première. Les dommages surviennent à la fin de l été. Ils sont souvent très localisés et en bordure du vignoble. Pendant les premières années, il est recommandé d installer des pièges jaunes collants ou même du ruban jaune collant dans les vignes pour capturer les altises. Cicadelles Plusieurs espèces de cicadelles peuvent être observées sur la vigne au Québec. La cicadelle du raisin (Erythroneura comes) (photo 5) et ses proches parentes, la cicadelle de la vigne (Erythroneura vitis) et la cicadelle à trois bandes (Erythroneura tricincta) hibernent ici. À leur émergence au printemps, les adultes se nourrissent sur diverses plantes, dont la vigne sauvage, jusqu'à ce que les feuilles de la vigne cultivée soient déployées. Les femelles pondent leurs œufs sur la vigne. Par la suite, des nymphes et des adultes peuvent être trouvées jusqu'à la fin d octobre. Les cicadelles sont des insectes piqueurs-suceurs. Leurs dommages se reconnaissent au blanchiment des cellules dans les zones attaquées. Quand elles sont nombreuses, les cicadelles peuvent affecter la croissance de la vigne, tacher les fruits avec leurs excréments (miellat) et amener le développement d une fumagine. La cicadelle de la pomme de terre (Empoasca fabæ) arrive du sud par migration et pond ses oeufs sur la vigne et sur plusieurs autres plantes au début du mois de juillet. Même si des adultes et des nymphes sont retrouvées tout le reste de la saison, le pic de densité des nymphes (photo 6) survient vers la fin du mois de juillet au sud du Québec. Comme pour les autres cicadelles, leur action produit des zones blanchâtres ou vert-pâle et fait se recroqueviller le bord des feuilles à cause des toxines qu elles injectent lors de leur nutrition. Peu de choses peuvent être faites contre les cicadelles sur la vigne en production biologique. De toute façon, les traitements sont rarement justifiés, même avec des populations importantes. Les très jeunes plantations sur de petites superficies peuvent être recouvertes de bâches protectrices, au besoin. Tordeuse de la vigne La tordeuse de la vigne (Endopiza viteana) est le principal insecte ravageur de la vigne dans le nord-est de l Amérique du Nord. Au Québec cependant, les niveaux d infestation observés dans les vignes buttées ne justifient généralement pas d intervention. Les dommages sont causés par la chenille qui se nourrit de bourgeons, de petites tiges ou de raisins en formation, et qui creuse les fruits, souvent plusieurs par grappes, en laissant des traces d excréments et des soies derrière elle (photo 7). Les blessures aux baies, à maturité, favorisent le développement du champignon responsable de la pourriture grise. Les papillons adultes émergent dès le début de l été. La ponte se fait sur les bourgeons, les petites tiges, les raisins en formation et, plus tard, directement sur les fruits. Les chenilles, visibles dès le début de juillet, se tissent CRAAQ 15

un cocon, après leur plein développement, en repliant le bord de la feuille. Il y aurait une ou deux générations par année. La dernière génération passe l'hiver dans le sol au stade de chrysalide. Au Québec, l importance de la tordeuse de la vigne comme ravageur dans un vignoble non butté est pour le moment inconnue. L installation de pièges à phéromone Multi-Pher I de 3M permet d effectuer le dépistage, bien qu il y ait peu de relation entre les captures et les dommages. Dans l état de New York, le seuil d intervention a été fixé à 3 % des grappes infestées par les tordeuses à la fin de juillet. La tolérance face à ce ravageur est plus élevée pour les raisins destinés à la vinification ou au jus que ceux destinés à la consommation à l état frais. En prévention contre cet insecte, il serait bon d enlever les vignes sauvages à proximité, surtout dans les boisés où les chrysalides hivernent avec succès. Punaise terne Les adultes et les nymphes de la punaise terne (Lygus lineolaris) piquent les bourgeons et les fruits en formation sur la vigne, ce qui peut provoquer leur chute. L importance économique des dommages ainsi causés n est pas connue au Québec. Phylloxéra Ce puceron (Phylloxera vastatrix) au cycle de vie compliqué cause d importants dommages sur les variétés de Vitis vinifera (2,5 millions d hectares de vignes arrachées en France, lors de son apparition au 19 e siècle!), mais il n affecte pas les vignes rustiques et peu les hybrides franco-américains qui ont été développés principalement pour résister à ce puceron. Une première forme du phylloxéra provoque des galles sur les feuilles sans faire de dommages économiques. Une deuxième forme provoque des nodosités aux racines qui peuvent être des portes d'entrée pour certaines maladies. Au Québec, cette forme est peu présente et ne cause pas de dommages économiques. Autres ravageurs Le charançon anneleur de la vigne (Ampeloglypter ater) est un petit coléoptère. La femelle pond ses œufs au printemps dans les jeunes pousses de vigne. Après la ponte, elle trace deux anneaux, l un 10 à 15 cm au-dessus du site de ponte, l autre juste au-dessous de ce site. L'extrémité de la jeune pousse va se briser et tomber, puis le reste de la tige dépérit et tombe à son tour. La larve sort de la tige et complète son cycle dans le sol. La production fruitière s en trouve indirectement peu ou pas affectée. Le charançon anneleur de la vigne donne naissance à une génération par année. Pour se débarrasser de cet insecte, il suffit de tailler les tiges affectées au début de l été et de les détruire en les brûlant aussitôt. Le scarabée du rosier (Macrodactylus subspinosus) est un coléoptère brun-beige d environ 8 à 10 mm de longueur, recouvert de poils denses. L adulte peut manger fleurs, fruits et feuilles de la vigne, mais les dommages sont peu importants, en général. L alypie à huit points (Alypia octomaculata) est un papillon d environ 20 mm de long et 30 mm de large. Il est noir et compte huit taches sur ses ailes. Ses chenilles grignotent les feuilles de la vigne sans causer de dommages importants. Les tétranyques (acariens) et les vers gris peuvent entraîner des problèmes à l occasion. L introduction de prédateurs naturels est l avenue à privilégier advenant un problème important avec les acariens. Maladies Le mildiou de la vigne et l oïdium de la vigne sont les deux principales maladies qui affectent cette culture, tant au Québec qu ailleurs dans le monde. Les autres maladies, comme l excoriose et le botrytis, sont moins fréquentes sous nos conditions. Mildiou Le mildiou de la vigne, la plus importante maladie de la vigne sous notre climat, est causé par le champignon Plasmopara viticola. Celui-ci hiverne sur les feuilles mortes au sol. En présence d eau au printemps, les spores du CRAAQ 16

champignon germent et produisent un autre type de spores qui causeront l infection primaire, atteignant les feuilles par le biais des éclaboussures d eau. Si le feuillage est couvert d eau pendant la nuit et que les températures atteignent entre 10 et 30 ºC, les infections primaires produisent à leur tour des sporanges. Ceux-ci seront responsables d infections secondaires et de dommages aux fruits (photo 8) si les conditions humides persistent pendant quatre heures ou plus, le jour suivant. Un été pluvieux cause beaucoup d infections secondaires tandis qu un printemps frais et humide favorise les infections primaires. Le mildiou se reconnaît sur les feuilles de la vigne à l apparition de taches huileuses et jaunâtres sur le dessus, suivie du développement d un duvet épais et blanchâtre sur le dessous des feuilles. Ces taches brunissent et laissent un trou. Le même duvet apparaît sur les sarments (photo 9) et l infection fait recourber leur extrémité à la façon d une canne ou d un S. Le mildiou peut aussi causer le dessèchement et le brunissement des fleurs, de même que la courbure en S du pédoncule de la grappe. Du duvet blanchâtre peut également se retrouver sur les jeunes raisins infectés. Les raisins plus avancés auront des taches brunâtres qui se dépriment, aussi appelées «rot brun». L utilisation de cultivars résistants ou moins sensibles est une première mesure de prévention contre le mildiou. Par ailleurs, il ne doit pas y avoir de flaques d eau dans le vignoble. Il faut assurer une bonne circulation de l air en effeuillant et en taillant les vignes afin de favoriser le séchage rapide des plants. Si possible, il faut éviter de travailler le sol lorsqu il est humide. Il ne faut jamais enrouler les extrémités des pousses autour du fil, mais plutôt les couper et toujours favoriser l évacuation de l eau sur la surface du feuillage lors de l attache. Le mildiou fait son apparition presque tous les ans sur les mêmes portions de vignes, des endroits plus humides ou abrités. Au printemps, l apparition du mildiou peut s évaluer avec la règle du 10-10-24 qui vient d Australie. Il faut que la température soit supérieure à 10 ºC et qu il y ait plus de 10 mm de pluie en 24 heures. Les spores vont germer si le sol est mouillé plus de 16 heures et les feuilles seront contaminées si elles restent mouillées plus de 2 heures après une pluie qui suivrait cette période de 16 heures. Le produit de traitement habituel en production biologique est la bouillie bordelaise 2 % qui n a qu une action préventive. Il n existe pas de fongicides systémiques qui soient autorisés en production biologique. Il faut donc couvrir les nouveaux tissus au fur et à mesure. Recette de bouillie bordelaise Il est moins coûteux de faire soi-même la bouillie bordelaise, mais il existe aussi des formulations commerciales (par exemple, KOCIDE, PARASOL). Avant d utiliser une préparation commerciale, le viticulteur doit vérifier son acceptabilité auprès de l organisme de certification biologique. La bouillie bordelaise doit idéalement être faite juste avant son utilisation. Le producteur met 1,3 kg de chaux hydratée dans 50 L d eau ou directement dans le pulvérisateur. Dans un autre récipient, il met 2 kg de sulfate de cuivre (par exemple, le CUIVRE CLEAN CROP 53M) dans 50 L d eau. Après avoir brassé, il verse la solution de cuivre dans celle de chaux et brasse le tout. Un surfactant peut être ajouté. Cette méthode est moins pratique que de tout brasser dans le pulvérisateur, mais elle donne une bouillie plus stable qui ne produira pas de grumeaux. Le traitement doit couvrir la face inférieure des feuilles, celle où se produit l infection, d où l importance de disposer d un pulvérisateur haute pression à verger qui sera adapté pour la vigne. Il faut compter entre 500 et 1000 L de bouillie pour couvrir un hectare de vigne, selon le développement du feuillage. En général, le viticulteur doit faire de quatre à six traitements de bouillie bordelaise dans une saison contre le mildiou de la vigne sur les cultivars sensibles à cette maladie. Le premier traitement a lieu quand les rameaux neufs ont environ 30 à 50 cm de longueur. Un deuxième traitement est réalisé juste avant la floraison. Les suivants sont effectués environ une fois par semaine. Il est très important de ne JAMAIS FAIRE DE TRAITEMENT PENDANT LA FLORAISON avec la bouillie bordelaise, car cela provoque l avortement des fleurs non fécondées (c est-à-dire la coulure) ou la perte des grappes. Un troisième traitement, très important, doit être effectué juste après la floraison, puis un autre entre la CRAAQ 17

nouaison et la grappe fermée et un dernier entre la grappe fermée et la véraison. Le viticulteur traite de nouveau s il y a pluie abondante. Étant donné les problèmes d accumulation de cuivre dans les sols des vignobles, les normes biologiques européennes limitent la quantité de cuivre pouvant être appliquée dans une même année. Même si ces prescriptions ne sont pas encore exigées ici, il est bon de commencer à considérer les solutions de rechange à la bouillie bordelaise. Il y a d abord les autres produits de cuivre (oxychlorure, etc.) qui présentent quand même des risques de phytotoxicité pour la vigne, mais qui permettent d appliquer de plus petites quantités de cuivre à l hectare avec autant d efficacité que la bouillie. Il y a aussi les extraits de compost. Il est toutefois difficile d obtenir une composition constante de microorganismes antagonistes dans la fabrication de ces extraits, ce qui rend leur efficacité variable. D autres traitements efficaces contre le mildiou de la vigne devraient être disponibles pour la production biologique d ici quelques années, étant donné la recherche intensive qui se fait sur le sujet, principalement en Europe. Oïdium L oïdium, aussi appelé «blanc», est causé par le champignon Uncinula necator. Cette maladie préoccupe parce qu elle affaiblit les plants, mais surtout parce que, si plus de 3 % des fruits sont infectés, le vin produit aura mauvais goût. Le champignon responsable de l oïdium passe l hiver sur l écorce de la vigne sous la forme de toutes petites boules noires, appelées cléistothèces, qui produisent les spores responsables de l infection primaire au printemps. Pour que l infection primaire ait lieu, l écorce doit être mouillée pendant plus de 12 heures, et même plus longtemps lorsque les températures sont inférieures à 15 ºC environ. L infection secondaire aura lieu si des taches blanches caractéristiques sont présentes sur le feuillage de la vigne (photo 10) lors du dépistage et que les températures se situent entre 21 et 27 ºC et que le temps est humide mais sans pluie. L oïdium se reconnaît à l apparition, au printemps, de taches huileuses semblables à celles du mildiou, mais plus petites, et au noircissement des nervures sous la feuille. Les feuilles les plus près de l écorce sont les premières touchées. Un feutre poudreux, mince et blanchâtre apparaît ensuite sur les parties de feuilles qui ne sont pas exposées au soleil. Les structures d hivernation du champignon se voient sur les feuilles en fin de saison. Sur les branches, l oïdium produit des taches étoilées grises de quelques centimètres de diamètre qui tournent au foncé en cours de saison (photo 11). Sur les grappes, les symptômes se traduisent par l apparition d une couche farineuse sur les fruits, suivie du dessèchement de ces derniers ou de leur pourriture et de leur chute. Le choix de variétés peu sensibles à l oïdium constitue une première mesure de prévention. Le dépistage et le premier traitement préventif consistent à examiner la vigne chaque semaine, dès la deuxième semaine après l éclatement des bourgeons. Il faut tout de suite enlever toutes les feuilles affectées et le bout de la tige qui les supporte. Le viticulteur prend aussi le soin d identifier la zone où se trouvent les plants affectés. À la prochaine visite, il examine de près les zones qu il a ainsi identifiées. Si plus de 10 % du vignoble est affecté, il vaut mieux qu il traite. En production biologique, le traitement habituel contre l oïdium fait appel au soufre microfin. L effet du soufre dure de 6 à 12 jours. Il est préférable de traiter par temps sec et beau, car ce sont les vapeurs du soufre qui tuent le champignon. Les traitements avant la floraison sont les plus importants. S il y a eu beaucoup d oïdium l année précédente, le producteur peut traiter dès le stade 3-4 feuilles avec 3 à 4 kg/ha de soufre. Le premier traitement a lieu normalement au stade 5-6 feuilles à raison de 4 kg/ha de soufre; le second, avant ou pendant la floraison à raison de 4 à 5 kg/ha. Par la suite, il faut traiter seulement si la pression de la maladie et les conditions climatiques le justifient, parfois seulement de façon localisée avec 5 à 6 kg/ha de soufre. Après la floraison, les traitements au soufre sont à éviter le plus possible, car ils amènent des problèmes lors de la vinification. S il faut traiter contre l oïdium pendant les températures élevées de l été, il vaut mieux préférer le poudrage avec 20 à 25 kg/ha de soufre plutôt qu une pulvérisation de soufre microfin. CRAAQ 18