CONDUITE A TENIR DEVANT UNE BACTERIE MULTIRESISTANTE



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Transcription:

CONDUITE A TENIR DEVANT UNE BACTERIE MULTIRESISTANTE C. Chaplain, Service d'hygiène-bactériologie, Hôpital Delafontaine, 93205 Saint- Denis. INTRODUCTION L'accroissement du nombre des infections provoquées par des bactéries multirésistantes (BMR) et l'acquisition de nouveaux mécanismes de résistances par les bactéries posent un problème de plus en plus préoccupant dans nos hôpitaux. En effet, les infections nosocomiales ont une incidence sur le coût des soins, en allongeant la durée de séjour et en augmentant le coût du traitement. D'après une étude de Carine Chaix et coll.[1], l'allongement de la durée de séjour d'un patient ayant contracté une infection nosocomiale représente un surcoût de 2/3 à 3/4 du coût global. Cette augmentation de durée de séjour varie de 1 à 3 semaines pouvant aller jusqu'à 1 mois pour les infections à BMR [1]. Le surcoût par patient infecté varie de 10 000 à 180 000 Francs selon, la nature du germe, le type de l'infection et la pathologie sous-jacente, avec un coût de l'antibiothérapie allant de 1 000 à 13 000 Francs (soit 7 % du coût total) [1]. F. Saulnier et coll. montrent que l'augmentation de la durée de séjour varie selon le type d'infection et l'espèce bactérienne, il semble

MAPAR 1997 que les infections dues à des BMR induisent des durées de séjour supérieures à celles dues à des germes sensibles [2]. L isolement de bactéries de plus en plus résistantes à été longtemps négligée, sans doute parce qu il existait des molécules encore très efficaces et que le nombre de BMR ne semblait pas être alarmant. Depuis quelques années des structures ont été mises en place (CLIN, service d'hygiène) pour essayer de limiter la propagation des BMR. 1. QU'EST-CE QUE LA MULTIRESISTANCE? La définition de la multirésistance n'est pas univoque et il est difficile de trouver des critères précis de multirésistance. Les BMR sont des bactéries qui ne sont sensibles qu'à un petit nombre de familles ou de sous familles d'antibiotiques, ce petit nombre variant de 0 à 3 [3]. Les BMR sont surtout retrouvées à l'hôpital. Elles peuvent être des bactéries commensales de l'homme comme Staphylococcus aureus et les entérobactéries, mais on voit aussi apparaître de plus en plus de germes saprophytes de l'environnement (P. aeruginosa, Acinetobacter baumanii, Stenotrophomonas maltophila..). 2. SITUATION ACTUELLE EN FRANCE De nombreuses enquêtes montrent que le nombre de BMR isolées dans les hôpitaux français est très élevé et est nettement supérieur à celui retrouvé dans d'autres hôpitaux européens [3]. Les résultats d'une étude menée par Allouch et coll. [4], en septembre 1996 dans 101 hôpitaux généraux, concernant les germes isolés en situation pathogène, sont présentés dans les tableaux I, II et III. Dans le tableau IV, les résultats présentés, sont classés en fonction des germes et de la nature nosocomiale ou non de l'infection. On note que les infections à S. aureus (tableau I) sont dues dans 42,5 % des cas à des S. aureus résistants à la méticilline (SAMR). Dans plus de 10 % des cas les infections causées par P. aeruginosa sont dues à une souche de P. aeruginosa résistante à la ceftazidime et/ou à l'imipénème (tableau II). Cette étude montre également que parmi les entérobactéries résistantes aux céphalosporines de 3 ème génération (C3G), par production de BLSE (Bêta-Lactamase à Spectre Elargi) hyperproduction de céphalosporinase, 5 espèces sont représentées : Klebsiella pneumoniae, Escherichia coli, Proteus mirabilis et Enterobacter (tableau III). Dans une étude faite à l'ap-hp en 1993, un quart des klebsielles isolées sont productrices de BLSE, 40 % des S. aureus isolés sont résistants à la méticilline [5]. 564

Infections nosocomiales Tableau I S. aureus résistants à la méticilline. Hémocultures Urines Ponctions Poumons Plus profond Total 30/107 93/164 11/26 71/144 50/159 255/600 (42,5 %) Tableau II P. aeruginosa intermédiaires et résistants à la ceftazidime et/ou à l imipénème. Hémocultures Urines Ponctions Poumons Plus profond Total R Ceftazidime 3/12 33/195 1/5 32/145 4/44 73/401 (18,2 %) R Imipénème 0/12 22/195 0/5 25/145 3/44 50/401 (12,5 %) Espèces E. coli P. mirabilis K. pneumoniae E. cloacae E. aerogenes Total Tableau III Entérobactéries résistantes aux céphalosporines de troisième génération. Hémocultures Urines Ponctions Poumons Plus profond 4/191 17/2554 2/26 0/46 2/129 2/25 3/22 3/18 5/8 17/264 (6,43 %) 7/303 0/4 1/1 0/1 26/2863 (0,9 %) 0/1 0/4 0/1 0/1 2/33 (6 %) 1/19 1/17 1/11 5/8 8/101 (7,92 %) 0/25 1/13 4/18 0/2 7/187 (3,74 %) Total 25/2946 (0,85 %) 11/373 (2,9%) 5/100 (5 %) 9/49 (18,4 %) 10/20 (50 %) Tableau IV Classement des infections en fonction du type de BMR et du caractère nosocomial ou non de l infection. Entérobactéries résistantes aux C 3 G S. aureus P. aeruginosa ceftazidime R P. aeruginosa imipénème R Nosocomiale 84/899 (9,34 %) 151/256 (59 %) 45/222 (20,2 %) 32/222 (14,4 %) Non nosocomiale 17/1936 (0,88 %) 13/188 (6,5 %) 12/76 (15,8 %) 10/76 (13,2 %) 565

MAPAR 1997 2.1. PSEUDOMONAS AERUGINOSA 2.1.1. DEFINITION P. aeruginosa est un germe saprophyte de l'environnement, fréquemment rencontré dans les infections nosocomiales. Cette bactérie est naturellement très résistante aux antibiotiques et a acquis de nombreux mécanismes de résistance lui permettant d échapper aux molécules jusqu'à présent très actives (ticarcilline, pipéracilline, ceftazidime, imipénème et aminosides). 2.1.2. FREQUENCE La fréquence d'isolement de P. aeruginosa varie d'un établissement à l'autre. Dans l'enquête réalisée par le C-CLIN Paris-Nord, les P.aeruginosa résistants à la ticarcilline représentent 30 % des P. aeruginosa isolés [6], dans l'enquête menée dans les hôpitaux généraux les P. aeruginosa résistants à la ceftazidime et à l'imipénème représentent respectivement 18 % et 12,5 % des P. aeruginosa isolés d'infections [4]. La résistance à la ticarcilline est souvent liée à la résistance à d'autres antipyocyaniques majeurs, comme cela à été démontré dans le travail d'allouch et col. la majorité des souches de P. aeruginosa résistantes à la ticarcilline sont résistantes à d'autres bêta-lactamines : 53 % des souches résistants à la ticarcilline sont résistantes à la céftazidime [7]. 2.2. STAPHYLOCOCCUS AUREUS 2.2.1. DEFINITION S. aureus est un germe commensal de la peau et des muqueuses de l'homme. Cette bactérie a très rapidement montré sa capacité à acquérir des résistances, puisqu elle fut une des premières bactéries a acquérir une pénicillinase. Puis dès les années 60, elle a acquis une nouvelle PLP (PLP2a) lui permettant d'échapper à l'action des bêta-lactamines. Cette résistance à la méticilline est le plus souvent accompagnée d autres marqueurs de résistance comme la résistance aux aminosides, aux fluoroquinolones, à l'erythromycine et la clindamycine. Actuellement les SAMR restent sensibles aux glycopeptides (vancomycine et teicoplanine). Le plus souvent les SAMR sont aussi sensibles à au moins un des antibiotiques suivants : acide fusidique, fosfomycine et rifampicine. 2.2.2. FREQUENCE L'isolement de souches de SAMR varie selon les services et les hôpitaux. Ils représentent entre 30 à 50 % des S. Aureus isolés [3]. Ce taux est à peu près identique qu'il s'agisse d'hôpitaux généraux [4] ou d'hôpitaux de l'ap-hp [5, 6]. 2.3. KLEBSIELLA PNEUMONIAE 2.3.1. DEFINITION K. pneumoniae est une entérobactérie commensale du tube digestif de l'homme et a été la première bactérie chez laquelle a été isolée une pénicillinase capable d'hydrolyser les C3G, à la fin des années 80 [8]. En fait il existe plusieurs pénicillines capables d'hydrolyser les C3G (actuellement une trentaine sont 566

Infections nosocomiales répertoriées), qui sont regroupées sous le nom de bêta-lactamases à spectre élargi ou étendu (BLSE). Ces BLSE sont transmises d'une bactérie à l'autre par des plasmides ou des transposons et sont maintenant retrouvées chez d'autres espèces d'entérobactéries comme E. coli, P. mirabilis, E. aerogenes... Cette résistance est le plus souvent partagée avec l'amikacine, mais aussi les fluoroquinolones. 2.3.2 FREQUENCE Depuis la description en 1985 des première K. pneumoniae productrices de BLSE, le nombre n'a cessé d'augmenté. Le nombre de K. pneumoniae productrices de BLSE isolées a été multiplié par 30 fois dans les hôpitaux français, entre 1985 et 1991 [5]. L'isolement des K. Pneumoniae sécrétrices de BLSE varie beaucoup d'un service à l'autre, la fréquence d'isolement étant plus élevée dans les CHU, essentiellement dans les services de soins intensifs et longs séjours [3] Dans certains hôpitaux le nombre d'isolement de K. pneumoniae avec BLSE peut atteindre 40 % des K. pneumoniae isolées [6]. Ce pourcentage est beaucoup plus faible (5 %) dans les hôpitaux généraux [4]. 2.4. ACINETOBACTER BAUMANII 2.4.1. DEFINITION A. baumanii est un germe saprophyte, répandu dans la nature, capable de survivre sur des surfaces et colonisant la peau des sujets sains. C est la bactérie aérobie stricte la plus souvent isolée dans les infections nosocomiales après P. aeruginosa. 2.4.2. FREQUENCE Le plus souvent Acinetobacter est responsable d'épidémies d'infections nosocomiales dans les services de soins intensifs [9]. Le taux d'acinetobacter responsable d'infections nosocomiales est de 4 % à l'ap-hp [6]. 2.5. ENTEROCOQUES 2.5.1. DEFINITION Le genre Enterococcus comprend plus de 15 espèces. Les espèces les plus fréquemment rencontrées en pathologie humaine sont E. faecium et E. fecalis. Ces bactéries commensales du tube digestif ont toujours été considérées comme naturellement assez résistantes. Elles sont généralement sensibles aux amino et uréidopénicillines, aux glycopeptides, mais sont naturellement résistantes aux céphalosporines. Les entérocoques peuvent devenir résistants aux glycopeptides et plus particulièrement à la vancomycine. 2.5.2. FREQUENCE La situation semble beaucoup moins préoccupante en France qu'aux Etats-Unis. Une enquête menée par A. Boisivon sur le portage d'entérocoques résistants à la vancomycine montre une incidence de 1,9 % [10], alors qu'aux Etats-Unis l'incidence dépasse 10 % [11]. 567

MAPAR 1997 2.6. STREPTOCOCCUS PNEUMONIAE 2.6.1. DEFINITION Bien que beaucoup plus souvent responsable d'infections communautaires que d'infections nosocomiales, le pneumocoque est une BMR. En effet depuis la fin des années 60 où a été décrit le premier pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline, on a isolé de plus en plus souvent des pneumocoques dont le niveau de résistance aux bêta-lactamines ne cesse de croître. Cette résistance est fréquemment associée à une résistance au cotrimoxazole et aux macrolides. 3. CONDUITE A TENIR DEVANT UNE BMR 3.1. ROLE DU MICROBIOLOGISTE Le microbiologiste intervient à plusieurs niveaux, tout d'abord, c'est lui qui isole et identifie les BMR chez les patients infectés. 3.1.1. BACTERIOVIGILANCE La collaboration entre microbiologiste et hygiéniste de même que l'informatisation des laboratoires, permet rapidement de savoir, lorsque l'on isole une BMR, s'il s'agit d'un cas isolé ou si une BMR de la même espèce a été identifiée récemment dans le service ou dans l'hôpital. 3.1.2. EST-CE LA MEME SOUCHE? Le fait d'isoler 2 souches d'une même espèce dans un même service ne peut suffir à affirmer que ces souches sont identiques (d'un point de vue génotypique). 3.1.2.1 Identification La comparaison des BMR isolées se fera tout d'abord sur l'identification biochimique de l'espèce. Bien qu'utile, la comparaison du profil biochimique de 2 bactéries est souvent insuffisante pour affirmer qu'il s'agit bien d'un même clone bactérien. 3.1.2.2. Antibiotypes La comparaison de 2 antibiogrammes peut-être décevante pour les BMR. En effet souvent il ne reste que 2 ou 3 antibiotiques actifs et le phénotype de résistance d'une BMR n'est pas toujours très informatif, mais reste cependant un des premiers critères retenus pour suspecter une épidémie. 3.1.2.3. Le sérotypage Pour certaines espèces comme P. aeruginosa nous disposons de sérums permettant de sérotyper des bactéries. L'isolement de bactéries ayant le même sérotype est plus informatif sur la suspicion d'une épidémie que la seule identification biochimique. Cette technique n'existe pas pour toutes les bactéries. 3.1.2.4. Analyse génotypique Ces méthodes développées depuis la fin des années 80, permettent d'avoir l'empreinte génétique des bactéries et donc de comparer très précisément des bactéries de la même espèce. Les techniques les plus utilisées sont : 568

Infections nosocomiales - le ribotypage (permet de comparer l'arn ribosomial des bactéries) - l'ap PCR - l'électrophorèse en champs pulsés (comme l'ap PCR cette technique permet de comparer l'adn des bactéries). 3.1.3. AVERTIR LE CLINICIEN Le rôle du microbiologiste est bien sûr d'avertir le plus vite possible le service clinique afin que des mesures de lutte contre les BMR puissent être prises. 3.2. S'AGIT-IL D'UNE EPIDEMIE? 3.2.1. DEFINITION «Une épidémie est une augmentation anormale de la fréquence d'une maladie au-delà de ce qui est attendu». Lorsqu'une BMR est isolée d'un prélèvement d'un patient, il est nécessaire d'identifier tous les patients du même service infectés ou colonisés par cette BMR. 3.3. ENRAYER L'EPIDEMIE 3.3.1. ISOLEMENT L'isolement géographique des malades porteurs de BMR, doit être réalisé soit en chambre individuelle, quand cela est possible, sinon, par regroupement dans un même secteur des malades porteurs des mêmes BMR [12]. L'isolement technique vise à diminuer tous les risques de transmission manuportée des BMR (lavage des mains, port de gant, port de surblouse, élimination des déchets,...). Elle concerne tous les intervenants auprès du malade : personnel et visiteurs [12]. Ces mesures d'isolement géographique et technique doivent permettre de diminuer la transmission croisée de BMR entre les malades et les phénomènes d'auto-infection chez un malade colonisé par une BMR [12]. A ces mesures d'isolement du malade peuvent être ajoutées des mesures de décontamination des patients. Il s'agit d'utiliser des antibiotiques ou antiseptiques à usage local afin de diminuer les réservoirs de BMR. L'efficacité de ces mesures est parfois difficile à évaluer, car elle s'inscrit dans une politique de lutte contre les BMR (isolement géographique des malades,...). Plusieurs études ont été menées pour évaluer l'intérêt de l'utilisation de la mupirocine pour diminuer le portage nasale des S. aureus, afin de diminuer les infections à SAMR [13]. Cette mesure apparaît comme une mesure d'appoint dont le rôle est difficile à préciser particulièrement lors d'épidémies [13, 14]. L'utilisation en prophylaxie, parait être d'une plus grande efficacité [13]. De même l'utilisation d'antibiotiques ayant un tropisme digestif peut-être intéressante pour décontaminer les patients porteurs d'entérobactéries multi-résistantes [15]. La décontamination doit être faite, si possible, avec des produits non utilisés en traitement curatif, afin d'éviter l'émergence de mutants résistants. 569

MAPAR 1997 3.3.2. PORTAGE Après isolement d'une BMR chez un malade, Il est nécessaire de faire régulièrement une recherche de portage de BMR, chez les autres patients du même service. Ces mesures sont à prendre bien sûr lors d'épidémies dans un service quelle que soit sa spécificité et en dehors d'épidémies et dans les services «à risques» comme les services de soins intensifs, les patients colonisés ayant un plus grand risque de s'infecter [8, 12, 16, 17]. 3.3.3. QUELS SITES PRELEVES? 3.3.3.1. Chez les malades du service Les sites à prélever dépendent du germe et de son habitat. - SAMR : prélever les narines et les plaies. - Entérobactéries sécrétrices de BLSE : écouvillonage rectal. - Acinetobacter et bacille pyocyanique : prélèvements pulmonaires (trachée...), aine et urines. 3.3.3.2. Environnement Les recherches dans l'environnement sont particulièrement intéressantes lors d'épidémies à Acinetobacter et à P. aeruginosa. 3.3.3.3. Chez le personnel Les prélèvements chez le personnel soignant sont recommandés si l'isolement du malade a échoué et que l'épidémie persiste. 4. COMMENT TRAITER UNE BMR? 4.1. BASES MICROBIOLOGIQUES DE L'ANTIBIOTHERAPIE. PLACE DES NOUVELLES MOLECULES ANTIBIOTIQUES. L'antibiothérapie utilisée pour le traitement d'une BMR doit reposer sur les données de l'antibiogramme. 4.1.1. LES ANTISTAPHYLOCOCCIQUES 4.1.1.1. Les glycopeptides Dans le traitement des infections à SAMR, le traitement de choix reste un glycopeptide (vancomycine ou teicoplanine). Il n'existe pas de différence majeure en terme de CMI entre ces 2 molécules sur les S. aureus. Le choix entre l'une ou l'autre des molécules se fera plus sur des critères de facilité d'utilisation, de toxicité et de coût. 4.1.1.2. Autres antistaphylococciques D'autres molécules telles que : acide fusidique, fosfomycine, rifampicine ont une activité antistaphyloccoccique et peuvent être utilisées en association avec un glycopeptide. En aucun cas ces molécules ne doivent être utilisées seules. D'autres associations semblent être intéressantes telles que cefpirome + vancomycine, une étude «in vitro» a montré que le cefpirome augmente significativement la vitesse de bactéricidie [18]. 570

Infections nosocomiales 4.1.1.3. Les synergistines injectables Bien que non commercialisé actuellement, le Synercid pourra offrir une alternative aux glycopeptides dans le traitement des infections graves à SAMR. Toutefois son activité bactéricide est diminuée lorsqu'il s'agit d'une souche de SAMR résistante à l'érythromycine et la lincomicine (résistance de type MLSb) [19]. 4.1.2. LES BETA-LACTAMINES 4.1.2.1. Les Pénèmes Ces molécules (imipénème et méropénème) restent le traitement de choix des entérobactéries productrices de BLSE, et/ou de céphalosporinases déréprimées et des Acinetobacter. Elles peuvent être utilisées pour le traitement des infections à P. aeruginosa à condition que celui ci soit sensible. 4.1.2.2. Les nouvelles céphalosporines (céfepime et cefpirome) Ces nouvelles molécules offrent l'avantage par rapport aux anciennes C3G, d'un spectre étendu aux Gram positif (Staphylocoques sensible à la méticilline, Streptocoques). Elles offrent une activité intéressante sur des espèces sécrétrices de céphalosporinases comme E. cloacae et S. marcescens. L'activité sur P. aeruginosa est modérée, surtout s'il s'agit de souches résistantes à la ticarcilline [7]. Par contre «in vitro» le céfépime sélectionne moins de mutants résistants [20]. CONCLUSION La lutte contre les BMR doit être une lutte quotidienne. Si on compare les données françaises à celles des autres pays européens, on constate que le nombre de BMR isolées est nettement supérieur à celui d'autres pays. En 1990, une étude européenne à permis de comparer le pourcentage d isolement de SAMR dans différents pays. En France, en Italie et en Espagne le pourcentage d'isolement des SAMR dépassaient les 30 %, alors que dans les autres pays, il était inférieur à 2 % : Danemark (0,1 %), Suède (0,3 %), Hollande (1,5 %), Suisse (1,8 %) [3]. En ce qui concerne les K. pneumoniae, la situation en France est aussi plus préoccupante que dans les autres pays européens [3]. L isolement de plus en plus fréquent des BMR, n est pas une fatalité et la diminution de l incidence et de la prévalence doivent passer par des mesures d hygiène et une meilleure utilisation des antibiotiques en pratique quotidienne (voir : Les recommandations de L'ANDEM «Le bon usage des antibiotiques à l'hôpital»). 571

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