Enseigner la natation Éléments d analyse didactique. La natation sportive consiste en un déplacement finalisé et autonome, sans équipement particulier (des lunettes sont toutefois généralement utilisées), sans reprise d appuis solides, dans le but de réaliser une performance évaluée selon des critères d espace et de temps. La natation sportive comprend plusieurs styles de nage codifiés (nage libre, dos, brasse, papillon) et épreuves (distance, course individuelle ou par équipe). L activité est régie par la logique interne : réaliser une performance mesurée dans l espace et dans le temps. Elle pose 4 problèmes fondamentaux (communs aux activités aquatiques), liés à une modification de l activité habituelle du terrien : - Équilibration : le corps flotte dans l eau et l équilibre y est le plus souvent horizontal (soit l inverse de l équilibre sur la terre ferme). - Respiration : on ne peut pas respirer sous l eau et la respiration spontanée du terrien doit être transformée car l expiration implique un effort lié à la pression exercée par l eau sur le corps. - Propulsion : la propulsion aquatique passe prioritairement par l action des bras, les jambes ayant surtout une fonction d équilibration (c est l inverse pour le terrien). - Information : les informations proprio-perceptives deviennent prioritaires car les informations visuelles sont insuffisantes pour se déplacer. La perturbation de ces quatre fonctions essentielles du terrien conduit à une sollicitation particulière des ressources. Les ressources énergétiques sont sollicitées selon l intensité et la durée de l effort, mais la dépense énergétique est d autant plus forte que le niveau technique de l individu est faible. Les ressources motrices sont sollicitées selon les différentes techniques d entrée dans l eau (plongeon ), de déplacement (coulée sous l eau), de nage (nage ventrale alternée type crawl ; nage alternée dorsale ; nage ventrale symétrique type brasse avec tête émergée, etc.) et selon les coordinations et dissociations segmentaires en jeu. Les ressources affectives sont sollicitées en lien avec les émotions négatives (peur, etc.) ou positives (bien-être, sensation de glisse, etc.) procurées par un milieu pouvant être perçu comme dangereux, et le but poursuivi (jeu, compétition, etc.). Les activités aquatiques participent de façon spécifique chez l élève à : - L éducation motrice (développement des capacités motrices ) ; - L éducation cognitive (connaissance de soi, du corps, du milieu aquatique ) ; - L éducation psychologique (maîtrise de soi ) ; - L éducation sociale (autonomie, responsabilité, sécurité, éducation à la santé ). Elles sont également reconnues pour leur effet bénéfique sur la santé publique.
Les orientations des textes officiels. L acquisition d une autonomie aquatique minimale constitue un préalable à la recherche d une performance. Celle-ci est appréhendée à travers une distance à réaliser (augmentant entre les cycles 2 et 3) et non pas à travers un temps. Les habiletés motrices à maîtriser et/ou à enchaîner définissent aussi une progression d apprentissage. Programmes BO 2011 Cycle 2 Cycle 3 Se déplacer sur une quinzaine de mètres. Se déplacer sur une trentaine de mètres. Se déplacer sur une quinzaine de mètres sans aide à la flottaison et sans reprise d appui. Se déplacer sur une trentaine de mètres sans aide à la flottaison et sans reprise d appui. Ex : se déplacer sur 25m, effectuer un virage, une coulée et une reprise de nage pour gagner le bord. BO 2012 Cycle 2 Se déplacer S équilibrer Enchaîner des actions Exemples en CP En autonomie sans reprise d appui ni aide à la flottaison sur 5 à 8m. Se laisser porter, s appuyer sur une planche, varier les positions (ventrales/dorsales). Chercher à augmenter la distance et à limiter le nombre d appuis. Exemples en CE1 En variant les modes de propulsion (bras simultanés ou en alternance). Rechercher l équilibre tête-tronc, rester quelques secondes sur place tête hors de l eau. Sauter dans l eau, remontée passive en boule, se déplacer en ventral/dorsal. Cycle 3 Exemples d acquisitions pour propulsionrespiration Exemple d acquisitions pour enchaîner des actions. Objectif du cycle : connaître et utiliser plusieurs formes d appui et de propulsion dans l eau. Coordonner respiration et propulsion pour nager vite ou longtemps. Utiliser une respiration aquatique, améliorer l efficacité des mouvements propulsifs. Enchaîner coulée, déplacement ventral sur 25m, passage sur le dos, virage. Enchaîner coulée, déplacement ventral sur 25m, passage sur le dos, virage. Repères et outils didactiques. L enseignant peut concevoir des situations en lien avec différents objets d enseignement : entrée dans l eau, se déplacer, gérer sa respiration, etc. Pour cela, il peut utiliser des situations ludiques faisant appel à l imagination et à l univers familier des enfants (ex : un parcours aquatique sous forme d aventure ou de conte pour enfants ; deux élèves réalisent une course ; un doit rattraper l autre ). Parmi les démarches pédagogiques actuelles, on relève qu il est fréquent de partir des représentations initiales qu ont les élèves du milieu aquatique afin de les faire évoluer, notamment parce que ces représentations constituent souvent des obstacles aux apprentissages. Les savoirs sécuritaires impliquent des situations fermées et, généralement, des démonstrations de l enseignant (ex : comment entrer dans l eau). Les actions interdites doivent être expliquées (ex : courir dans la piscine, aller dans l eau sans y avoir été invité). Un matériel spécifique permet de renforcer la sécurité des élèves (ex : une perche).
Il est possible d induire une adaptation au milieu grâce à du matériel permettant de mieux flotter (tapis, planche, frite, pull-buoy en mousse ), d orienter le déplacement dans l eau (ligne d eau, perche ) ou sous l eau (objets lestés posés au fond ) ; mais aussi de proposer des situations de résolution de problème (ex : découvrir que l orientation et la vitesse des actions des bras ou des jambes conditionnent l efficacité d un déplacement). D autres variables didactique sont utilisées : l espace, le temps, les autres, le corps Présentation d une progression d apprentissage en natation au CM2. Hypothèse : les élèves ont pratiqué la natation au C2, en développent la compétence de fin de C2 préconisée dans le BO de 2012 : «Se déplacer sur une quinzaine de mètres sans aide à la flottaison et sans reprise d appui» ; ils ont bénéficié d une UA en CE2 ou en CM1. En CM2, l enseignant peut donc viser plus précisément la compétence «Se déplacer sur une trentaine de mètres sans aide à la flottaison et sans reprise d appui». Dès la première séance, il propose aux élèves de passer un test : sauter ou plonger, se déplacer sous l eau et passer dans un obstacle immergé (cerceau) placé à 5m du bord, effectuer un surplace (5 à 10s), se déplacer sur 30m en aller-retour sans reprise d appui et sans matériel (nage ventrale alternée). L enseignant peut observer plusieurs comportements témoignant de diverses difficultés d apprentissage. Difficultés à se déplacer sur 30m : certains s arrêtent avant la fin de la longueur de 25m et rejoignent le bord ; certains relèvent la tête pour respirer, repartent en nage, mais finissent par rejoindre le bord également. Ces comportements peuvent s expliquer par : - Des problèmes respiratoires : les élèves ont besoin de reprendre leur respiration. Ils sortent la tête de l eau pour expirer, perdent l équilibre horizontal, ce qui entraine une grande dépense énergétique lorsqu ils repartent en nage ventrale. - Des problèmes moteurs : le trajet moteur n est pas efficace, il manque d amplitude ou n est pas réalisé dans l axe du déplacement = mauvais rendement énergétique et épuisement. Suite à l évaluation, l enseignant peut mettre en place une progression d apprentissage visant à augmenter l autonomie de nage, en proposant des situations permettant d améliorer la respiration aquatique et l efficacité des actions propulsives. Les SA permettront d améliorer l efficacité du trajet moteur et une expiration aquatique complète, permettant une inspiration rapide en dehors de l eau tout en restant en mouvement. L enseignant pourra poursuivre ces deux objectifs parallèlement, tout en mettant l accent dans un premier temps sur l amélioration de la respiration aquatique, combinée à une nage ventrale. Il pourra ensuite mettre l accent sur l amélioration du trajet moteur, tout en restant sur une respiration aquatique efficace. Cet ordre de priorité tient du fait qu une respiration aquatique efficace permet le maintien de l équilibre horizontal (nécessaire à la continuité des actions propulsives des membres supérieurs pour permettre un travail efficace). En natation, les progrès dans l autonomie de nage impliquent de développer d abord l amplitude, puis la fréquence de nage.
Illustration de situations d apprentissage en natation en CM2. Les SA sont régies par des règles de sécurité : on ne court pas, on n entre pas dans l eau sans autorisation, on ne s immerge pas sans en avoir reçu la consigne Situation 1 : nager en soufflant dans l eau. Objectif : enchaîner expirations longues et inspirations brèves en nageant. But : nager en expirant complètement dans l eau, sortir la tête le moins longtemps possible pour inspirer rapidement. Critère de réussite : augmenter le nombre de mouvements de bras par expiration, entre chaque essai. Aménagement matériel et humain : nage dans le sens de la largeur du bassin, soit sur 15m. Plots. Les élèves travaillent par binômes (d affinité) en autonomie sur un contrat. Règles de fonctionnement : un nageur (mouvement des bras du crawl), un observateur (compte le nombre de mouvements de bras effectués le temps d une expiration). Alternance nageur/observateur à chaque passage. Cinq essais chacun. Consignes : souffler le plus de temps possible jusqu à ne plus avoir d air dans les poumons, puis sortir la tête sur le côté et inspirer le plus vite possible et reprendre la nage. Variables didactiques et évolution de la situation : - Avec un pull-buoy entre les jambes (au niveau des genoux) pour faciliter l horizontalité du corps. - Augmenter la longueur de déplacement en soufflant dans l eau et en inspirant sur le côté, sur une distance plus longue (plots situés tous les 2m sur le bord de la piscine). - Travailler avec une planche tenue alternativement par chaque main (s appuyer dessus lors de l inspiration aérienne pour éviter le déséquilibre). Observables : Niveau 1 : position oblique, tête relevée, inspiration et expiration aériennes. Niveau 2 : position horizontale, tête placée dans l axe du tronc, expiration aquatique et arrêt pour inspirer. Niveau 3 : position horizontale, tête placée dans l axe du tronc, expiration aquatique, pas d arrêt pour inspirer. Situation 2 : battre son propre record. Objectif : augmenter l efficacité des actions propulsives en augmentant l amplitude des mouvements de bras en nage ventrale alternée. But : traverser en diminuant le nombre de mouvements de bras. Critère de réussite : après cinq essais, diminuer le nombre de mouvements de 2 par rapport au premier essai. Aménagement matériel et humain : la situation est réalisée dans le sens de la largeur du bassin, soit sur 15m. Les élèves sont répartis par binômes, en autonomie sur un contrat. Règles de fonctionnement : un nageur (mouvement des bras du crawl) d un bout à l autre de la largeur, un observateur (compte le nombre de mouvements de bras). Alternance nageur/observateur à chaque traversée pour une récupération suffisante. Le nageur doit conserver un équilibre horizontal du corps, expirer dans l eau pour sortir la tête le moins longtemps possible lors de l inspiration. Consigne au départ de la SA : le bras entre dans l eau en étant tendu devant soi (contact épaule/oreille), et pousse l eau vers l arrière (contact main/cuisse). Variables didactiques et évolution de la situation : - Avec un pull-buoy entre les jambes (au niveau des genoux) pour favoriser l équilibre horizontal. - Avec une planche tendue devant soi avec une main (en nage «rattrapée» pour favoriser l équilibre horizontal).
Observables : Niveau 1 : position oblique, mouvement des bras très rapide, inspiration et expiration aériennes. Niveau 2 : position oblique, trajet des mains de faible amplitude, tête relevée, inspiration et expiration aériennes. Niveau 3 : position horizontale, trajet des mains de grand amplitude (loin devant et loin derrière), tête placée dans l axe du tronc, expiration aquatique.