DOSSIER : MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES. Quelques articles par André Noël, La Presse



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Transcription:

1 DOSSIER : MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES Quelques articles par André Noël, La Presse Les deux premiers articles constituent le dossier d enquête publié le 22 février 2003. Les autres articles constituent le suivi de cette enquête. La Presse Nouvelles générales, samedi 22 février 2003, p. A1 Des millions en primes illégales versés aux pharmaciens Noël, André Les fabricants de médicaments génériques versent chaque année environ 500 millions de dollars en ristournes, primes et rabais à 85 % des pharmaciens du Québec et d'autres provinces canadiennes plutôt que de baisser le prix de leurs médicaments, selon une enquête menée depuis deux mois par La Presse. Cette pratique est carrément illégale au Québec. La Régie de l'assurancemaladie ( RAMQ ) prépare à ce sujet d'importantes poursuites judiciaires. Le Bureau de lutte contre l'évasion fiscale du ministère québécois du Revenu a également ouvert un dossier. Le montant des remises varie entre 35 et 50 % du prix des médicaments, indique un document interne et confidentiel d'un fabricant reconnu, que La Presse a obtenu. Plus conservateur, l'ordre des pharmaciens du Québec évalue ce pourcentage à 28 %: cette corporation professionnelle n'a pourtant pris aucune sanction contre ses membres qui acceptent les ristournes en violation du code de déontologie. Les ventes annuelles de médicaments génériques ont dépassé 1,8 milliard au Canada l'année dernière, selon la firme IMS Health. Cela donne une idée de l'ampleur des rabais, dont ne profite pas la population. Les génériques sont des copies de médicaments innovateurs dont le brevet est tombé dans le domaine public. Par exemple, depuis 1998, au moins 10 compagnies ont mis sur le marché des antidépresseurs identiques au Prozac breveté par la société Eli Lilly en 1976 et commercialisé en 1989. À elle seule, la RAMQ a remboursé l'année dernière 196 millions de dollars de médicaments génériques aux personnes qui ne sont pas couvertes par une police d'assurance privée. Le ministre de la Santé demande aux fabricants de lui garantir les meilleurs prix et remet les listes de prix à jour trois ou quatre fois par année. Or, les prix des génériques ne reflètent en rien les frais de production. Ces derniers ne représentent qu'une toute petite fraction du prix, peut-être 10 %, selon Neil Palmer, de la firme de consultants Palmer d'angelo, spécialisée dans l'industrie pharmaceutique et basée à Ottawa. En effet, les fabricants de génériques ont peu de recherches, d'études cliniques et de développement à faire:

2 les molécules sont décrites en détail dans les brevets publics. Il reste à effectuer les tests de bioéquivalence, qui garantissent à Santé Canada que les molécules sont identiques à celles des médicaments d'origine. "Au Canada, parce que les prix des génériques sont fixés ( par les gouvernements ), les fabricants ne se font pas concurrence sur les prix, mais sur les autres services et bénéfices qu'ils peuvent offrir à leurs clients pharmaciens", note M. Palmer dans un rapport intitulé Generic Drug Prices: A Canada US Comparison. "Ces services et bénéfices peuvent faire baisser le vrai prix pour les pharmaciens, mais pas pour les payeurs ultimes ( les régimes d'assurancemédicaments gouvernementaux, les tierces parties ou les patients ), qui payent les prix publiés." Les ristournes signifient que la RAMQ- et les autres polices d'assurance-médicaments provincialespayent des prix artificiellement gonflés, 156 % plus élevés qu'aux États-Unis. À titre de comparaison, le flacon de 500 comprimés de Captopril de 50 milligrammes- un antihypertenseur- peut se vendre seulement 23 $ canadiens aux États- Unis. Les hôpitaux de Montréal, qui procèdent par appel d'offres, paient ce flacon 92 $. La RAMQ, elle, le paie 279 $! Comme les médicaments génériques ont tous le même prix, la même composition, la même forme et la même couleur, les vendeurs tendent de se distinguer auprès des pharmaciens en leur offrant les meilleurs rabais et cadeaux. "Pour que tu acceptes ( les médicaments ) d'une compagnie plutôt que d'une autre, il faut que tu aies un avantage à passer leurs produits, a reconnu un pharmacien de Laval, qui a requis l'anonymat, lors d'un entretien. C'est aussi simple que ça. C'est pas légal de faire ça. Si ça paraît dans le journal, on va avoir l'air de Joe Bloe, nous autres." Informé que La Presse s'apprêtait à publier un dossier sur ce sujet, hier, Normand Bonin, président de l'association québécoise des pharmaciens propriétaires, a défendu l'acceptation des ristournes par la grande majorité de ses 1500 membres. "Les fabricants de médicaments génériques ont recours à des pratiques commerciales similaires à ce qui se trouve dans n'importe quel domaine de distribution de produits de consommation, a-t-il dit, hier. En aucun temps, ça n'influence le jugement des pharmaciens ou défavorise le patient. Pour les fabricants, il s'agit d'une dépense de marketing. La population n'est pas lésée." De son côté, Me André-Gaétan Corneau affirme que cette pratique entraîne des pertes importantes pour la RAMQ, mais il se dit incapable d'en mesurer l'ampleur. Selon l'enquête de La Presse, ces pertes varient entre 55 et 80 millions par année pour le régime public québécois seulement. La Régie doit ensuite partager la facture entre les contribuables et ses cotisants, c'est-à-dire 3,2 millions de

3 Québécois parmi les moins fortunés, comme les personnes âgées, les assistés sociaux et les travailleurs autonomes ou à faible revenu. Les compagnies d'assurance-médicaments privées suivent les prix publiés par la RAMQ et, par conséquent, paient également les médicaments trop cher et doivent elles aussi augmenter leurs primes. 2003 La Presse. Tous droits réservés. Numéro de document : news 20030222 LA 0004 La Presse Nouvelles générales, samedi 22 février 2003, p. A8 Médicaments: La facture gonflée Des chèques-cadeaux et des voyages dans le sud Noël, André Quatre fois par année, le représentant d'une importante compagnie de médicaments génériques reçoit à son appartement des liasses de chèquescadeaux de la Société des alcools du Québec, de Loblaws- Provigo, de La Baie, des Ailes de la mode et de Costco, d'une valeur totale d'environ 100 000 $. Le vendeur classe les bons et les insère dans des enveloppes au nom de pharmaciens du Grand Montréal. Puis, au cours des jours suivants, il fait sa livraison, s'arrêtant à chacune des pharmacies qui ont vendu les médicaments au cours des trois mois précédents. Ses clients échangent ensuite les chèques contre des bouteilles de vin à la SAQ, des vêtements aux Ailes de la mode, etc. ou encore les offrent à leurs amis ou aux membres de leurs familles. Pour convaincre les pharmaciens de vendre leurs médicaments plutôt que les médicaments identiques de leurs concurrents, les vendeurs de génériques rivalisent d'imagination. Les ristournes prennent toutes les formes : chèques-cadeaux, argent liquide, voyages dans le Sud, appareils de cinéma-maison, ordinateurs, voitures, motocyclettes, etc. Peu de ces rabais sont déclarés à l'impôt. Les remises les plus " propres " prennent la forme de " journées santé ". Des fabricants payent aux pharmaciens des visites d'infirmières ou de diététistes dans leurs pharmacies, ainsi que des tests de diabète ou de cholestérol. Souvent, les fabricants remboursent les frais de ces journées aux pharmaciens à un prix totalement démesuré, qui n'a rien à voir avec les services rendus. Par exemple, si un pharmacien a déboursé 300 $ pour faire venir une infirmière dans sa pharmacie, il réclame 1000 $ au fabricant de génériques. D'autres vendeurs confient des mots de passe électroniques à des pharmaciens pour leur permettre de commander à peu près n'importe quel bien de consommation dans des sites Web confidentiels, selon un système de points très complexe. Toutes les commandes de médicaments sont consignées dans des banques de

4 données, ce qui donne droit à un certain nombre de points et donc d'achats en ligne. En décembre dernier, un fabricant a offert à ses clients pharmaciens et à leurs conjoints un banquet de Noël à 500 $ le couvert au marché Bonsecours dans le Vieux-Montréal, suivi d'un spectacle. " On estime que le montant des ristournes est d'environ 500 millions de dollars par année au Canada, en excluant les hôpitaux, qui n'en reçoivent pas, et les quelque 15 % de pharmaciens qui les refusent pour des raisons d'éthique professionnelle ", a indiqué une source très bien informée au sein de l'industrie, qui a requis l'anonymat. " À mon avis, c'est un des scandales les plus importants au pays. Des centaines de personnes sont au courant : les dirigeants et les représentants des compagnies, la majorité des pharmaciens et presque toutes les bannières, comme Pharmaprix et Jean- Coutu. Pourtant, très peu d'informations ont circulé jusqu'à maintenant dans le public. " La Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ) a lancé une investigation en profondeur, la deuxième en cinq ans. Les enquêteurs ont remis leur rapport le 31 janvier. À moins d'un revirement inattendu, une série de poursuites judiciaires seront déposées contre les principaux fabricants au printemps prochain, a confié à La Presse Me André-Gaétan Corneau, qui est à la fois secrétaire et procureur en chef de la RAMQ. Revenu Québec mène également sa propre enquête. " Le ministère du Revenu est sensibilisé au phénomène des avantages reçus par certains pharmaciens en lien avec leurs achats de médicaments, a indiqué à La Presse Alain Dufour, directeur principal des enquêtes de Revenu Québec. Le Bureau de lutte contre l'évasion fiscale est très conscient de la problématique. Un dossier a été ouvert à ce sujet." " À noter que le ministère du Revenu s'intéresse au traitement fiscal de ces ristournes par les pharmaciens, lors de la production de leur rapport d'impôt. Si le Ministère découvre que l'impôt n'a pas été payé ou que les taxes n'ont pas été remises, des cotisations seront adressées aux personnes fautives. " Un rappel à l'ordre Le 23 avril 2002, Me Corneau et Denyse Demers, directrice du Conseil consultatif de pharmacologie du Québec, ainsi que Duc Vu, président de la RAMQ, ont convoqué les fabricants de génériques à une réunion d'information à l'hôtel Delta à Montréal. Les fabricants étaient représentés par plus de 50 personnes, dont certains présidents et viceprésidents de compagnies établies en Ontario, parfois accompagnés de leurs avocats. "Notre premier objectif, c'est de vous faire un rappel des dispositions de la Loi sur l'assurance-médicaments et du règlement", a alors déclaré Me Corneau, selon les propos qu'il a rapportés ensuite à La Presse. "Notre deuxième objectif, c'est ceci: on

5 va relire ensemble l'engagement du fabricant, ce qu'il contient, pour bien nous assurer que vous en compreniez à la fois les limites et la portée... On vous annonce qu'en ce qui nous concerne, à la suite des rapports de nos enquêteurs (sur le système de ristournes), c'est tolérance zéro. Cette fois-ci, compte tenu qu'il y a des fabricants qui ont signé un engagement de ne plus pécher, nous n'accepterons pas de discussions avant le dépôt des procédures judiciaires." L'engagement du fabricant- inclus dans un règlement découlant de la loi sur l'assurance-médicaments- stipule que le fabricant "ne peut accorder à un acheteur aucun bien à titre gratuit ou réduction sous forme de rabais, de ristourne ou de prime". Par la suite, Me Corneau a rencontré les dirigeants de l'ordre des pharmaciens à trois reprises, soit les 31 mai, 12 août et 19 novembre. Il les a informés que la RAMQ est au courant que de nombreux membres de cette corporation professionnelle acceptent des ristournes. Des ristournes centralisées Or, le Code de déontologie est limpide à cet égard: "Un pharmacien doit s'abstenir de recevoir, en plus de la rémunération à laquelle il a droit, tout avantage, ristourne ou commission relatif à l'exercice de sa profession." Pourtant, l'ordre des pharmaciens n'a déposé aucune poursuite disciplinaire contre un de ses membres, ce qui étonne autant les enquêteurs de la RAMQ que de Revenu Québec. Mais il y a pire. Me Corneau et Mme Demers ont confié à La Presse qu'ils avaient eu vent, l'automne dernier, que des bannières importantes avaient décidé de centraliser les ristournes. Selon ce système, les vendeurs de génériques n'accorderaient plus les rabais directement aux pharmaciens propriétaires, mais les enverraient au siège social des bannières ou à des filiales, éventuellement situées hors du Québec. Pour les bannières, l'avantage de la centralisation serait de pouvoir négocier avec les fabricants de génériques plus durement que des pharmaciens propriétaires dispersés, afin d'obtenir des ristournes encore plus élevées. Cela pourrait se traduire par une hausse de profit substantielle, d'autant plus intéressante si ces revenus ne sont pas déclarés à l'impôt. "J'ai demandé à la bannière de trouver une façon pour qu'elle rende ça légal (les ristournes), pour que tout le monde puisse en profiter, a confié un pharmacien qui détient une franchise d'une bannière. On a des concurrents qui peuvent l'utiliser (le système de ristournes), puis nous autres, on n'aurait pas le droit? Je vois pas (pourquoi)." Selon un scénario à l'étude chez ces compétiteurs, les détenteurs de franchise ne toucheraient plus directement les ristournes, mais pourraient se voir offrir des actions dans leur bannière pour compenser la perte des bénéfices illégaux. Autre avantage: les risques de voir des pharmaciens dénoncer ce système de ristournes aux enquêteurs de la RAMQ seraient diminués.

6 Une enquête en profondeur La poursuite contre Novopharm révèle que les enquêteurs ont fait le tour de 150 pharmacies à travers le Québec et recueilli autant de déclarations assermentées des pharmaciens, de leurs comptables ou de leurs employés: presque tous ont reconnu avoir reçu des ristournes sous une forme ou une autre. Par exemple, le responsable des achats pour six pharmacies du Saguenay admettait que Novopharm versait 1200 $ par mois, par pharmacie, depuis janvier 1995, huit mois par année, pour "des programmes d'éducation continue". Au printemps de 1996, trois pharmaciens et l'épouse d'un quatrième pharmacien (qui ne pouvait pas y aller) ont fait un voyage de quatre jours à San Francisco, voyage payé par Novopharm. Selon la poursuite de la RAMQ, Jean Servais et sa femme Guylaine Leclerc, également pharmaciens au Saguenay, reconnaissaient que Novopharm leur avait remis des chèques pour des "journées santé" ou des factures blanches "No Charge" pour des médicaments, c'est-à-dire ne réclamant aucun montant. Toujours selon la poursuite, le gérant d'une pharmacie de Bedford, en Montérégie, révélait que, lorsqu'il avait changé de fournisseur pour Novopharm, cette compagnie lui avait remis pour 150 000 $ de médicaments "No Charge" après lui avoir fait une vente de 100 000 $. Un pharmacien de Shawinigan déclarait qu'il obtenait trois ou six flacons de médicaments gratuits à chaque achat de 12 flacons. Toujours selon les déclarations, un pharmacien d'amqui, en Gaspésie, affirmait que Novopharm avait contribué à la construction de sa nouvelle pharmacie. Les enquêteurs de la RAMQ ont dressé une liste partielle des ristournes: hottes aseptiques, voyages à l'étranger, appareils micro-ondes, etc. Le pourcentage des escomptes semblait augmenter d'année en année; la RAMQ l'estimait à environ 15 % en 1997, bien que les ristournes pouvaient atteindre 25 % sur certains médicaments. Dans sa poursuite, la RAMQ souligne que la compagnie Novopharm s'était engagée à accorder le meilleur prix au programme public d'assurancesmédicaments. Mais Novopharm "l'a accordé aux pharmaciens, le meilleur prix, et le régime public a ainsi perdu une somme de 10 051 024 $ que la demanderesse (la RAMQ) a payé en surplus auprès des pharmaciens", ajoutait la poursuite. La RAMQ accusait Novopharm de ne pas avoir respecté le prix de vente garanti "de manière délibérée, intentionnelle et insouciante" et réclamait les 10 millions perdus. Peu après, le ministre de la Santé Jean Rochon écrivait au directeur général de Novopharm, Jacques J. Boisvert, pour l'informer de son intention de retirer temporairement à cette firme sa reconnaissance de fabricant, étant donné qu'elle avait si allègrement violé la loi. En clair, cela aurait signifié que la RAMQ aurait cessé de rembourser les médicaments Novopharm.

7 Des aveux Novopharm a alors demandé une injonction. Dans sa re quête, elle faisait certains aveux, mais en soulignant que la pratique des ristournes était généralisée. "Il est en effet de commune renommée dans le secteur pharmaceutique de détail au Québec que le Règlement (sur le prix de vente garanti) ne serait pas respecté par une partie importante des fabricants, et ce au moins depuis le début de 1995 et de façon constante et croissante depuis". Novopharm accusait toutefois la RAMQ de s'être fermé les yeux, puis de l'avoir seulement ciblée, elle. "Cette tolérance des autorités réglementaires a ainsi forcé les fabricants à accroître leurs méthodes de vente non respectueuses du Règlement, de crainte de perdre leurs parts de marché, contribuant ainsi à une dégradation générale." Le retrait de la reconnaissance par le ministre de la Santé, même temporaire, aurait été désastreux pour la compagnie. Le tribunal lui a donc accordé l'injonction. Par la suite, la compagnie a négocié une entente à l'amiable. Cette entente est secrète, tout comme les ententes avec les autres fabricants qui avaient fait l'objet d'une enquête. Cependant, Me Corneau a dit à La Presse que les fabricants avaient versé des dédommagements "de plusieurs millions de dollars", supérieurs, en fait, à 10 millions de dollars. Les preuves, en effet, étaient accablantes. "On avait des fondements très sérieux, a attesté Me Corneau. On a déposé 43 caisses d'exhibits à la Cour!" La poursuite contre AltiMed (aujourd'hui Ratiopharm) est toujours active. Le dossier comprend une lettre signée par Peter Stevens, directeur national des ventes. "AltiMed encourt à l'occasion des dépenses reliées au divertissement de clients, tel que des billets de hockey, une partie de golf ou une soirée au théâtre, écrit M. Stevens. Ce genre de dépenses fait partie d'une pratique normale de développement de la clientèle et n'est pas relié de quelque manière que ce soit à l'achat de produits spécifiques." M. Stevens souligne aussi que "AltiMed et l'académie Jean Coutu, une organisation à but non lucratif, sont commanditaires d'un programme visant à conscientiser et renseigner le public, ce qui implique l'installation des appareils de mesure de la pression artérielle CHESS dans les pharmacies Jean Coutu". Là encore, M. Stevens assure que "ce programme n'est aucunement basé sur les ventes". La loi est pourtant limpide: s'il y a des "cadeaux" à donner, qu'ils le soient sous forme de baisse de prix. De surcroît, le dossier de cour est rempli de "pièces à conviction": des factures remises par AltiMed à divers pharmaciens et marquées du mot "Rebate", en caractères gras, alors que les rabais sont clairement illégaux. Les points sur les i Lorsqu'elle a accepté de régler les litiges à l'amiable, la RAMQ a demandé aux fabri cants de s'engager à ne plus ja mais accorder de ristournes et à véritablement garantir le meilleur

8 prix de vente. Les représentants de la RAMQ ont rencontré les dirigeants de Novopharm à 13 reprises pour mettre les points sur les i. Me Corneau, le secrétaire de la RAMQ, rappelle qu'il a tenu à peu près ces propos aux représentants des fabricants: "On a dit bon, nous, dans le fond, on veut bien régler avec vous autres. La première condition d'un règlement, c'est que vous acceptiez de signer un nouvel engagement, comme fabricant de médicament, à respecter les conditions du règlement et la loi sur l'assurance-médicaments. En d'autre mots, à reconnaître que les règles de commercialité au Québec sont très strictes: c'est tolérance zéro (aucune ristourne)". "Après cet épisode-là, on a pensé qu'il y aurait eu une accalmie sur le terrain, mais on a lancé d'autres enquêtes, parce que là, il y avait encore de la délation qui se faisait, mais de façon plus discrète, peut-être parce qu'il y avait du raffinement dans la façon de faire. Nos enquêtes nous ont amenés à faire encore des constats de manquements, même chez ceux qui avaient été très très très repentants." Me Corneau a joint les mains dans un geste de prière et ajouté ceci: "Quand je mets mes mains comme ça, c'est parce que j'ai vu, moi, des représentants de compagnies pharmaceutiques nous dire: "Bon, eh puis je veux continuer à vivre sur le marché, etc. Alors là, on a pris la décision de convoquer une réunion (la réunion du 23 avril 2002 à l'hôtel Delta)." Des écarts de prix étonnants Les enquêteurs de la RAMQ ont vérifié les prix des médica ments génériques demandés par les pharmacies (et réclamés à la RAMQ) et les prix payés par les régies régionales de la santé. Ils ont constaté un écart impressionnant, qui prouvait que la RAMQ payait ces médicaments beaucoup trop chers. Une pièce déposée au tribunal montre que, en 1998, Novopharm vendait un flacon de 500 comprimés de Ranitidine (un gastro-intestinal) de 150 milligrammes trois fois et demi moins cher aux hôpitaux des Cantons-de-l'Est qu'à la RAMQ, soit 60 $ au lieu de 202 $. La situation n'a guère changé depuis. Après des semaines de démarche, La Presse a fini par obtenir la liste de prix obtenus par Approvisionnements Montréal, un organisme d'achats regroupés pour les hôpitaux montréalais. La comparaison avec les prix demandés en pharmacie reste considérable. Dans certains cas, l'écart s'est même creusé. Les hôpitaux de Montréal paient 33 $ pour le même flacon de Ranitidine... et la RAMQ paie toujours 202 $. La grande différence, c'est que les hôpitaux ne se contentent pas de demander le "meilleur prix", comme le fait le ministre de la Santé. Ils lancent des appels d'offre et cherchent à casser les prix en plaçant les fabricants en concurrence les uns envers les autres. En moyenne, les hôpitaux obtiennent des prix de 40 % moins élevé: or, cela correspond justement à la moyenne des ristournes.

9 Comment expliquer un tel écart? "On fonctionne à partir d'un processus d'achat regroupé, et on octroie au plus bas soumissionnaire dans un marché où il s'exerce une certaine compétition", explique Jean-François Bussières, pharmacien chef du département de pharmacie de l'hôpital Sainte-Justine et vice-président du comité médicaments chez Approvisionnement Montréal. La province au complet ne devrait-elle pas procéder elle aussi par appel d'offres? "Compte tenu de l'augmentation des coûts de médicaments, il n'y a pas de doute qu'il faut envisager de nouvelles approches pour obtenir les meilleurs prix pour la population", répond M. Bussières. Des propos bien diplomatiques... mais qui ouvrent peut-être la voie à une révision en profondeur de la Loi sur l'assurancemédicaments. COMMENT ÇA MARCHE LE QUÉBEC, comme les autres provinces, gère un régime d'assurancemédicaments public. Trois ou quatre fois par année, le ministre de la Santé dresse la liste des médicaments qu'il accepte de rembourser, après avoir consulté le Conseil consultatif de pharmacologie. Dans les faits, comme les prix des médicaments brevetés sont fixés par un organisme fédéral, les provinces établissent seulement les prix des génériques. La Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ) paye le prix le plus bas, soit celui du produit du fabricant qui a soumis le prix de vente garanti le moins cher dans des programmes provinciaux d'assurance-médicaments. En pratique, le Québec se fie souvent aux prix établis en Ontario. Pour bien des médicaments, l'ontario établit le prix des premiers génériques qui arrivent sur le marché à 70 % du prix des innovateurs, puis à 63 % pour les génériques suivants. Ainsi, le Prozac original, de la compagnie Eli Lilly, est remboursé à 802,50 $ pour un format de 500 comprimés de 20 milligrammes. Le premier générique se vend 541,65 $, soit 70 % de ce prix, et tous les autres se vendent 505,60 $, ou 63 %. Les fabricants de génériques n'ont bien sûr aucun intérêt à offrir des prix plus bas, puisque la RAMQ et les autres régimes provinciaux assurent des remboursements à des prix fixes. En général, les compagnies d'assurances privées se basent sur ces prix pour rembourser leurs clients. Les Québécois qui ne sont pas couverts par une police privée- 3,2 millions de personnes- doivent payer une prime pour être couverts par le régime public lors de leur déclaration d'impôt. La prime varie de 0 $ à 422 $ en fonction du revenu familial. La personne couverte par le régime public doit de surcroît payer une contribution lorsqu'elle achète un médicament assuré en pharmacie. Celle-ci varie de 0 $ (pour les enfants et les assistés sociaux qui ne peuvent pas travailler) à 68,50 $ par mois (pour les adultes qui ne vivent pas de l'assistance sociale). Le pharmacien présente ensuite des

10 factures pour les médicaments à la RAMQ. La RAMQ lui verse 7,65 $ pour chaque ordonnance délivrée. Au delà de 20 000 ordonnances, cet honoraire est diminé à 7,15 $. La RAMQ rembourse aussi le médicament au prix fixé par le ministre. Cela doit correspondre au vrai prix que le pharmacien a payé au fabricant, d'où l'interdiction des rabais, primes et ristournes. En effet, dès 1996, la RAMQ a eu vent que des ristournes étaient offertes par plusieurs grands fabricants et vendeurs de génériques. Neuf enquêteurs ont travaillé d'arrache-pied pour accumuler assez de preuves pour que des poursuites soient intentées. Ils se sont intéressés aux compagnies suivantes : Apotex, Novopharm, Genpharm, Pharmascience, Prodoc, AltiMed et Technilab (depuis, AltiMed a été acheté par Technilab, qui a à son tour été acheté par Ratiopharm). Certains d'entre eux ont consacré plus d'une année de travail à cette tâche. L'investigation s'est terminée le 31 août 1998. Trois fabricants, non identifiés, ont accepté de payer des dédommagements à la RAMQ avant même le dépôt des poursuites. Cependant, des poursuites ont été déposées contre Novopharm le 15 septembre 1998 et contre AltiMed le 22 février 1999. L'INDUSTRIE DÉFEND SES PRATIQUES ACCUSÉS de pratiques illégales, les fabricants de médicaments génériques répliquent en faisant valoir que toute industrie a le droit d'avoir des stratégies de mise en marché. C'est en tout cas la position de David Windross, vice-président aux affaires gouvernementales et professionnelles chez Novopharm, un des fabricants les plus importants avec Apotex, Genpharm et Pharmascience. "Les représentants des fabricants de médicaments brevetés tentent d'influencer les médecins par tous les moyens- programmes d'éducation continue, repas, voyages- pour qu'ils prescrivent leurs médicaments, et les pharmaciens n'ont pas d'autre choix que de vendre ces médicaments", affirme M. Windross. "Pour ce qui est du marché, les pharmaciens font plus affaire avec les compagnies génériques. Nous traitons avec ces professionnels en leur offrant des programmes, des services et d'autres moyens de marketing pour nous assurer que nos produits sont bien positionnés en termes d'efficacité, de qualité et de disponibilité." Jim Keon, président de l'association canadienne du médicament générique, a déclaré ceci: "Je sais que des compagnies se concurrencent entre elles et qu'elles offrent des primes et des programmes éducatifs. Elles essaient de développer la loyauté de leurs clients (les pharmaciens). Les compagnies discutent (de ces pratiques) avec la RAMQ de façon continue." Richard Mayrand, vice-président, activités professionnelles, chez la bannière Jean Coutu, affirme que la Loi sur l'assurance-médicaments du Québec est ainsi faite qu'elle pousse

11 tout le monde- fabricants et pharmaciens- à commettre des gestes non réglementaires. Le principal concurrent de Jean Coutu a centralisé la distribution des médicaments... ainsi que les ristournes, a-t-il ajouté. "Quand nos concurrents ont des pratiques que nous, on dénonce depuis quatre ans, et qu'il ne se passe rien, qu'est-ce qu'on est censé faire? On est une compagnie publique... Nos actionnaires s'attendent à ce qu'on fasse tout en notre pouvoir, de façon légale, pour maximiser le retour sur l'investissement. C'est sûr qu'on a étudié la centralisation (des ristournes), mais le problème n'est pas là. Le problème, c'est qu'on a un système (réglementaire) totalement déficient". De son côté, le président de l'ordre des pharmaciens, Paul Fernet, a déclaré ceci: "Nous avons des informations à l'effet que des pharmaciens reçoivent des sommes qui leur sont versées par des compagnies génériques ou d'autres compagnies. Nous avons écrit à plusieurs reprises à nos membres pour leur souligner leurs obligations déontologiques." "D'autre part, nous travaillons en collaboration déjà depuis plusieurs mois avec la RAMQ pour trouver des façons d'améliorer, quand il y a lieu, les comportements de nos membres dans ce dossier. Et nous faisons tout ce qu'il est possible de faire, comme ordre professionnel, pour nous assurer, car c'est notre seul mandat, la protection du public, ce qui implique que nos membres doivent avoir une conduite respectueuse et intègre dans l'exercice de leur profession." M. Fernet a ajouté que, à sa connaissance, aucune plainte n'a été déposée par le syndic contre des membres de l'ordre en rapport avec les ristournes, bien que des preuves à cet égard aient été recueillies par des enquêteurs de la RAMQ et déposées au tribunal. LES PRIX DE 5 MÉDICAMENTS COURANTS EN PHARMACIE ET DANS LES HÔPITAUX Médicament / Fabricant / Prix payé par la RAMQ (100 comprimés) / Prix payé par les hôpitaux (100 comprimés) Amoxicilline-250 mg / Apotex / 10,32$ / 3,40$ Atenolol-50 mg / Genpharm / 35,13$ / 11,31$ Carbamazepine-400 mg / Pharmascience / 41,94$ / 11,66$ Fluoxetine-10 mg / Genpharm / 117,73$ / 48,12$ Lorazepam-2 mg / Novopharm / 7,74$ / 1,16$ Note : Les hôpitaux de Montréal, comme tous les hôpitaux au Québec, se regroupent et obtiennent des prix plus bas que la Régie de l'assurancemaladie du Québec parce qu'ils lancent des appels d'offres. Source : RAMQ et Approvisionnements Montréal

12 LES PRIX DE 5 MÉDICAMENTS COURANTS AU CANADA ET AUX ÉTATS-UNIS Médicament / Prix au Canada (100 comprimés) / Prix aux É.-U. en $ canadiens (100 comprimés) Acyclovir-200 mg / 87,83$ / 12,44$ Captopril-50 mg / 55,90$ / 4,64$ Cyclobenzaprine-10 mg / 37,65$ / 12,29$ Famotidine / 106,12$ / 19,40$ Ipratopium-0,25mg/ml / 75,50$ / 18,04$ Source : Palmer D'Angelo Consulting Inc., Generic Drug Prices : A Canada US Comparison, Août 2002. 2003 La Presse. Tous droits réservés. Numéro de document : news 20030222 LA 0015 La Presse Nouvelles générales, mardi 25 février 2003, p. A5 Médicaments: les Québécois sont indignés Noël, André MICHEL Tessier est un des nombreux Québécois qui ont réagi avec indignation en apprenant, dans La Presse, que les fabricants de médicaments génériques offrent des centaines de millions de dollars chaque année en primes, rabais et ristournes aux pharmaciens propriétaires plutôt que de baisser le prix des médicaments. "Mon travail consiste entre autres à expliquer aux gens les plus vulnérables de la société, c'est-à-dire des retraités et des contribuables avec des emplois à statut précaire, la justification et le mécanisme des primes propres à l'assurance-médicaments du Québec via leurs déclarations de revenus", explique M. Tessier, qui est agent de renseignements pour Revenu Québec à Saint-Jean-sur-Richelieu. "Désormais, comment justifier cette contribution, lorsqu'on voit que les prix élevés des médicaments et des primes s'expliquent en partie par des magouilles? a-t-il demandé lors d'un entretien. L'année dernière, le gouvernement a décidé d'embaucher du personnel supplémentaire afin de traquer les fraudeurs de l'impôt qui ne payaient pas leurs primes à l'assurancemédicaments du Québec." "Eh! bien, que le gouvernement s'attaque maintenant à tous ces bonzes de l'industrie qui ont violé les lois et leur code déontologique afin que les montants soient récupérés et que les primes des cotisants soient réduites pour les prochaines années." La Presse a reçu un important courrier de lecteurs outrés par ces révélations (voir page A-13). "Le pire, c'est que le même gouvernement qui paye 33 $ pour une bouteille de pilules pour un hôpital de Montréal accepte de payer 202 $ lorsque ces pilules sont vendues

13 par une pharmacie", s'indigne Réjean Rioux, de Saint-Luc. "Plutôt que de convoquer des réunions et demander aux compagnies de cesser ce petit jeu, qu'attend le gouvernement pour décréter une baisse immédiate des prix des génériques d'au moins 40 %, l'industrie ayant prouvé hors de tout doute qu'elle peut faire des profits sans cet argent." "Les abus des pharmaciens (propriétaires) sont d'autant plus odieux que ces marchands traquent avec hargne les chapardeurs à l'étalage, ajoute Michel Thibault, de Châteauguay. Ouvrir une simple boîte dans une pharmacie et la remettre sur la tablette peut coûter très cher. L'automne dernier, une pharmacie de Châteauguay a mis en demeure un client de lui payer 165 $ pour avoir enlevé l'étiquette de sécurité d'une boîte sans l'acheter. L'article valait 4,99 $." "Exigeons que les pharmaciens fautifs remboursent à l'état, c'est-à-dire à l'ensemble des Québécois, tous les dommages causés, incluant les salaires des enquêteurs de la Régie de l'assurance-maladie et du ministère du Revenu. Un recours collectif ne seraitil pas envisageable?" Dans une lettre ouverte aux pharmaciens propriétaires du Canada, François Tremblay, de Montréal, écrit: "Vous volez les contribuables et les gouvernements par centaines de millions et en plus vous avez le front de nous dire: La population n'est pas lésée! Vous devriez avoir honte de profiter non seulement des contribuables, mais en plus de le faire sur le portefeuille de ceux qui sont malades, à l'heure où nos services de santé souffrent de sous-financement. Ces sommes volées auraient grandement contribué à réduire les listes d'attente." "J'ai compris enfin pourquoi les mamans oiseaux réussissent toujours à nourrir leurs petits; elles ne passent jamais chez le pharmacien", écrit, avec une pointe d'humour, Serge Vaillancourt, de Montréal. Le président de l'ordre des pharmaciens du Québec, Paul Fernet, a refusé de faire des déclarations hier, même s'il avait lui-même donné rendez-vous à un journaliste de La Presse dans ses bureaux. 2003 La Presse. Tous droits réservés. Numéro de document : news 20030225 LA 0013 La Presse Nouvelles générales, mercredi 26 février 2003, p. A1 Legault veut faire baisser le prix des médicaments génériques Noël, André LE GOUVERNEMENT du Québec a décidé de faire baisser le prix des médicaments génériques, trop élevés lorsqu'on les compare aux prix payés aux États-Unis et dans d'autres pays, a indiqué le ministre de la Santé, François Legault, au cours d'un

14 entretien avec La Presse, hier. Autre développement: deux requêtes pour autorisation d'exercer un recours collectif ont été déposées au palais de justice de Montréal contre les principaux fabricants de médicaments génériques, qui préfèrent verser des primes illégales aux pharmaciens plutôt que de diminuer leurs prix. Citant une enquête publiée par La Presse samedi, une des deux requêtes réclame une somme de 250 millions de dollars qui serait distribuée parmi tous les Québécois qui ont vu leurs primes d'assurance-médicaments augmenter à cause des primes illégales. La requête vise également l'ordre des pharmaciens, accusé de n'avoir pas agi pour mettre fin à cette pratique. De son côté, le président de l'ordre, Paul Fernet, a reconnu en conférence de presse que la pratique des ristournes s'était aggravée ces derniers mois. Le syndic de cette corporation mène des investigations et déposera vraisemblablement des plaintes au comité de discipline de l'ordre, a ajouté M. Fernet. Réagissant également à l'enquête de La Presse, M. Legault a déclaré ceci: "On va s'assurer de revoir les mécanismes des prix des médicaments génériques, car il semble qu'il y aurait une marge de manoeuvre qui pourrait nous permettre de diminuer ces prix. Est-ce que ce sera des mécanismes d'appels d'offres? Est-ce que ce sera une comparaison avec d'autre pays? Je ne le sais pas." "Par contre, j'avoue que l'approche qu'on avait prise- de négocier le prix le plus bas au Canada-, ça nous a joué des tours", a ajouté le ministre, les prix étant trop élevés dans l'ensemble des provinces canadiennes. Selon la firme de consultants Palmer d'angelo, d'ottawa, les prix des 25 médicaments génériques les plus vendus sont 156 % moins élevés aux États-Unis qu'au Canada. "J'ai demandé au ministère et à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de me faire des recommandations. Lorsqu'on compare les prix des médicaments innovateurs (brevetés) avec les États-Unis, ils sont très compétitifs (au Québec). Par contre, le prix des génériques est plus élevé. Il semble y avoir des ristournes offertes sur une base assez étendue pour nous questionner sur le fait qu'on devrait peut-être revoir les pratiques. On n'exclut rien. Il faudrait avoir d'autres bases de comparaison qu'avec les autres provinces." Le ministre a ajouté que la RAMQ allait déposer d'ici juin des poursuites contre les fabricants de médicaments génériques qui ont violé la Loi sur l'assurance-médicaments en offrant des ristournes. "La RAMQ sera intraitable, a-t-il assuré. Toutes les poursuites qui devront être prises seront prises. On ne s'arrêtera pas en chemin. On a accumulé une preuve, et on va aller jusqu'au bout avec des poursuites contre les compagnies concernées." Le premier ministre Bernard Landry a juré qu'il entendait aller au fond de l'histoire révélée par La Presse, "d'abord pour une question de finances publiques, mais aussi pour une question d'éthique". Comme bien d'autres personnes, M. Legault a reçu

15 des informations selon lesquelles d'importantes chaînes de pharmacies auraient décidé de centraliser les ristournes. "Si c'est le cas, ce serait inacceptable", a martelé le ministre. M. Fernet a tenu des propos semblables. Il a averti hier que ces chaînes s'exposeraient à des poursuites. "Si des tiers non pharmaciens s'immiscent dans un processus d'achat des médicaments pour en tirer des bénéfices, ils sont très certainement en infraction", a dit M. Fernet. Seuls les pharmaciens-propriétaires sont autorisés légalement à acheter des médicaments. Le code de déontologie interdit aux pharmaciens d'accepter ces ristournes, mais, donnant une interprétation très large de cette disposition, M. Fernet a dit que l'interdiction s'appliquait seulement si les patients étaient lésés. Giuseppina Piro, une résidante de Laval, affirme, dans sa requête pour recours collectif, que l'ordre n'a pas appliqué le code de déontologie, qui a pourtant force de loi. La requête, déposée par le cabinet d'avocats Kugler Kandestin, vise également les compagnies Novopharm, Genpharm, Apotex, Ratiopharm et Pharmascience. La requête de Julie Ladouceur, une résidante de Lachine, déposée par le cabinet Belleau Lapointe, ajoute la compagnie Pro-Doc. 2003 La Presse. Tous droits réservés. Numéro de document : news 20030226 LA 0002 La Presse Nouvelles générales, jeudi 27 mars 2003, p. A1 Québec subventionne une compagnie à qui la RAMQ réclame un million Noël, André LE GOUVERNEMENT québécois a accordé une subvention de 2,4 millions à un fabricant de médicaments génériques à qui la Régie de l'assurance-maladie du Québec réclame un million de dollars, dans une poursuite qu'elle laisse traîner depuis quatre ans, a appris La Presse En février 1999, la RAMQ réclamait 984 656 $ à la firme Altimed. Le motif: cette entreprise aurait offert des rabais et des ristournes aux pharmaciens plutôt que d'en faire profiter la RAMQ, qui remboursait ensuite les pharmaciens au prix fort. Si, un jour, cette allégation est prouvée devant le tribunal, il s'agirait d'une violation flagrante de la loi sur l'assurancemédicaments. Quatre ans plus tard, la poursuite dort toujours dans la salle des dossiers du palais de justice de Québec. La RAMQ est beaucoup plus diligente lorsqu'il s'agit de poursuivre des citoyens. Par exemple, elle a donné 45 jours à un diabétique pour lui payer une dette de 10 000 $, soit le montant d'un remboursement auquel ce diabétique n'aurait pas eu droit pour ses médicaments, a révélé un reportage de l'émission La Facture à Radio-Canada, mardi. L'année dernière, la RAMQ a envoyé

16 des missives à des enfants de 12, 14, et 17 ans en les menaçant de les priver de la gratuité des soins de santé s'ils ne remboursaient pas une dette qu'ils auraient contractée auprès du régime public d'assurance-médicaments. La compagnie Altimed a fait l'objet d'une enquête de la RAMQ en 1997, qui visait également quatre autres fabricants de médicaments génériques. En vertu de règlements à l'amiable, ces quatre fabricants ont payé plus de 10 millions de dollars à la RAMQ parce qu'ils avaient violé la loi sur l'assurance-médicaments, en offrant des rabais illégaux aux pharmaciens. Altimed fait figure d'exception, n'ayant rien eu à payer jusqu'à maintenant. Toujours au cours de l'hiver 1999, Altimed a été achetée par la firme Technilab, qui héritait de la poursuite d'un million. Fait à signaler: avant d'entrer en politique, le ministre François Legault a été membre du conseil d'administration et actionnaire de Technilab en 1997 et en 1998. M. Legault a indiqué à La Presse, cette semaine, qu'il s'était retiré du conseil d'administration et départi de ses actions de Technilab avant d'accéder au Conseil des ministres en septembre 1998, six mois avant le dépôt de la poursuite. Néanmoins, les principaux dirigeants de Technilab ont contribué à la caisse électorale du Parti québécois dans sa circonscription de Rousseau ( région de Lanaudière ), en 1998, 1999 et 2001. Technilab a par la suite été achetée par l'entreprise allemande Ratiopharm, qui, à son tour, a hérité de la poursuite déposée un an et demi plus tôt par la RAMQ contre Altimed. En mai dernier, la ministre des Finances, Pauline Marois, a annoncé le versement d'une subvention de 2,4 millions à Ratiopharm, par le truchement d'investissement Québec... alors que la RAMQ réclamait toujours de cette société la somme de 984 656 $ ( plus les intérêts ). "Le gouvernement du Québec est fier d'appuyer Ratiopharm, une entreprise qui contribue de manière importante non seulement au développement économique de la région ( Ratiopharm a une usine à Mirabel, NDLR ), mais aussi à celui du Québec", a déclaré Mme Marois à cette occasion. "J'ai pris connaissance de la subvention d'investissement Québec à Ratiopharm en lisant le journal, a dit M. Legault, ministre de la Santé depuis janvier 2002, au cours d'un entretien avec La Presse cette semaine. Je n'ai jamais été consulté à ce sujet." ( Le Devoir a publié la nouvelle de la subvention le 7 mai 2002, sans mentionner la poursuite de la RAMQ, une information alors méconnue. ) M. Legault a par ailleurs assuré qu'il n'est jamais intervenu auprès du contentieux de la RAMQ, par exemple pour protéger une compagnie. La Presse n'a d'ailleurs aucune indication quant à une pareille intervention. M. Legault a ajouté qu'il trouvait injuste que l'on rappelle, dans le présent article, qu'il a été administrateur et actionnaire de Technilab ( qui a acheté Altimed ). "Le fait de mettre ces informations bout à bout laisse entendre des choses

17 qui sont fausses, a-t-il dit. Je n'ai plus aucun intérêt dans aucune compagnie depuis que je suis ministre. Jusqu'à ce que vous me l'appreniez, j'ignorais même qu'altimed avait été achetée par Technilab. Des dirigeants de Technilab ont contribué à ma caisse électorale parce qu'il s'agissait d'amis: il n'y a là rien d'anormal." Me Guy Corneau, secrétaire et procureur de la RAMQ, a dit à La Presse qu'il n'avait jamais subi de pressions de M. Legault ou d'aucun autre ministre dans ses dossiers. "Même si aucune procédure n'apparaît dans le dossier d'altimed depuis le 1er juin 1999, cela ne signifie pas que nous n'avons rien fait", s'est-il défendu. "Altimed a tenté de faire une proposition d'entente, mais nous l'avons trouvée inacceptable, a-t- il ajouté. Par la suite, il y a eu plusieurs discussions entre les procureurs des deux parties. La défenderesse ( Altimed, qui est devenue Technilab, puis Ratiopharm ) a fait valoir qu'elle a proposé des rabais avant que les médicaments ne soient publiés dans la Liste des médicaments remboursés par la Régie." Selon la poursuite, toutefois, les rabais et ristournes ont été accordés aux pharmaciens après que les médicaments aient été publiés dans la liste. Les pharmaciens ont réclamé des remboursements à la RAMQ à des prix plus élevés que ce qu'ils avaient payé à Altimed. Me Corneau a convoqué Me Philippe Frère, avocat d'altimed (maintenant Ratiopharm), le 6 février dernier. "Nous lui avons dit: ou bien vous proposez un règlement acceptable pour nous, ou bien vous produisez votre défense, au plus tard en avril ou en mai prochain", a confié Me Corneau, cette semaine. En mars 1999, un mois après la signification de la poursuite, Altimed a déposé une requête en irrecevabilité. Un juge a rejeté la requête le 27 mai suivant, en indiquant que la cause devrait être débattue sur le fond. Altimed avait ensuite 10 jours pour produire sa défense, mais la compagnie ne l'a pas fait. La RAMQ aurait pu demander une inscription "ex-parte" pour défaut de produire une défense, mais elle n'a pas fait cette démarche. Il n'y a pas eu d'interrogatoires préalables, ni d'entente à l'amiable. Quatre juristes qui connaissent bien le Code de procédure civile ont indiqué qu'il était inhabituel qu'un demandeuren l'occurrence la RAMQ- ne fasse aucune démarche au tribunal pour accélérer les procédures, quatre ans après avoir déposé sa poursuite. "Ce n'est sûrement pas normal", a déclaré Me Marie-France Bich, professeur à la faculté de droit de l'université de Montréal ( Me Bich ne répondait pas à des questions précises sur le litige entre la RAMQ et Altimed, mais à des questions théoriques. Les trois autres juristes, informés du litige, ont cependant eu la même réaction, mais ont demandé de ne pas être cités.) Me Philippe Frère, avocat d'altimed (maintenant Ratiopharm), a dit qu'il ignorait pourquoi la RAMQ n'avait pas tenté d'accélérer les procédures contre son client. "C'est au demandeur (la RAMQ) de mener son dossier de façon

18 diligente s'il veut le mener de façon diligente, ou de se traîner les pieds s'il veut se traîner les pieds. Je ne sais pas pourquoi il n'y a pas diligence." La RAMQ s'apprête à déposer une série de nouvelles poursuites contre les fabricants de médicaments génériques qui ont offert des primes, ristournes et rabais illégaux, en violation de la loi sur l'assurance-médicaments. Selon une enquête réalisée par La Presse, cette pratique de rabais prive la RAMQ d'environ 80 millions de dollars par année, une facture que doivent ensuite éponger les contribuables et les cotisants au régime d'assurancemédicaments public. Lorsque La Presse a révélé ce scandale, le 22 février dernier, le ministre François Legault avait déclaré ceci: "La RAMQ sera intraitable. Toutes les poursuites qui devront être prises seront prises. On ne s'arrêtera pas en chemin. On a accumulé une preuve, et on va aller jusqu'au bout avec des poursuites contre les compagnies concernées." 2003 La Presse. Tous droits réservés. Numéro de document : news 20030327 LA 0002 La Presse Actualités, vendredi 28 mars 2003, p. B5 Élections 2003 Le PLQ exige des explications sur une poursuite qui traîne à la RAMQ Noël, André LE PARTI libéral du Québec a exigé des explications hier sur une poursuite d'un million de dollars déposée il y a plus de quatre ans par la Régie de l'assurance-maladie du Québec contre un fabricant de médicaments génériques, et qui semble traîner en longueur. Selon la poursuite, la compagnie Altimed a offert des rabais aux pharmaciens plutôt que d'en faire profiter la RAMQ, qui a remboursé ensuite les pharmaciens au prix fort. Une telle pratique est interdite par la Loi sur l'assurance-médicaments. Altimed a par la suite été rachetée par Technilab, une compagnie dont François Legault a été administrateur et actionnaire avant d'entrer en politique. M. Legault a indiqué à La Presse, mardi, qu'il avait coupé tous ses liens avec cette compagnie lorsqu'il est devenu ministre. Il n'existe d'ailleurs aucune preuve qu'il soit intervenu auprès des services juridiques de la RAMQ. "Il ne suffit pas de dire qu'il n'a plus de lien avec cette compagnie, a déclaré hier Jean-Marc Fournier, candidat du PLQ dans la circonscription de Châteauguay. M. Legault doit

19 expliquer pourquoi la poursuite est arrêtée depuis quatre ans alors que les avocats de la compagnie avouent que la RAMQ se traîne les pieds et que les juristes interrogés estiment que cela est anormal. Pourquoi cette compagnie est-elle la seule qui bénéficie d'un tel arrêt?" Le procureur en chef de la RAMQ, Me Guy Corneau, a répliqué hier que la poursuite était toujours active. "À titre d'exemple, la Régie a mis trois ans et demi avant de conclure un règlement à son avantage avec la société Novopharm", a souligné Me Corneau. M. Fournier a dit que cette comparaison ne tenait pas. Il a indiqué qu'il y avait eu 32 inscriptions au dossier de Novopharm, alors qu'il y en a eu seulement neuf à celui d'altimed, et aucune depuis juin 1999. Le député libéral a par ailleurs accusé le premier ministre Bernard Landry d'avoir laissé traîner tout le dossier des ristournes illégales qui, selon une enquête publiée par La Presse en février, pourrait coûter 80 millions de dollars par année à la RAMQ et, par ricochet, aux Québécois. Un communiqué publié par Investissement Québec et daté du 6 mai 2002, diffusé sur le site Web de cette agence gouvernementale, indique une subvention de 2,4 millions à la compagnie Novopharm, qui a hérité de la poursuite d'un million en achetant à son tour Technilab (qui avait acheté Altimed). Nicole Bastien, l'attachée de presse de la ministre des Finances Pauline Marois, a affirmé hier que la subvention avait été annoncée, mais n'avait finalement pas été versée. 2003 La Presse. Tous droits réservés. Numéro de document : news 20030328 LA 0046 La Presse Actualités, mardi 22 avril 2003, p. A9 SCANDALE DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES Un important fabricant refuse de dévoiler ses contrats avec les pharmacies Pharmascience s'adressera à la Cour supérieure pour contrecarrer l'ordre judiciaire de la RAMQ Noël, André Pharmascience, principal fabricant de médicaments génériques au Québec, s'adresse à la Cour supérieure pour ne pas avoir à remettre des documents potentiellement compromettants à la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ). Selon la Régie, ces documents prouveraient que cette compagnie verse des primes illégales aux pharmacies. La RAMQ a ouvert une vaste enquête sur plusieurs fabricants de médicaments génériques (des copies de médicaments brevetés), dont Pharmascience, Ratiopharm, Novopharm et Apotex. Elle croit que plutôt que de baisser leurs prix, ils offrent tous des rabais et des ristournes aux pharmacies pour les convaincre de vendre leurs produits. La loi sur l'assurance-médicaments exige que les fabricants offrent le prix le plus bas à la RAMQ, et non aux

20 pharmaciens, lorsqu'ils veulent inscrire leurs produits à la liste des médicaments remboursés par le régime public. Sinon, la RAMQ se trouve à payer des dizaines de millions en tropprobablement plus de 60 millions par année- parce que les prix sont gonflés. Le 11 novembre dernier, l'enquêteur André Simard a envoyé un subpoena duces tecum (un ordre judiciaire de remettre un document) à Pharmacience, dont l'usine est située près de l'hippodrome de Montréal. M. Simard demandait la liste des pourcentages de rabais accordés pour chacun de ses médicaments et des produits des autres compagnies qu'elle fabrique sous licence (Alcon, Berlex, Fournier, Hoffman-Laroche, Lily, Novartis et Shering). L'enquêteur de la RAMQ exigeait "une copie du système informatique qui sert à calculer les pourcentages accordés aux pharmaciens, aux grossistes et aux chaînes de magasin (Zellers, Wal-Mart et Costco)", ainsi que la liste des codes pour déchiffrer les données informatiques. La requête était très précise. M. Simard demandait un système informatique intitulé System Ross for Trade Allowance. Enfin, il réclamait des copies de contrats signés par Pharmascience relativement aux rabais. Entre-temps, La Presse a publié une enquête-choc sur les ristournes, qui a semé un vent de panique chez les fabricants de médicaments génériques et les chaînes de pharmacies. Selon un document interne d'un fabricant, obtenu par notre journal, les ristournes s'élèvent à 500 millions de dollars par année au Canada. Les victimes de ce scandale sont les clients des régimes d'assurance privés et publics (soit presque tout le monde): les prix artificiellement élevés des médicaments se répercutent sur les primes. Les ristournes prennent plusieurs formes: voyages et croisières (en Russie, en Italie, dans les pays chauds), appareils de cinéma maison, voitures, camping-cars, motocyclettes, oeuvres d'arts, certificats cadeaux de la Société des alcools, de la Baie, Costco, Loblaws, etc. Souvent, ces primes sont calculées par d'astucieux programmes informatiques. La grande majorité des pharmaciens propriétaires les acceptent, même si cela leur est interdit par leur code de déontologie. Seule une minorité déclarent ces revenus à l'impôt. Le ministère québécois du Revenu enquête sur les fausses déclarations de nombreux pharmaciens. La RAMQ, elle, prépare des poursuites judiciaires contre les principaux fabricants, afin de leur réclamer des dédommagements de millions de dollars. C'est dans ce but qu'elle a demandé des documents et des copies de systèmes informatiques à Pharmascience. Ce fabricant a carrément refusé d'obtempérer, ce qui ne s'est jamais vu. Pharmascience a déposé sa requête "pour faire annuler un subpeona duces tecum" le 2 avril dernier au palais de justice de Montréal. La compagnie conteste la constitutionnalité des démarches entreprises par le service d'enquête de la RAMQ. Pharmascience invoque les chartes