Fiche Express Salarié protégé : contester l autorisation de licenciement L'info pratique en droit du travail. AVERTISSEMENT : Ce document ne dispense en rien de consulter un spécialiste pour adapter au besoin les règles au cas par cas. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l'auteur ne saurait être recherchée du fait de l'utilisation du guide et des modèles ci-après sans qu'il n'ait été fait appel à une analyse au cas par cas de la situation. Les exemples de jurisprudence sont donnés à titre purement indicatif et ne sauraient en aucun cas constituer une garantie de l'orientation de la jurisprudence. Toujours garder à l'esprit le principe de l'appréciation souveraine des juges du fond variable d'un Tribunal à l'autre. Par conséquent, il est en toutes circonstances impératif de solliciter les conseils d'un professionnel, avant toute action. Juritravail 2013 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail 1/8
I. Contexte et problématique Vous êtes représentant du personnel (membre du comité d entreprise, délégué du personnel, délégué syndical, ) au sein de votre entreprise et de ce fait, vous bénéficiez d une protection contre le licenciement. Votre employeur a obtenu l autorisation de l inspection du travail pour vous licencier et vous notifie cette décision. Vous souhaitez contester l autorisation administrative de licenciement et en demander l annulation. II. Avantages, risque, inconvénient : des éléments pour vous aider à prendre une décision A. Avantage : la possibilité de réintégrer votre emploi et le versement d une indemnité Si la décision de l inspecteur du travail autorisant le licenciement est annulée, le salarié protégé a le droit d'être réintégré dans l emploi qu il occupait précédemment ou, à défaut, dans un emploi équivalent et de retrouver son ancienneté 1. Il bénéficie également d une indemnité pour le préjudice qu il a subi 2. B. Inconvénient : le licenciement prononcé reste effectif L autorisation de l'inspection du travail permet à l employeur de licencier, peu important qu une action en contestation ait été engagée. En effet, un recours contre la décision de l inspecteur du travail n est pas suspensif. L annulation de l autorisation n est pas automatique. L autorité saisie devra apprécier la légalité de la décision de l inspecteur du travail au regard des éléments dont il avait 1 Article L2422-1 du Code du travail 2 Article L2422-4 du Code du travail Juritravail 2013 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail 2/8
connaissance au jour de la décision de ce dernier. C. Risque : irrecevabilité de la demande en cas de nonrespect du délai Le représentant du personnel doit demander sa réintégration dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d annulation ou de retrait. S il ne respecte pas ce délai, sa demande de réintégration est irrecevable car tardive 3. III. Vous agissez : indications de la procédure à suivre Pour contester l autorisation de licenciement accordée par l inspecteur du travail, le salarié protégé a le choix entre la mise en œuvre d un recours hiérarchique, gracieux ou d un recours contentieux (ils ne sont pas exclusifs les uns des autres). Ces recours ne sont pas suspensifs d exécution, c est-à-dire qu une fois l autorisation accordée, l employeur peut procéder au licenciement, peu importe qu un recours hiérarchique, gracieux ou contentieux ait été exercé. A. Le recours gracieux devant l inspecteur du travail Le représentant peut exercer un recours gracieux devant l inspecteur du travail dans un délai de deux mois à partir du moment où la décision d autorisation de l inspecteur du travail a été notifiée 4. L inspecteur du travail peut procéder au retrait de sa décision s il constate qu elle est entachée d une erreur de fait ou s il apparait que cette décision est illégale. Le retrait de l autorisation administrative produit les mêmes effets que son annulation : il prive de validité le licenciement. Dès lors, le salarié est en droit de demander sa réintégration, ou s il ne le souhaite pas, d être indemnisé 5. 3 Article L2422-1 du Code du travail 4 CE 3 septembre 2009, n 301095 5 Cass. Soc. 30 avril 2002, n 99-44995 Juritravail 2013 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail 3/8
B. Le recours hiérarchique/administratif devant le Ministre du travail La décision de l inspecteur du travail autorisant le licenciement peut faire l objet d un recours hiérarchique devant le Ministre du travail. Il doit exercer ce recours dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d autorisation de l inspecteur du travail 6. Le Ministre du travail a un délai de quatre mois pour rendre sa décision à compter de sa saisine. En effet, le silence gardé par l administration pendant plus de quatre mois vaut décision de rejet. Le recours hiérarchique n est pas suspensif. Ainsi, la décision de l inspecteur du travail reste applicable jusqu à son éventuelle annulation. L employeur est donc en droit de prononcer le licenciement s il y a été autorisé par l inspecteur du travail. Le Ministre du travail doit s assurer que le licenciement n est pas en rapport avec l exercice du mandat dont l élu est investi 7. Le Ministre doit apprécier la légalité de la décision de l inspecteur du travail en se plaçant à la date à laquelle il s est prononcé. En effet, en aucun cas, le Ministre ne peut s appuyer sur des faits qui seraient survenus postérieurement à la décision de l inspecteur travail 8. En revanche, si le Ministre annule la décision, il est amené à se prononcer lui-même sur la demande d autorisation. Dans ce cas, il doit statuer en fonction des éléments de droit et de fait existants à la date de sa propre décision 9. A l issue de son contrôle, le Ministre du travail peut confirmer ou annuler la décision de l inspecteur du travail. S il annule la décision d autorisation, l annulation aura pour effet de priver de validité le licenciement. Dès lors, le salarié est en droit de demander sa réintégration, ou s il ne le souhaite pas, d être indemnisé. 6 Article R2422-1 du Code du travail 7 Articles R2421-7 et R2421-16 du Code du travail 8 CE 6 juillet 1990, n 100489 9 Circ. DRT n 93-23 du 4 octobre 1993, CE 30 juin 1997, n 169269 Juritravail 2013 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail 4/8
C. Le recours contentieux devant le juge administratif Le salarié protégé peut saisir le tribunal administratif dont dépend l établissement dans lequel il travaille, pour contester : la décision de l inspecteur du travail autorisant le licenciement ; la décision du Ministre du travail ou de l inspecteur du travail, suite à un recours hiérarchique ou gracieux. Le recours contentieux doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Dans le cadre de son contrôle, le juge statue sur l'opportunité de l'autorisation, le motif de licenciement invoqué et la gravité des faits reprochés si la demande de licenciement était motivée par un comportement fautif. Le juge administratif pourra soit rejeter la demande, soit, au contraire, annuler la décision d autorisation de licenciement. En cas d annulation, le représentant du personnel sera en droit de demander sa réintégration, ou s il ne le souhaite pas, d être indemnisé. D. Les effets de l annulation de l autorisation de licenciement 1. La réintégration dans l emploi Si le salarié protégé obtient l'annulation de la décision autorisant son licenciement, suite à un recours hiérarchique, gracieux ou un recours contentieux, il a droit, s il le souhaite, d être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent, et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d annulation ou de retrait 10. La demande de réintégration doit être adressée à l employeur par lettre 10 Article L2422-1 du Code du travail Juritravail 2013 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail 5/8
recommandée avec accusé de réception et doit être envoyée en copie à l inspecteur du travail. Il doit être réintégré dans l emploi et le poste qu il occupait avant son licenciement, ou, dans un emploi équivalent. L emploi équivalent s entend d'un emploi situé dans le même secteur géographique que l'emploi initial, comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial, et permettant l'exercice du mandat représentatif 11. Il n est pas tenu de demander sa réintégration. Dans ce cas, il aura droit aux indemnités de licenciement, y compris une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L employeur ne peut pas refuser de le réintégrer 12. Ce refus constituerait un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés mettrait fin en ordonnant la réintégration 13. L employeur pourra, le cas échéant, être condamné pour délit d entrave. La modification du contrat de travail par l employeur, en l absence de toute force majeure, constitue un trouble manifestement illicite 14. Dans le cas où l'emploi précédemment occupé par un salarié protégé - dont l'autorisation de licenciement a été annulée et qui demande sa réintégration - n'existe plus ou n'est pas vacant, le refus par ce salarié d'occuper les postes équivalents proposés par l employeur ne constitue pas, par lui-même, une faute disciplinaire. Ce refus est toutefois susceptible de rendre impossible la poursuite du contrat de travail et peut dès lors constituer un motif de nature à justifier une autorisation de licenciement, s'il est invoqué par l'employeur 15. 11 Cass. Soc. 13 mai 2008, n 06-46108 12 Cass. Soc. 2 mai 2001, n 98-4634 13 Cass. Soc. 12 juin 2001, n 00-40480 14 Cass. Soc. 12 mai 1998, n 96-40378 15 CE 19 octobre 2012, n 334588 Juritravail 2013 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail 6/8
2. La réintégration dans le mandat a. Membres du CE, du CHSCT et délégués du personnel Le délégué du personnel ou le membre du comité d'entreprise dont la décision d'autorisation de licenciement a été annulée est réintégré dans son mandat si l'institution n'a pas été renouvelée 16. Dans le cas contraire, il bénéficie pendant une durée de six mois, à compter du jour où il retrouve sa place dans l'entreprise, de la protection spéciale en cas de licenciement. Le salarié investi d'un mandat de délégué du personnel, qui, après annulation de la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, a demandé à être réintégré dans son emploi, ne peut être rétabli dans ses fonctions de délégué qu'à compter de sa réintégration effective dans l'entreprise 17. Le représentant syndical au CE bénéficie également de ces dispositions 18. Les membres du CHSCT bénéficient aussi d'un droit à réintégration dans leurs fonctions représentatives 19. b. Les délégués syndicaux S agissant du délégué syndical, afin d être rétabli dans son mandat, il doit faire l objet d une nouvelle désignation. En effet, le délégué syndical doit faire l'objet d'une nouvelle désignation pour être rétabli dans le mandat qu'il exerçait avant son licenciement, la réintégration n'entraînant pas de plein droit le rétablissement de ce salarié dans son mandat 20. 16 Article L2422-2 du Code du travail 17 Cass. Crim. 17 décembre 1996, n 95-84938 18 Circ. DRT n 13 du 25 octobre 1983 et Cass. Soc. 13 février 2013, n 12-12919 19 CE 13 mai 1992, n 114604 20 Cass. Soc. 22 janvier 2002, n 00-60356 Juritravail 2013 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail 7/8
3. L indemnisation du préjudice subi Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la décision 21. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de 2 mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. L indemnisation est acquise au salarié indépendamment d'une faute de l'employeur ou d'une demande de réintégration du salarié, dès l'instant qu'une décision d'annulation de l'autorisation administrative est devenue définitive 22. L'indemnité allouée au salarié en réparation du préjudice subi entre son licenciement et sa demande de réintégration ne dispense pas l'employeur de le réintégrer 23. 21 Article L2422-4 du Code du travail 22 Cass. Soc. 21 janvier 1998, n 95-45253 23 Cass. Soc. 2 mai 2001, n 98-46342 Juritravail 2013 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail 8/8